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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 4 avril 2024, n° 22/03685

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Audap (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Me Mollat

Conseillers :

Mme Pelier-Tetreau, Mme Lachèze

Avocats :

Me Delachaux, Me Rubinsohn, Me Kochoyan, Me Rubaudo

T. com. Paris, 5 nov. 2021, n° 202004359…

5 novembre 2021

Exposé des faits et de la procédure

La société à responsabilité limitée Audap a été créée en 2000 initialement sous forme d'une société anonyme avant sa transformation en SARL en 2011.

Elle exerce une activité de holding.

Les 1300 parts composant le capital social étaient répartis comme suit :

- Monsieur [S] [H] l 081 parts

- Madame [L] [K] : 217 parts

- Madame [V] [I] épouse [F] : 1 part

- Monsieur [A] [F]: 1 part.

Monsieur [S] [H] en était le gérant de droit.

La société Audap a constitué le ler décembre 2005 la société unipersonnelle d'exploitation dénommée Laredo dont Madame [L] [K] était désignée gérante de droit le 12 décembre 2009.

Madame [L] [K] et Monsieur [S] [H] ont été concubins pendant plus de vingt années.

Monsieur [S] [H] est décédé le [Date décès 6] 2015 laissant à sa succession ses deux enfants [U] et [E].

La gérance de la société Audap est devenue vacante.

Après échanges infructueux avec Mme [K] entre autres autour de la société Audap, les héritiers de Monsieur [S] [H] ont dans un premier temps introduit une instance en référé devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris à l'encontre de la société Audap pour voir désigner un mandataire ad'hoc aux fins de convoquer l'assemblée générale de la société Audap.

Une ordonnance de référé faisait droit à leur demande le 21.04.2017 désignant Me [T] avec pour mission de :

- Se prononcer quant à l'agrément de la succession ;

- Procéder à l'évaluation financière de la SARL Audap et de l'ensemble des structures qui la composent ;

- Émettre un vote pour le compte des parts temporairement dépourvues de titulaire ;

- Désigner un nouveau gérant.

Une assemblée générale était réunie par le mandataire ad'hoc le 13.10.2017 après convocation en date du 22.09.2017 de tous les associés indiquant l'ordre du jour tel que fixé par l'ordonnance de référé.

Seuls madame et monsieur [H] étaient présents à cette assemblée générale.

Ils votaient leur agrément en qualité d'associé de la société Audap à l'unanimité.

Aucun gérant n'était cependant désigné.

Parallèlement à l'organisation de cette assemblée générale Mme [K] consultait par écrit les associés selon consultation du 2.10.2017, sans cependant inclure dans les associés Monsieur et Madame [H], et par délibération en date du 10.01.2017 issue de la consultation était désigné en qualité de gérante de la société Audap.

Madame [K] formait tierce opposition à l'ordonnance de référé du 21.04.2017, par assignations des 18 et 19.10.2017 et contestait la qualité à agir de [U] et [E] [H], enfants de l'associé, puisque ceux-ci n'avaient pas sollicité leur agrément.

Par ordonnance de référé en date du 17.11.2017 confirmée par arrêt de la cour d'appel, le juge des référés déboutait Mme [K] de ses demandes retenant qu'il n'y avait pas lieu de prévoir un quelconque agrément.

Les consorts [H] ont accepté la succession de leur père le 11.02.2019.

Par actes d'huissier en date des 20.09 et 1.10.2020 les consorts [H] ont fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Audap et Madame [K] pour :

- voir annuler la délibération du 10.10.2017, l'assemblée générale ordinaire du 28.10.2019, la consultation écrite du 15.09.2020 et la délibération du 30.09.2020, la consultation écrite du 15.09.2021 et la délibération du 30.09.2021

- et pour voir désigner un administrateur provisoire aux fins de gérer la société et de convoquer une assemblée générale avec pour ordre du jour :

- une résolution relative au transfert du siège social de la société,

- une résolution relative à la désignation du gérant,

- une résolution relative au mandat à donner à une entreprise pour évaluer les parts sociales de la société

- des résolutions relatives l'approbation des comptes 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019.

Par jugement en date du 5.11.2021 le tribunal de commerce de Paris a:

- débouté Mme [K] et la société Audap de leur demande d'irrecevabilité

- annulé la délibération du 10.10.2017 sur consultation écrite du 2.10.2017 et l'ensemble des assemblées générales, consultation écrite et délibérations postérieures en découlant

- désigné Me [Z] de la Selarl Ascagne en tant qu'administrateur provisoire avec pour mission de gérer la société et de convoquer une assemblée générale avec la mission proposée par les demandeurs, les frais de l'administrateur provisoire devant être avancés par la société et remboursés par Madame [K]

- condamné Mme [K] à payer aux consorts [H] la somme de 3000 euros à chacun à titre de dommages et intérêts outre 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que la désignation de Mme [K] votée à 16,847% du capital, c'est à dire sans les héritiers de Monsieur [H] non consultés, était irrégulière et qu'en outre un administrateur provisoire avait été désigné par ordonnance de référé du 2104.2017. Il a donc annulé la délibération du 10.10.2017 ayant désigné Mme [K] en tant que gérante et toutes les assemblées générales et consultations écrites postérieures.

Madame [K] a formé appel de la décision par déclaration d'appel en date du 14.02.2022.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 15.01.2024, Mme [K] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement du 5 novembre 2021 en ce qu'il a :

- confié à Maître [J] [Z] mandat judiciaire de donner mandat à un cabinet d'expertise aux fins d'évaluer la valeur des parts d'Audap,

- condamné Madame [K] à rembourser à la société Audap les frais exposés pour la désignation de l'administrateur provisoire et l'exercice de la mission ;

- condamné Madame [K] à payer à Monsieur [S] (erreur matérielle, lire [E]) [H] et à Madame [U] [H] la somme de 3.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts

- Condamné Madame [L] [K] à payer à Monsieur [S] (erreur matérielle, lire [E]) [H] et Madame [U] [H] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civil ainsi qu'aux dépens

CONFIRMER le jugement pour le surplus ;

DEBOUTER Monsieur [E] [H] à Madame [U] [H] de toutes demandes contraires ;

CONDAMNER in solidum Monsieur [E] [H] à Madame [U] [H] aux dépens et à la somme de 3 000,00 € au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que suite au décès de Monsieur [H] une difficulté s'est présentée de désignation d'un nouveau gérant, qu'il lui est apparu qu'elle ne pouvait convoquer une AG et qu'en tout état de cause la procédure d'agrément était applicable aux héritiers de monsieur [H] qui auraient pu présenter une telle demande, que les consorts [H] ont préféré assigner la société Audap en référé mais que le mandataire ad'hoc désigné n'avait pas pour mission de gérer la société, mais uniquement de convoquer une AG, que parallèlement elle a pris connaissance de courriers urgents des services fiscaux compte tenu de la déshérence de la société depuis deux ans et que dans ces conditions pour préserver la société et éviter des frais judiciaires injustifiées elle a convoqué une assemblée générale par consultation écrite et a été désignée comme gérante de la société puis a engagé une procédure en tierce opposition.

Elle fait valoir que le mandataire a convoqué une assemblée générale qui s'est réunie le 13.10.2017 mais qui n'a pas désigné de gérant.

Elle expose qu'elle a découvert progressivement le fonctionnement de la société Audap étant précisé que Mme [U] [H] a été destinataire de nombreux courriers concernant cette société et en conséquence était plus au courant du fonctionnement de la société qu'elle.

Elle expose n'avoir prélevé aucune rémunération pour la gestion de la société.

Elle indique avoir poursuivi son mandat de gestion de la société Laredo dont elle a fait une société bénéficiaire dont la valeur a augmenté.

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 24.01.2024 Monsieur [E] [H] et Madame [U] [H] demandent à la cour de :

REJETANT TOUTES DEMANDES, FINS ET CONCLUSIONS CONTRAIRES COMME INJUSTES ET MAL FONDEES

CONFIRMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

CONFIRMER L'ANNULATION DE LA DELIBERATION DU 10 OCTOBRE 2017 SUR CONSULTATION ECRITE DU 2 OCTOBRE  2017

Vu les dispositions des articles L235-1 et suivants du Code de commerce,

Vu plus particulièrement les dispositions de l'article L. 235-9 du Code de commerce

CONSTATER que la prescription de l'action des associés court à compter du 10 octobre 2017.

CONSTATER la qualité d'associés des héritiers [H].

DIRE l'action en nullité recevable.

PARTANT CONSTATER que la consultation écrite a été faite sans consulter les associés indivis [U] et [E] [H].

CONSTATER que la consultation écrite a été faite par Madame [L] [K] qui ne disposait d'aucune qualité à cette fin.

CONSTATER qu'au regard des statuts d'Audap, aucune désignation de gérant ne peut intervenir sans vote des associés représentant au moins 50 % des droits de vote.

EN CONSEQUENCE

CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS ET DIRE ET JUGER de nul effet la délibération du 10 octobre 2017 sur consultation écrite du 2 octobre 2017.

CONFIRMER L'ANNULATION DES DELIBERATIONS REALISES SUR CONVOCATION ET/OU CONSULTATION ECRITE DE MADAME [K] 'ES QUALITE DE GERANT':

Vu les dispositions des articles L235-1 et suivants du Code de commerce,

Vu plus particulièrement les dispositions de l'article L. 235-9 du Code de commerce

CONSTATER l'absence de gérant dûment désigné pour Audap.

CONSTATER l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale du 28 octobre 2019 et de la consultation écrite du 15 septembre 2020, du fait du défaut de qualité de Madame [L] [K].

CONSTATER l'irrégularité des consultations écrites des 30 juin et 30 septembre 2021.

CONFIRMER L'ANNULATION de l'assemblée générale ordinaire du 28 octobre 2019.

CONFIRMER L'ANNULATION de la consultation écrite du 15 septembre 2020 et la délibération du 30 septembre 2020.

CONFIRMER L'ANNULATION de la consultation écrite du 15 septembre 2021 et la délibération du 30 septembre 2021.

CONFIRMER LA DESIGNATION D'UN MANDATAIRE JUDICIAIRE AUX FINS DE CONVOQUER UNE ASSEMBLEE GENERALE POUR DESIGNER UN GERANT

Vu les dispositions de l'article L.223-27 du Code de commerce

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a désigné Maître [J] [Z] aux fins de:

- Gérer la société Audap

- Convoquer une assemblée générale de la Société Audap avec pour ordre du jour :

o Une résolution relative au transfert du siège social de la société Audap à [Localité 11] à l'adresse suivante : [Adresse 1]

o Une résolution relative à la désignation d'un nouveau gérant pour Audap

o Une résolution relative au mandat à donner à une entreprise pour évaluer la valeur des parts d'Audap.

o Une résolution relative à l'approbation des comptes annuels des exercices clos au 31 décembre 2015, 2016, 2017 et 2018 tenant l'annulation de l'assemblée générale du 28 octobre 2019.

o Une résolution relative à l'approbation des comptes pour l'exercice clos au 31 décembre 2019 tenant l'annulation de la consultation écrite du 15 septembre 2020 et de la délibération du 30 septembre 2020.

o Dit que la société Audap prendra en charge les frais exposés pour la désignation de l'administrateur provisoire et l'exercice de sa mission, et condamné Mme [K] à les lui rembourser.

CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS SUR LA REPARATION DU PREJUDICE SUBI PAR LES HERITIERS [H]

Vu les dispositions de l'article 1240 du Code civil,

CONSTATER la faute commise sciemment par Madame [K] à l'encontre des héritiers [H].

RECTIFIER l'erreur matérielle du jugement relative à l'identification de l'indivision [H] (Madame [U] [H] et Monsieur [E] [H] et non Madame [U] [H] et Monsieur [S] [H]).

CONDAMNER Madame [L] [K] à payer à Madame [U] [H] et Monsieur [E] [H] la somme de 10.000,00 (DIX MILLE) euros chacun en réparation du préjudice moral subi.

SUR LES IRREPETIBLES ET LES DEPENS

Vu les dispositions de l'article 514 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Madame [K] à payer aux Consorts [H] la somme de 5.000,00 (cinq mille) euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS ET DIRE ET JUGER que les frais et dépens de la procédure, y compris ceux exposés pour la désignation du mandataire judiciaire et l'exercice de sa mission, seront pris en charge par la société Audap et de Madame [L] [K].

CONDAMNER Madame [K] aux entiers dépens en ce compris les frais d'huissier.

Ils font valoir les grandes difficultés qu'ils ont rencontrées pour avoir accès aux informations concernant la société Audap alors même que celles-ci leur étaient indispensables dans le cadre de la succession de leur père, que Madame [K] n'a cessé de se soustraire à leurs demandes d'information entre autres en engageant des actions en justice infondées mais également en contestant leur qualité d'associés faute d'agrément par la société et enfin en se faisant désigner irrégulièrement comme gérante, leur imposant d'engager la procédure dont le jugement est pour partie critiquer aujourd'hui.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 9.01.2024 la société Audap demande à la cour de statuer ce que droit et la condamnation de Mme [K] à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [O] concubin de Mme [U] [H] a été désigné en qualité de gérant de la société Audap par décision de l'assemblée générale du 21.10.2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les dispositions du jugement qui sont critiquées

La cour constate que l'appel interjeté par Mme [K] est un appel limité à certains chefs de décision et que ne sont pas remis en cause les dispositions du jugement ayant annulé la délibération ayant désigné en qualité de gérante de Mme [K] et les assemblées générales, consultations écrites et délibérations qui en découlent, ni les dispositions du jugement ayant désigné un administrateur provisoire.

En conséquence il n'y a pas lieu de procéder aux constats ou aux confirmations en relation avec les dispositions non critiquées demandés par les consorts [H], étant au surplus rappelé que les demandes de constat ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la désignation d'un administrateur provisoire et sur la prise en charge de ses frais par Mme [K]

Madame [K] soutient que la vacance de la gérance de droit n'est pas un cas par principe d'ouverture de l'administration provisoire, à partir du moment ou la société est en mesure de fonctionner, fût-ce sous la désignation d'un gérant de fait ou irrégulièrement désigné, que la vacance de la gérance en l'espèce a pour seul origine l'incapacité qui est celle de la succession, représentant les associés majoritaires, depuis 2017, et à chaque fois qu'ils en ont été requis de le faire, de pourvoir à la désignation d'un gérant dans la mesure où ils refusent de voir désigner Mme [K] comme gérant et refusent de voir désigner tout autre gérant.

Elle indique qu'il est donc injustifié de lui faire supporter les frais de l'administration provisoire qui sont exposés dans l'intérêt de la société.

Les consorts [H] soutiennent que le comportement de Madame [K] (qui a fait obstacle à l'intégration des héritiers [H] en faisant feu de tout bois depuis le décès de Monsieur [S] [H], et qui a, également, fait fonctionner le compte courant d'associé de la société Audap au sein de la société Laredo à découvert pour éviter d'avoir à faire voter une remontée de dividendes qu'elle aurait dû partager avec les associés d'Audap, alors même qu'il était plus simple de valider en tant que gérant d'Audap l'augmentation de sa rémunération pour la direction de Laredo...) justifie pleinement que les frais liés à l'administration provisoire soient mis à sa charge.

Ils exposent qu'il ressort d'une jurisprudence constante que les juges du fond qui constatent qu'un des associés d'une SARL est responsable de la nomination d'un administrateur provisoire peut mettre à la charge les frais de l'intervention de l'administration malgré l'utilité de ladite intervention pour la société, qu'en l'espèce la mission de l'administrateur provisoire était justifiée au regard du blocage créé par Mme [K].

Sur ce

Les statuts de la société, faisant en cela application des dispositions légales régissant les SARL, stipulent dans leur article 3 qu'en cas de décès du gérant tout associé peut convoquer une assemblée générale à la seule fin de remplacer le gérant décédé.

La cour constate que, alors que la désignation d'un gérant en remplacement de Monsieur [H], ne présentait pas de difficulté en application des statuts qui permettaient dès 2015, la convocation d'une assemblée générale par Mme [K] principale actionnaire après Monsieur [S] [H], pour procéder au remplacement de celui-ci, le processus de désignation a été inutilement compliquée du fait du comportement d'opposition systématique et répétée de Mme [K] à l'égard des héritiers de Monsieur [H].

Celle a en effet soutenu, dans un premier temps, qu'elle ne pouvait rien faire et que les héritiers devaient agir pour solliciter leur agrément.

Après que les héritiers ont obtenu une ordonnance de référé désignant un mandataire ad'hoc pour réunir une assemblée générale pour qu'il soit procédé à leur agrément et à la désignation d'un gérant, Mme [K], modifiant en cela la position qui avait été la sienne pendant les deux années précédentes, a organisé une consultation écrite des associés pour voir désigner un gérant, en sa personne, en écartant de ce processus de décision les héritiers au prétexte qu'ils n'avaient pas été agréés comme associés.

Au surplus cette consultation irrégulière des associés a été organisée alors que le mandataire ad'hoc désigné par le juge avait adressé ses convocations et la désignation de Mme [K] en qualité de gérant résulte d'une délibération du 10.10.2017 quand l'assemblée générale régulièrement convoquée et réunie, à laquelle l'appelante n'a pas participé, s'est tenue le 13.10.2017.

On comprend en réalité que cette modification de comportement a été justifiée par les conséquences graves que la déshérence de la société Audap allait avoir sur la société Laredo, sa filiale, société que Mme [K] gérait et dont elle tire ses revenus.

Madame [K] a ensuite formé une tierce opposition à l'encontre de l'ordonnance de référé, pour s'opposer à la désignation d'un mandataire ad'hoc pour réunir une assemblée générale, tierce opposition qui a été rejetée par le tribunal puis par la cour.

La cour constate cependant que les consorts [H] après la réunion de l'assemblée générale du 13.10.2017 n'ont pas su utiliser les moyens de droit assez simples qui étaient à leur disposition, en qualité d'actionnaires très majoritaires de la société Audap en demandant en particulier dès 2018 la mise à l'ordre du jour de la désignation d'un co-gérant ou le remplacement de Mme [K] comme gérante de la société Audap.

On comprend par ailleurs des éléments produits que la demande d'annulation de la désignation de Mme [K], qui semble tardive puisqu'engagée presque trois ans après la désignation de l'appelante comme gérante, s'explique en réalité par les difficultés qui ont persisté autour de la gestion de la société Audap et en particulier sur la position du gérant de la société Audap, Mme [K], dans les décisions concernant la société Laredo autour de deux questions principales :

- le montant des rémunérations du gérant de la société Laredo qui était également Mme [K] ;

- et sur l'absence de remontée de dividendes de la société Laredo, société d'exploitation dégageant des bénéfices, à sa holding qui n'avait pas d'autres sources de revenus et dont la situation financière était préoccupante.

Cependant, quand bien même les relations étaient dégradées et difficiles entre les consorts [H] et Mme [K] la désignation d'un administrateur provisoire, dont l'utilité est avérée, procède tout autant du comportement de Mme [K] que de l'absence d'utilisation par les consorts [H] des dispositions statutaires qui leur permettaient de reprendre le contrôle de la société.

Le fait que les consorts [H] soient des profanes en droit des sociétés ne saurait justifier que les frais engendrés par le recours à un tiers à la société pour assurer la gestion de celle ci et la réunion d'une assemblée générale soient mis à la charge unique de Mme [K].

En conséquence il convient d'infirmer la décision entreprise et de mettre à la charge de la société Audap le coût de l'intervention de l'administrateur provisoire.

Sur la mission de l'administrateur provisoire

Madame [K] expose que la mission d'évaluation des parts sociales n'est pas de l'intérêt social de la société, et qu'il n'existe aucune hypothèse légale dans laquelle le détenteur de titres sociaux peut faire prendre en charge par la société partiellement détenue des honoraires de conseil destinés à lui donner une estimation de la valeur patrimoniale que personnellement il détient.

Les consorts [H] exposent qu'il n'était pas demandé à l'administrateur provisoire de faire évaluer les parts de son propre chef mais de soumettre cette dépense à une assemblée générale des associés.

Sur ce

Il résulte du rapport de l'administrateur provisoire désignée que celle-ci, faisant le constat de la disparition de tout affectio societatis, préconise de procéder à l'évaluation de la société Audap pour envisager le rachat des titres par Mme [K], les consorts [H] ayant dès 2017 indiqué qu'ils souhaitaient liquider leurs participations dans les sociétés créées par leur père.

La cour constate par ailleurs que compte tenu de l'absence de remontée de dividendes de la part de la société Laredo vers la société Audap sa mère pendant plusieurs années, alors même que la société Laredo dégageait des bénéfices, la valorisation de la société Audap sur la base des comptes sociaux ne reflètait pas la réalité.

Enfin l'hostilité et la méfiance qui régissent les rapports entre les parties ne permettent pas de procéder à une évaluation de la société sur des bases partagés.

Il en résulte que la demande d'évaluation des parts sociales de la société, loin d'être une opération effectuée au seul bénéfice de la succession [H] relève de l'intérêt de la société Audap.

La décision ayant donne pour mission à l'administrateur provisoire de mettre à l'ordre du jour une résolution relative au mandat à donner à une entreprise pour évaluer les parts sociales de la société est donc confirmée.

Sur les dommages et intérêts

Madame [K] conteste sa condamnation à des dommages et intérêts indiquant qu'aucune des décisions judiciaires rendues n'a relevé à son encontre un abus du droit d'ester ou une résistance abusive. Elle indique qu'elle n'a jamais contesté les droits des consorts [H] exposant que si elle leur a demandé de présenter une demande d'agrément c'est bien parce qu'elle reconnaissait ces droits et rappelle que ce sont les consorts [H] qui ont commencé par se déclarer judiciairement soumis à la procédure d'agrément.

Elle indique qu'aucun élément objectif ou légal ne vient étayer l'affirmation s'agissant du fait qu'elle aurait empêché les consorts [H] de procéder à l'évaluation d'un actif successoral et rappelle d'une part qu'en tant qu'associée minoritaire elle n'est légalement tenue de communiquer aucun document social à un associé majoritaire et qu'une fois désignée comme gérante elle a fait établir des bilans auxquels la succession a eu accès.

Elle indique qu'elle n'était pas responsable du fait que l'entreprise était en deshérence.

Les consorts [H] demandent la confirmation en soutenant qu'ils ont souffert d'une continuelle mise à l'écart et d'un refus systématique de communication des éléments indispensables pour solder une succession ouverte en octobre 2015 et qu'ils ont subi un préjudice moral.

Sur ce

Le jugement entrepris pour partie se prononce d'une part sur la nullité de la désignation de Mme [K] comme gérante et des décisions sociales postérieures en découlant et d'autre part sur la désignation d'un administrateur provisoire.

L'action en nullité de la désignation de Mme [K] a été accueillie par le tribunal et cette décision ne fait pas l'objet de critique devant la cour.

Il y a lieu de souligner que contrairement à ce que Mme [K] présente, le comportement dont elle a fait preuve est fautif: en effet Mme [K] a procédé à une consultation écrite pour se voir désigner en qualité de gérante alors même qu'une assemblée générale était convoquée par le mandataire ad'hoc désigné par le juge des référés avec, entre autre, à l'ordre du jour la désignation d'un gérant. Les convocations étant datées du 22.09.2017 Mme [K] était donc parfaitement au courant de la réunion de l'assemblée générale lorsqu'elle a initié la consultation écrite. Par ailleurs Mme [K] n'a pas adressé cette consultation écrite aux héritiers de Monsieur [H] démontrant une volonté affirmée de les écarter du processus de désignation du gérant. Le fait que selon elle il était nécessaire que ceux ci soient d'abord agréés avant de pouvoir participer aux décisions collectives est particulièrement spécieux car il lui suffisait de participer à l'assemblée générale prévue le 13.10.2017 pour que l'obstacle allégué soit levé.

En se faisant désigner comme gérante aux termes d'un processus de consultation vicié, qu'elle a organisé, et qui a imposé aux actionnaires d'engager une action en nullité, Madame [K] a commis une faute.

Sa condamnation au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 3000 euros pour chacun des actionnaires indivis est justifiée et la décision est donc confirmée sauf à procéder à la rectification de l'erreur matérielle affectant le prénom de Monsieur [H] qui est [E] et non [S].

Sur les demandes en dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700

La décision de première instance était pleinement justifiée s'agissant des deux demandes principales en nullité de la délibération du 10.10.2017 et de désignation d'un administrateur provisoire de telle sorte que c'est à juste titre que Mme [K] a été condamnée à payer aux consorts [H] une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente procédure en appel ne se justifiait que très partiellement de telle sorte qu'il apparait inéquitable de laisser les consorts [H] et la société Audap supporter les frais irrépétibles engagés, et ce d'autant plus que les consorts [H] face aux comportements d'opposition de Mme [K] ont été dans l'obligation, une fois de plus, d'engager des frais d'avocat pour assurer leur défense après avoir saisi en 2017 le juge des référés, avoir dû faire face à une procédure en tierce opposition en première instance puis en appel et avoir été dans l'obligation de saisir de nouveau le tribunal pour voir annuler la désignation de Mme [K] comme gérante.

Madame [K] est donc condamnée à leur verser la somme de 5000 euros outre 1000 euros à la société Audap.

La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral est en relation avec le fait que Madame [K] a formé appel de la décision mais impose pour être accueillie qu'une faute de celle ci dans son droit de faire appel soit caractérisée. Or aucune faute n'est établie et ce d'autant plus qu'il a été fait droit à l'une des demandes en appel de Mme [K] démontrant que son appel n'était pas abusif. Il s'en déduit que la demande de dommages et intérêts des consorts [H] n'est pas justifiée.

Les dépens de l'instance d'appel sont mis à la charge de Mme [K].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5.11.2021 sauf en ce qu'il a condamné Mme [K] à supporter les frais de l'administration provisoire,

Et statuant à nouveau,

Met à la charge de la société Audap les frais de l'administration provisoire,

Et y ajoutant,

Ordonne la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement du 5.11.2021 et dit qu'il conviendra dans le dispositif de la décision de lire en lieu et place de [S] [H], [E] [H],

Déboute les consorts [H] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamne Mme [K] à payer aux consorts [H] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [K] à payer à la société Audap la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de Dispositif.