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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 4 avril 2024, n° 23/01451

PAU

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guiroy

Conseillers :

Mme Baylaucq, M. Darracq

Avocats :

Me Mariol, Selarl Cabinet Michelet, Me Thibaud

T. com. Bayonne, du 11 mai 2023, n° 2023…

11 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE :

La société Sallabery Location Matériels dont le siège social est situé à [Localité 3] (64) est une société à responsabilité limitée dont le gérant est [L] [C] et dont le capital social s'élève à 7.622,45 euros.

La propriété des 500 parts sociales est répartie de la manière suivante :

- [Z] [C] : 150 parts sociales,

- [L] [C] : 150 parts sociales,

- [V] [C] : 200 parts sociales.

Son objet est 'la location de tous matériels, véhicules et engins pour le bâtiment et les travaux publics'.

La société d'exploitation entreprise SLM (ci-après SEE SLM) est une société à responsabilité limitée dont le siège social est également à [Localité 3] dont le gérant est [L] [C].

Son capital social divisé en 3000 parts sociales est réparti de la manière suivante :

- [Z] [C] : 1.500 parts sociales,

- [L] [C] : 1.500 parts sociales.

Son objet est 'la réalisation de tous travaux de bâtiments et travaux publics, la location de tous matériels, véhicules et engins pour le bâtiment et les travaux publics, l'exploitation de carrière, dragage et négoce de matériaux, activité de transport pour le compte d'autrui, toutes opérations de constructions et promotions immobilières.'

Exposé du litige

Par acte sous seing privé du 19 février 2004, la sarl [C] Location Matériels a confié en location gérance à la société SEE SLM l'exploitation de son fonds de commerce de 'location de tous matériels, véhicules et engins pour le bâtiment et les travaux publics ainsi que toutes opérations relatives au bâtiment, génie civil et travaux publics', situé à [Adresse 6] pour une durée d'une année renouvelable avec effet à compter du 1er mars 2004. La location gérance a été consentie moyennant un loyer annuel hors taxes de 5.400 euros.

L'assemblée générale ordinaire du 1er août 2019 a approuvé le montant de la redevance de location gérance versée par la SEE SLM.

Par acte d'huissier du 22 mars 2023, [V] [C] a assigné la sarl [C] Location Matériels devant le Président du tribunal de commerce de Bayonne aux fins de voir, sur le fondement de l'article L. 223-37 du code de commerce, désigner un expert avec pour mission de présenter un rapport sur les transferts de fonds et d'actifs entre la sarl [C] Location Matériels et la sarl SEE SLM.

Par ordonnance du 11 mai 2023 le juge des référés du tribunal de commerce de Bayonne a :

- débouté monsieur [V] [C] de sa demande de nomination d'un expert,

- débouté la sarl [C] Location Matériels de sa demande au titre de procédure abusive,

- condamné monsieur [V] [C] à verser à la sarl [C] Location Matériels la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée du surplus,

- condamné monsieur [V] [C] aux entiers dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 40,65 euros, en ce compris l'envoi de la présente ordonnance.

Suivant déclaration du 24 mai 2023, [V] [C] a relevé appel de cette ordonnance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2023.

***

Vu les conclusions de Monsieur [V] [C] notifiées le 21 juillet 2023 aux termes desquelles il demande à la Cour de :

vu l'article L. 223-37 du code de commerce,

' infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

' désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de présenter un rapport sur les opérations de gestion suivantes :

* les transferts de fonds et d'actifs entre la sarl [C] Location Matériels gérée par Monsieur [L] [C], et la sarl S.E.E SLM au sein de laquelle seuls Messieurs [Z] [C] et [L] [C] sont associés,

' mettre les honoraires de l'expert à la charge de la sarl [C] Location Matériels,

' condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la sarl [C] Location Matériels à lui verser une somme de 4000 €,

' condamner la sarl [C] Location Matériels en tous les dépens.

Vu les conclusions notifiées le 11 août 2023 de la sarl [C] Location Matériels aux termes desquelles elle demande à la Cour de :

Vu les articles L. 223-29 et L. 223-37 du code de commerce,

vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

vu la jurisprudence précitée, déboutant Monsieur [V] [C] de toutes demandes et prétentions, ainsi que de tous moyens contraires,

' confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [C] de toutes ses demandes, et en tout état de cause :

' condamner Monsieur [V] [C] aux entiers dépens,

' condamner Monsieur [V] [C] à verser la somme de 3500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de la société Avolis.

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de constater que la cour n'est pas saisie du chef de jugement ayant débouté la sarl [C] Location Matériels de sa demande au titre d'une procédure abusive, laquelle n'est plus soutenue en cause d'appel.

Sur la demande d'expertise

Selon l'article L. 223-37 du code de commerce, un ou plusieurs associés représentant au moins le 10e du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Le ministère public et le comité d'entreprise sont habilités à agir aux mêmes fins.

S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts.

Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.

Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d'entreprise, au commissaire aux comptes ainsi qu'au gérant. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par le commissaire aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité.

En l'espèce [V] [C] sollicite la désignation d'un expert avec pour mission de présenter un rapport sur les transferts de fonds et d'actifs entre la sarl [C] Location Matériels et la sarl S.E.E SLM sur le fondement de l'article précité.

Il soutient que l'examen du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 1er août 2019 de la sarl [C] Location Matériels révèle que la troisième résolution a été adoptée de façon irrégulière et que cette irrégularité est suffisante pour rendre recevable et bien fondée sa demande d'expertise de gestion, sans que l'absence d'action en nullité de cette assemblée générale soit un obstacle à cette prétention.

Motivation

Il ajoute que cette irrégularité ne peut pas résulter d'une erreur matérielle.

La sarl [C] Location Matériels fait valoir que la demande d'expertise formulée par [V] [C] est infondée car la condition de présence de présomptions d'irrégularité affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées, exigée par la jurisprudence en application de l'article L. 223-37 du code de commerce, n'est pas remplie.

Elle relève que l'irrégularité invoquée par [V] [C] entachant la résolution numéro trois du procès-verbal d'assemblée générale du 1er août 2019 est une erreur de plume qui constitue une erreur matérielle qui entache d'irrégularité ou de nullité le procès-verbal de l'assemblée générale mais en aucun cas ne légitime la désignation d'un expert judiciaire au visa de l'article précité.

Il convient de constater que la troisième résolution du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 1er août 2019 de la sarl [C] Location Matériels stipule : « l'Assemblée Générale, après avoir entendu la lecture du rapport spécial sur la convention visée à l'article L. 223-19 du Nouveau Code de Commerce et statuant sur ce rapport, approuve le montant de la redevance de location gérance versée par la société S.E.E. SLM, au sein de laquelle Monsieur [Z] [C] et Monsieur [L] [C] sont associés, à hauteur de 5.400 €uros du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018.

Monsieur [Z] [C] et Monsieur [L] [C] n'ayant pas pris part au vote, cette résolution votée comme suit :

POUR : 300 voix CONTRE :  

ABSTENTION''.. »

En première page, le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale du 1er août 2019 mentionne que [Z] [C] et [L] [C] sont présents tandis que [V] [C] est absent.

[V] [C] ne démontre pas avoir voté par correspondance étant observé que la lettre de convocation à l'assemblée générale en date du 5 juillet 2019 qui lui a été adressée est revenue avec la mention « défaut d'accès ou d'adressage ».

L'irrégularité affectant la troisième résolution du procès-verbal d'assemblée générale du 1er août 2019 en ce qu'elle indique que [Z] et [L] [C] n'ont pas pris part au vote, et mentionne le vote de la résolution avec 300 voix pour, relève d'une erreur matérielle mais ne caractérise pas l'existence de présomptions d'irrégularité affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées.

En effet le vote litigieux approuvant le montant de la redevance de location-gérance versée par la société S.E.E SLM à hauteur de 5400 € pour l'année 2018 correspond au montant de la redevance annuelle stipulée dans le contrat de location-gérance du fonds de commerce conclu le 19 février 2004 entre la sarl [C] Location Matériels et la société S.E.E SLM.

Il n'y a donc aucun changement relatif au montant de cette redevance annuelle depuis des années.

Par ailleurs il est justifié de la convocation de [V] [C] aux assemblées générales ordinaires annuelles de la sarl [C] Location Matériels qui se sont tenues en 2021 et 2022 de sorte que [V] [C] ne peut valablement laisser entendre qu'il est tenu dans l'ignorance des comptes de la société depuis l'exercice 2019.

Au regard de ces éléments la présence de présomptions d'irrégularités et/ou de fautes concernant des opérations de gestion n'étant aucunement établie, la demande d'expertise formulée par [V] [C] sur le fondement de l'article L. 223-37 du code de commerce est infondée.

En conséquence l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'il a débouté [V] [C] de sa demande de nomination d'un expert.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné [V] [C] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[V] [C], partie perdante, sera également condamné aux dépens d'appel, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.

Il y a lieu d'accorder à la selarl Avolis, avocat au barreau de Bayonne, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il convient de le condamner en outre à payer à la sarl [C] Location Matériels la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

La demande de l'appelant formulée sur ce fondement sera en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions déférées à la cour,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [V] [C] aux dépens d'appel,

Accorde à la selarl Avolis, avocat au barreau de Bayonne, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [V] [C] à payer à la sarl [C] Location Matériels la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les prétentions plus amples ou contraires des parties.