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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 9 novembre 2023, n° 22/12962

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Feastwood Invest BV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thomassin

Conseillers :

Mme Pochic, M. Catteau

Avocats :

Me Ermeneux, Me Alinot, Me Szepetowski, Me Milon Boulhol, Me Simon-Thibaud, Me Rotge

TJ Grasse, du 8 sept. 2022, n° 22/00044

8 septembre 2022

Faits, procédure et prétentions des parties :

La société de droit monégasque, UBS [Localité 12], poursuit à l'encontre de la SARL Feastwodd Invest BV, société de droit néerlandais, la vente sur saisie immobilière de biens lui appartenant, situés à [Adresse 14] pour avoir paiement d'une somme de 2 135 816.91 euros selon commandement de payer délivré le 27 décembre 2021. Elle se prévaut d'un acte reçu par Me [M] [E], notaire à [Localité 13], le 1er juin 2011, portant ouverture de crédit à hauteur de 2 500 000 euros pour une durée initiale de 5 ans, renouvelée, et garantie par une hypothèque conventionnelle.

Le juge de l'exécution de Grasse, par une décision du 8 septembre 2022 a :

- validé la procédure,

- dit que la procédure est poursuivie pour une créance de '2 35 048.18 euros',

- ordonné la vente forcée du bien,

- organisé les visites et la publicité en vue de la vente,

- ordonné la distraction des dépens au profit de Me Rouillot Gambini en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société SARL Feastwodd Invest BV n'avait pas comparu à l'audience d'orientation.

Elle a fait appel de la décision par déclaration du 29 septembre 2022 et a obtenu, le 6 octobre 2022 une ordonnance d'autorisation d'assignation à jour fixe.

Les assignations ainsi délivrées ont été déposées au greffe le 17 novembre 2022.

Le Pôle de recouvrement spécialisé des [Localité 7] et le service des impôts des entreprises de [Localité 10] assignés à personne habilitée les 7 et 9 novembre 2022 n'ont pas constitué avocat.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 28 septembre 2023 auxquelles il est ici renvoyé, la société Feastwood Invest BV représentée par madame [J] [L], demande à la cour de :

Vu les articles 127 et 131-1 et suivants du code de procedure civile,

- Ordonner une médiation,

Sur le fond,

- Juger que s'agissant d'un appel-nullité, les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas applicables,

1) Vu les dispositions des articles 7, 9, 10 et 19 du règlement CE  1393/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 13 novembre 2007,

Vu les dispositions de l 'article 688 du Code de Procédure civile,

Vu les dispositions des articles 16 du Code de Procédure civile et 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme,

2) En tout état de cause, Vu les dispositions de l 'article R322-4 du Code des procédures civiles d 'exécution et 643 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile,

En conséquence du 1 et du 2,

- Annuler purement et simplement l'assignation du 28 mars 2022,

- Annuler le jugement d'orientation du 8 septembre 2022,

- Prononcer la caducité du commandement de payer du 27 décembre 2021 ;

- Ordonner la radiation du commandement de payer du 27 décembre 2021 publié au Service de la Publicité Foncière d'[Localité 8] 1, le 8 février 2022, Vol. 2022 S n°16,

3) Encore plus subsidiairement, pour le cas ou la Cour annulerait le jugement du 8 septembre 2022, mais ne procéderait pas à l'annulation de l'assignation et consécutivement, statuerait sur le fond,

- Dire et juger que le contrat d'ouverture de crédit arrivé à son terme le 15 mai 2016 ne pouvait être prorogé postérieurement à ladite date,

En conséquence,

- Annuler la prorogation intervenue par avenant du 7 juin 2016 réitéré par acte notarié du 25 juillet 2016 ;

- Dire et juger que 1'exigibi1ité de la créance doit être fixée au 15 mai 2016,

En conséquence encore,

Vu les dispositions de l'article L. 110-4 du Code de Commerce et 2224 du code civil,

- Dire et juger que le premier incident de paiement non régularisé doit être fixé au lendemain de la résiliation de la convention d'ouverture de crédit,

- Dire et juger qu'aucune régularisation n'est intervenue dans le délai de 5 ans de l'exigibi1ité de la créance née de l'expiration du contrat d'ouverture de crédit ;

- Dire et juger qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu dans ce même délai,

- Prononcer la prescription de l'action de la société UBS [Localité 12] au visa de l'article L. 110-4 du Code de Commerce et 2224 du code civil,

- Annuler la procédure de saisie immobilière,

- Prononcer la caducité du commandement de payer valant saisie du 27 décembre 2021 ;

- Ordonner la radiation du commandement de payer du 27 décembre 2021 publié au Service de la Publicité Foncière d'[Localité 8] 1, le 8 février 2022, Vol. 2022 S n°16.

4) A titre encore plus subsidiaire, si usant de son pouvoir d'évocation, la Cour ne devait pas considérer que le terme de convention d 'ouverture de crédit a entraîné l'exigibilité de la créance et prononcer la prescription de l'action,

- Dire et juger que le solde débiteur de la convention d'ouverture de crédit s'est incorporé au compte courant de la société Feastwood Invest B.V. ouvert dans les livres de la société UBS ([Localité 12]) SAM ;

- Dire et juger que le compte courant de la société Feastwood Invest B.V n'ayant jamais été clôturé, son solde éventuellement débiteur n'est pas exigible,

En conséquence,

Vu les dispositions de l'article L111-2 du Code des procédures civiles d 'exécution,

- Dire et juger que la société UBS ([Localité 12]) SAM ne dispose pas d'une créance exigible à la date du commandement de payer valant saisie du 27 décembre 2021,

- Annuler la procédure de saisie immobilière ;

- Prononcer la caducité du commandement de payer valant saisie du 27 décembre 2021 ;

- Ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie au Service de la Publicité Foncière d'[Localité 8] 1, le 8 février 2022, Vol. 2022 S n°16,

En tout état de cause,

- Condamner la société UBS [Localité 12] SA à payer a la société Feastwood Invest BV la somme de 10 000 € sur 1e fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Elle expose que la société est une société de droit néerlandais, et qu' à la suite du décès de [O] [N], qui était son bénéficiaire économique, elle est advenue par testament et succession à ses 5 enfants, qui ne s'entendent pas entre eux. Le siège social est fixé au domicile de l'un d'eux, monsieur [H] [Y], qui s'oppose à la représentante légale de la société, madame [J] [L] (seconde épouse du décujus dont il avait divorcé) et aux autres héritiers. Le 18 mai 2022, monsieur [V] [D] a été désigné administrateur provisoire de la succession. Ainsi les actes qui sont adressés à la société ne parviennent pas à sa gérante, et madame [L], le 14 janvier 2022 avait signifié cette difficulté à la banque en lui demandant de doubler tout acte, pour qu'elle en soit aussi destinataire.

Elle conteste la possibilité, alors que la créance était exigible le 15 mai 2016, d'avoir conclu un avenant sur un contrat expiré, par un nouvel acte notarié du 25 juillet 2016.

Conformément aux dispositions des articles 7, 10 et 19 du règlement européen du 13 novembre 2007, la date de signification du commandement de payer valant saisie immobilière, et en particulier le délai de 8 jours pour acquitter la dette ne peut courir sans qu'il soit justifié de la signification par l'Etat requis, cette preuve incombant à la banque qui n'en justifie pas.

Alors que le demandeur devant le tribunal n'avait pas justifié des modalités de retour de l'assignation, l'affaire a tout de même été retenue à l'audience d'orientation, le juge ne pouvait donc valablement statuer avant six mois. D'autant moins que la Cour de cassation exige que le demandeur justifie de ses démarches objectives pour obtenir les retours de citation (Cass 23 février 2017 n°16-15493) . Contrairement à ce qui est affirmé, l'acte de signification pour qu'elle comparaisse à l'audience d'orientation, ne lui a pas été signifié le 28 mars 2022 mais seulement le 28 avril 2022. Le tribunal lorsqu'il a statué n'avait pas le retour des actes et n'a donc pas valablement statué, le jugement rendu, encourt la nullité.

Dans la mesure à la société Feastwood Invest soutient un appel nullité, on ne pourra lui opposer les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, qui a été mis aux débats par la cour.

La cour doit se placer au jour de l'audience d'orientation pour statuer sur la régularité de la procédure. L'article 688 du code de procédure civile, qui est la retranscription de l'article 19 du règlement CE n°1393/2007 n'a pas été respecté. Le magistrat ne pouvait statuer avant six mois dès lors qu'il n'était pas justifié du retour de l'assignation. La cour sera d'autant plus convaincue par cette demande que par un mail 14 janvier 2022, madame [L] avait demandé à être directement destinataire des actes concernant la société car elle ne pouvait avoir accès au siège social, elle ne conteste pas la délivrance de l'assignation, au siège social le 28 avril 2022. Un mail, rédigé par elle la veille de l'audience, 21 juin 2022, montre qu'elle n'avait pas compris la finalité de celle-ci et qu'un délai de 48 heures, ne lui permettait de toute façon pas, et en temps utile, de prendre un conseil. Les pièces visées au BCP par elle, n'ont été découvertes dans la procédure que lors d'une transmission du 26 septembre 2022 par le conseil de la banque. Elle n'avait donc pas pris connaissance de l'assignation pour valablement exercer ses droits. Non seulement le jugement est nul mais également l'assignation qui devait être placée au greffe au moins 15 jours avant la date d'audience et avec tous les actes en retour, ce qui n'était pas le cas, de sorte qu'elle aussi est nulle. Il sera procédé à la radiation du commandement.

De plus et en l'espèce, l'assignation a été délivrée le 28 mars 2022 pour une audience d'orientation du 23 juin 2022, elle ne respecte donc pas le délai de l'article R. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, combiné avec l'article 643 du code de procédure civile (CA Aix en Provence 22 septembre 2022 n°21-16140), lorsque le débiteur demeure à l'étranger ce qui conduit à respecter un délai de 3 à 5 mois comme le décide la cour d'appel d'Aix en Provence, de sorte qu'en application de l'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution, la caducité du commandement de payer doit être prononcée. L'audience n'aurait pas dû se tenir avant le 28 juin 2022. Malgré un arrêt largement commenté qui écarte la sanction de la caducité du commandement (Cass 21 février 2019 n°17-27487), l'analyse de la banque étant à cet égard exacte, elle même soutient l'annulation de l'assignation, le délai non respecté lui faisant grief, et par voie de conséquence, la caducité du commandement.

Pour le cas où la cour annulerait le jugement sans annuler l'assignation, la société appelante soutient la prescription de la créance après 5 ans. S'agissant d'un découvert autorisé, la créance était exigible au lendemain du terme le 16 mai 2016 et aucun acte interruptif n'a existé jusqu'au 27 décembre 2021. Le prêt étant dénoué, aucun avenant de prorogation ne pouvait intervenir valablement par acte authentique du 25 juillet 2016, il fallait conclure un nouveau contrat de prêt. A défaut, s'étant intégré au compte courant, la somme n'était pas exigible avant la clôture du compte courant , elle bénéficie d'une fusion et devient un article du compte, lequel est indivisible, et l'entrée en compte a les effets d'un paiement (Cass 6 juillet 1999 n°97-14380) et Cass 13 novembre 2014 n°13-25193). Or, la banque n'a jamais manifesté par le moindre courrier, son intention de mettre fin au compte courant, qui à défaut de clôture n'est pas exigible.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 3 octobre 2023 auxquelles il est ici renvoyé, la société UBS [Localité 12], demande à la cour de :

- débouter la société Feastwood Invest BV de sa demande de médiation,

- confirmer le jugement d'orientation du 8 septembre 2022 du Tribunal judiciaire de Grasse en toutes ses dispositions,

- rectifier l'erreur matérielle affectant le montant de la créance retenue dans le dispositif de la décision déférée, 2 135 048 € au lieu des 235 048 € qui ont été visés par erreur, ce qui résulte du dispositif de la décision,

A titre subsidiaire, si le jugement devait être annulé,

- valider la procédure de saisie immobilière initiée,

- débouter la société Feastwood Invest B.V. de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- débouter monsieur [D] de toutes ses prétentions,

En tout état de cause,

- condamner la société Feastwood Invest B.V. à payer à la société UBS [Localité 12] SA la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

L'ouverture de crédit a été passée en la forme authentique le 1er juin 2011, renouvelée par acte sous seing privé du 7 juin 2016 réitéré en la forme authentique le 25 juillet 2016 pour en reporter l'échéance au 15 mai 2021. Il s'agissait d'un prêt in fine au taux du Libor Overnight majoré de 120 points, hors assurance. La déchéance du terme a été prononcée pour des impayés sur les intérêts au cours des mois d'octobre 2019 à novembre 2020, le 23 novembre 2020 après l'envoi d'une lettre de mise en demeure qui est restée vaine. La demande de médiation est purement dilatoire, il n'y sera pas fait droit. Conformément à la législation, les actes commandement de payer et assignation à l'audience d'orientation ont été délivrés au siège social, aux Pays Bas (article 690 du code de procédure civile). Certes au jour de l'audience, le créancier n'avait pas reçu le retour de l'entité étrangère qui atteste désormais avoir remis l'acte au destinataire le 28 mars 2022 (pièce n°6). Le débat procédural est donc purement artificiel. Il n'y a aucun grief. Outre que le même jour et par mail, avait été adressée copie de l'assignation et sa traduction à madame [L] pour l'informer laquelle n'a pas voulu comparaitre, ce qu'elle conteste de mauvaise foi aujourd'hui. Il n'y a pas lieu à annulation si l'acte a été reçu en temps utile et qu'il en a été pris connaissance. (Civ 2, 27 juin 2019 n°18-12.161 18-12.748). Toutes les formalités de délivrance de l'assignation ont été observées, aucune critique ne peut prospérer. L'acte avait été délivré en temps utile et la représentante légale en a eu connaissance. La nullité exige la preuve d'un grief. A défaut seul le jugement pourrait être annulé sans remettre en cause la validité de la saisine par l'assignation.

Sur le délai d'assignation à l'audience d'orientation , seuls selon l'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution, les délais de deux et trois mois prévus à l'article R. 322-4 sont prescrits à peine de caducité du commandement de payer valant saisie, le créancier poursuivant peut donc assigner un débiteur à l'étranger dans un délai de 3 à 5 mois avant la date d'audience.

Aux termes de conclusions récapitulatives en appel, la société Feastwood Invest B.V. entend désormais invoquer l'absence de notification régulière du commandement de payer valant saisie dans la mesure où la Banque ne produit pas l'acte de retour de l'entité requise. Cet argument nouveau est irrecevable dans les conclusions récapitulatives de la requérante qui aurait dû le soulever dans ses conclusions au fond contenue dans sa requête aux termes de l'article 918 du Code de procédure civile. C'est en ce sens que le juge la Cour de cassation, dès lors que ces prétentions et moyens nouveaux ne constituent pas une réponse aux conclusions des intimés (Cass. Civ. 2 ème , 26 novembre 1990,  89-16428). La pièce 20 établit que le commandement a été signifié conformément à la loi de l'Etat requis.

Si la cour annule le jugement, il lui revient de statuer sur le fond du dossier, sans pouvoir retenir l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution. La prescription ne peut jouer dès lors que la société Feastwood a signé et exécuté un avenant pour poursuivre la durée contractuelle durant 5 ans supplémentaires. L'absence de novation a été précisée à l'acte en son article 11. Quant à la fongibilité dans le compte courant, la jurisprudence citée par l'appelante n'est pas transposable, elle se rapporte au principe de continuation des contrats en cours en cas de procédure collective. Le crédit a été consenti sur un compte dédié au prêt et non pas dans le cadre d'un compte courant qui engloberait d'autres opérations, comment considérer que cette créance ne serait pas exigible, on ne peut nier le terme extinctif conventionnel fixé par les parties. En tout état de cause, la Cour de cassation estime dans un tel cas qu'il n'est pas nécessaire de dénoncer le compte dédié pour rendre la créance exigible. (Cass 9 avril 2009 n°08-15077). Enfin, la lecture de la motivation du jugement établit l'existence d'une erreur matérielle sur le montant de la créance qu'il convient donc de rectifier.

Le dossier appelé à l'audience le 8 mars 2023 , a fait l'objet d'un renvoi, et monsieur [V] [D], administrateur provisoire de la succession d'[O] [N] a été assigné et a constitué avocat le 21 septembre 2023 .

Ses moyens et prétentions sont exposés dans des conclusions du 2 octobre 2023 , il demande à la cour de :

A titre principal,

- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour mise en état,

A titre infiniment subsidiaire,

- lui donner acte qu'il adopte et fait siens les arguments de la société Feastwood Invest BV,

- condamner la société UBS [Localité 12] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Il expose que la succession d'[O] [N] étant complexe, il a été désigné par le tribunal de première instance de Monaco, le 18 mai 2022, pour représenter les héritiers et gérer cette succession après inventaire. Le dossier est impécunieux, il n'a pas eu le temps de se mettre en état, et si besoin, s'associe aux arguments déjà développés par la société Feastwood Invest BV.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

* sur la demande de renvoi :

Il ressort du jugement prononcé à [Localité 12] le 18 mai 2022 que la succession est complexe et à fort enjeu financier avec des actifs à l'étranger notamment aux Pays Bas et en Angleterre et qu'aucun inventaire n'avait jusque là été réalisé, avec également, une exigence de gestion et d'administration pour 'optimiser l'efficacité économique de la masse successorale dans l'attente du partage'.

Me [D], est administrateur de la succession de [O] [N]. La cour avait ordonné par une précédente décision sa mise en cause, afin que compte tenu de sa mission et de la particularité du dossier qui s'inscrit dans un contexte financier et familial délicat, il soit informé du litige. L'interessé a été assigné en intervention forçée le 15 mars 2023 , soit il y a plus de 6 mois, constitué avocat le 21 septembre 2023 , sans conclure jusqu'au 2 octobre 2023 , soit deux jours avant l'audience pour solliciter notamment un renvoi qui ne sera pas accordé eu égard au délai écoulé depuis la citation qui lui a laissé le temps suffisant à présenter ses observations, étant souligné que sur le plan juridique, la société débitrice, Feastwood Invest BV est valablement représentée à la procédure de saisie immobilière.

* sur la rectification de l'erreur matérielle :

Selon l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

Il resulte de la décision du juge de l'exécution actuellement déféré à la cour, que ce dernier a vérifié le montant de la créance, exposé en détail en page 6 et 7 de la décision, montant qui n'était pas discuté par la société débitrice, défaillante en première instance, pour un montant de 2 135 048.18 euros au 21 septembre 2021. C'est donc à la suite d'une erreur purement matérielle que ce montant a été mentionné en page 8 pour la somme de 2.35.048,18 €, consistant en l'omission évidente à la frappe du dispositif, du chiffre '1". La rectification sollicitée sera ordonnée.

* sur la demande de médiation :

La société Feastwood Invest BV ne motive pas spécialement la demande de médiation, si ce n'est par le fait que la succession comprend 7 héritiers qui n'étaient pas tous au courant de la présente procédure dont il ont eu connaissance désormais par l'assignation délivrée au mandataire successoral, Me [D]. Il reste que cettte médiation n'est pas acceptée en son principe par la société créancière UBS [Localité 12], qu'elle ne peut être imposée, et que la mésentente existante au sein de la famille [Y] ne permet guère d'espèrer une issue positive qui supposerait une unité de vue en son sein, outre le fait que la société débitrice, personne morale distincte, est représentée valablement par madame [J] [L] qui a déjà dénoncé dans ses écritures cette difficulté majeure de mésentente familiale.

La médiation ne sera donc pas ordonnée.

* sur la nullité du jugement de première instance :

La signification et la notification dans les états membres des actes judiciaires et extrajudiciaires

en matiere civile, sont prevues par le règlement CE n°1393/2007 du Parlement Europeen et du

Conseil du 13 novembre 2007.

L'article 19 dispose que lorsqu'un acte introductif d'instance ou un acte équivalent a du être transmis dans un autre Etat membre aux fins de signification ou de notification, selon les dispositions du présent règlement, et que le défendeur ne comparait pas, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n 'est pas établi :

a) Ou bien que l'acte a été signifié ou notifié selon un mode prescrit par la loi de l'Etat membre requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire ;

b) Ou bien que l'acte a été effectivement remis au défendeur ou à sa résidence selon un autre mode prévu par le présent réglement ;

Et que, dans chacune de ces éventualités, soit la signifcation ou la notification, soit la remise a eu lieu en temps utile pour que le défendeur ait pu se défendre.

2. Chaque Etat membre peut faire savoir, conformément à l'article 23, paragraphe 1, que sesjuges, nonobstant les dispositions duparagraphe 1, peuvent statuer si toutes les conditions ci-aprés sont réunies , même si aucune attestation constatant soit la signification ou la notification, soit la remise n 'a été reçue :

a) L 'acte a été transmis selon un des modes prévus par le présent réglement ;

b) Un délai, que le juge appréciera dans chaque cas particulier et qui sera d'au moins six mois, s'est écoulé depuis la date d'envoi de l'acte ;

c) Aucune attestation n'a pu être obtenue non obstant toutes les démarches effectuées auprés des autorités ou entités compétentes de l'Etat membre requis ».

Ces dispositions sont impératives, et s'imposent au Juge Francais, le règlement n°1393-2007 du 13 novembre 2007 étant d'application directe.

D'ail1eurs, l'article 688 du code de procedure civile en est la transposition en droit français. I1 en ressort que lorsque le défendeur ne comparait pas, le juge ne peut statuer avant un délai d'au moins 6 mois depuis la date d'envoi de l'acte, s'il n'est pas justifié de la signification de celui-ci par l'entité requise, dans les conditions prescrites aux articles 7 et 10 du Réglement européen, c'est-a-dire selon, soit le mode de signification prescrit par l'Etat requis, soit un autre mode de signification prévue par ledit règlement.

En l'espèce, le juge de l'exécution de Grasse, et ce n'est pas contesté par les parties, ne disposait pas lorsqu'il a statué, du retour de l'acte d'assignation expédié au Pays Bas, par l'huissier de justice de la société UBS [Localité 12]. Il disposait d'un mail de transmission, le 28 mars 2022, à madame [J] [L], représentante de la société Feastwood Invest, avec communication en pièce jointe de l'assignation à l'audience d'orientation. Il n'est pas établi que ce mode de transmission est admis par l'Etat requis ou le règlement précité. Le magistrat a d'ailleurs clairement indiqué dans sa motivation que les modalités de retour de l'acte délivré le 28 mars 2022 par huissier de justice à l'autorité étrangère, n'étaient pas justifiées et s'est référé, pour admettre que la défenderesse avait été destinataire de l'acte en temps utile et juger l'affaire, au mail de réponse du 21 juin 2022, de la représentante de la société Feastwood Invest, indiquant qu'elle ne se présenterait pas au tribunal 'pour la saisie et la vente aux enchères' (cf traduction de [K] [Z] au dossier) mais en affirmant également qu'elle entendait 'faire une offre sur les biens'. Ce faisant, le tribunal ne s'est pas assuré de ce qu'un temps suffisant s'était écoulé pour permettre au défendeur de préparer sa défense, la date d'ouverture et de lecture du courriel par madame [L] n'étant pas connue, alors que la portée du mail de réponse est d'ailleurs discutée à juste titre, puisque la société UBS [Localité 12] concéde que ce projet d'acquérir le bien dans l'esprit de la société débitrice, existait alors qu'il est incompatible avec le droit français, de sorte que manifestement cette dernière n'avait pas compris les enjeux de l'audience d'orientation.

En conséquence de quoi, le jugement sera annulé.

Il n'existe pas de motif justifié pour que la cour invalide également l'acte d'assignation, alors que l'acte a été valablement délivré, n'est pas utilement critiqué en ses mentions, et que l'huissier de justice mandaté par la société UBS [Localité 12] a observé les diligences procédurales à mettre en oeuvre. Cette assignation a été effectivement remise à son destinataire par l'Etat requis, le 28 avril 2022, au siège social ce qui est nécessaire lorsque le défendeur est une personne morale, aucune obligation n'existant pour l'huissier de justice de délivrer citation au domicile du représentant légal dans un tel cas.

C'est également vainement que la société Feastwood Invest affirme que l'assignation devait être déposée auprès du tribunal 15 jours avant l'audience mais accompagnée du retour des significations revenues de l'étranger. Une telle interprétation viderait de sens les textes rappelés ci dessus, qui implicitement signifient une saisine valable du juge par le dépot au greffe de l'assignation expédiée à l'Etat requis, mais la nécessité pour le magistrat d'attendre soit le retour des actes, soit un délai de 6 mois avant de statuer.

En conséquence de quoi, la cour n'annulant pas l'acte introductif, évoquera le dossier.

* sur la contestation du commandement de payer et sa caducité :

Selon l'article 918 du code de procédure civile, la requête afin d'assignation à jour fixe doit contenir, les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives. Une expédition de la décision ou une copie certifiée conforme par l'avocat doit y être jointe. Copie de la requête et des pièces doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour.

Il est exact comme l'oppose la société UBS [Localité 12] qu'à l'origine de la procédure, la nullité du commandement de payer pour non retour des actes de délivrance de la part de l'Etat requis n'était pas soutenue, outre d'ailleurs que ce retour n'est pas maitrisé par l'expéditeur et reste soumis aux diligences de l'Etat requis. Cette contestation sera jugée irrecevable.

L'article R. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution énonce que dans les deux mois qui suivent la publication au fichier immobilier du commandement de payer valant saisie, le créancier poursuivant assigne le débiteur saisi à comparaître devant le juge de l'exécution à une audience d'orientation. L'assignation est délivrée dans un délai compris entre un et trois mois avant la date de l'audience.

Selon l'article R. 311-11 du code des procédures civiles d'exécution, les délais prévus par les articles R. 321-1, R. 321-6, R. 322-6, R. 322-10 et R. 322-31 ainsi que les délais de deux et trois mois prévus par l'article R. 322-4 sont prescrits à peine de caducité du commandement de payer valant saisie. Toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de déclarer la caducité et d'ordonner, en tant que de besoin, qu'il en soit fait mention en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier. Il n'est pas fait droit à la demande si le créancier poursuivant justifie d'un motif légitime. La déclaration de la caducité peut également être rapportée si le créancier poursuivant fait connaître au greffe du juge de l'exécution, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de celle-ci, le motif légitime qu'il n'aurait pas été en mesure d'invoquer en temps utile.

Cependant la Cour de cassation dans un arrêt cité par la société UBS [Localité 12] au soutien de sa défense, a retenu que 'le délai minimal d'un mois, augmenté le cas échéant des délais de distance prévus à l'article 643 du code de procédure civile, précédant l'audience d'orientation, dans lequel l'assignation à comparaître à cette audience doit être délivrée au débiteur saisi en application de l'article R. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas au nombre des délais qui, aux termes de l'article R. 311-11 du même code, sont prescrits à peine de caducité du commandement de payer valant saisie immobilière '. (Cass n°17-27487).

La société Feastwood Invest ne remet pas en cause en tant que telle l'analyse présentée de cet arrêt par la société UBS [Localité 12] (page 19 de ses conclusions), admettant que cet arrêt est de principe, 'très largement publié et commenté'. Elle invoque cependant un grief qui lui parait évident, au regard de l'article 114 du code de procédure civile, comme contraire aux droits de la défense.

De ce chef, il sera rappelé que procéduralement, à l'égard de la société UBS [Localité 12], qui ne maitrise pas le délai que prendra l'Etat requis pour faire diligence, c'est la date d'expédition de l'acte qui doit être considéré, et que par rapport aux droits de la défense, il est acquis que l'acte a été remis au lieu du siège social de la société Feastwood Invest BV, le 22 avril 2022 pour une audience tenue le 23 juin suivant donc avec un délai exploitable de deux mois pour faire valoir ses droits, qui n'est que d'un mois lorsqu'aucun élément d'extranéité n'existe, de sorte que le grief n'est pas démontré.

* sur les stipulations du contrat d'ouverture de crédit et leurs effets,

Par acte authentique du 1er juin 2011, établi en l'étude de Me [E], notaire à [Localité 13], la société Feastwood Invest BV a emprunté à la société UBS [Localité 12], sous la forme d'une ouverture de crédit, la somme de 2 500 000 euros afin de faire face à ses besoins de trésorerie et procéder à des investissements financiers. Dès l'origine, les parties ont convenu que le remboursement interviendrait le 15 mai 2016, mais il était prévu la possibilité d'un renouvellement pour une nouvelle période de 5 ans (articles 2 et 3 de la convention). Il était également stipulé que l'ouverture de crédit serait utilisable sous un numéro de relation 175 679, ouvert dans les livres de la banque, sous forme de découvert en compte courant ou sous forme d'avances à termes fixes par tirages périodiques au grè de l'emprunteur. L'article 5 de la convention ne spécifie pas quelle option a été choisie, mais la notion de compte courant n'a pas été discutée dans l'instance, par la société UBS [Localité 12] et ressort du résumé du prêt en page 7 de l'acte, qui énonce ce numéro de compte courant, 175 679 et des intérêts calculés chaque trimestre au taux libor overnight cour le jour. Cela correspond donc à la première option contractuelle.

Par un autre acte notarié du 25 juillet 2016, en la même étude, il était rappelé qu'à la demande de l'emprunteur avait été négocié un avenant, sous seing privé, le 7 juin 2016, qu'ils ont voulu réiterer en la forme authentique afin de différer la date du remboursement de 5 ans supplémentaires, soit le 15 mai 2021.

* sur la prescription de l'action :

L'article L110-4- I. du code de commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

La société Feastwood Invest BV conteste la validité d'une telle prorogation, pourtant faite à sa demande et à son avantage, pour ne pas être alors contrainte au remboursement immédiat du capital emprunté. Cette prorogation, cela a été rappelé, était envisagée dès la conclusion du contrat initial. L'appelante invoque une jurisprudence du CE  342291 qui concernerait tous les contrats, pourtant non transposable en l'espèce en ce qu'elle se rapporte d'une part, à une juridiction de l'ordre administratif, d'autre part, à la prorogation après son terme, d'un mandat de délégué du personnel, éléments qui sont donc sans lien exploitable avec le présent litige.

Or, la liberté contractuelle des parties a pu valablement proroger un contrat d'ouverture de crédit, afin de reporter par accord entre elles l'exigibilité des sommes, en précisant qu'il ne s'agissait pas là d'un nouvel engagement, ou de nouvelles conditions financières, l'article 11 de l'acte authentique du 25 juillet 2016, stipule en effet qu'il n'y a pas novation et que le crédit restera pleinement et entièrement en vigueur jusqu'à son complet remboursement.

Le report de la date d'exigibilité de la dette au 15 mai 2021, rend dès lors sans fondement l'examen de la prescription quinquennale à partir de la date du 16 mai 2016. Il convient de retenir que la déchéance du terme a été prononcée après une lettre du 5 octobre 2020 de mise en demeure de régulariser les impayés d'intérêts contractuels s'élevant à 38 680.88 €, restée vaine, par un nouveau courrier du 23 novembre 2020 (pièce 12 de l'intiémée). Or, le commandement de payer valant saisie immobilière date du 27 décembre 2021, avant toute acquisition de prescription.

* sur l'exigibilité et la notion de compte courant :

La société Feastwood Invest ne produit aucune convention de compte courant, et ne justifie donc pas avoir été titulaire dans le cadre de ses relations financières avec la société UBS [Localité 12] d'un compte généraliste traçant d'autres opérations que celles relatives au financement actuellement discuté.

La pièce n°9, communiquée par la société UBS [Localité 12], qui reprend le numéro 0175679 énoncé à la convention d'ouverture de crédit, correspond à un compte dédié uniquement au remboursement de ce prêt, sur lequel ne sont pas mentionnées d'autres opérations, de sorte que la cour ne peut retenir la nécessité d'une décision de clôture de compte courant, invoquée par la débitrice, la seule déchéance du terme étant suffisante à rendre les sommes exigibles puisqu'uniquement liées au financement consenti. (Cass n°08-15077 cité par UBS [Localité 12]).

* sur les autres demandes :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société UBS [Localité 12] les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 3 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les autres demandes de ce chef étant rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de renvoi,

DEBOUTE la société Feastwood Invest BV de sa demande de médiation,

ORDONNE rectification de l'erreur matérielle qui entâche le dispositif du jugement prononcé par le juge de l'exécution de Grasse le 8 septembre 2022, en ce que la créance de la société UBS [Localité 12], en page 8 de la décision, au dispositif est de 2 135 048,18 euros et non 2.35.048,18 euros,

DIT que mention de la présente décision rectificative sera portée en marge de la minute et les expéditions de cette décision,

ANNULE le jugement rendu par le juge de l'exécution de Grasse le 8 décembre 2022,

Sur évocation,

DECLARE la société Feastwood Invest BV irrecevable à critiquer la validité du commandement de saisie immobilière pour non retour des actes de signification par l'Etat requis,

VALIDE la procédure de saisie immobilière entreprise par la société UBS [Localité 12] à l'encontre de la société Feastwood Invest BV selon commandement délivré le 27 décembre 2021 et publié au service de la publicité foncière d'[Localité 8], le 8 février 2022 Volume 2022 S numéro 16, portant sur un immeuble situé à :

[Adresse 14] composé d'une maison principale, d'une maison de gardien, d'une piscine, le tout cadastré section [Cadastre 9] et [Cadastre 4], sur la mise à prix fixée dans le cahier des conditions de vente et conformément aux dispositions d'ordre public des articles R322-39 à R322-49 du code des procédures civiles d'exécution,

FIXE la créance de la société UBS [Localité 12] à la somme de 2 135 048,18 euros au 21 septembre 2021, outre intérêts contractuels au taux Libor overnight, majoré de 120 points et intérêts majorés de 3%, sur la somme de 1 930 000 €, à compter de cette date,outre frais et accessoires,

RENVOIE les parties devant le juge de l'exécution de Grasse pour reprise et poursuite de la procédure de vente forcée, et notamment taxe des frais, organisation des visites et publicités sur le bien, fixation de la date d'adjudication,

CONDAMNE la société Feastwood Invest BV à payer à la société UBS [Localité 12] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes,

CONDAMNE la société Feastwood Invest BV aux dépens d'appel.