CA Versailles, 13e ch., 26 janvier 2021, n° 19/05110
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Rois Mages (SARL)
Défendeur :
Crédit Mutuel Real Estate Lease (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Valay-Brière
Conseillers :
Mme Baumann, Mme Bonnet
Par acte authentique du 24 septembre 2008, la société Finamur (chef de file) et la société CMCIC lease ont consenti, à hauteur de 50 % chacune, à la société Rois mages un crédit-bail immobilier ayant pour objet le financement de l'acquisition d'un terrain et de travaux de construction d'un ensemble immobilier à usage d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), situé au Havre, pour une durée de 18 ans.
Le montant de l'investissement a été arrêté définitivement le 25 mars 2012 à la somme de 9 642 775,22 euros HT.
L'acte prévoit, pour le crédit-preneur, la faculté d'acquérir l'immeuble à partir de la fin de la septième année suivant la prise d'effet du contrat, moyennant le paiement à chaque crédit-bailleur d'un prix de levée d'option d'achat anticipée calculé, pour chaque quote-part, selon des modalités spécifiques à la société Finamur d'une part et à la société CMCIC lease d'autre part.
La société Rois Mages a demandé, par lettre du 31 mai 2016 réitérée le 24 juin 2016, à la société Finamur, en sa qualité de 'chef de file' de l'opération, de lui indiquer, outre la date à partir de laquelle l'option d'achat pouvait être levée, les modalités et le coût de cette levée d'option.
Par lettre du 24 août 2016, la société Finamur a informé la société Rois mages que le prix de la levée d'option anticipée, après paiement du loyer du 16 mars 2017, et pour une cession au plus tard le 15 juin 2017, était évalué à 8 927 692,28 euros TTC, soit :
- quote-part Finamur '. 3 834 956,91 euros
- quote-part CMCIC lease '. 5 092 735,87 euros.
Après une première explication donnée le 28 août 2017 par la société CMCIC lease sur les modalités de calcul de sa quote part, la société Finamur a transmis à la société Rois mages un nouveau calcul du prix de levée d'option d'achat anticipée, après paiement du loyer du 16 septembre 2017, et pour une cession au plus tard le 15 décembre 2017, pour un montant de 8 185 792,03 euros, soit :
- quote-part Finamur '. 3 723 188,94 euros
- quote-part CMCIC lease '. 4 462 603,09 euros.
La société Rois mages a alors sollicité une conciliation auprès du tribunal de commerce de Nanterre, laquelle n'a pas abouti.
Affirmant que le calcul des indemnités était opaque, la société Rois Mages a, par actes d'huissier des 27 et 28 février 2018, assigné en référé les sociétés Finamur et CMCIC lease devant le président du tribunal de commerce de Nanterre afin notamment d'être autorisée à régler à chacun des crédit-bailleurs la somme de 3 559 307,61 euros au titre du capital restant dû, que soit désigné un notaire afin de rédiger l'acte de vente, être autorisée à consigner le montant des 'pénalités' dues du fait de la rupture anticipée du contrat, et, enfin, que soit ordonnée la consignation des fonds jusqu'à l'aboutissement du litige, aimablement ou judiciairement, lié à la détermination exacte de la quote-part résiduelle du prix de cession.
Par ordonnance du 15 juin 2018, le juge des référés, après avoir écarté des débats les pièces n°7, 8, 9, 11 et 23 produites par la société Rois mages, retenant l'existence d'une contestation sérieuse, a dit n'y avoir lieu à référé. Par arrêt du 28 février 2019, la présente cour a infirmé partiellement cette ordonnance en disant n'y avoir lieu à écarter la pièce n°11 et a autorisé à titre conservatoire la consignation par la société Rois mages, à chaque échéance trimestrielle prévue au contrat de crédit-bail, des fonds correspondant aux loyers dus aux sociétés Finamur et CMCIC lease auprès de la Caisse des dépôts et des consignations, et ce pour les sommes dues à compter de sa décision.
C'est dans ces circonstances que la société Rois mages a, par deux actes du 27 novembre 2018, assigné les sociétés Finamur et CMCIC lease devant le tribunal de commerce de Nanterre lequel, par jugement contradictoire du 29 mai 2019, a :
- débouté les sociétés Finamur et CMCIC lease de leur demande d'écarter des débats les pièces n°7, 8, 9, 11 et 23 produites par la société Rois mages,
- dit que la société Rois mages est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option d'achat des biens objet du crédit-bail immobilier du 24 septembre 2008, au 16 mars 2019 au prix de 3 355 267,97 euros en ce qui concerne la quote-part de la société Finamur et de 4 225 853,97 euros en ce qui concerne la quote-part de la société CMCIC lease soit un total de 7 851 121,94 euros augmenté des frais de calcul de levée d'option (720 euros), des frais de réalisation pour rachat anticipé (8 400 euros), de la provision sur taxe foncière (150 143,31 euros) et des coûts liés à l'établissement des différents diagnostics techniques et autres certificats, sous réserve d'avoir consigné ces sommes entre les mains du notaire rédacteur de l'acte ou du bailleur quinze jours au plus tard avant la réalisation de la vente,
- désigné maître G., notaire à Rouen en qualité de rédacteur de l'acte de vente,
- ordonné la main levée pleine et entière de la mesure de consignation auprès de la Caisse des dépôts et des consignations, des échéances du contrats de crédit bail immobilier, autorisée par arrêt du 28 février 2019,
- ordonné le versement de la totalité des sommes consignées à ce titre, par la société Rois mages à la société Finamur, en sa qualité de chef de file,
- condamné in solidum la société Finamur et la société CMCIC lease à payer à la société Rois mages la somme de 12 625,13 euros augmenté des intérêts de retard au taux légal à compter du 27 novembre 2018,
- débouté la société Rois mages de ses demandes indemnitaires ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la condamnation de la société CMCIC lease à payer à la société Rois mages la somme de 12 625,13 euros augmenté des intérêts de retard au taux légal à compter du 27 novembre 2018,
- condamné la société Rois mages d'une part et les sociétés Finamur et CMCIC d'autre part à supporter les dépens.
Par déclaration du 11 juillet 2019, la société Rois mages a interjeté appel partiel de ce jugement.
Par ordonnance d'incident du 27 février 2020, le conseiller de la mise en état a débouté la société Finamur et la société Crédit mutuel real estate lease, anciennement dénommée CMCIC lease, de leur demande de nullité de la déclaration d'appel.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 octobre 2020, la société Rois mages demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
. dit qu'elle est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option d'achat des biens objet du crédit-bail immobilier du 24 septembre 2008, au 16 mars 2019 au prix de 3 355 267,97 euros en ce qui concerne la quote-part de la société Finamur et de 4 225 853,97 euros en ce qui concerne la quote-part de la société CMCIC soit un total de 7 851 121 ,94 euros augmenté des frais de calcul de levée d'option (720 euros), des frais de réalisation pour rachat anticipé (8 400 euros), de la provision sur taxe foncière (150 143,31 euros) et des coûts liés à l'établissement des différents diagnostics techniques et autres certificats, sous réserve d'avoir consigné ces sommes entre les mains du notaire rédacteur de l'acte ou du bailleur quinze jours au plus tard avant la réalisation de la vente,
. ordonné la main levée pleine et entière de la mesure de consignation auprès de la caisse des dépôts et des consignations, des échéances du contrats de crédit bail immobilier, autorisée par la cour d'appel de Versailles ,
. ordonné le versement de la totalité des sommes consignées à ce titre, par elle, à la société Finamur,
. l'a déboutée de ses demandes indemnitaires ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. l'a condamnée ainsi que les sociétés Finamur et CMCIC lease à supporter les dépens,
en statuant de nouveau,
à titre principal,
- dire et juger que la clause contractuelle prévoyant les modalités de calcul de la quote-part du prix de la levée d'option due à la société CMCIC doit être réputée non écrite,
en conséquence,
- dire et juger qu'elle est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option sans verser aucune somme à la société CMCIC,
- dire et juger qu'elle est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option et qu'elle est en droit de régler à la seule société Finamur, pour solde de tout compte, les sommes suivantes :
' 2.849.456,42 euros HT au titre du capital restant dû arrêté pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances du 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel,
' 85.483,69 euros HT au titre de la pénalité de la quote-part du prix de la levée d'option d'achat arrêtée pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances du 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que la clause contractuelle prévoyant les modalités de calcul de la quote-part du prix de la levée d'option due à la société CMCIC lease doit être réputée non écrite,
en conséquence,
- dire et juger qu'elle est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option et que le prix de la levée d'option dû à la société CMCIC lease sera égal au seul montant du capital restant dû arrêté pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances des 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel de Versailles , à la somme de 2.849.456,42 euros HT,
- dire et juger qu'elle est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option et qu'elle est en droit de régler à la société Finamur, pour solde de tout compte, les sommes suivantes :
' 2.849.456,42 euros HT au titre du capital restant dû arrêté pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances du 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel,
' 85.483,69 euros HT au titre de la pénalité de la quote-part du prix de la levée d'option d'achat arrêtée pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances des 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel,
à titre très subsidiaire,
- dire et juger que la clause contractuelle prévoyant les modalités de calcul de la quote-part du prix de la levée d'option due à la société CMCIC lease doit s'interpréter en sa faveur,
en conséquence,
- dire et juger que la quote-part du prix de la levée d'option due à la société CMCIC lease sera calculée selon les mêmes modalités contractuelles que celles prévues pour la société Finamur,
- dire et juger qu'elle est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option et qu'elle est en droit de régler à la société Finamur, pour solde de tout compte, les sommes suivantes :
' 2.849.456,42 euros HT au titre du capital restant dû arrêté pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances du 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel,
' 85.483,69 euros HT au titre de la pénalité de la quote-part du prix de la levée d'option d'achat arrêtée pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances des 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel,
- dire et juger qu'elle est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option et qu'elle est en droit de régler à la société CMCIC lease, pour solde de tout compte, les sommes suivantes :
' 2.849.456,42 euros HT au titre du capital restant dû arrêté pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances du 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel,
' 85.483,69 euros HT au titre de la pénalité de la quote-part du prix de la levée d'option d'achat arrêtée pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances des 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et 16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel,
en toute hypothèse,
- désigner maître Antoine G., notaire à Rouen, en qualité de rédacteur de l'acte de vente, lequel sera chargé de recevoir la signature des parties en présence,
- constater que les sociétés CMCIC lease et Finamur ont manqué à leur obligation d'exécuter la convention de bonne foi et à leur obligation de prudence,
- condamner, in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, la société Crédit mutuel real estate lease (CMCIC lease) et la société Finamur à lui payer en remboursement du préjudice subi, la somme de 1.492.800,72 euros correspondant au montant total des intérêts versés aux sociétés CMCIC lease et Finamur depuis le 22 février 2017, date à laquelle la levée d'option d'achat aurait dû être effective compte tenu de sa volonté manifestée à cette fin, arrêtée pour mémoire à ce jour, à savoir après prise en compte du séquestre des échéances des 16 mars, 16 juin, 16 septembre, 16 décembre 2019, 16 mars, 16 juin et16 septembre 2020 conformément aux termes de l'arrêt rendu le 28 février 2019 par la cour d'appel, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, le tout sous le bénéfice de l'anatocisme, en vertu de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, la société CMCIC lease et la société Finamur à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés CMCIC lease et Finamur à lui payer la somme de 12 625,13 euros au titre du reliquat des intérêts trop versés, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,
- débouter les sociétés Crédit mutuel real estate lease (CMCIC lease) et Finamur de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, la société Crédit mutuel real estate lease (CMCIC lease) et la société Finamur à lui payer la somme de 45 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec droit de recouvrement au bénéfice de maître R. instauré à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 octobre 2020, comportant appel incident, les sociétés Finamur et Crédit Mutuel Real Estate Lease (anciennement dénommée CMCIC lease) demandent à la cour de :
- dire et juger que les pièces n° 7, 8, 9, 11 et 23 produites par la société Rois mages se heurtent au principe de confidentialité attaché à la procédure de conciliation,
- dire et juger irrecevable la demande formée par la société Rois mages au titre d'un prétendu trop versé d'intérêts contractuels,
- dire et juger irrecevable, en tout cas mal fondée, la société Rois mages en l'ensemble de ses demandes,
- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes relatives aux pièces produites par la société Rois mages et les a condamnées à lui payer la somme de 12 625,13 euros au titre d'un trop versé d'intérêts contractuels,
statuant de nouveau ,
- écarter des débats les pièces n°7, 8, 9, 11 et 23 produites par la société Rois mages,
- débouter la société Rois mages de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement pour le surplus,
à titre subsidiaire,
- fixer le prix de levée d'option anticipée sollicitée par la société Rois mages, après règlement de l'échéance du 16 septembre 2020, à la somme de 6 565 885,11 euros, outre les frais contractuellement à sa charge dont, notamment, les frais de calcul de levée d'option (720 euros TTC), les frais de réalisation pour rachat anticipé (8 400 euros TTC), la provision sur la taxe foncière 2020 (129 768,25 euros TTC) ou encore les coûts liés à l'établissement des différents diagnostics techniques et autres certificats,
- confirmer le jugement pour le surplus,
en tout état de cause,
- condamner la société Rois mages à leur payer la somme de 45 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 novembre 2020.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1) sur les pièces n°7, 8, 9, 11 et 23 produites par la société Rois mages
La société Rois mages prétend n'avoir rien dévoilé des échanges intervenus au cours de la conciliation relevant que les pièces litigieuses ne contiennent aucune constatation du conciliateur ni aucune déclaration qu'il aurait recueillie. Elle ajoute qu'aucune disposition légale n'interdit la communication des pièces et documents produits par les parties elles-mêmes. Elle demande donc à la cour de débouter les intimées de leur demande tendant à écarter les pièces n°7, 8, 9, 11 et 23 qu'elle produit.
Invoquant les dispositions des articles 129-4 et 1531 du code de procédure civile ainsi que l'article 21-3 de la loi du 8 février 1995, les sociétés Finamur et CMCIC lease soutiennent que l'appelante verse aux débats des documents relatifs à la conciliation, en violation du strict principe de confidentialité attaché à toute procédure de conciliation, tel que prévu à l'article 129-4 du code de procédure civile précité. Elles estiment que le seul fait d'évoquer l'existence d'une conciliation en cours, ou son échec, s'analyse en une violation de la confidentialité de cette mesure.
L'article 129-4 alinéa 2 du code de procédure civile, prévoit que 'les constatations du conciliateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent ni être produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties, ni, en tout état de cause dans une autre instance'.
En l'espèce, si les pièces n° 7 et 23 constituent des échanges entre les parties et le conciliateur, elles ne contiennent ni constatation ni déclaration recueillie au cours de la conciliation puisqu'il s'agit uniquement, pour la première, de la lettre adressée par la société Rois mages au conciliateur près le tribunal de commerce de Nanterre pour solliciter la mise en place d'une conciliation et pour la seconde, de la réponse apportée par celui-ci pour proposer un premier rendez-vous aux parties en vue de la mise en place d'une conciliation. Les pièces n° 8 et 9 sont les lettres adressées par le conseil de la société Rois mages à la société Finamur d'une part et à la société CMCIC lease d'autre part pour les informer de la saisine du conciliateur. Ces documents ne rentrent pas dans le champ de la confidentialité énoncé par l'article susvisé.
À l'inverse, si effectivement, il n'est pas démontré que la pièce n° 11 ait été adressée au conciliateur, celle-ci fait néanmoins état de l'offre de la société CMCIC lease transmise lors du rendez-vous de conciliation du 21 novembre 2017, ce qui constitue 'une déclaration' recueillie par le conciliateur au sens de l'article précité, en sorte que la production de cette pièce à l'occasion de la présente instance viole le principe de la confidentialité de la conciliation protégé par l'article susvisé.
Il convient en conséquence, infirmant le jugement sur ce point, de faire droit à la demande des sociétés Finamur et CMCIC lease et d'écarter des débats la pièce n°11 produite par la société Rois mages.
2) sur le fond
* sur la clause relative à la levée d'option
Après avoir rappelé les dispositions des anciens articles 1156 et suivants et des nouveaux articles 1188 et suivants du code civil, ainsi que la définition des contrats d'adhésion et des contrats de gré à gré, invoqué la jurisprudence de la Cour de cassation ayant anticipé sur ce point la réforme du droit des obligations, et détaillé la méthode de calcul de la quote-part de levée d'option de la société Finamur d'une part et de la société CMCIC lease d'autre part, la société Rois mages soutient qu'alors que le calcul de la quote-part de la société CMCIC lease fait référence au taux du swap « ayant servi au calcul de l'échéancier lors de la mise en loyer » et au « taux du swap en vigueur lors de la levée d'option », qu'aucun de ces taux du swap n'est déterminé ni déterminable à la lecture du contrat de crédit-bail et que la société CMCIC lease, elle-même, rencontre une difficulté pour calculer le montant de sa quote-part, ce qui résulte des différents montants qui lui ont été communiqués. Elle prétend que la convention litigieuse est un contrat d'adhésion dont les deux organismes financeurs ont fixé d'autorité les modalités notamment les clauses de levée d'option d'achat et que la clause rédigée en faveur de la société CMCIC lease comporte une ambiguïté manifeste, relevant de nouveau que le contrat de crédit-bail ne contient strictement aucune information sur le taux du swap ayant servi de base au calcul de l'échéancier et arguant qu'il existe une multitude de taux swap. Elle souligne que la société CMCIC lease, qui ne cesse de faire varier sa position, présente des calculs obscurs et incompréhensibles. Elle estime que cette indétermination contractuelle est uniquement imputable à celle-ci, rédactrice du contrat d'adhésion et créancière de l'obligation, qui devra en assumer les conséquences. Elle fait valoir en conséquence, à titre principal,que la clause liée au calcul de la quote-part du prix de la levée d'option rédigée par la société CMCIC lease est abusive dans la mesure où elle n'est pas rédigée de façon claire et compréhensible et où elle crée à l'évidence un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en sorte qu'elle doit être réputée non écrite et que par conséquent la société CMCIC lease ne pourra percevoir aucune somme au titre de la levée d'option d'achat ou à titre subsidiaire que la somme due à cette société sera égale au seul montant du capital restant dû arrêté à ce jour. A titre très subsidiaire, elle soutient que la clause doit être interprétée, compte tenu de son opacité, au regard de celle instaurée au profit de la société Finamur, soutenant que dans son esprit, il ne pouvait exister une distorsion significative entre le prix de la levée d'option dû à chacun des deux crédit-bailleurs en sorte qu'elle doit être calculée selon les modalités contractuelles stipulées pour le calcul de la quote-part du prix devant revenir à la société Finamur.
En réponse aux sociétés intimées, elle réaffirme qu'il s'agit bien d'un contrat d'adhésion dès lors qu'elle s'est contentée d'accepter les clauses qui lui ont été proposées par les sociétés CMCIC lease et Finamur, professionnelles des opérations de crédit-bail, que les conditions générales ont été soustraites à la négociation et qu'elle se trouvait naturellement dans une situation de déséquilibre au sein de la relation contractuelle. Elle explique également que le déséquilibre significatif que crée cette clause est indéniable, lequel déséquilibre ne résulte pas, contrairement à ce que soutiennent les sociétés crédit-bailleresses, du prix de vente de l'immeuble mais de l'impossibilité pour elle de pouvoir déterminer le prix de l'option d'achat compte tenu de l'opacité des termes de la clause. Elle rappelle que la cour d'appel, en référé, a bien conclu à l'absence de clarté des dispositions contractuelles relatives au mode de calcul applicable pour déterminer le prix de la levée d'option et invite la cour à suivre une nouvelle fois son propre raisonnement. Elle souligne également que la position des sociétés crédit-bailleresses qui, encore à ce stade, hésitent entre deux modes de calcul, démontre que les stipulations contractuelles sont totalement inexploitables. Elle critique le tribunal de commerce en ce que, bien qu'ayant confirmé que le contrat de crédit-bail ne mentionne aucune référence au taux du swap appliqué et/ou applicable, en a déduit que, compte tenu de l'évolution des taux d'intérêts, cette indétermination contractuelle serait indifférente sur l'application de la clause et ce faisant, n'a pas tiré les conséquences juridiques de ses propres constatations. Elle soutient qu'en constatant l'absence de référence à un taux du swap spécifique dans le contrat, les juges auraient dû constater, a minima, l'ambiguïté de la clause ou la qualifier de clause abusive et en tirer les conséquences juridiques qui s'imposent, à savoir la réputer non écrite ou l'interpréter.
Les sociétés Finamur et CMCIC lease font valoir que les nouvelles dispositions issues de l'ordonnance du 10 février 2016 ne sont pas applicables en l'espèce puisque le contrat de crédit-bail immobilier dont s'agit a été conclu le 24 septembre 2008 et qu'en tout état de cause le contrat régularisé entre les parties n'est aucunement un « contrat d'adhésion » au sens des articles 1110 et 1171 « nouveaux » puisque l'ensemble des clauses, y compris celles développées dans les conditions générales, étaient négociables, soulignant que le contrat a été reçu par acte authentique du notaire de la société Rois mages, qu'il comporte un certain nombre de modifications manuscrites ce qui démontrent que des ajustements ont été effectués et acceptés par toutes les parties le jour même de sa régularisation, annihilant tout argument quant au caractère « non négociable » de la convention des parties et que la clause de calcul du prix de levée d'option anticipée fait partie intégrante des « conditions particulières » du contrat. Elles ajoutent qu'outre le fait que la clause remise en cause par la société Rois mages ne crée aucun déséquilibre significatif, elle concerne en tout état de cause le prix de l'immeuble en cas de levée d'option d'achat anticipée en sorte que la clause ne peut être réputée non écrite.
Elles soutiennent par ailleurs que ni l'article 1156 ni l'article 1162 du code civil ne permettent la modification du contrat ayant force de loi entre les parties, prétendant que le contrat ne souffre d'aucune imprécision et que c'est la société Rois mages qui remet en cause le résultat du calcul qui lui a été transmis.
Elles estiment que les jurisprudences évoquées par la société Rois mages sont hors de propos, notamment au motif que celle-ci ne peut laisser entendre qu'elle serait un consommateur pouvant se prévaloir des dispositions du code de la consommation, rappelant qu'un crédit-bail immobilier ne peut être accordé que pour le financement d'un immeuble à usage professionnel.
Elles affirment que la clause est dénuée d'ambiguïté et que le crédit-bail immobilier est une opération qui impose des mécanismes financiers particuliers, ce qui explique que le contrat de crédit-bail immobilier intègre une clause de calcul de prix de levée d'option d'achat anticipée garantissant au crédit-bailleur d'être indemnisé, laquelle clause ne s'analysant en aucun cas comme une clause pénale puisqu'elle ne sanctionne pas une inexécution de la part du crédit-preneur et que chaque crédit-bailleur est libre d'en fixer les modalités de calcul, et ce également dans le cadre d'un financement par un pool. Puis, elles détaillent le calcul du coût de la levée d'option anticipée concernant la quote-part de la société CMCIC lease lequel se fait par une actualisation au taux swap actuel, très largement inférieur au taux swap d'origine, quelqu'il soit, même minoré de deux points. Elles estiment que le coût de la quote-part de la société CMCIC lease, en cas de levée d'option d'achat anticipée par la société Rois mages, est donc parfaitement déterminable et vérifiable en sorte que les demandes de la société Rois mages sont dénuées de fondement.
Le contrat de crédit-bail immobilier litigieux a été conclu avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations en sorte que la société Rois mages ne peut utilement invoquer les dispositions issues de cette réforme et notamment celles relatives au contrat d'adhésion et aux clauses abusives.
En tout état de cause, comme l'a justement relevé le tribunal, le contrat conclu entre la société Rois mages d'une part et les sociétés Finamur et CMCIC lease d'autre part, passé devant le notaire de la société Rois mages, comporte deux parties, la première intitulée 'conditions particulières' (pages 8 à 23) au sein de laquelle est insérée la clause A.5 2° relative au coût de la levée d'option d'achat anticipée, et la seconde intitulée 'conditions générales' (pages 24 à 53), la partie relative aux conditions particulières se terminant par un paragraphe A7 intitulé 'conditions dérogatoires aux conditions générales', ce qui montre que le contrat a été négocié entre les parties et ne peut recevoir la qualification de contrat d'adhésion.
Par suite, la société Rois mages, qui en outre ne démontre pas que la clause litigieuse n'était pas négociable, ne peut demander qu'elle soit réputée non écrite.
Aux termes de l'article A 5 2° du contrat intitulé 'acquisition anticipée à la demande du preneur', le preneur a la faculté d'acquérir le bien objet du contrat à partir de la fin de la 7ème année qui suivra la prise d'effet du crédit-bail.
Cet article précise, s'agissant de la quote-part revenant à la société Finamur, que : 'le prix de levée d'option hors taxes sera égal au montant de la valeur résiduelle contractuelle (colonne "encours après" du tableau ci-joint), à compter de la fin de la 7ème année et jusqu'à la dixième année, suivant la prise d'effet du contrat, le prix de vente sera égal au capital restant dû, à la date de vente, majoré de trois pour cent (3 %), puis majoré de deux pour cent (2 %) entre la onzième année à la quinzième année, puis majoré de un pour cent (1 %) entre la fin de la seizième année à la dix-huitième année'.
S'agissant de la quote-part revenant à la société CMCIC lease, le prix de la levée de l'option est 'égal à la valeur actualisée de toutes les sommes restant dues au jour de la levée (loyers et valeur résiduelle au terme du contrat), actualisation faite au taux le plus bas entre :
- le taux du swap ayant servi au calcul de l'échéancier lors de la mise en loyer, minoré de deux points (2 pts)
- le taux du swap qui sera en vigueur à la levée d'option pour une durée égale à la durée résiduelle du contrat, lequel taux minoré de deux points (2 pts).
Ce total majoré d'une indemnité égale à 3 % du montant ainsi obtenu de la fin de la 7ème année jusqu'à la 10ème année, égale à 2 % entre la 11ème année et la 15ème année et égale à 1 % entre la 16ème année et la 18ème année'.
S'il est vrai que le contrat ne précise pas quel taux du swap doit être pris en compte pour la première hypothèse du calcul pas plus que pour la seconde (swap 10 ans, swap 12 ans, swap 15 ans...), ce taux n'en est pas pour autant indéterminable ; en effet, les intimées produisent aux débats un tableau des taux du swap en vigueur au jour de la mise en loyer, le 16 mars 2010, mentionnant un taux du swap 15 ans de 3,757 % à propos duquel la société Rois mages n'apporte aucun élément de nature à établir que ce ne serait pas ce taux qui aurait servi au calcul de l'échéancier ; quant au taux du swap en vigueur au jour de la levée de l'option, c'est celui correspondant à la durée résiduelle du contrat. La clause de calcul du prix de levée de l'option concernant la quote-part de la société CMCIC lease ne peut par suite être qualifiée ni d'ambiguë ni d'opaque.
En revanche, le calcul de la levée d'option adressé par la société Finamur, en sa qualité de chef de file de l'opération, à la société Rois mages le 24 août 2016 tout comme celui adressé le 28 août 2017 est opaque en ce qui concerne la quote-part du coût de la levée d'option de la société CMCIC lease dès lors qu'il ne comporte pas l'assiette de calcul (valeur résiduelle actualisée HT après paiement de l'échéance), le taux du swap applicable et le montant de l'indemnité de 3 %.
La cour relève d'ailleurs que ces deux documents relatifs au calcul de la levée d'option transmis à la société Rois mages mentionnent tant pour la société Finamur que pour la société CMCIC lease 'valeur résiduelle' alors que la clause rappelée ci-dessus, s'agissant de la quote-part de la société Finamur, prévoit que le prix de la levée de l'option est égal à la valeur résiduelle contractuelle majorée d'une indemnité tandis que la quote-part du prix de l'option revenant à la société CMCIC lease est égal à la valeur actualisée de toutes les sommes restant dues au jour de la levée (loyers et valeur résiduelle au terme du contrat) majorée d'une indemnité contractuelle, en sorte que le calcul ne correspond pas à la clause litigieuse.
La cour observe que la société CMCIC lease, de manière unilatérale, a décidé d'elle-même de ne pas 'retenir l'application de la clause contractuelle stricto sensu, qui aurait amené à une actualisation avec un taux négatif. Nous avons uniquement retenu la valeur du swap 12 ans du 26 /07/2016 à 0,492 % sans la minoration des deux points. Ceci étant plus favorable à la société Rois mages' et que le calcul que les intimées proposent à titre subsidiaire dans leurs écritures tend également à écarter l'application de la clause relative au taux du swap, celui-ci étant devenu négatif (- 0,315 %) puisqu'elles n'appliquent aucun taux d'actualisation.
Il se déduit des propres constatations des intimées que la clause, s'agissant de la quote-part de la société CMCIC lease, compte tenu de l'évolution du cours des taux du swap devenus négatifs, ce que les parties n'avaient pas pu anticiper lors de la conclusion du contrat en 2008, n'est pas en l'état applicable puisqu'actualiser les sommes restant dues avec un taux négatif reviendrait à dire que la société Rois mages ne devrait plus rien à la société CMCIC lease mais qu'au contraire ce serait cette dernière qui serait redevable d'une somme à la société Rois mages au titre de la levée de l'option d'achat, ce qui n'a pas de sens et est contraire à la volonté des parties. La clause, du fait de cette évolution, doit donc être interprétée à l'aune des règles fixées aux anciens articles 1156 et suivants du code civil, celui-ci prévoyant que 'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes', l'article 1161 'toutes les clauses des conventions s'interprêtent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier' et l'article 1162 'dans le doute, la convention s'interprête contre celui qui a stipulé en faveur de celui qui a contracté l'obligation'.
La solution à retenir est donc, non pas celle proposée par les intimées à titre subsidiaire, qui revient à faire payer à la société Rois mages la totalité des loyers restant dus (50 % pour la quote-part de la société CMCIC lease), sans actualisation, outre la majoration de 3 %, ce qui n'est pas conforme à la commune intention des parties, mais celle favorable à la société Rois mages, qui a contracté l'obligation, calquée sur la quote-part du prix de la levée d'option revenant à la société Finamur, et qui est conforme à l'économie générale du contrat de crédit-bail.
Ainsi, le prix de levée de l'option, après paiement des échéances jusqu'au 16 septembre 2020 conformément à la demande de la société Rois mages, s'établit ainsi :
- quote-part de la société Finamur : 50 % du montant de la valeur résiduelle après règlement de l'échéance du 16 septembre 2020, soit 2 849 456,42 euros, augmentée de l'indemnité contractuelle de 3 % (85 483,69 euros), soit au total 2 934 940,11 euros,
- quote-part de la société CMCIC lease : 50 % du montant de la valeur résiduelle après règlement de l'échéance du 16 septembre 2020, soit 2 849 456,42 euros, augmentée de l'indemnité contractuelle de 3 % (85 483,69 euros), soit au total 2 934 940,11 euros.
Il convient en conséquence, infirmant le jugement, de fixer, après le règlement de l'échéance du 16 septembre 2020, le prix de la levée d'option hors taxes et frais à la somme totale de 5 869 880,22 euros, somme à laquelle s'ajoutent la taxe foncière 2020 (129 768,25 euros TTC), ainsi que les frais, droits et honoraires de la vente, à l'exclusion des frais de calcul de levée d'option non justifiés.
* sur la responsabilité des sociétés Finamur et CMCIC lease
Rappelant les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil qui prévoit que les conventions doivent être exécutées de bonne foi, la société Rois mages critique le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité des sociétés intimées. Elle prétend que les fautes commises par celles-ci consistent en la rédaction imprécise du contrat et la non communication du taux du swap ayant servi de base au calcul de l'échéancier, ce qui l'a privée de la faculté de lever l'option dans des conditions normales. Elle invoque un manquement à leur obligation d'exécuter la convention de bonne foi et un manquement à leur devoir de prudence, laquelle aurait au moins voulu que les intimées veillent à lui communiquer le taux du swap ayant servi de base de calcul de l'échéancier tout comme son éventuelle évolution depuis le début de l'exécution du contrat.
Elle prétend que son préjudice est équivalent à la somme totale des intérêts versés en pure perte depuis le 22 février 2017, date à laquelle la levée d'option d'achat aurait dû être effective.
Les sociétés intimées se défendent de toute faute soutenant que la clause de calcul de prix est parfaitement exécutable et par ailleurs qu'elles n'étaient débitrices d'aucune obligation de prudence. Elles font valoir qu'en tout état de cause, c'est l'appelante qui est à l'origine du blocage qu'elle déplore puisqu'en contestant le montant de la quote-part de la société CMCIC lease calculée dans les termes du contrat elle a refusé de facto de procéder à la signature de l'acte authentique de vente. Puis, elles estiment que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que le prix de la levée de l'option devait être calculé après règlement de l'échéance du 16 mars 2019.
Les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi.
En adressant à la société Rois mages, en réponse à sa demande du 31 mai 2016, par courrier du 24 août 2016, le calcul de la levée d'option ne comportant aucun détail sur la quote-part revenant à la société CMCIC lease, s'abstenant ainsi de donner des précisions sur les taux du swap auxquels la clause litigieuse se réfère pour le calcul du prix de la levée d'option, ne permettant pas ainsi au crédit-preneur d'apprécier l'opportunité ou non de lever l'option, puis en fournissant des explications par lettre du 25 avril 2017 faisant état de ce que la société CMCIC lease avait décidé de manière unilatérale d'écarter l'application 'stricto sensu' de la clause contractuelle qui faisait alors la loi des parties, étant d'ailleurs observé que le calcul présenté dans ce document "l'actualisation au taux de 0,492 % génère un montant de loyers et de valeur résiduelle actualisés de 4 944 403,76 euros" correspond en réalité à un montant de loyers restant dus avant actualisation de 10 049 601,10 euros ce qui n'est pas 50 % du montant des sommes restant dues au jour de la levée de l'option mais plutôt 100 %, puis en adressant encore à la société Rois mages, par courrier du 28 août 2017, un calcul de levée de l'option dont la quote-part de la société CMCIC lease n'est de nouveau pas détaillée, les sociétés intimées ont fait preuve d'une mauvaise foi certaine dans l'exécution de la convention.
Cette faute a privé la société Rois mages de la possibilité de lever l'option dans un délai conforme à sa volonté.
En ce qui concerne la date de l'effectivité de la levée d'option d'achat, c'est à juste titre que les premiers juges, par des motifs pertinents que la cour adopte, ont retenu que la société Rois mages a manifesté sa volonté de lever l'option non pas dans sa lettre du 31 mai 2016 dans laquelle elle sollicitait de la société Finamur des informations sur les conditions et les modalités de la levée d'option mais dans l'assignation en référé délivrée aux crédit-bailleurs le 27 février 2018 en sorte que la levée d'option pouvait être effective, non pas huit mois après, mais au 16 mars 2019 conformément aux conditions générales du contrat. Ainsi, la société Rois mages, en raison de la faute des deux intimées, a réglé en pure perte la somme de 634 297,33 euros correspondant aux intérêts versés sur les échéances du 16 mars 2019 au 16 septembre 2020.
Il convient en conséquence, infirmant le jugement, de condamner in solidum les sociétés Finamur et CMCIC lease à payer à la société Rois mages cette somme à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l'article du 1231-7 du code civil et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du même code.
La société Rois mages, qui ne développe aucun moyen au soutien de cette demande, ne justife d'aucun préjudice autre que ce préjudice financier ; la décision en ce qu'elle a rejeté sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts doit donc être confirmée.
* sur les intérêts trop versés
La société appelante prétend avoir trop versé, depuis la mise en loyers, des intérêts à hauteur de la somme totale de 64 952,39 euros HT, ce que la société Finamur en sa qualité de chef de file a reconnu en validant ses calculs et lui remboursant la somme de 48 635,09 euros HT soit 58 167,67 euros TTC dès le mois de janvier 2013, outre un avoir complémentaire de 3 692,16 euros soit 4 430,59 euros TTC adressé le 16 avril 2018. Elle prétend qu'il lui reste dû la somme de 12 625,13 euros et soutient que les pièces versées aux débats montrent que la société Finamur, chef de file, a renoncé à se prévaloir de la prescription quinquennale dans la mesure où elle a validé ses calculs et émis des avoirs, rappelant à cet égard les dispositions de l'article 2251 du code civil. Elle ajoute qu'ayant commencé l'exécution du remboursement des intérêts trop-perçus, les sociétés Finamur et CMCIC lease sont désormais irrecevables à se prévaloir de la prescription.
Les sociétés intimées répondent que le prétendu trop-versé d'intérêts concerne la période entre le 16 mars 2010 et le 15 décembre 2012, que la société Rois mages a accepté sans réserve l'échéancier définitif établi le 5 septembre 2012, que celle-ci pouvait donc avoir connaissance du prétendu trop-versé d'intérêts à compter de cette date d'édition de l'échéancier définitif et à tout le moins avant le 8 janvier 2013 en sorte que la prescription quinquennale est acquise depuis le 9 janvier 2018 et la demande formée par assignation du 27 novembre 2018 irrecevable comme prescrite. Elles estiment que l'analyse du tribunal procède d'une erreur dans la lecture du courrier électronique du 5 octobre 2017 qui n'émane pas de la société Finamur mais de la société Rois mages elle-même en sorte qu'aucune interruption de la prescription n'a pu intervenir. En tout état de cause, elles soutiennent, au visa de l'article 2250 du code civil, qu'elles n'ont pas pu renoncer à une prescription qui n'était pas encore intervenue et qui n'était acquise que le 9 janvier 2018. Enfin, sur le fond, elles prétendent que la demande est mal fondée dès lors qu'aucun calcul aboutissant au montant réclamé par la société Rois mages n'a été validé par elles.
Selon l'article 2240 du code civil, pour interrompre la prescription, la reconnaissance doit émaner du débiteur ou de son mandataire. L'article 2251 du même code prévoit quant à lui que la renonciation tacite à une prescription acquise résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.
Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le courriel du 5 octobre 2017, qui n'émane pas de la société Finamur mais de la société Rois mages, ne constitue pas une reconnaissance par les intimées du trop perçu d'intérêts.
Le point du départ de la prescription quinquennale se situe au 1er février 2013, date à laquelle la société Finamur a informé la société Rois mages que la somme rétrocédée sur le trop perçu d'intérêts s'élevait à 58 167,57 euros TTC.
Le fait que la société Finamur, en sa qualité de chef de file, ait adressé à la société Rois mages deux chèques les 8 janvier 2013 et 1er février 2013 soit une somme totale de 58 167,67 euros TTC, outre un avoir complémentaire de 4 430,59 euros TTC édité le 16 avril 2018, ne signifie nullement que la société Finamur ait validé le calcul de la société Rois mages ni, à l'occasion de ce dernier, qu'elle ait renoncé à se prévaloir de la prescription.
En l'absence de toute interruption du délai de prescription, la demande formée par assignation du 27 novembre 2018 est prescrite. Il convient en conséquence, infirmant le jugement de ce chef, de délarer irrecevable cette demande de la société Rois mages.
3) sur les dépens
Le sens du présent arrêt montre que les décomptes adressés par les sociétés crédit-bailleresses à la société Rois mages les 24 août 2016 et 28 août 2017 ne pouvaient être retenus pour le calcul du prix de la levée de l'option et que la société Rois mages est bien fondée en sa demande relative au calcul de la quote-part du prix de la levée de l'option revenant à la société CMCIC lease. Il convient en conséquence, infirmant également le jugement sur ce point, de dire que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les intimées.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la société Rois mages est en droit de se prévaloir du caractère effectif de la levée de l'option d'achat des biens objet du crédit-bail immobilier du 24 septembre 2008, au 16 mars 2019, désigné maître G., notaire à Rouen en qualité de rédacteur de l'acte de vente, ordonné la main levée de la mesure de consignation des échéances du contrat de crédit-bail immobilier autorisée par la cour d'appel de Versailles par arrêt du 28 février 2019, ordonné le versement de la totalité des sommes consignées à ce titre, par la société Rois mages à la société Finamur, en sa qualité de chef de file et débouté la société Rois mages de sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés,
Ecarte des débats la pièce n°11 produite par la société Rois mages,
Fixe, après le règlement de l'échéance du 16 septembre 2020, le prix de la levée d'option dû par la société Rois mages, hors taxes et frais, à la somme totale de 5 869 880,22 euros, somme à laquelle s'ajoute la taxe foncière 2020 (129 768,25 euros TTC), ainsi que les frais, droits et honoraires de la vente,
Dit que les sociétés Finamur et CMCIC lease ont commis une faute dans l'exécution du contrat de crédit-bail,
Condamne in solidum les sociétés Finamur et Crédit mutuel real estate lease (anciennement dénommée CMCIC lease) à payer à la société Rois mages la somme de 634 297,33 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Déclare irrecevable la demande de la société Rois mages au titre des intérêts trop versés,
Condamne in solidum les sociétés Finamur et Crédit mutuel real estate lease (anciennement dénommée CMCIC lease) aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés directement par maître R., pour ceux dont elle a fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les sociétés Finamur et Crédit mutuel real estate lease (anciennement dénommée CMCIC lease) à payer à la société Rois mages la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.