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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 4 avril 2024, n° 23/03284

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 23/03284

4 avril 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 04 AVRIL 2024

N° RG 23/03284 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLCT

S.A.S. HYPREVENTION

c/

S.E.L.A.S. FALKENBURG

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 juin 2023 (R.G. 23/03208) par le Juge de l'exécution de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 05 juillet 2023

APPELANTE :

S.A.S. HYPREVENTION

prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège.

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Emilie FRIEDE de la SARL SARL ARCAMES AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.E.L.A.S. FALKENBURG

immatriculée au RCS de NICE sous le numéro 905 408 209

prise en la personne de Monsieur [T] [F]

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée par Me Coralie BOTTON, avocate au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Déclarant agir en vertu d'une ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution de Bordeaux le 30 décembre 2022, Monsieur [F], ès qualité de président de la SELASU Falkenburg, membre associée de l'AARPI (association d'aocats à responsabilité professionnelle individuelle) EOS associés, a fait pratiquer le 19 janvier 2023 une saisie conservatoire de créances entre les mains de la Caisse d'Epargne et à l'encontre de la SAS Hyprevention pour garantir le paiement de la somme de 603 650, 80 euros.

Le tiers saisi a déclaré détenir des comptes créditeurs à hauteur de 5 179, 82 euros. La saisie conservatoire a été dénoncée à la débitrice le 27 janvier 2023.

Selon acte de commissaire de justice délivré le 7 avril 2023, la SAS Hyprevention a assigné M. [F], ès qualité de président de la SELASU Falkenburg, devant le juge de l'exécution de Bordeaux aux fins notamment de contester la mesure conservatoire ainsi pratiquée à son encontre.

Par jugement du 27 juin 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- dit n'y avoir lieu à la jonction de la présente affaire avec l'affaire numéro 23/02976,

- débouté la SAS Hyprevention de l'intégralité de ses demandes,

par voie de conséquence,

- ordonné le maintien de la saisie conservatoire de créances pratiquée le 19 janvier 2023, selon une ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution de Bordeaux le 30 décembre 2022, à la demande de M. [F], ès qualité de président de la SELASU Falkenburg, membre associée de l'AARPI EOS associés, et entre les mains de la Caisse d'Epargne et à l'encontre de la SAS Hyprevention pour garantir le paiement de la somme de 603 650,80 euros,

- débouté M.[F], ès qualité de président de la SELASU Falkenburg du surplus de ses demandes,

- rejeté les demandes formées par les parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Hyprevention aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l'article R121-21 du code des procédures civiles d'exécution.

La SAS Hyprevention a relevé appel total du jugement le 5 juillet 2023.

L'ordonnance du 19 septembre 2023 a fixé l'affaire à l'audience des plaidoiries du 21 février 2024, avec clôture de la procédure à la date du 7 février 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2023, la SAS Hyprevention demande à la cour, sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants, L.512-1 et suivant, et R.512-1 du code de procédure civiles d'exécution, des articles 1842, 1871 à 1873 du code civil, des articles 32 et 32-1, 122 et 700 du code de procédure civile :

- d'infirmer et de réformer le jugement rendu le 27 juin 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux en qu'il:

- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

- ordonné le maintien de la saisie conservatoire de créances pratiquée le 19 janvier 2023, selon une ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution de Bordeaux le 30 décembre 2022, à la demande de M. [F], ès qualité de président de la SELASU Falkenburg, membre associée de l'AARPI EOS associés, et entre les mains de la Caisse d'Epargne et à son encontre pour garantir le paiement de la somme de 603 650,80 euros,

- rejeté les demandes formées par les parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Hyprevention aux entiers dépens de l'instance,

statuant à nouveau,

in limine litis,

- de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire du 19 janvier 2023, ainsi que du procès-verbal de dénonciation de la saisie conservatoire de créances du 27 janvier 2023,

à titre principal,

- de juger nulle la mesure de saisie autorisée par le juge de l'exécution dans son ordonnance du 30 décembre 2022, ainsi que la mesure pratiquée selon procès-verbal de saisie conservatoire du 19 janvier 2023 qui lui a été dénoncée le 27 janvier 2023,

en tout état de cause,

- d'ordonner la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire, la créance n'étant en tout été de cause pas fondée en son principe et en l'absence de circonstances de nature à en menacer le recouvrement,

- de condamner la SELASU Falkenburg à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'elle subit du fait de cette saisie conservatoire,

- de condamner la SELASU Falkenburg à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive,

- de condamner la SELASU Falkenburg à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance en ce compris le coût du présent acte et de la déclaration de mainlevée à intervenir, avec distraction au profit de Maître Friede,

- de confirmer le jugement rendu le 27 juin 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux en qu'il a :

- débouté M. [F], ès qualité de président de la SELASU Falkenburg, du surplus de ses demandes tendant :

- à la communication de pièces comptables sous astreinte à son encontre,

- à être autorisé à prendre une inscription provisoire de nantissement judiciaire sur le fonds de commerce qu'elle exploite et comprenant également les licences, marques, dessins et modèles industriels et brevets et généralement les droits de propriétés intellectuelles qui y sont attachés,

- la condamnation au paiement de dommages et intérêts pour procédure et résistance abusive,

- à voir condamner sonadvrsaire au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 code de procédure civile et des dépens d'appel, ainsi qu'au paiement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance,

en tout état de cause,

- à débouter la société SELASU Falkenburg de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Hyprevention.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2023, la SELAS Falkenburg demande à la cour, sur le fondement des articles 32, 32-1, 114, 1771 495, 502 et 700 et du code de procédure civile, des articles L.121-3, L.511-1 et L521-1 du code des procédures civiles d'exécution, de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, des articles 1104 et 1240 du code civil, des articles 121-4, 121-5, 312-1, et 312-9 du code pénal :

- de confirmer le jugement rendu le 27 juin 2023 par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bordeaux dans l'instance RG N° 23/03208 en ce qu'il a:

- diit d'y avoir lieu à la jonction de la présente affaire avec l'affaire numéro 23/02976 ,

- débouté la SAS Hyprevention de l'intégralité de ses demandes,

- par voie de conséquence, ordonné le maintien de la saisie conservatoire de créances pratiquée le 19 janvier 2023, selon une ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution de Bordeaux le 30 décembre 2022, à la demande de M. [F], ès qualité de président de la SELASU Falkenburg, membre associée de l'AARPI EOS associes, et entre les mains de la Caisse d'Epargne et à l'encontre de la SAS Hyprevention pour garantir le paiement de la somme de 603 650,80 euros,

- condamné la SAS Hyprevention aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l'article R.121-21 du Code des procédures civiles d'exécution,

en conséquence,

- de débouter la SAS Hyprevention de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de juger bien fondée l'ordonnance d'autorisation de mesures conservatoires rendue par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 décembre 2022,

- d'ordonner le maintien de la saisie conservatoire de créances pratiquée le 19 janvier 2023 à l'initiative de la SELASU Falkenburg en qualité de membre associée de l'AARPI EOS associes, par le biais de la SCP LVMP, commissaires de justice,

- d'ordonner à la SAS Hyprevention, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 10ème jour calendaire suivant la signification du jugement à intervenir, de communiquer un état certifié exact par son expert-comptable de son chiffre d'affaires mensuel 2023 entre le 1er janvier et le 30 avril et de ses disponibilités (trésorerie et équivalent) immédiates et à court terme, des créances actuelles ou futures détenues contre toute autre entité à date de l'établissement dudit état, des engagements actuels ou futurs au bénéfice de toute autre entité à date de l'établissement dudit état ; ses comptes sociaux complets et définitifs 2021 arrêtés au 31 décembre 2021, et 2022 arrêtés au 31 décembre 2022, et l'intégralité des relevés de tous ses comptes bancaires (selon leur périodicité : hebdomadaire, bi-hebdomadaire ou mensuelle) relatifs à la période entre le 1er janvier 2023 et le 30 avril 2023,

- d'infirmer le jugement rendu le 27 juin 2023 par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bordeaux dans l'instance RG N° 23/03208 en ce qu'il a :

- débouté M. [F], ès qualité de président de la SELASU Falkenburg, du surplus de ses demandes,

- rejeté les demandes formées par les parties au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- de condamner la SAS Hyprevention à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure et résistance abusive,

- de condamner la SAS Hyprevention à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés lors de la première instance, ainsi qu'aux entiers dépens,

y ajoutant,

- de condamner la SAS Hyprevention à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés lors de la présente procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 21 février 2024 et mise en délibéré au 4 avril 2024.

MOTIFS :

Sur la nullité de la mesure de saisie-conservatoire du 19 janvier 2023 et du procès-verbal de dénonciation du 27 janvier 2023,

L'article 495 du code de procédure civile, dispose que l'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute.

A titre liminaire, la société Hyprevention conclut à la nullité de la mesure de saisie conservatoire pratiquée le 19 janvier 2023 à l'initiative de la société Falkenburg, représentée par Maître [W] [F] et dénoncée le 27 janvier suivant.

Pour ce faire, elle soutient que le procés verbal de saisie conservatoire du 19 janvier 2023, ainsi que le procés de dénonciation de la saisie conservatoire de créances du 27 janvier 2023, doivent être annulés pour irrégularité de fond, en application de l'article 114 du code de procédure civile, dès lors qu'ils se fondent sur une ordonnance du juge de l'exécution du 30 décembre 2022, non revêtue de la formule exécutoire. En effet, une ordonnance sur requête ne peut être exécutée qu'au vu de l'original de la minute ou d'une expédition revêtue de la formule exécutoire.

A ce titre, la société Hyprevention expose que l'original de l'ordonnance ne lui a pas été effectivement remis dans le cadre de la mesure de saisie conservatoire, mais seulement une copie de l'ordonnance non revêtue de la formule exécutoire.

La SELASU Falkenburg répond que l'exception de nullité du procés verbal de la saisie conservatoire du 19 janvier 2023 et du procés verbal de dénonciation y afférent doit être rejetée, dès lors que l''article 495 du code de procédure civile dispose expressément et sans ambiguïté que l'ordonnance sur requête « est exécutoire au seul vu de la minute » et non pas au vu de l'original de la minute, ce qui serait ajouter une condition extra leguem. Elle rappelle qu'il convient de distinguer la « minute », qui correspond à l'original d'un document émanant d'une juridiction ou d'un officier public, par opposition à la grosse qui en constitue une copie. Elle expose que c'est seulement la « grosse », qui doit être revêtue de la formule exécutoire, appelée aujourd'hui titre exécutoire ou copie exécutoire, alors que les ordonnances sur requête quant à elles sont exécutoires au seul vu de la minute, ce qui signifie qu'il n'est pas nécessaire de présenter la grosse.

La société intimée en conclut donc que la mention contenue dans l'ordonnance du 30 décembre 2022 à savoir ' disons que notre ordonnance est exécutoire sur minute et après avoir été revêtue au greffe de la formule exécutoire' relève de la simple erreur matérielle, l'exécution sur minute étant contradictoire avec l'apposition par le greffe de la formule exécutoire en sorte que le moyen de nullité ainsi invoqué par la société Hyprevention ne pourra qu'être écarté.

A ce titre, la cour ne pourra que souscrire à l'argumentation de la SELASU Falkenburg,représentée par Maître [F], en ce que l'article 495 du code de procédure civile dispose que les ordonnances sur requête sont exécutoires sur minute, la production de l'original de cette dernière n'étant nullement requise.

S'il est exact que l'ordonnance sur requête du 30 décembre 2022 porte la mention ' disons que notre ordonnance est exécutoire sur minute et après avoir été revêtue au greffe de la formule exécutoire', cette mention inexacte n'est que le résultat d'une erreur matérielle puisque l'apposition de la formule exécutoire n'est pas requise s'agissant des ordonnances par principe exécutoires sur minutes.

Il en résulte que l'exception de nullité précédemment évoquée ne pourra qu'être écartée et le jugement entrepris confirmé sur ce point en ce qu'il a considéré que l'ordonnance du 30 décembre 2022 rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux était parfaitement exécutoire, nonobstant l'absence d'apposition de la formule exécutoire. Par conséquent, la cour ne pourra que dire que le procés verbal de saisie conservatoire du 19 janvier 2023 ainsi que le procés de dénonciation de la saisie conservatoire de créances du 27 janvier 2023 ne sont nullement atteints de nullité de chef.

Toutefois, la société Hyprevention conclut de pus fort à la nullité de ces actes, en arguant du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la SELASU Falkenburg.

Il résulte de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

De plus, l'article 32 du code de procédure civile dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Sur le fondement des dispositions susvisées, la SAS Hyprevention critique le jugement entrepris qui a rejeté l'exception de nullité qu'elle a soulevée, en arguant de ce que la saisie litigieuse doit être annulée dès lors qu'elle a été sollicitée par M. [F], ès qualité de président de la SELASUS Falkenburg, alors que l'ordonnance de taxation des honoraires a été ordonnée au seul bénéfice de l'AARPI EOS associés.

Elle fait valoir que la SELASUS Falkenburg et l'AARPI EOS associés sont deux entités juridiques différentes avec des numéros de Siren différents, que le fait que la société Falkenburg soit membre de l'AARPI ne crée pas une identité entre les deux entités juridiques qui restent distinctes, étant précisé que l'AARPI est une association d'avocat dépourvue de la personnalité juridique et ne disposant d'aucun patrimoine propre en sorte qu'elle ne peut être ni créancière ni débitrice d'obligations et s'avère soumise au régime juridique des sociétés en participation, conformément aux articles 1871 à 1873 du code civil.

La société Hyprevention en déduit que la créance dont se prévaut M. [W] [F], ès qualités de président de la SELASUS Falkenburg ayant été accordée dans l'ordonnance de taxe rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice uniquement au bénéfice de l'AARPI EOS associés, la société Falkenburg n'avait pas qualité, ni intérêt à agir pour déposer une requête afin d'autorisation de saisie conservatoire et de nantissement du fonds de commerce devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux. Elle considère dans ces conditions que la demande de la SELASU Falkenburg devant le juge de l'exécution est irrecevable, la créance accordée par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice ne l'ayant pas été en son nom, mais au seul bénéfice de l'AARPI associés, alors que cela n'est pas juridiquement possible, puisqu'une AARPI ne peut être créancière d'obligations.

La SELASU Falkenburg, représentée par Maître [W] [F], répond que l'exception de nullité ainsi soulevée devra être rejetée et qu'elle a qualité et intérêt à agir pour demander le paiement de la facture litigieuse à l'encontre de la société Hyprevention.

Elle expose à ce titre que la société unipersonnelle Falkenburg a été agréée par les associés de l'AARPI EOS associés, étant précisé que l'association a vocation à émettre des factures sous sa dénomination pour le compte commun de ses associés, lesquels sont pourvus du droit d'agir dans le cadre du recouvrement des recettes. Il en résulte que la société Falkenburg peut agir, en tant que membre associé de l'AARPI EOS associés en vue du recouvrement des factures émises par cette dernière. De plus, elle indique qu'elle est intervenue en cette qualité dans le cadree de la procédure de taxation pendante devant le bâtonnier de Nice.

En l'espèce, il résulte de l'ordonnance de taxe du 9 novembre 2022 rendue par la délégataire du Bâtonnier de Nice que cette dernièrer a taxé les honoraires de résultat dus à l'AARPI EOS associés, représenté par Maître [F], à la somme de 603 650, 80 euros TTC.

S'il est exact que l'AARPI EOS associés est une association d'avocats dépourvue de la personnalité juridique et qu'elle ne dispose d'aucun patrimoine propre, il appert également que celle-ci est en capacité d'émettre des factures sous sa dénomination et que les associés la composant disposent de la qualité requise pour agir dans le cadre du recouvrement de ces recettes, comme cela est en l'espèce le cas pour Maître [W] [F].

Or, il est acquis que la constitution de la SELASU Falkenburg a été approuvée par le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Nice et qu'elle a été agréée par les associés de l'AARPI EOS associés en ces termes ' la société Falkenburg est titulaire des droits et obligations d'associés de Maître [W] [T] [F] en ses lieux et place' en sorte que les droits indivis de Maître [F] dans les actifs de l'association seront automatiquement transférés et de plein droit à la société Falkenburg'.

Dans ces conditions, dès lors que l'AARPI EOS associés était dûment représentée par Maître [F] dans le cadre de la procédure en taxation des honoraires, lequel avait vocation à recouvrer sa créance résultant d'un titre de recette émis par ladite association, il est acquis que la SELASU Falkenburg, venant aux droits de Maître [W] [F] avait à la fois qualité et intérêt à agir, au même titre que Maître [F] lui -même en recouvrement de cette créance.

Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par la société Hyprevention et tendant à dire que la saisie litigieuse soit annulée, puisque sollicitée par Maître [F], ès qualité de président de la SELASUS Falkenburg, alors que l'ordonnance de taxation des honoraires a été ordonnée au seul bénéfice de l'AARPI EOS associés sera écartée et le jugement déféré confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de la mesure de saisie-conservatoire du 22 mars 2023 autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du 9 février 2023,

L'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que toute personne dont la créance apparaît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.

Il appert que les deux conditions susvisées sont cumulatives et qu'il incombe au créancier d'en rapporter la preuve.

En cause d'appel, la société Hyprévention critique le jugement entrepris qui a considéré que la créance invoquée par la SELASU Falkenburg était d'une part fondée en son principe et d'autre part que son recouvrement était menacé. Elle considère pour sa part que la saisie conservatoire litigieuse doit être levée car la créance n'est pas fondée en son principe dès lors :

- la saisie autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du 30 décembre 2022 a été sollicitée par M. [F], ès qualités de président de la SELASUS Falkenburg, alors que l'ordonnance de taxation des honoraires relative à la facture du 10 février 2022 a été ordonnée au seul bénéfice de l'AARPI EOS associés,

- aucune convention d'honoraires n'a été régularisée en vue d'un honoraire de résultat par l'AARPI EOS associés, seuls existant un mail de Maître [F] du 28 novembre 2019, ainsi qu'un courriel de Madame [H] du 1er décembre 2019,

- un résultat d'honoraire en tout état de cause ne peut être perçu que si le résultat défini par la convention est définitif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque l'ordonnance de taxation prise par le bâtonnier de Nice a fait l'objet d'un appel le 9 décembre 2022, au terme duquel elle sollicite son infirmation. Il en est de même du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux qui a condamné notamment la société Helvesta à payer à la société Hyprevention la somme de 2 250 000 euros au titre du préjudice né de l'inexécution de ses obligations contractuelles.

La SELASU Falkenburg, représentée par Maître [W] [F], estime pour sa part que la créance est fondée en son principe ou à tout le moins qu'elle présente un caractère de vraisemblance qui s'avère suffisant pour répondre aux conditions de l'article L511-1 susvisé.Elle estime qu'une convention d'honoraires a effectivement été conclue, au vu du mail du 28 novembre 2019 transmis par Maître [F] à la société Hyprevention, celle-ci consistant le plus souvent en un acte séparé qui ne porte que sur les conditions financières, pour des raisons de secret professionnel, notamment. Par ailleurs, la lettre de mission qui détermine la mission de l'avocat était ici suffisamment explicite, étant donné que l'affaire était ancienne et que les objectifs étaient déjà clairs et écrits. De plus, elle soutient que le principe de la rémunération de l'avocat a été clairement affirmé et reconnu par l'ordonnance de taxation rendue par le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Nice, cette procédure régie par les articles 174 et 175 du décret du 27 novembre 1991 établissant un régime dérogatoire, aux termes duquel l'ordonnance de taxation équivaut à un jugement de première instance qui est exclusivement susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel. Dans ces conditions, la société intimée considère qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de faire une nouvelle appréciation des éléments fondant l'existence et/ ou le montant de la créance qui ont déjà été reconnus par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice.

La SELASU Falkenburg ajoute que si la SAS Hyprevention a interjeté appel de l'ordonnance de taxation, il apparaît que cet appel est en réalité irrecevable à double titre car dirigé à l'encontre de l'AARPI EOS associés qui est dépourvue de la personnalité morale et alors que le délai d'un mois pour y procéder n'a pas été interrompu. La société intimée en déduit que l'ordonnance de taxation rendue par le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de Nice le 09 novembre 2023, et fixant les honoraires en qualité de membre associé de l'AARPI EOS associes à 603 650,80 euros TTC, est en réalité définitive.

Il résulte en l'espèce de l'ordonnance de taxe rendue par le délégataire de l'ordre des avocats du barreau de Nice le 9 novembre 2022 que la créance invoquée a été fixée à la somme de 603 650, 80 euros.

S'il est exact, comme le soutient la société Hyprevention que cette taxation est intervenue au profit de la de l'AARPI EOS associés, représentée par Maître [F], il appert que cette créance peut à juste titre aujourd'hui être revendiquée par la SELASU Falkenburg, puisque cette dernière société a été agréée par les associés de l'AARPI EOS associés et qu'elle est désormais titulaire des droits et obligations d'associés de Maître [W] [T] [F].

De plus, il ne peut valablement être contesté qu'une convention d'honoraires a été signée entre la société Hyprevention et 'AARPI EOS associés, représentée par Maître [F], au vu du mail du 28 novembre 2019 émanant de ce dernier, qui n'a pas manqué dans ce dernier de décrire la mission dont il a été chargé dans le cadre du litige ayant opposé la société Hyprevention à la société Helvesta et à ses dirigeants. Il y fait également une proposition d'honoraires très précise en faisant état d'un honoraire fixe à hauteur de 6 604, 13 euros HT, puis d'un honoraire de résultat en fonction des gains obtenus. Cette convention d'honoraire a en outre été approuvée par Mme [Z] [H], présidente de la SAS Hyprevention, dans une réponse datée du 1er décembre 2019 où elle a acquiescé à ladite proposition.

En outre, la société Hyprevention ne peut arguer à bon droit de ce que la créance alléguée par son adversaire n'est pas définitivement établie au regard de l'appel interjeté contre l'ordonnance de taxation rendue par le bâtonnier de Nice et de l'appel concernant le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 26 juillet 2022 qui a condamné la société Helvesta à payer à la SAS Hyprévention la somme de 2 250 000 euros.

Toutefois, force est de constater que nonobstant l'appel intervenu contre la décision du tribunal de commerce de Bordeaux susivsée, aucune décision infirmative n'est intervenue, la décision précitée étant en outre assortie de l'exécution provisoire.

De plus, l'ordonnance de taxation rendue par bâtonnier de l'ordre des avocats de Nice le 9 novembre 2022 équivaut à un jugement de première instance dont la force exécutoire n'est pas sérieusement contestable. Sil est exact qu'un appel peut être interjeté devant le premier président de la cour d'appel, il appert qu'en l'état celui-ci n'a nullement prospéré et que la créance alléguée par la SELASU Falkenburg conserve un caractère de vraisemblance avéré qui répond pleinement aux exigences de l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution. Par conséquent, la créance susvisée est pleinement fondée en son principe.

La SELASU Falkenburg soutient ensuite que le recouvrement de sa créance est menacé, compte-tenu du seul montant particulièrement élevé de la créance réclamée à hauteur de 600 000 euros et de la trésorerie particulièrement obérée de la société Hyprevention, qui, au terme des mesures d'exécution d'ores et déjà engagées n'a présenté des liquidités saisissables qu'à hauteur de 5179 euros et dont la saisie de biens meubles pratiquée le 22 mars 2023 évaluée à 135 000 euros s'est avérée notoirement insuffisante pour désintéresser le créancier. De plus, l'intimée souligne que la société Hyprevention n'a justifié à aucun moment de son patrimoine, de ses revenus et de leur pérennité, malgré la sommation qui lui a été faite à plusieurs reprises.

Elle ajoute que la société Hyprevention a organisé frauduleusement en amont une opération à son avantage et à celui de Mme [H], sa présidente, pour éviter de devoir payer un quelconque honoraire à son avocat. Il a été commis une escroquerie ou en tout cas d'une tentative d'extorsion pénale de la part de Mme [H] qui s'est livrée à une série de mensonges et de mises en scène frauduleuses, assistée en cela par un autre conseil pour parvenir à ses fins.

La société Hyprevention répond qu'il n'existe aucune menace de recouvrement de la créance' dès lors que son siège social demeure en France bien qu'elle ait créé une filiale aux Etats-Unis. Elle expose que si elle a fait l'objet d'un plan de sauvegarde décidé par le tribunal de commerce de Bordeaux le 28 octobre 2020, elle a décidé dernièrement d'une augmentation de son capital social, ce qui prouve sa bonne santé financière.

S'il est exact que la société Hypervention a fait l'objet d'une mesure de sauvegarde dans le cadre de la procédure l'ayant opposé à la société Helvesta, il n'est nullement établi que cette mesure a débouché sur une procédure de redressement judiciaire, la société étant à ce jour in bonis. En outre, les pièces comptables versées aux débats par l'intimée datant de l'année 2020 ne permettent pas d'établir qu'aujourd'hui la société Hyprevention se trouve en difficulté financière.

Son développement sur le territoire américain ne constitue pas nécessairement une menace pour sa pérennité, ce d'autant plus que son siège social demeure en France.

De plus, les malversations que la SELASU Falkenburg impute à sa dirigeante et à la société Hyprevention ne sont nullement matérialisées par des éléments objectifs et ne sont donc en l'état pas établies.

En outre, le résultat limité des disponibilités appréhendées suite à la mise en oeuvre d'autres mesures d'exécution ne permet pas de considérer que la société Hyprevention ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour régler les honoraires de résultats ainsi réclamés, pas plus que le montant élevé de la créance qui reste parfaitement payable au regard de l'indemnisation qui a été accordée à la société Hyprevention dans l'affaire l'opposant à la société Helvesta.

Par conséquent, en l'absence de menace dans le recouvrement de sa créance établie par le créancier, la cour ne pourra que considérer que les conditions posées pae l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas réunies et donc infirmer le jugement entrepris qui a ordonné le maintien de la saisie conservatoire pratiquée le 19 janvier 2023 à la demande de la SELASU Falkenburg, représentée par Maître [F], suite à l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution de Bordeaux du 30 décembre 2022.

Sur la demande d'indemnisation formée par la société Hyprevention du fait de la saisie conservatoire litigieuse,

Se fondant sur les dispositions de l'article L.512-2 du code de procédure civile d'exécution qui prévoit qu'en cas de mainlevée judiciaire, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice résultant de la saisie conservatoire, la société Hyprevention sollicite la réformation du jugement entrepris qui l'a déboutée de sa demande indemnitaire .

Elle réclame à ce titre la condamnation de son adversaire à lui règler la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

S'il est exact que la mesure conservatoire critiquée n'était pas justifiée au vu des dispositions de l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution, il appert également que la société Hyprevention ne démontre pas le préjudice économique qu'elle a subi par des éléments comptables objectifs. Elle sera donc déboutée de sa demande formée de ce chef, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

En outre, la société Hyprevention sollicite la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 5 000 euros à raison du caractère abusif de cette procédure. S'il a été démontré précédemment que la mesure conservatoire litigieuse n'était pas justifiée au regard de l'absence de toute menace de recouvrement affectant la créance, celle-ci ne présente pas pour autant un caractère abusif dès lors que la créance alléguée par la société intimée était vraisemblable.

Dans ces conditions, la société Hyprévention ne pourra qu'être déboutée de sa demande tendant à voir condamner son adversaire à l'indemniser à raison d'une procédure abusive.

Sur l'appel incident de la société Falkenburg,

Dans le cadre d'un appel incident, la société Falkenburg demande à la cour d'ordonner à la SAS Hyprenvention sous astreinte de communiquer sa situation comptable et financière.

Or, le juge de l'exécution n'a pas vocation à suppléer les parties dans l'administration de la preuve. La société Flakenburg sera donc déboutée de cette prétention et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

La société Flakenburg sollicite enfin la condamnation de son adversaire à lui régler la somme de 20 000 euros pour avoir résisté de manière abusive à la mesure conservatoire mise en oeuvre à son encontre. Une telle demande ne pourra prospérer, dès lors que la mesure de saisie consefvatoire pratiquée par la société Falkenburg n'était pas justifiée en l'absence de réelle menace de recouvrement pesant sur sa créance. La société intimée sera donc déboutée de sa demande formée de ce chef et le jugement confirmé de plus fort.

Sur les autres demandes,

Les dispositions prises en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens seront infirmées. Statuant de nouveau sur ce point, la cour condamnera la société Falkenburg à payer à la société Hyprenvention la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile du fait des frais irrépétibles exposés en première instance.

La société Falkenburg, représentée par Maître [W] [F], qui succombe en son appel, sera condamnée à payer à la société Hyprevention la somme de 40000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Emilie Friede.

La société Hyprevention sera déboutée de ses demandes formées à ces titres.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris, à l'exception des dispositions ayant débouté la société Hyprevention de sa demande en nullité de la mesure de saisie consevatoire en date du 19 janvier 2023, autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du 30 décembre 2022, ayant débouté la société Hyprevention de ses demandes indemnitaires et la société Falkenburg, représentée par Maître [W] [F] de son appel incident,

Statuant à nouveau,

Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire en date du 19 janvier 2023, autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du 30 décembre 2022,

Y ajoutant,

Condamne la société Falkenburg, représentée par Maître [W] [F], à payer à la société Hyprevention la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles en première instance,

Condamne la société Falkenburg, représentée par Maître [W] [F], à payer à la société Hyprevention la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la société Falkenburg, représentée par Maître [W] [F] aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de Maître Emilie Friede,

Déboute la société Falkenburg, représentée par Maître [W] [F] de ses demandes formées à ces titres.

La présente décision a été signée par Monsieur Jacques BOUDY, président, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT