Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 4 avril 2024, n° 23/05062
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 04 AVRIL 2024
N° 2024/237
Rôle N° RG 23/05062 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLCTX
[E] [O]
C/
S.A.S. SOCIETE DE COURTAGE DES BARREAUX
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain MARECHAL
Me Monika MAHY-MA-SOMGA de la SELARL LSCM & ASSOCIÉS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 28 mars 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01464.
APPELANT
Monsieur [E] [O]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Romain MARECHAL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
S.A.S. SOCIETE DE COURTAGE DES BARREAUX
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 3]
représentée par Me Monika MAHY-MA-SOMGA de la SELARL LSCM & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Jean-Luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 février 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme NETO, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur
Mme Florence PERRAUT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024,
Signé par Mme Angélique NETO, Conseillère et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [E] [O], preneur à bail rural, a diligenté plusieurs actions judiciaires, à compter du 6 avril 2009, à l'encontre de son bailleur et des membres de la famille de ce dernier.
Il a été représenté, selon les procès, par Me [N], Me [H] et Me [F].
Faisant grief à ces avocats d'avoir commis des manquements ou fautes professionnelles lui ayant causé des préjudices et anéanti ses chances d'obtenir gain de cause, M. [O] a, le 8 janvier 2014, adressé au bâtonnier du barreau de Toulon des réclamations à l'encontre de Me [N] et Me [H]. Il en a fait de même, le 24 mars 2014, auprès du bâtonnier du barreau de Marseille à l'encontre de Me [F].
Ces affaires ont été instruites par la société par actions simplifiée (SAS) Société de Courtage des Barreaux à la demande des assureurs responsabilité civile professionnelle des avocats concernés.
Le 24 février 2015, la société Société de Courtage des Barreaux a notifié à M. [O] le refus des assureurs des avocats susvisés de l'indemniser à l'amiable de ses préjudices.
Le 23 février 2017, M. [O] a fait assigner Me [H] devant le tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de voir reconnaître sa responsabilité professionnelle et le voir condamner à lui verser la somme de 628 221 euros en réparation de ses préjudices du fait des manquements professionnels commis par cet avocat.
Dans le cadre de cette procédure, Me [H] a produit deux pièces numérotées 7 et 8, à savoir un courrier de Me [F] qui a été adressé à M. [O] durant son mandat et une citation rédigée par Me [F] durant son mandat, soit des pièces rédigées après le dessaisissement de Me [H].
Se prévalant de pièces divulguées et utilisées en violation du secret professionnel, réprimée par les articles 321-1 et 321-2 du code pénal, M. [O] a saisi le juge de la mise en état pour ordonner à Me [H] de justifier de l'origine exacte des deux pièces susvisées, demande à laquelle il sera fait droit, par ordonnance en date du 29 juin 2021, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par ordonnance en date du 14 juin 2022, le juge de la mise en état a dit n'y avoir lieu à liquider l'astreinte au motif que Me [H] démontrait que les pièces 7 et 8 avaient été communiquées par la société Société Courtage des Barreaux à l'assureur responsabilité professionnelle, la société Allianz Iard, qui les a elle-même communiquées à Me [H], par courriel du 13 mars 2017.
Les 7 juillet 2021 et 12 juillet 2022, M. [O] a mis en demeure la société Société de Courtage des Barreaux de justifier de l'origine des pièces.
Par acte d'huissier en date du 30 septembre 2022, M. [E] [O] a assigné la société Société de Courtage des Barreaux devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence aux fins de lui voir enjoindre, sous astreinte, de justifier de l'identité des personnes qui ont remis les pièces, des dates des remises et des modes opératoires, de produire les courriers et/ou courriels par lesquels les personnes ont remis les pièces ainsi que les bordereaux détaillant le nombre et les contenus des pièces et de communiquer les justificatifs à l'huissier de justice qui signifiera l'ordonnance à intervenir.
Par ordonnance en date du 28 mars 2023, ce magistrat :
- a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Société de Courtage des Barreaux ;
- s'est déclaré compétent pour connaître du litige ;
- a débouté M. [O] de ses demandes ;
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Sur l'exception d'incompétence, il a relevé que l'instance au fond qui était pendante concernait une action en responsabilité introduite par M. [O] à l'encontre de Me [H] en février 2017 et que le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence était compétent en application de l'article 42 du code de procédure civile, le défendeur ayant son siège social à Eguilles.
Sur le fond, il a considéré que s'il résultait des pièces de la procédure que la société Société Courtage des Barreaux avait bien communiqué les pièces 7 et 8 à l'assureur responsabilité professionnelle du barreau de Toulon, qui les avait lui-même transmises à Me Jeannin, conseil de Me [H], en mars 2017, dans le cadre de la réclamation amiable initiée par M. [O] à l'encontre de Me [H] notamment, aucune des pièces de la procédure ne permettait d'étayer les allégations de M. [O] selon lesquelles c'était Me [F] qui avait transmis ces pièces. Il a relevé que ce dernier n'avait pas été mis en cause et que M. [O] ne justifiait d'aucun motif légitime à obtenir les éléments demandés, et notamment de la réalité, de l'étendue et de la nature des préjudices subis.
Suivant déclaration transmise le 6 avril 2023, M. [O] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises, sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence.
Aux termes de ses dernières écritures transmises le 11 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, M. [O] demande à la cour :
- de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
- d'ordonner le retrait des débats de la pièce n° 4 produite par l'intimée, à savoir le courriel de Me [Z] [W], daté du 26 août 2021 ;
- de réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes et l'exception d'incompétence soulevées par l'intimée ;
- de débouter l'intimée de ses demandes ;
- d'ordonner à l'intimée de justifier de l'identité des personnes qui ont communiqué les pièces issues du mandat de Me [U] [F], des dates des remises et des modes opératoires, de produire les courriers et/ou courriels par lesquels les personnes les ont communiquées ainsi que les bordereaux originaux détaillant leur nombre et contenu et de communiquer l'ensemble des justificatifs à l'huissier de justice qui signifiera l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la date de signification de l'ordonnance ;
- de condamner l'intimée à lui payer la somme de 3 480 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ceux compris le coût des deux constats d'huissier des 10 avril 2021 et 9 décembre 2022.
Concernant le rejet de la pièce sollicitée, il affirme n'avoir jamais reçu le courriel en question étant donné qu'il a été adressé à une adresse mail qui n'est pas la sienne, de sorte que l'intimée ne peut pas s'en prévaloir.
Concernant l'exception d'incompétence territoriale soulevée par l'intimée, il expose que le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence est la juridiction compétente en application de l'article 42 du code de procédure civile, comme étant celle du lieu où demeure le défendeur, faisant observer n'avoir introduit, à ce jour, aucune procédure civile au fond ou pénale à l'encontre de l'intimée. Dans tous les cas, il relève que la cour d'appel de céans est la juridiction d'appel compétente relativement à la juridiction que l'intimée prétend compétente, à savoir le tribunal judiciaire de Draguignan.
Concernant la recevabilité de sa demande, il affirme que l'intérêt légitime visé par l'article 31 du code de procédure civile ne se confond pas avec le motif légitime visé par l'article 145 du même code, en ce que l'intérêt légitime est une condition de recevabilité de la demande tandis que l'existence d'un motif légitime, soit l'existence de faits litigieux laissant apparaître la perspective d'une future action au fond crédible, est la condition par laquelle la mesure d'instruction peut être obtenue. Il soutient, qu'en application de l'article 145 du code de procédure civile, le juge des référés n'intervient qu'à titre préparatoire et ne doit s'attacher qu'à la recevabilité de l'action au fond éventuelle en tenant compte de l'insuffisance de preuves que la mesure cherche à combler, de sorte que le juge des référés ne peut, en aucun cas, opposer au demandeur les dispositions de l'article 146 du même code, et en l'occurrence la carence de preuve de l'imputabilité de Me [F], alors même que la mesure sollicitée a pour objet de déterminer cette imputabilité supposée. Il critique donc le premier juge d'avoir déclaré sa demande irrecevable faute pour lui de ne pas justifier d'un intérêt légitime en application de l'article 31 du code de procédure civile, et ce, alors même que l'intérêt légitime n'est pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de l'action et l'existence du préjudice n'est pas une condition de recevabilité de l'action. Il souligne que le premier juge ne fait aucune référence aux conditions de l'article 145 susvisé, et notamment à une éventuelle action au fond, mais aux dispositions de l'article 146 du même code qui ne s'appliquent pas en matière de référé.
Concernant le bien-fondé de sa demande, il expose qu'il soupçonne l'intimée d'avoir, dans le cadre de l'instruction de trois affaires distinctes, reçu de Me [F] les pièces litigieuses correspondant à son mandat, avant que ces pièces ne soient détournées au profit de Me [H]. Il souligne que l'intimée, qui n'est qu'une agence commerciale de courtage, ne disposait d'aucun pouvoir légal pour recevoir de Me [F] les éléments de son dossier couverts par le secret professionnel. Il expose que l'avocat n'est pas en droit de lever le secret professionnel dans le cadre d'une instruction amiable. Il relève que, dans les courriers qui ont été adressés aux avocats concernés au moment de l'instruction de leurs affaires, l'intimée leur a demandé de lever le secret dans l'instruction amiable, et ce, alors même que l'article 4 du décret du 12 juillet 2005 n'autorise pas la levée du secret, hors procès judiciaires. Il estime que le fait pour l'intimée d'inciter l'avocat à enfreindre cette règle constitue le délit d'incitation à commettre un délit et celui de recel de violation du secret professionnel. Il dénonce donc le procédé employé par l'intimée.
Il relève que, si l'intimée a reconnu avoir transmis les pièces litigieuses qui lui ont été remises préalablement lors de l'instruction des réclamations formées à l'encontre de Me [N], Me [F] et Me [H], à l'assureur de responsabilité professionnelle de Me [H],qui les a lui-même adressées à Me [H], afin qu'il les produise dans le cadre de la procédure au fond qu'il a initiée, elle n'a jamais précisé l'identité de la personnes qui lui a remis les pièces en question, de sorte qu'aucune poursuite ne peut être envisagée à l'encontre de la personne ayant commis le délit de violation du secret professionnel, sachant que l'intimée reconnaît qu'il n'a lui-même versé aucune pièce dans le cadre des instructions de Me [F] et Me [H].
De plus, il expose qu'il veut établir que le procédé employé par l'intimée est illégal au regard de l'article 4 de décret du 12 juillet 2005 dès lors qu'il permet de collecter des pièces couvertes par le secret au profit de tiers. Il souligne que la question de savoir si l'avocat peut ou non enfreindre l'article 4 susvisé lors d'une instruction amiable par l'intimée relève de l'appréciation du juge du fond.
Il insiste sur le fait que, dès lors que la mesure sollicitée a pour finalité d'établir l'identité de tous les responsables et leur degré d'implication, il n'était pas tenu de mettre en cause toutes les personnes potentiellement responsables, comme l'a considéré le premier juge, et ce, d'autant qu'il prouve, de manière incontestable, que l'intimée détient les pièces litigieuses de nature à identifier l'identité des personnes les ayant communiquées.
Aux termes de ses dernières écritures transmises le 2 février 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société Société de Courtage des Barreaux sollicite de la cour qu'elle :
- réforme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle s'est déclarée compétente pour connaître des demandes de M. [O] ;
- juge le tribunal judiciaire de Draguignan compétent pour connaître de toutes demandes d'information ou de pièces détenues par un tiers ;
- juge, à titre subsidiaire, irrecevables les demandes de l'appelant ;
- confirme, en toute hypothèse, l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté l'appelant de ses demandes ;
- le condamne à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamne aux dépens.
Concernant l'exception d'incompétence, elle indique que le tribunal judiciaire de Draguignan est seul compétent, en application de l'article 138 du code de procédure, pour connaître de toutes demandes d'informations ou de pièces détenues par un tiers. Elle expose que la demande présentée par l'appelant ne vise pas à établir, avant tout procès, la preuve de faits dès lors qu'un procès a déjà été initié par ce dernier tendant à voir reconnaître sa responsabilité dans le dommage qu'il aurait subi à raison des agissements des avocats qu'ils a assignés. Elle estime qu'il appartient à l'appelant de l'appeler en cause devant la juridiction qui est déjà saisie. Dans tous les cas, elle relève qu'il est acquis que c'est elle qui a transmis les pièces litigieuses et que l'appelant reconnaît lui-même que ces pièces lui ont été transmises par Me [F] dans le cadre de l'instruction la concernant.
Concernant l'absence d'intérêt à agir de l'appelant, en application de l'article 31 du code de procédure civile, elle explique que le secret professionnel de l'avocat ne s'oppose pas à la mise en place d'une procédure amiable de règlement des déclarations de sinistre avant que le litige ne soit soumis à une juridiction et que, dans le cadre de l'instruction d'un dossier, l'exercice des droits de la défense de l'avocat concerné ne peut être mis en échec par les règles du secret professionnel. Elle affirme qu'il est alors nécessaire pour l'avocat de transgresser le secret pour apporter au juge les preuves de sa bonne foi ou de la qualité de ses prestations et que l'exception au secret professionnel doit être admise dans le cadre d'un règlement amiable pour prévenir une éventuelle mise en cause de la responsabilité professionnelle de l'avocat. Elle estime donc que l'appelant ne dispose pas du droit d'agir pour élever une prétention qui ferait obstacle à l'exercice des droits de la défense. Elle souligne par ailleurs que l'appelant a d'autant moins d'intérêt à agir que Me [H] a retiré des débats les pièces qu'il avait transmises par erreur, ce qui explique que le juge de la mise en état, dans le cadre de la procédure initiée au fond, n'a pas procédé à la liquidation de l'astreinte.
Concernant l'absence de motif légitime, elle relève que les conclusions de l'appelant révèlent que ce dernier, sait, démontre et détient les preuves lui permettant de considérer qu'elle a communiqué, dans des conditions discutées, des pièces dont il est prétendu qu'elles lui porteraient tort. Elle indique qu'elle ne voit pas l'intérêt pour l'appelant d'obtenir les éléments demandés alors même que le traitement de ses propres réclamations imposait la circulation des pièces entre les entités saisies de sa réclamation amiable. Par ailleurs, elle relève que la demande de l'appelant ne vise pas à la mettre en cause mais à lui demander de dénoncer l'identité d'une personne qu'il connait ou de communiquer certaines pièces soumises au secret professionnel, et ce, alors même qu'il assure disposer de la preuve des agissements qu'il prétend dénoncer. Elle considère donc, qu'en lui demandant de communiquer l'identité de celui qui serait l'auteur d'une infraction dont elle serait complice, l'appelant sollicite une mesure d'instruction qui n'est pas légalement admissible, et ce, d'autant qu'il démontre lui-même qu'il s'agit de Me [F]. Il soutient que la mesure sollicitée n'est ni pertinente, ni utile dans l'éventualité d'un procès futur.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le rejet de la pièce n° 4 produite par l'intimée
Il résulte de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, la pièce n° 4 produite par l'intimée est un courrier, en date du 26 août 2021, adressé par Me [Z] [W] à M. [O] à l'adresse mail [Courriel 4], dans lequel il prend acte de sa fin de non-recevoir d'aboutir à une entente amiable et l'informe qu'il interviendra dans l'intérêt de la Société de Courtage des Barreaux dans le cadre des procédures qui seront mises en oeuvre à son encontre.
Le simple fait que l'adresse mail à laquelle ce courrier a été envoyé est erronée n'enlève rien à sa licéité et au droit de l'intimée de s'en prévaloir. Il s'agit d'un élément de preuve soumis à l'appréciation du juge à qui il appartient de déterminer s'il présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction dans le cas où il ne pourrait trancher le litige sans en tenir compte.
L'appelant sera donc débouté de sa demande de voir écarter des débats la pièce n° 4 produite par l'intimée.
Sur l'exception d'incompétence territoriale
L'exception d'incompétence soulevée par l'intimée ne résulte pas de l'article 42 du code de procédure civile, qui énonce des règles de compétence territoriale, mais de l'article 138 du même code, aux termes duquel seul le juge du fond qui a été saisi a compétence pour ordonner la production de pièces détenues par un tiers.
Ainsi, dès lors qu'une instance au fond est engagée, les mesures d'instruction légalement admissibles, destinées à conserver ou à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige en cause, ne peuvent plus être ordonnées en référé en application des dispositions de l'article 145 du même code.
Le moyen soulevé par l'intimée, tenant à l'existence d'un procès au fond en cours, s'analyse donc, non pas comme une exception d'incompétence territoriale, mais comme un moyen de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés faute pour les conditions de l'article 145 du code de procédure civile d'être remplies.
En l'espèce, il est acquis que, préalablement à l'action en référé initiée par M. [O], ce dernier a, par acte d'huissier en date du 23 février 2017, assigné Me [H] devant le tribunal de grande instance de Draguignan cherchant à voir reconnaître sa responsabilité par suite d'un manquement à son obligation de diligence et à obtenir sa condamnation à lui réparer le préjudice subi.
Dans le cadre de cette procédure, le juge de la mise en état a, par ordonnance en date du 29 juin 2021, ordonné à Me [H] de communiquer, sous astreinte, des informations concernant les conditions dans lesquelles il a obtenu les pièces n° 7 et 8, et notamment l'identité de la personne lui ayant communiqué lesdites pièces ainsi que leur date et moyens matériels de communication. Par ordonnance en date du 14 juin 2022, le même magistrat a relevé que Me [H] justifiait de l'identité de la personne lui ayant communiqué les pièces, que le litige ne portait pas sur des infractions déontologiques qu'il auraient commises en lien avec la communication des pièces n° 7 et 8 et que M. [O] n'établissait pas que les moyens mis en oeuvre pour communiquer ces pièces pouvaient avoir une incidence sur la solution du litige, et ce, d'autant que ces pièces ont été écartées des débats. Il n'a, dès lors, pas liquidé l'astreinte et a débouté M. [O] de ses demandes tendant à voir ordonner la justification par Me [H] de l'origine des pièces n° 7 et 8.
Il s'ensuit que le juge de la mise en état a, en application de l'article 133 du code de procédure civile, enjoint à Me [H], défendeur à l'action en responsabilité au fond initiée par M. [O], de communiquer des informations, sous astreinte.
Dans le cadre de la présente procédure en référé, M. [O] sollicite la condamnation de la société Société Courtage des Barreaux à lui communiquer, sous astreinte, des informations concernant les conditions dans lesquelles elle a elle-même obtenu les pièces n° 7 et 8 susvisées, et ce, en vue du procès civil et/ou pénal en responsabilité qu'elle entend exercer à son encontre et à l'égard de la personne lui ayant communiqué lesdites pièces pour violation du secret professionnel et/ou pour avoir commis les délits d'incitation à violer le secret professionnel et de recel de violation d'un tel secret.
Les procès au fond envisagés par M. [O], en vue desquels la mesure est sollicitée, afin d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution desdits procès, sont donc distincts de l'instance au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Draguignan.
En l'absence d'instance au fond engagée concernant les faits, objets des litiges dans la perspective desquels la communication de pièces est sollicitée, les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont bien applicables.
Dans ces conditions, l'exception d'incompétence soulevée par l'intimée ne constitue pas un moyen de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés.
Il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'il a considéré que le tribunal judiciaire de Draguignan, saisi d'une instance au fond opposant l'appelant à Me [H], n'était pas compétent pour connaître du litige.
Sur la recevabilité de l'action exercée
En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité et d'intérêt.
L'article 31 du même code énonce que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêts légitime.
Il est admis que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d'une action en responsabilité n'est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celui-ci.
En l'espèce, il n'est pas contesté que les pièces n° 7 et 8 qui ont été produites par Me [H] dans le cadre de la procédure au fond initiée à son encontre, avaient été préalablement remises à la société Société Courtage des Barreaux lors de l'instruction de trois procédures distinctes de règlement amiable des déclarations de sinistres faites par M. [O] à l'encontre de trois de ses anciens conseils, à savoir Me [N], Me [H] et Me [F].
Les informations sollicitées par M. [O] en référé tendent à déterminer l'identité des personnes ayant divulgué lesdites pièces en violation du secret professionnel.
S'agissant de pièces dressées par Me [F], à un moment où il avait été mandaté par M. [O] pour la défense de ses intérêts dans le cadre de procédures judiciaires qu'il a diligentées, l'appelant justifie de ses qualité et intérêt à solliciter des informations concernant les conditions dans lesquelles ces pièces se sont retrouvées entre les mains de plusieurs protagonistes, et en particulier de Me [H].
Dès lors que ces pièces ont été divulguées, l'intérêt de l'appelant demeure, nonobstant la décision prise par Me [H] de ne plus s'en prévaloir dans l'instance au fond initiée à son encontre.
De même, le droit de l'appelant de solliciter la communication d'informations sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile est incontestable, indépendamment de la question de savoir si M. [O] peut valablement se prévaloir de la production de pièces faite en violation du secret professionnel auquel sont soumis les avocats dont la réponse relève de la compétence des juridictions du fond que l'appelant envisage de saisir.
En réalité, comme le relève à juste titre l'appelant, l'intérêt à agir, qui est une condition de recevabilité de l'action, se distingue du motif légitime, qui est une condition du succès de la mesure sollicitée avant tout procès.
Or, en se prévalant notamment d'une action au fond manifestement vouée à l'échec, en ce que l'exercice des droits de la défense de l'avocat ne peut être mis en échec par les règles du secret professionnel, et de l'inutilité de la mesure sollicitée, en ce que les pièces litigieuses ont été retirées des débats dans la procédure au fond concernant Me [H], l'intimée soulève des moyens de défense de nature à faire obstacle à la demande de communication.
Il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce que le premier juge s'est déclaré compétent pour connaître du litige en rejetant la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée.
Sur le bien fondé de la demande de communication d'informations et de pièces
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.
Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d'une action en justice future, sans avoir à établir l'existence d'une urgence. Il suffit que le demandeur justifie de la potentialité d'une action pouvant être conduite sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l'être dans un litige éventuel susceptible de l'opposer au défendeur, étant rappelé qu'au stade d'un référé probatoire, il n'a pas à les établir de manière certaine.
Il existe un motif légitime dès lors qu'il n'est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige ou que l'action au fond n'apparaît manifestement pas vouée à l'échec.
En l'espèce, il résulte de ce qui précède que la mesure sollicitée par M. [O] ne tend pas à obtenir des éléments de preuve dans le procès en responsabilité qu'il a engagé à l'encontre de Me [H], lequel est pendant devant le tribunal judiciaire de Draguignan, mais à obtenir des éléments afin d'établir la preuve de la violation du secret professionnel auquel sont soumis les avocats dont pourrait dépendre l'issue des procès, tant civil que pénal, envisagés.
Or, les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, relatives aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès, ne s'appliquent pas lorsque le juge des référés est saisi d'une demande fondée sur l'article 145 du même code.
De plus, la preuve d'un procès en cours, concernant les faits, objets du présent litige, n'est pas rapportée.
En revanche, si les actions au fond, en responsabilité civile et pénale, envisagées par M. [O] ne sont pas manifestement vouées à l'échec, dès lors que les avocats ne peuvent en principe produire des pièces couvertes par le secret professionnel, sauf pour les besoins de la manifestation de la vérité et la protection de leurs droits, il n'en demeure pas moins que la mesure sollicitée, qui consiste à déterminer l'identité de la personne qui a remis à l'intimée les pièces en question et les conditions dans lesquelles cette remise est intervenue, n'est pas utile, ni légalement admissible.
En effet, dès lors que la société Société de Courtage des Barreaux reconnaît que les pièces qu'elle a, elle-même, communiquées à l'assureur en responsabilité professionnelle de Me [H], la société Allianz Iard, qui les a, elle-même, communiquées à l'ancien avocat de Me [H], par courriel en date du 13 mars 2017, ont été obtenues dans le cadre de l'instruction des déclarations de sinistre concernant les trois anciens avocats de l'appelant, M. [O] dispose des éléments nécessaires pour dénoncer en justice le procédé employé par l'intimée qui consisterait à collecter des pièces couvertes par le secret professionnel et, le cas échéant, à les divulguer à des tiers.
De plus, M. [O], qui soutient n'avoir jamais communiqué les pièces litigieuses, reconnaît, de fait, que ces dernières n'ont pu être divulguées que par l'autre personne les ayant eu en sa possession, à savoir Me [F] qui les a établies lorsqu'elle était son avocat, et ce, afin de faire valoir sa défense dans le cadre de l'instruction amiable qui a été mise en oeuvre. L'appelant dispose donc des éléments nécessaires pour rechercher la responsabilité des personnes qui auraient violé le secret professionnel.
Au surplus, la mesure sollicitée par M. [O] revient à demander à la société Société de Courtage des Barreaux de lui communiquer l'identité de la personne qui serait l'auteur d'une faute, civile et/ou pénale, dont elle serait complice, en ce qu'elle aurait incité la personne en question à lui remettre les pièces couvertes par le secret professionnel, et/ou l'auteur d'une faute professionnelle, en ce que les pièces en question concernant l'instruction de Me [F] auraient été divulguées par un salarié de la société Société de Courtage des Barreaux par erreur à l'assureur de Me [H] dans le cadre d'une instruction distincte. Ce faisant, la mesure sollicitée, en plus de ne pas être utile, pour les raisons exposées ci-dessus, n'est pas légalement admissible.
En conséquence, la mesure d'instruction sollicitée avant tout procès étant inutile, M. [O] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un motif légitime.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté M. [O] de sa demande de communication d'informations et de pièces.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Aucun appel incident n'ayant été formé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise sur ces points.
En tant que partie perdante, M. [O] sera tenu aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande en outre de le condamner à verser à la société Société de Courtage des Barreaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.
En revanche, M. [O] sera débouté de sa demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute M. [E] [O] de sa demande de voir écarter des débats la pièce n° 4 produite par la SAS Société de Courtage des Barreaux ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne M. [E] [O] à verser à la SAS Société de Courtage des Barreaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;
Déboute Condamne M. [E] [O] de sa demande formée sur le même fondement ;
Condamne M. [E] [O] aux dépens de la procédure d'appel.
La greffière Pour le président empêché
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 04 AVRIL 2024
N° 2024/237
Rôle N° RG 23/05062 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLCTX
[E] [O]
C/
S.A.S. SOCIETE DE COURTAGE DES BARREAUX
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain MARECHAL
Me Monika MAHY-MA-SOMGA de la SELARL LSCM & ASSOCIÉS
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 28 mars 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01464.
APPELANT
Monsieur [E] [O]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Romain MARECHAL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
S.A.S. SOCIETE DE COURTAGE DES BARREAUX
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 3]
représentée par Me Monika MAHY-MA-SOMGA de la SELARL LSCM & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Jean-Luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 février 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme NETO, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur
Mme Florence PERRAUT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024,
Signé par Mme Angélique NETO, Conseillère et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [E] [O], preneur à bail rural, a diligenté plusieurs actions judiciaires, à compter du 6 avril 2009, à l'encontre de son bailleur et des membres de la famille de ce dernier.
Il a été représenté, selon les procès, par Me [N], Me [H] et Me [F].
Faisant grief à ces avocats d'avoir commis des manquements ou fautes professionnelles lui ayant causé des préjudices et anéanti ses chances d'obtenir gain de cause, M. [O] a, le 8 janvier 2014, adressé au bâtonnier du barreau de Toulon des réclamations à l'encontre de Me [N] et Me [H]. Il en a fait de même, le 24 mars 2014, auprès du bâtonnier du barreau de Marseille à l'encontre de Me [F].
Ces affaires ont été instruites par la société par actions simplifiée (SAS) Société de Courtage des Barreaux à la demande des assureurs responsabilité civile professionnelle des avocats concernés.
Le 24 février 2015, la société Société de Courtage des Barreaux a notifié à M. [O] le refus des assureurs des avocats susvisés de l'indemniser à l'amiable de ses préjudices.
Le 23 février 2017, M. [O] a fait assigner Me [H] devant le tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de voir reconnaître sa responsabilité professionnelle et le voir condamner à lui verser la somme de 628 221 euros en réparation de ses préjudices du fait des manquements professionnels commis par cet avocat.
Dans le cadre de cette procédure, Me [H] a produit deux pièces numérotées 7 et 8, à savoir un courrier de Me [F] qui a été adressé à M. [O] durant son mandat et une citation rédigée par Me [F] durant son mandat, soit des pièces rédigées après le dessaisissement de Me [H].
Se prévalant de pièces divulguées et utilisées en violation du secret professionnel, réprimée par les articles 321-1 et 321-2 du code pénal, M. [O] a saisi le juge de la mise en état pour ordonner à Me [H] de justifier de l'origine exacte des deux pièces susvisées, demande à laquelle il sera fait droit, par ordonnance en date du 29 juin 2021, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par ordonnance en date du 14 juin 2022, le juge de la mise en état a dit n'y avoir lieu à liquider l'astreinte au motif que Me [H] démontrait que les pièces 7 et 8 avaient été communiquées par la société Société Courtage des Barreaux à l'assureur responsabilité professionnelle, la société Allianz Iard, qui les a elle-même communiquées à Me [H], par courriel du 13 mars 2017.
Les 7 juillet 2021 et 12 juillet 2022, M. [O] a mis en demeure la société Société de Courtage des Barreaux de justifier de l'origine des pièces.
Par acte d'huissier en date du 30 septembre 2022, M. [E] [O] a assigné la société Société de Courtage des Barreaux devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence aux fins de lui voir enjoindre, sous astreinte, de justifier de l'identité des personnes qui ont remis les pièces, des dates des remises et des modes opératoires, de produire les courriers et/ou courriels par lesquels les personnes ont remis les pièces ainsi que les bordereaux détaillant le nombre et les contenus des pièces et de communiquer les justificatifs à l'huissier de justice qui signifiera l'ordonnance à intervenir.
Par ordonnance en date du 28 mars 2023, ce magistrat :
- a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Société de Courtage des Barreaux ;
- s'est déclaré compétent pour connaître du litige ;
- a débouté M. [O] de ses demandes ;
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Sur l'exception d'incompétence, il a relevé que l'instance au fond qui était pendante concernait une action en responsabilité introduite par M. [O] à l'encontre de Me [H] en février 2017 et que le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence était compétent en application de l'article 42 du code de procédure civile, le défendeur ayant son siège social à Eguilles.
Sur le fond, il a considéré que s'il résultait des pièces de la procédure que la société Société Courtage des Barreaux avait bien communiqué les pièces 7 et 8 à l'assureur responsabilité professionnelle du barreau de Toulon, qui les avait lui-même transmises à Me Jeannin, conseil de Me [H], en mars 2017, dans le cadre de la réclamation amiable initiée par M. [O] à l'encontre de Me [H] notamment, aucune des pièces de la procédure ne permettait d'étayer les allégations de M. [O] selon lesquelles c'était Me [F] qui avait transmis ces pièces. Il a relevé que ce dernier n'avait pas été mis en cause et que M. [O] ne justifiait d'aucun motif légitime à obtenir les éléments demandés, et notamment de la réalité, de l'étendue et de la nature des préjudices subis.
Suivant déclaration transmise le 6 avril 2023, M. [O] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises, sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence.
Aux termes de ses dernières écritures transmises le 11 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, M. [O] demande à la cour :
- de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
- d'ordonner le retrait des débats de la pièce n° 4 produite par l'intimée, à savoir le courriel de Me [Z] [W], daté du 26 août 2021 ;
- de réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes et l'exception d'incompétence soulevées par l'intimée ;
- de débouter l'intimée de ses demandes ;
- d'ordonner à l'intimée de justifier de l'identité des personnes qui ont communiqué les pièces issues du mandat de Me [U] [F], des dates des remises et des modes opératoires, de produire les courriers et/ou courriels par lesquels les personnes les ont communiquées ainsi que les bordereaux originaux détaillant leur nombre et contenu et de communiquer l'ensemble des justificatifs à l'huissier de justice qui signifiera l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la date de signification de l'ordonnance ;
- de condamner l'intimée à lui payer la somme de 3 480 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ceux compris le coût des deux constats d'huissier des 10 avril 2021 et 9 décembre 2022.
Concernant le rejet de la pièce sollicitée, il affirme n'avoir jamais reçu le courriel en question étant donné qu'il a été adressé à une adresse mail qui n'est pas la sienne, de sorte que l'intimée ne peut pas s'en prévaloir.
Concernant l'exception d'incompétence territoriale soulevée par l'intimée, il expose que le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence est la juridiction compétente en application de l'article 42 du code de procédure civile, comme étant celle du lieu où demeure le défendeur, faisant observer n'avoir introduit, à ce jour, aucune procédure civile au fond ou pénale à l'encontre de l'intimée. Dans tous les cas, il relève que la cour d'appel de céans est la juridiction d'appel compétente relativement à la juridiction que l'intimée prétend compétente, à savoir le tribunal judiciaire de Draguignan.
Concernant la recevabilité de sa demande, il affirme que l'intérêt légitime visé par l'article 31 du code de procédure civile ne se confond pas avec le motif légitime visé par l'article 145 du même code, en ce que l'intérêt légitime est une condition de recevabilité de la demande tandis que l'existence d'un motif légitime, soit l'existence de faits litigieux laissant apparaître la perspective d'une future action au fond crédible, est la condition par laquelle la mesure d'instruction peut être obtenue. Il soutient, qu'en application de l'article 145 du code de procédure civile, le juge des référés n'intervient qu'à titre préparatoire et ne doit s'attacher qu'à la recevabilité de l'action au fond éventuelle en tenant compte de l'insuffisance de preuves que la mesure cherche à combler, de sorte que le juge des référés ne peut, en aucun cas, opposer au demandeur les dispositions de l'article 146 du même code, et en l'occurrence la carence de preuve de l'imputabilité de Me [F], alors même que la mesure sollicitée a pour objet de déterminer cette imputabilité supposée. Il critique donc le premier juge d'avoir déclaré sa demande irrecevable faute pour lui de ne pas justifier d'un intérêt légitime en application de l'article 31 du code de procédure civile, et ce, alors même que l'intérêt légitime n'est pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de l'action et l'existence du préjudice n'est pas une condition de recevabilité de l'action. Il souligne que le premier juge ne fait aucune référence aux conditions de l'article 145 susvisé, et notamment à une éventuelle action au fond, mais aux dispositions de l'article 146 du même code qui ne s'appliquent pas en matière de référé.
Concernant le bien-fondé de sa demande, il expose qu'il soupçonne l'intimée d'avoir, dans le cadre de l'instruction de trois affaires distinctes, reçu de Me [F] les pièces litigieuses correspondant à son mandat, avant que ces pièces ne soient détournées au profit de Me [H]. Il souligne que l'intimée, qui n'est qu'une agence commerciale de courtage, ne disposait d'aucun pouvoir légal pour recevoir de Me [F] les éléments de son dossier couverts par le secret professionnel. Il expose que l'avocat n'est pas en droit de lever le secret professionnel dans le cadre d'une instruction amiable. Il relève que, dans les courriers qui ont été adressés aux avocats concernés au moment de l'instruction de leurs affaires, l'intimée leur a demandé de lever le secret dans l'instruction amiable, et ce, alors même que l'article 4 du décret du 12 juillet 2005 n'autorise pas la levée du secret, hors procès judiciaires. Il estime que le fait pour l'intimée d'inciter l'avocat à enfreindre cette règle constitue le délit d'incitation à commettre un délit et celui de recel de violation du secret professionnel. Il dénonce donc le procédé employé par l'intimée.
Il relève que, si l'intimée a reconnu avoir transmis les pièces litigieuses qui lui ont été remises préalablement lors de l'instruction des réclamations formées à l'encontre de Me [N], Me [F] et Me [H], à l'assureur de responsabilité professionnelle de Me [H],qui les a lui-même adressées à Me [H], afin qu'il les produise dans le cadre de la procédure au fond qu'il a initiée, elle n'a jamais précisé l'identité de la personnes qui lui a remis les pièces en question, de sorte qu'aucune poursuite ne peut être envisagée à l'encontre de la personne ayant commis le délit de violation du secret professionnel, sachant que l'intimée reconnaît qu'il n'a lui-même versé aucune pièce dans le cadre des instructions de Me [F] et Me [H].
De plus, il expose qu'il veut établir que le procédé employé par l'intimée est illégal au regard de l'article 4 de décret du 12 juillet 2005 dès lors qu'il permet de collecter des pièces couvertes par le secret au profit de tiers. Il souligne que la question de savoir si l'avocat peut ou non enfreindre l'article 4 susvisé lors d'une instruction amiable par l'intimée relève de l'appréciation du juge du fond.
Il insiste sur le fait que, dès lors que la mesure sollicitée a pour finalité d'établir l'identité de tous les responsables et leur degré d'implication, il n'était pas tenu de mettre en cause toutes les personnes potentiellement responsables, comme l'a considéré le premier juge, et ce, d'autant qu'il prouve, de manière incontestable, que l'intimée détient les pièces litigieuses de nature à identifier l'identité des personnes les ayant communiquées.
Aux termes de ses dernières écritures transmises le 2 février 2024, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société Société de Courtage des Barreaux sollicite de la cour qu'elle :
- réforme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle s'est déclarée compétente pour connaître des demandes de M. [O] ;
- juge le tribunal judiciaire de Draguignan compétent pour connaître de toutes demandes d'information ou de pièces détenues par un tiers ;
- juge, à titre subsidiaire, irrecevables les demandes de l'appelant ;
- confirme, en toute hypothèse, l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté l'appelant de ses demandes ;
- le condamne à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamne aux dépens.
Concernant l'exception d'incompétence, elle indique que le tribunal judiciaire de Draguignan est seul compétent, en application de l'article 138 du code de procédure, pour connaître de toutes demandes d'informations ou de pièces détenues par un tiers. Elle expose que la demande présentée par l'appelant ne vise pas à établir, avant tout procès, la preuve de faits dès lors qu'un procès a déjà été initié par ce dernier tendant à voir reconnaître sa responsabilité dans le dommage qu'il aurait subi à raison des agissements des avocats qu'ils a assignés. Elle estime qu'il appartient à l'appelant de l'appeler en cause devant la juridiction qui est déjà saisie. Dans tous les cas, elle relève qu'il est acquis que c'est elle qui a transmis les pièces litigieuses et que l'appelant reconnaît lui-même que ces pièces lui ont été transmises par Me [F] dans le cadre de l'instruction la concernant.
Concernant l'absence d'intérêt à agir de l'appelant, en application de l'article 31 du code de procédure civile, elle explique que le secret professionnel de l'avocat ne s'oppose pas à la mise en place d'une procédure amiable de règlement des déclarations de sinistre avant que le litige ne soit soumis à une juridiction et que, dans le cadre de l'instruction d'un dossier, l'exercice des droits de la défense de l'avocat concerné ne peut être mis en échec par les règles du secret professionnel. Elle affirme qu'il est alors nécessaire pour l'avocat de transgresser le secret pour apporter au juge les preuves de sa bonne foi ou de la qualité de ses prestations et que l'exception au secret professionnel doit être admise dans le cadre d'un règlement amiable pour prévenir une éventuelle mise en cause de la responsabilité professionnelle de l'avocat. Elle estime donc que l'appelant ne dispose pas du droit d'agir pour élever une prétention qui ferait obstacle à l'exercice des droits de la défense. Elle souligne par ailleurs que l'appelant a d'autant moins d'intérêt à agir que Me [H] a retiré des débats les pièces qu'il avait transmises par erreur, ce qui explique que le juge de la mise en état, dans le cadre de la procédure initiée au fond, n'a pas procédé à la liquidation de l'astreinte.
Concernant l'absence de motif légitime, elle relève que les conclusions de l'appelant révèlent que ce dernier, sait, démontre et détient les preuves lui permettant de considérer qu'elle a communiqué, dans des conditions discutées, des pièces dont il est prétendu qu'elles lui porteraient tort. Elle indique qu'elle ne voit pas l'intérêt pour l'appelant d'obtenir les éléments demandés alors même que le traitement de ses propres réclamations imposait la circulation des pièces entre les entités saisies de sa réclamation amiable. Par ailleurs, elle relève que la demande de l'appelant ne vise pas à la mettre en cause mais à lui demander de dénoncer l'identité d'une personne qu'il connait ou de communiquer certaines pièces soumises au secret professionnel, et ce, alors même qu'il assure disposer de la preuve des agissements qu'il prétend dénoncer. Elle considère donc, qu'en lui demandant de communiquer l'identité de celui qui serait l'auteur d'une infraction dont elle serait complice, l'appelant sollicite une mesure d'instruction qui n'est pas légalement admissible, et ce, d'autant qu'il démontre lui-même qu'il s'agit de Me [F]. Il soutient que la mesure sollicitée n'est ni pertinente, ni utile dans l'éventualité d'un procès futur.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le rejet de la pièce n° 4 produite par l'intimée
Il résulte de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, la pièce n° 4 produite par l'intimée est un courrier, en date du 26 août 2021, adressé par Me [Z] [W] à M. [O] à l'adresse mail [Courriel 4], dans lequel il prend acte de sa fin de non-recevoir d'aboutir à une entente amiable et l'informe qu'il interviendra dans l'intérêt de la Société de Courtage des Barreaux dans le cadre des procédures qui seront mises en oeuvre à son encontre.
Le simple fait que l'adresse mail à laquelle ce courrier a été envoyé est erronée n'enlève rien à sa licéité et au droit de l'intimée de s'en prévaloir. Il s'agit d'un élément de preuve soumis à l'appréciation du juge à qui il appartient de déterminer s'il présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction dans le cas où il ne pourrait trancher le litige sans en tenir compte.
L'appelant sera donc débouté de sa demande de voir écarter des débats la pièce n° 4 produite par l'intimée.
Sur l'exception d'incompétence territoriale
L'exception d'incompétence soulevée par l'intimée ne résulte pas de l'article 42 du code de procédure civile, qui énonce des règles de compétence territoriale, mais de l'article 138 du même code, aux termes duquel seul le juge du fond qui a été saisi a compétence pour ordonner la production de pièces détenues par un tiers.
Ainsi, dès lors qu'une instance au fond est engagée, les mesures d'instruction légalement admissibles, destinées à conserver ou à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige en cause, ne peuvent plus être ordonnées en référé en application des dispositions de l'article 145 du même code.
Le moyen soulevé par l'intimée, tenant à l'existence d'un procès au fond en cours, s'analyse donc, non pas comme une exception d'incompétence territoriale, mais comme un moyen de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés faute pour les conditions de l'article 145 du code de procédure civile d'être remplies.
En l'espèce, il est acquis que, préalablement à l'action en référé initiée par M. [O], ce dernier a, par acte d'huissier en date du 23 février 2017, assigné Me [H] devant le tribunal de grande instance de Draguignan cherchant à voir reconnaître sa responsabilité par suite d'un manquement à son obligation de diligence et à obtenir sa condamnation à lui réparer le préjudice subi.
Dans le cadre de cette procédure, le juge de la mise en état a, par ordonnance en date du 29 juin 2021, ordonné à Me [H] de communiquer, sous astreinte, des informations concernant les conditions dans lesquelles il a obtenu les pièces n° 7 et 8, et notamment l'identité de la personne lui ayant communiqué lesdites pièces ainsi que leur date et moyens matériels de communication. Par ordonnance en date du 14 juin 2022, le même magistrat a relevé que Me [H] justifiait de l'identité de la personne lui ayant communiqué les pièces, que le litige ne portait pas sur des infractions déontologiques qu'il auraient commises en lien avec la communication des pièces n° 7 et 8 et que M. [O] n'établissait pas que les moyens mis en oeuvre pour communiquer ces pièces pouvaient avoir une incidence sur la solution du litige, et ce, d'autant que ces pièces ont été écartées des débats. Il n'a, dès lors, pas liquidé l'astreinte et a débouté M. [O] de ses demandes tendant à voir ordonner la justification par Me [H] de l'origine des pièces n° 7 et 8.
Il s'ensuit que le juge de la mise en état a, en application de l'article 133 du code de procédure civile, enjoint à Me [H], défendeur à l'action en responsabilité au fond initiée par M. [O], de communiquer des informations, sous astreinte.
Dans le cadre de la présente procédure en référé, M. [O] sollicite la condamnation de la société Société Courtage des Barreaux à lui communiquer, sous astreinte, des informations concernant les conditions dans lesquelles elle a elle-même obtenu les pièces n° 7 et 8 susvisées, et ce, en vue du procès civil et/ou pénal en responsabilité qu'elle entend exercer à son encontre et à l'égard de la personne lui ayant communiqué lesdites pièces pour violation du secret professionnel et/ou pour avoir commis les délits d'incitation à violer le secret professionnel et de recel de violation d'un tel secret.
Les procès au fond envisagés par M. [O], en vue desquels la mesure est sollicitée, afin d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution desdits procès, sont donc distincts de l'instance au fond pendante devant le tribunal judiciaire de Draguignan.
En l'absence d'instance au fond engagée concernant les faits, objets des litiges dans la perspective desquels la communication de pièces est sollicitée, les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile sont bien applicables.
Dans ces conditions, l'exception d'incompétence soulevée par l'intimée ne constitue pas un moyen de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés.
Il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'il a considéré que le tribunal judiciaire de Draguignan, saisi d'une instance au fond opposant l'appelant à Me [H], n'était pas compétent pour connaître du litige.
Sur la recevabilité de l'action exercée
En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité et d'intérêt.
L'article 31 du même code énonce que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêts légitime.
Il est admis que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d'une action en responsabilité n'est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celui-ci.
En l'espèce, il n'est pas contesté que les pièces n° 7 et 8 qui ont été produites par Me [H] dans le cadre de la procédure au fond initiée à son encontre, avaient été préalablement remises à la société Société Courtage des Barreaux lors de l'instruction de trois procédures distinctes de règlement amiable des déclarations de sinistres faites par M. [O] à l'encontre de trois de ses anciens conseils, à savoir Me [N], Me [H] et Me [F].
Les informations sollicitées par M. [O] en référé tendent à déterminer l'identité des personnes ayant divulgué lesdites pièces en violation du secret professionnel.
S'agissant de pièces dressées par Me [F], à un moment où il avait été mandaté par M. [O] pour la défense de ses intérêts dans le cadre de procédures judiciaires qu'il a diligentées, l'appelant justifie de ses qualité et intérêt à solliciter des informations concernant les conditions dans lesquelles ces pièces se sont retrouvées entre les mains de plusieurs protagonistes, et en particulier de Me [H].
Dès lors que ces pièces ont été divulguées, l'intérêt de l'appelant demeure, nonobstant la décision prise par Me [H] de ne plus s'en prévaloir dans l'instance au fond initiée à son encontre.
De même, le droit de l'appelant de solliciter la communication d'informations sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile est incontestable, indépendamment de la question de savoir si M. [O] peut valablement se prévaloir de la production de pièces faite en violation du secret professionnel auquel sont soumis les avocats dont la réponse relève de la compétence des juridictions du fond que l'appelant envisage de saisir.
En réalité, comme le relève à juste titre l'appelant, l'intérêt à agir, qui est une condition de recevabilité de l'action, se distingue du motif légitime, qui est une condition du succès de la mesure sollicitée avant tout procès.
Or, en se prévalant notamment d'une action au fond manifestement vouée à l'échec, en ce que l'exercice des droits de la défense de l'avocat ne peut être mis en échec par les règles du secret professionnel, et de l'inutilité de la mesure sollicitée, en ce que les pièces litigieuses ont été retirées des débats dans la procédure au fond concernant Me [H], l'intimée soulève des moyens de défense de nature à faire obstacle à la demande de communication.
Il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce que le premier juge s'est déclaré compétent pour connaître du litige en rejetant la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée.
Sur le bien fondé de la demande de communication d'informations et de pièces
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.
Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d'une action en justice future, sans avoir à établir l'existence d'une urgence. Il suffit que le demandeur justifie de la potentialité d'une action pouvant être conduite sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l'être dans un litige éventuel susceptible de l'opposer au défendeur, étant rappelé qu'au stade d'un référé probatoire, il n'a pas à les établir de manière certaine.
Il existe un motif légitime dès lors qu'il n'est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige ou que l'action au fond n'apparaît manifestement pas vouée à l'échec.
En l'espèce, il résulte de ce qui précède que la mesure sollicitée par M. [O] ne tend pas à obtenir des éléments de preuve dans le procès en responsabilité qu'il a engagé à l'encontre de Me [H], lequel est pendant devant le tribunal judiciaire de Draguignan, mais à obtenir des éléments afin d'établir la preuve de la violation du secret professionnel auquel sont soumis les avocats dont pourrait dépendre l'issue des procès, tant civil que pénal, envisagés.
Or, les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, relatives aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès, ne s'appliquent pas lorsque le juge des référés est saisi d'une demande fondée sur l'article 145 du même code.
De plus, la preuve d'un procès en cours, concernant les faits, objets du présent litige, n'est pas rapportée.
En revanche, si les actions au fond, en responsabilité civile et pénale, envisagées par M. [O] ne sont pas manifestement vouées à l'échec, dès lors que les avocats ne peuvent en principe produire des pièces couvertes par le secret professionnel, sauf pour les besoins de la manifestation de la vérité et la protection de leurs droits, il n'en demeure pas moins que la mesure sollicitée, qui consiste à déterminer l'identité de la personne qui a remis à l'intimée les pièces en question et les conditions dans lesquelles cette remise est intervenue, n'est pas utile, ni légalement admissible.
En effet, dès lors que la société Société de Courtage des Barreaux reconnaît que les pièces qu'elle a, elle-même, communiquées à l'assureur en responsabilité professionnelle de Me [H], la société Allianz Iard, qui les a, elle-même, communiquées à l'ancien avocat de Me [H], par courriel en date du 13 mars 2017, ont été obtenues dans le cadre de l'instruction des déclarations de sinistre concernant les trois anciens avocats de l'appelant, M. [O] dispose des éléments nécessaires pour dénoncer en justice le procédé employé par l'intimée qui consisterait à collecter des pièces couvertes par le secret professionnel et, le cas échéant, à les divulguer à des tiers.
De plus, M. [O], qui soutient n'avoir jamais communiqué les pièces litigieuses, reconnaît, de fait, que ces dernières n'ont pu être divulguées que par l'autre personne les ayant eu en sa possession, à savoir Me [F] qui les a établies lorsqu'elle était son avocat, et ce, afin de faire valoir sa défense dans le cadre de l'instruction amiable qui a été mise en oeuvre. L'appelant dispose donc des éléments nécessaires pour rechercher la responsabilité des personnes qui auraient violé le secret professionnel.
Au surplus, la mesure sollicitée par M. [O] revient à demander à la société Société de Courtage des Barreaux de lui communiquer l'identité de la personne qui serait l'auteur d'une faute, civile et/ou pénale, dont elle serait complice, en ce qu'elle aurait incité la personne en question à lui remettre les pièces couvertes par le secret professionnel, et/ou l'auteur d'une faute professionnelle, en ce que les pièces en question concernant l'instruction de Me [F] auraient été divulguées par un salarié de la société Société de Courtage des Barreaux par erreur à l'assureur de Me [H] dans le cadre d'une instruction distincte. Ce faisant, la mesure sollicitée, en plus de ne pas être utile, pour les raisons exposées ci-dessus, n'est pas légalement admissible.
En conséquence, la mesure d'instruction sollicitée avant tout procès étant inutile, M. [O] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un motif légitime.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté M. [O] de sa demande de communication d'informations et de pièces.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Aucun appel incident n'ayant été formé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise sur ces points.
En tant que partie perdante, M. [O] sera tenu aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande en outre de le condamner à verser à la société Société de Courtage des Barreaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens.
En revanche, M. [O] sera débouté de sa demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute M. [E] [O] de sa demande de voir écarter des débats la pièce n° 4 produite par la SAS Société de Courtage des Barreaux ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne M. [E] [O] à verser à la SAS Société de Courtage des Barreaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;
Déboute Condamne M. [E] [O] de sa demande formée sur le même fondement ;
Condamne M. [E] [O] aux dépens de la procédure d'appel.
La greffière Pour le président empêché