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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 5 avril 2024, n° 22/01770

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ISB France (SAS)

Défendeur :

RPA (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Gicquel, Me Schwab, Me Lips

T. com. Marseille, du 30 août 2021, n° 2…

30 août 2021

FAITS ET PROCEDURE

La SASU ISB France (la société ISB), qui vient aux droits de la société PBM Import, ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de matériaux de rénovation et construction de bois, a commandé auprès de la société Oman BSM Manutention nouvellement dénommée RPA (la société Oman), spécialisée dans la fourniture d'équipements industriels, vingt et un chariots élévateurs, selon huit bons de commande datés du 24 novembre 2011.

Le financement de ces matériels a été assuré grâce à vingt et un contrats de location, conclus, le 16 avril 2012, entre la société PBM Import et la société Natiocredimurs, bailleur financier, d'une durée de soixante-douze mois.

Aux termes de documents annexés, la société Oman s'était engagée à racheter les matériels au bailleur, à la fin des contrats de location.

A l'issue des contrats, la société ISB a restitué seize chariots à la société Oman (cinq chariots étant restés en location).

Estimant que ces chariots avaient été restitués dans un état dégradé, la société Oman a facturé le montant des frais de remise en état à la société ISB, qui a refusé de les régler.

Suivant exploit du 3 juillet 2019, la société Oman fait assigner la société ISB devant le tribunal de commerce de Marseille afin d'obtenir sa condamnation à lui régler le montant des frais de réparation des matériels.

Par jugement du 30 août 2021, le tribunal a :

- Déclaré la société Oman BSM Distribution recevable en ses demandes,

- Condamné la société ISB France à payer à la société Oman BSM Manutention la somme de 185.212,78 € HT au titre des factures émises pour la réparation des chariots élévateurs, avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2019 date de la mise en demeure, ainsi que la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal,

- Déclaré la société ISB France irrecevable en sa demande reconventionnelle,

- Condamné la société ISB France aux dépens,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Rejeté le surplus des demandes, fins et conclusions contraires.

Le 21 janvier 2022, la société ISB a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 6 décembre 2023, la SASU ISB France demande à la cour de :

« A TITRE PRINCIPAL,

- INFIRMER le Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE du 30 aout 2021 en ce qu'il a :

« Déclare la Société OMAN BSM DISTRIBUTION recevable en ses demandes

Condamne la Société ISB FRANCE S.A.S.U. à payer à la Société OMAN BSM MANUTENTION S.A.S. la somme de 185 212,78 € HT (cent quatre-vingt-cinq mille deux cent douze euros et soixante dix-huit centimes HT) au titre des factures émises pour la réparation des chariots élévateurs avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2019, date de la mise en demeure ainsi que la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Conformément aux dispositions de l'article 1342-2 du Code Civil, ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal ;

Déclare la Société ISB FRANCE S.A.S.U. irrecevable en sa demande reconventionnelle ;

Condamne la Société ISB FRANCE S.A.S.U. aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de Procédure Civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 euros (soixante-quatorze euros et dix-huit centimes T.T.C.) ;

Conformément à l'article 515 du Code de Procédure Civile, ordonne pour le tout l'exécution provisoire ;

Rejette pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement, mais uniquement lorsqu'il rejette les demandes, fins et conclusions de la société ISB FRANCE. »

ET STATUANT A NOUVEAU :

- DIRE ET JUGER que la société RPA, anciennement dénommée OMAN, est dépourvue de qualité à agir à l'encontre de la société ISB.

- DIRE ET JUGER que la société RPA, anciennement dénommée OMAN, ne rapporte pas la preuve de l'opposabilité à la société ISB des documents contractuels sur lesquels elle fonde ses prétentions.

En conséquence :

DEBOUTER la société RPA, anciennement dénommée OMAN, de toutes ses demandes, fins et conclusions.

DEBOUTER la société RPA, anciennement dénommée OMAN, de sa demande subsidiaire.

A titre subsidiaire,

- DIRE ET JUGER que la société RPA, anciennement dénommée société OMAN, ne rapporte pas la preuve de l'acceptation des travaux par la société ISB.

En conséquence :

- DEBOUTER la société RPA, anciennement dénommée OMAN, de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre reconventionnel,

- CONDAMNER la société RPA, anciennement dénommée OMAN, à payer à la société ISB la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour déséquilibre significatif,

- CONDAMNER la société RPA, anciennement dénommée OMAN, à payer à la société ISB la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- CONDAMNER la société RPA, anciennement dénommée OMAN, à payer à la société ISB la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. »

Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 15 juillet 2022, la SASU RPA anciennement dénommée Oman BSM Distribution demande à la cour, au visa des anciens articles 4, 1134, 1147, 1730 et suivants et 2224 du code civil et de l'article 122 du code de procédure civile, de :

« A TITRE PRINCIPAL

- CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- DÉCLARER la société RPA anciennement dénommée OMAN BSM MANUTENTION recevable et bien fondée en ses demandes.

- CONDAMNER la société ISB FRANCE à verser à la société RPA OMAN BSM MANUTENTION la somme de 185.212,78 euros HT au titre des factures émises pour la réparation des chariots.

- ASSORTIR cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2019, date de la première mise en demeure, et jusqu'au parfait paiement.

- JUGER que les intérêts seront capitalisés par application de l'article 1343-2 du Code Civil.

- CONDAMNER la société ISB FRANCE à verser à la société OMAN BSM MANUTENTION la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- CONDAMNER la société ISB FRANCE aux dépens.

- DECLARER irrecevable la demande reconventionnelle formulée par la société ISB sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- REJETER toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement rendu.

A TITRE SUBSIDIAIRE

- INFIRMER le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur la demande de dommages et intérêts formée par la société RPA anciennement dénommée OMAN BSM MANUTENTION et sur le bien-fondé de la demande reconventionnelle de la société ISB soulevée sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Statuant à nouveau,

- CONDAMNER la société ISB FRANCE à verser à la société OMAN BSM MANUTENTION ladite somme de 185.212,78 euros HT à titre de dommages-intérêts.

- JUGER que la demande reconventionnelle de la société ISB soulevée sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce est infondée.

- ASSORTIR cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2019, date de la première mise en demeure, et jusqu'au parfait paiement.

- JUGER que les intérêts seront capitalisés par application de l'article 1343-2 du Code Civil.

- CONDAMNER la société ISB FRANCE à verser à la société OMAN BSM MANUTENTION la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER la société ISB FRANCE à verser à la société OMAN BSM MANUTENTION la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- CONDAMNER la société ISB FRANCE aux dépens dont distraction, pour ceux-là concernant, au profit de Maître Patricia HARDOUIN ' SELARL 2H AVOCATS et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC,

- REJETER toutes autres demandes, fins et conclusions, formulées par la société ISB France. »

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » qui ne constitue pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur le défaut de qualité à agir de la société Oman,

Exposé des moyens,

La société ISB, invoquant les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, soulève le défaut de qualité à agir de la société Oman, au motif que celle-ci ne justifie pas de sa qualité de propriétaire des chariots, dès lors que les factures produites par l'intimée sont postérieures à la date de fin des contrats de location et que son engagement de rachat n'a pas été signé par le bailleur. Elle prétend que les droits de la société Oman, dont celle-ci dispose à son encontre, sont nés uniquement à compter de la cession, et que l'intimée ne peut se prévaloir d'aucune prérogative née antérieurement, dans le cadre des relations contractuelles avec la société Natiocredimurs, sauf cession de créance ou subrogation expresse.

La société Oman réplique que l'absence de signature du contrat par la société Natiocredimurs est indifférent, dès lors que celle-ci a exécuté ses obligations contractuelles, en acquérant les chariots élévateurs avant de les lui revendre au terme des contrats de location, ce dont il résulte que son intérêt à agir est établi. Elle se prévaut des stipulations contractuelles prévoyant que les droits du bailleur sont transférés de plein droit au repreneur à compter du rachat des chariots, de sorte qu'elle est créancière de l'obligation de la société ISB de les restituer. Elle explique qu'elle a subi un préjudice du fait de la dégradation des matériels, qu'elle a été contrainte de racheter à la société Natiocredimurs à un prix déterminé, correspondant à un état d'usure normale.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il n'est pas contesté que le financement des chariots élévateurs, commandés par la société ISB auprès de la société Oman, a été assuré au moyen de vingt et un contrats de location, conclus avec la société Natiocredimurs, en qualité de bailleur financier.

Sont seules versées aux débats les annexes aux contrats de location, signés par la société ISB (anciennement PBM Import) et la société Oman. Ces annexes incluent des clauses contractuelles, qui stipulent que la société Oman s'engage à racheter les matériels loués à la société Natiocredimurs, à l'issue de la location, une fois les matériels restitués par le locataire, et qu'en raison du paiement effectif du prix de cession, le repreneur pourra exercer à l'encontre du locataire tous les droits et actions dont il bénéficiera du fait de la propriété du matériel.

La signature du bailleur financier figure, en réalité, uniquement sur certaines de ces annexes. L'intimée produit, néanmoins, seize factures de chariots élévateurs qui lui ont été adressées par la société Natiocredimurs, et qui sont, comme l'indique elle-même la société ISB, postérieures à la date de fin des contrats de location, ce qui est conforme aux stipulations contractuelles. Or, la société ISB ne soutient pas que leur montant n'aurait pas été réglé par la société Oman, ce dont il résulte que celle-ci établit être propriétaire des matériels, ainsi repris.

La qualité à agir n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, de sorte que moyen tiré de l'absence de droits détenus par la société Oman est, pour ce qui concerne la recevabilité de ses demandes, inopérant.

Le jugement sera ainsi confirmé, en ce qu'il a estimé que la société Oman avait qualité à agir et a déclaré ses demandes recevables.

Sur l'opposabilité des annexes aux contrats de location à la société ISB et la validité de son engagement contractuel.

Exposé des moyens,

La société ISB fait valoir que la preuve de son engagement à l'égard de la société Oman n'est pas rapportée, dès lors que les contrats de location ne sont pas versés aux débats et que les annexes, produites par l'intimée, consistent en des feuilles volantes, non datées, dont le verso n'est pas communiqué, et qui n'ont pas été signées par le bailleur. Elle en déduit que ces documents ne lui sont pas opposables.

L'intimée soutient, pour sa part, que les contrats de location ont été communiqués dans leur intégralité à la société ISB. Selon elle, il est indifférent que les documents n'aient pas été signés par le bailleur, dès lors qu'ils ont été exécutés par toutes les parties.

Réponse de la cour,

Selon l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

Les documents produits par la société Oman comprennent, en sus des bons de commande, une première page, intitulée « Principales caractéristiques du contrat de location », une Annexe au contrat de location et un Engagement de rachat. Quand bien même ces documents ne sont pas datés, la référence complète de chaque chariot donné en location figure sur la première page, de sorte que le lien de correspondance entre ces documents annexes et les contrats de location portant sur les matériels dûment commandés est établi. Peu importe que ces contrats de location n'aient pas été eux-mêmes produits, dès lors que la société ISB ne conteste non plus pas les avoir souscrits.

Par ailleurs, s'il est exact que les documents annexes, dont se prévaut la société Oman, ne sont pas tous revêtus de la signature du bailleur, il n'en demeure pas moins, comme l'a relevé le tribunal, que la société ISB en a accepté les termes, en les signant ; l'appelante a, d'ailleurs, respecté les stipulations de ces annexes, puisqu'elle a restitué les seize chariots élévateurs à la société Oman, comme en atteste la signature des procès-verbaux relatifs à l'état des matériels restitués.

Il en résulte que les stipulations relatives à l'accord de rachat, figurant dans les annexes aux contrats de location, sont opposables à la société ISB et que celle-ci s'est valablement engagée à l'égard de la société Oman. Le moyen tiré de ce que la société Oman ne pourrait se prévaloir des prérogatives du bailleur financier sera ainsi écarté.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement des factures de réparation de la société Oman.

Exposé des moyens,

L'intimée soutient que la société ISB a restitué les chariots en très mauvais état, ce qui est établi par des procès-verbaux de constat et des photographies. Elle prétend que le locataire est redevable du montant des frais de réparation, en application des stipulations contractuelles figurant dans les annexes aux contrats de location, à défaut d'avoir contesté les devis qu'elle lui a transmis. En réponse aux moyens de la partie adverse, elle fait observer que la signature de ses préposés sur les rapports d'expertise contradictoires engage la société ISB qui, au demeurant, ne conteste pas la détérioration des matériels. Elle ajoute qu'il appartenait à celle-ci, en cas de désaccord, de solliciter la désignation préalable d'un expert pour constater l'état du matériel, qu'il était impossible de mandater pour procéder uniquement à l'établissement de devis de réparation.

La société ISB réplique qu'elle n'a jamais accepté les devis litigieux et qu'elle n'a, en aucun cas, donné son accord pour procéder aux travaux facturés, de sorte qu'il appartenait à la société Oman de faire appel à un expert, afin de procéder à un chiffrage des frais de remise en état. Elle estime, en conséquence, que la société Oman ne peut utilement se prévaloir des factures qu'elle a établies de façon unilatérale. Elle ajoute que les personnes ayant signé les procès-verbaux de constat n'étaient en rien qualifiées pour réaliser un contrôle, que l'exécution de certaines prestations facturées n'est pas établie et que le coût des réparations, équivalent à une remise à neuf, est supérieur au prix de vente d'un chariot d'occasion. Enfin, elle estime qu'il ne saurait lui être reproché une quelconque faute au vu des stipulations contractuelles.

Réponse de la cour,

Le document intitulé Annexe au contrat de location stipule :

« Le Bailleur a accepté d'acquérir et de donner en location le matériel repris au verso, objet du contrat avec le Locataire soussigné, à la condition que le Repreneur s'engage à lui racheter ledit matériel à l'issue de la location (').

Cette condition étant déterminante, les soussignés ont convenu ce qui suit pour sa bonne réalisation et notamment quant à la restitution du Matériel.

Le Matériel sera restitué à la fin du contrat :

- par le Locataire, à ses frais exclusifs, à l'endroit indiqué par le Repreneur ;

- muni de toutes ses pièces, accessoires, documents administratifs y afférents (ex : carnet de visite périodique en cours de validité) et de tout document attestant de l'entretien aux standards techniques du constructeur ;

- en état standard, à savoir conforme à la législation en vigueur, aux normes du constructeur, et répondant à la définition suivante : « Bon état de marche, sécurité, entretien, présentation ».

La remise du Matériel devra s'accompagner d'un procès-verbal contradictoirement établi par le Locataire et le Repreneur constatant l'état du Matériel, ou, à défaut, d'un rapport écrit par un expert inscrit auprès de la juridiction compétente du ressort du domicile du Repreneur constatant, à la demande et aux frais du Locataire, l'état du Matériel.

Si le Matériel est restitué dans un état non conforme à l'état convenu, le Locataire s'engage à faire procéder à ses frais par le Repreneur, qui l'accepte, à tous les travaux et réparations nécessaires à sa mise en conformité sur la base d'un budget préalablement accepté par le Locataire ou, à défaut d'acceptation, conforme aux estimations faites par l'expert éventuellement saisi ».

Ainsi que l'a relevé le tribunal, en exécution de ces stipulations contractuelles, les parties ont établi pour chacun des matériels restitués un procès-verbal contradictoire portant sur leur état, qui comportent tous une signature dans l'encart réservé au client et, pour la plupart, le cachet de la société ISB, celle-ci ne faisant état d'aucun élément de nature à démontrer que documents dont il s'agit auraient été signés par des personnes non habilitées.

Le tribunal a également considéré, à juste titre, qu'au vu de ces procès-verbaux, il était établi que les chariots avaient été restitués par la société ISB dans un état non conforme à celui convenu, ce qui est d'ailleurs corroboré par des photographies.

Il convient, par conséquent, de considérer que la société ISB, qui n'a pas sollicité la désignation d'un expert, a reconnu l'état de détérioration des chariots litigieux.

S'il est de principe que si le silence ne vaut pas à lui seule acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation.

En l'occurrence, les stipulations des annexes aux contrats de locations prévoient que le locataire s'engage à faire procéder à ses frais par le repreneur aux travaux et réparations nécessaires à la mise en conformité des matériels « sur la base d'un budget préalablement accepté par le locataire » ou, à défaut d'acceptation, conforme aux estimations faites par l'expert éventuellement saisi.

La société Oman justifie avoir adressé à la société ISB des courriers datés du 31 juillet, 6 et 28 septembre et 4 et 8 octobre 2018 auxquels étaient joints des devis relatifs aux expertises de remise en état des matériels, en lui demandant de les valider. Le repreneur précisait, dans ces missives, que faute de validation dans un délai de huit jours suivant leur réception, il procéderait à une facturation.

Or, c'est seulement après avoir réceptionné deux mises en demeure des 7 et 30 janvier 2019, soit plusieurs mois plus tard, que le locataire a contesté le montant des devis, par courrier du 7 mars 2019, en faisant référence à un compte-rendu de réunion qui s'était tenue seulement la veille.

L'appelante ne produit ainsi aucune pièce établissant qu'elle aurait manifesté un quelconque désaccord, lors de la réception des devis, quant au montant des réparations prévues, ni qu'elle aurait proposé de procéder à cette époque au rachat des chariots.

Force est de constater que les stipulations contractuelles ne prévoient pas que l'accord exprès du locataire sur le budget des réparations doit être préalablement recueilli par le repreneur.

Dans ces conditions, il y a donc lieu de considérer que l'absence de protestation, en temps utile, de la société ISB valait accord de sa part sur le montant des réparations facturées par la société Oman. L'appelante n'est donc pas fondée à prétendre qu'il appartenait au repreneur de saisir un expert, les divergences d'interprétation des parties sur le sens des stipulations contractuelles, quant à l'initiative de ce recours, étant corrélativement sans objet.

A titre surabondant, il sera souligné la société ISB ne produit aucune pièce démontrant que le montant des réparations litigieuses seraient disproportionnées par rapport à leur coût réel.

Enfin, les stipulations contenues dans les annexes aux contrats de locations n'imposent pas au repreneur de justifier de l'exécution des travaux de réparation, dont les frais sont dus par le locataire, sur la base d'un budget. C'est également par de justes motifs que le tribunal a rappelé que, contrairement à l'affirmation de la société ISB, l'indemnisation du bailleur en raison de l'inexécution par le locataire des réparations locatives prévues au bail n'est pas subordonnée à l'exécution de ces réparations ni à la justification d'un préjudice (3e Civ., 30 janvier 2002, n° 00-15.784, publié au Bulletin ; pour un rappel récent, 3e Civ., 7 janvier 2021, n° 19-23.269).

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la société ISB à payer à la société Oman la somme de 185.212,78 € HT au titre des factures émises pour la réparation des chariots élévateurs, avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2019 date de la première mise en demeure.

La capitalisation est de droit dès lors que les seules conditions posées par l'article 1343-2 du code civil sont réunies, à savoir une demande judiciairement formée et des intérêts dus pour au moins une année entière. Par conséquent, il y a lieu également de confirmer le chef du jugement aux termes duquel le tribunal a ordonné la capitalisation des intérêts.

Sur le déséquilibre significatif,

Exposé des moyens,

La société ISB prétend que la clause permettant au bailleur d'obtenir, en fin de contrat, une remise à neuf des matériels, de façon non contradictoire, en sus de l'encaissement des loyers, créé un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, ouvrant droit à une indemnisation. Elle considère que le point du départ du délai de prescription a commencé à courir au jour de la réception du chiffrage des réparations établi par la société Oman, ce dont elle déduit que l'action n'est pas prescrite.

Pour sa part, la société Oman fait valoir que l'action se heurte à la prescription, la société ISB ayant pris connaissance des clauses des contrats lors de leur conclusion, en 2012. Subsidiairement, sur le fond, elle réfute l'analyse de la société ISB, au motif les clauses litigieuses constituent, en substance, une application des dispositions du code civil.

Réponse de la cour,

L'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans sa version antérieure à la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010, applicable aux faits de la cause, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Ce texte ne prévoyant pas de prescription spéciale, les pratiques restrictives relèvent de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, qui prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans.

Aux termes de l'article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Le point de départ de la prescription en matière de responsabilité civile est la date de réalisation du dommage ou la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, la société ISB, a été informée des clauses contractuelles instituant, selon elle, un déséquilibre significatif, dès la date de signature des annexes aux contrats de location, soit au plus tard en 2012, de sorte qu'elle avait pleine connaissance du dommage qu'elle prétendait subir à ce titre, peu important que le montant exact des frais de réparation des matériels donnés en location n'ait été quantifié ultérieurement, lorsque ces clauses ont été mises en œuvre, au cours de l'année 2018.

L'action en responsabilité civile formée à l'encontre de la société Oman est donc prescrite depuis le mois d'octobre 2017, après expiration du délai quinquennal prévu par l'article L. 110-4, I, du code de commerce. Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement ayant déclaré irrecevable la société ISB en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

Sur la demande de la société ISB au titre du caractère abusif de la procédure,

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Compte tenu du sens de la présente décision, la société ISB ne pourra être que déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes,

La société ISB succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, la cour la condamnera aux dépens, dont distraction au profit de maître Patricia Hardouin - SELARL 2H Avocats, ainsi qu'à payer à la société Oman une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société ISB France aux dépens de l'appel, dont distraction au profit de maître Patricia Hardouin - SELARL 2H Avocats,

CONDAMNE la société ISB France à payer à la société Oman BSM Manutention nouvellement dénommée RPA la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.