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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 8 avril 2024, n° 22/00940

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Globe Agro Immo (SCI)

Défendeur :

Scientia Natura Distribution (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Vice-président :

M. Gettler

Conseiller :

Mme Goumilloux

Avocats :

Me Urban, Me Dirou, Me Delsor

TJ Bordeaux, du 13 janv. 2022, n° 18/073…

13 janvier 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société Scientia Natura Distribution a souhaité acquérir un bien immobilier situé à [Adresse 3] appartenant à la société SCI Globe Agro Immo.

Dans l'attente de la finalisation de cette vente, par contrat du 1er décembre 2016, la SCI Globe Agro Immo a donné à bail commercial à la SARL Scientia Natura Distribution, représenté par M. [L], un local à usage industriel et administratif d'environ 1500 m² situé à Coutras (33). L'acte précisait que le bail était consenti et accepté pour une durée de 6 mois entiers et consécutifs à compter du 1er décembre 2016 pour prendre fin le 1er juin 2017. Le loyer en principal a été fixé à la somme de 2500 euros HT et HC, taxes et charges étant payables en sus.

Par lettre du 05 juin 2017, le bailleur a indiqué au preneur qu'il lui confirmait que le bail avait pris fin au 1er juin 2017 mais qu'il lui permettait de se maintenir pendant un mois, soit jusqu'au 30 juin 2017, au prix du loyer figurant dans le bail. Il lui demandait de quitter les lieux à l'issue de ce délai pour qu'il puisse procéder à la mise en vente du bien.

Le preneur s'étant maintenu dans les lieux à la fin du mois de juin 2017, le bailleur a saisi le le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux, par acte du 30 octobre 2017, aux fins de voir constater que le bail était arrivé à son terme et de voir ordonner l'expulsion du locataire. Le preneur a contesté le caractère précaire du bail. Par ordonnance du 27 avril 2018, le juge des référés a rejeté la demande du bailleur.

Par acte d'huissier de justice du 13 août 2018, la société Globe Agro Immo a assigné au fond la société Scientia Natura Distribution devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d'ordonner son expulsion et de la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 31 mai 2017 et au plus tard à compter du 1er juin 2017.

Par ordonnance rendue le 14 janvier 2020, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 08 décembre 2020, le juge de la mise en état a rejeté la demande de provision formulée par le bailleur au titre de l'indemnité d'occupation.

Par jugement contradictoire du 13 janvier 2022, le tribunal a statué comme suit :

- dit que le bail dérogatoire conclu le 1er décembre 2016 entre la société Globe Agro Immo et la société Scientia Natura Distribution est arrivé à terme le 30 juin 2017,

- constate que la société Globe Agro Immo et la société Scientia Natura Distribution sont liées par un bail commercial à effet du 1er juillet 2017 jusqu'au 30 juin 2026,

- déboute les parties au surplus,

- condamne la société Globe Agro Immo aux dépens.

Le tribunal a jugé que le contrat de bail dérogatoire au statut des baux commerciaux avait été prorogé jusqu'au 30 juin 2017, et que depuis le 1er juillet 2017, les parties étaient liées par un contrat de bail commercial soumis au statut des baux commerciaux, le bailleur n'ayant pas contesté le maintien dans les lieux du preneur dans le délai d'un mois prévu à l'article L 145-5 du code de commerce.

Par déclaration du 23 février 2022, la société Globe Agro Immo a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Scientia Natura Distribution.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2024. La clôture a été rabattue à l'audience. L'affaire a ensuite été à nouveau clôturée, plaidée puis mise en délibéré. Le délibéré a été prorogé à la demande du conseil de l'appelant, des ultimes négociations étant en cours entre les parties.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 04 janvier 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Globe Agro Immo, demande à la cour de :

Vu l'article 1728 du code civil,

Vu l'ancien article 1382 et l'article 1240 nouveau du code civil,

Vu la convention locative en date du 1er décembre 2016,

A titre principal,

- déclarer que le bail dérogatoire en date du 1er décembre 2016 a pris fin le 31 mai 2017 et au plus tard le 1er juin 2017, de sorte ses demandes aux fins d'obtenir l'expulsion de la société Scientia Natura Distribution sont parfaitement fondées,

- déclarer que la société Scientia Natura Distribution n'a jamais justifié d'une assurance

pour garantir les locaux contre les risques locatifs et ceux pouvant surgir du fait de l'exercice de son activité professionnelle, que le défaut de justification d'une telle assurance est cause d'acquisition de la clause résolutoire du bail, de sorte ses demandes aux fins d'obtenir l'expulsion de la société Scientia Natura Distribution étaient parfaitement fondées,

En conséquence,

- réformer le jugement rendu par la 5ème chambre du tribunal judiciaire en date du 13 janvier 2022, RG 18/07305, en l'ensemble de ses dispositions en ce qu'il a :

- dit que le bail dérogatoire conclu le 1er décembre 2016 entre elle et la société Scientia Natura Distribution est arrivé à terme le 30 juin 2017,

- constaté qu'elle et la société Scientia Natura Distribution sont liées par un bail commercial à effet du 1er juillet 2017 jusqu'au 30 juin 2026,

- débouté les parties pour le surplus,

- l'a condamné aux dépens,

En statuant à nouveau,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Scientia Natura Distribution,

- juger que la convention locative en date du 1er décembre 2016 a pris fin le 31 mai 2017 et au plus tard le 1er juin 2017,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Scientia Natura Distribution à compter du 31 mai 2017 et au plus tard à compter du 1er juin 2017 jusqu'à la libération parfaite des lieux, à la somme de 3 500 euros HT, soit 4 200 euros TTC, charges et taxes en sus,

- condamner la société Scientia Natura Distribution à lui payer l'indemnité d'occupation à compter du 31 mai 2017 et au plus tard à compter du 1er juin 2017, charges et taxes en sus, jusqu'à la libération parfaite des lieux,

- condamner la société Scientia Natura Distribution à quitter les locaux situés sis [Adresse 5],

- ordonner l'expulsion de la société Scientia Natura Distribution à défaut pour elle de libérer volontairement les lieux, et à celle de tous occupants de son chef, avec si nécessaire le concours et l'assistance de la force publique deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L. 411-1 et L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- juger que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera régi par les articles L. 433-1, L. 433-2 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement rendu par la 5ème chambre tribunal judiciaire en date du 13 janvier 2022, RG 18/07305, en l'ensemble de ses dispositions en ce qu'il a :

- dit que le bail dérogatoire conclu le 1er décembre 2016 entre elle et la société Scientia Natura Distribution est arrivé à terme le 30 juin 2017,

- constaté qu'elle et la société Scientia Natura Distribution sont liées par un bail commercial à effet du 1er juillet 2017 jusqu'au 30 juin 2026,

- débouté les parties pour le surplus,

- l'a condamné aux dépens,

En statuant à nouveau,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Scientia Natura Distribution,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Scientia Natura Distribution sur la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020 à la somme de 2 500 euros HT, soit 3 000 euros TTC, sur la période du 1er juillet 2020 au 30 juin 2023 à la somme de 2 654,62 euros HT, soit 3 185,54 euros TTC, et sur la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2026 à la somme de 2 938,97 euros HT, soit 3 526,76 euros TTC, et ce, jusqu'à la libération parfaite des lieux, charges et taxes en sus, à parfaire en fonction de la réindexation de la valeur locative selon la clause d'indexation du bail dérogatoire en date du 1er décembre 2016 ayant pris fin le 1er juin 2017,

- condamner la société Scientia Natura Distribution à lui payer l'indemnité d'occupation à compter du 31 mai 2017 et au plus tard à compter du 1er juin 2017, charges et taxes en sus, jusqu'à la libération parfaite des lieux,

- condamner la société Scientia Natura Distribution à quitter les locaux sis [Adresse 5]

[Adresse 5] - [Localité 2],

- ordonner l'expulsion de la société Scientia Natura Distribution à défaut pour elle de libérer volontairement les lieux, et à celle de tous occupants de son chef, avec si nécessaire le concours et l'assistance de la force publique deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L. 411-1 et L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- juger que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera régi par les articles L. 433-1, L. 433-2 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

En tout état de cause,

- condamner la société Scientia Natura Distribution à lui payer, la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 17 janvier 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Scientia Natura Distribution, demande à la cour de :

Vu les articles 1713 et suivants du code civil, Vu les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, Vu l'article 564 du code de procédure civile, Vu la compétence du juge des loyers commerciaux, Vu l'article 1190 du code civil,Vu le bail,

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

Sur le fond,

- débouter la société Globe Agro Immo de tous ses chefs de demande irrecevables et mal fondés,

- ce faisant, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire et ci par extraordinaire la juridiction de céans devait réformer le jugement du tribunal judiciaire sur la nature du bail,

- débouter la société Globe Agro Immo de sa demande tendant à ce que l'indemnité d'occupation soit fixée sur la période du 1er juillet 2020 au 30 juin 2023 à la somme de 2 654,62 euros HT, soit 3 185,54 euros TTC, et sur la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2026 à la somme de 2 938,97 euros HT, soit 3 526,76 euros TTC,

- très subsidiairement toujours, lui accorder les plus larges délais pour libérer les lieux objet du bail et dire que pendant ce délai elle sera tenue au paiement de la somme mensuelle de 2 500 euros HT par mois, charges et sus, au titre de son occupation,

En toute hypothèse, ajoutant au jugement,

- condamner la société Globe Agro Immo à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en remboursement des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- la condamner aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

L'ordonnance de clôture a été rabattue à la demande de l'intimé et avec l'accord de l'appelant le jour de l'audience. La clôture de la procédure a été à nouveau prononcée et l'affaire a été plaidée sur le champ.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'application des dispositions de l'article 1455 du code de commerce :

1- Aux termes de l'article L 145-5 du code de commerce, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre [ chapitre sur les baux ] à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si, à l'expiration de cette durée et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

2- L'intimée n'a pas formé d'appel incident sur le dispositif de la décision de première instance ayant constaté que le bail dérogatoire conclu le 1er décembre 2016 était arrivé à son terme le 30 juin 2017. Le caractère dérogatoire du bail conclu le 1er décembre 2016 n'est ainsi plus contesté en appel, le litige portant uniquement sur les conséquence du maintien dans les lieux du preneur à son issue.

3- Le bailleur soutient que, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il a indiqué de manière expresse dans son courrier du 5 juin 2017 à sa locataire que le bail dérogatoire avait pris fin le 1er juin 2017 et lui avait demandé de quitter les lieux, lui accordant simplement un délai de grâce d'un mois pour s'exécuter . Elle s'est ainsi expressément prévalue du terme du bail et le preneur, qui a bénéficié d'un simple délai pour quitter les lieux, ne peut être considéré comme étant laissé en possession. Le fait que les parties aient tenté de négocier les termes d'un nouveau bail ne permettre pas de caractériser la volonté du bailleur de poursuivre le bail existant, pas plus que l'émission d'une quittance qui a par erreur été intitulé quittance de loyer au lieu de quittance d'indemnité d'occupation. A titre subsidiaire, le bailleur demande à la cour de constater l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de justification d'une assurance.

4- Le preneur sollicite la confirmation de la décision. Il affirme que l'interprétation faite par le bailleur de son courrier du 5 juin 2017 est erroné. En outre, le bailleur lui a délivré une quittance de loyer pour le mois de juin 2017 et a fait référence sans son courrier du 7 septembre 2017 à un bail. Le juge a à juste titre considéré que le bail avait été prorogé et qu'il ne s'agissait pas d'un délai de grâce. Elle affirme ensuite que la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire, nouvelle en appel, est irrecevable.

Sur ce :

5 - Il appartient au bailleur souhaitant échapper au mécanisme de l'art. L. 145-5 de manifester, avant la date contractuelle d'expiration du bail ou dans le mois suivant celle-ci, sa volonté de ne pas poursuivre sa relation contractuelle avec le locataire, la charge de la preuve de cette manifestation de volonté lui incombant, aucune clause du bail ne pouvant avoir pour effet de dispenser le bailleur de faire connaître au preneur son opposition à son maintien dans les lieux en cours d'exécution du bail.

6- Le statut n'a pas vocation à s'appliquer si le locataire a été maintenu dans les lieux en vertu d'un délai de grâce accordé par le bailleur, pour lui permettre par exemple d'organiser son départ (Civ. 3e, 11 janv. 2006), dès lors que ce dernier aura manifesté sa volonté de mettre fin au contrat

7- En l'espèce, par courrier du 5 juin 2017, le bailleur a indiqué à son preneur : 'pour faire suite à nos échanges de courriers électroniques des précédentes semaines, ainsi qu'au courrier en date du 25 mai 2017, nous vous confirmons que le bail de location du local situé [Adresse 5] et appartenant à la SCI globe Agro Immo a pris fin le 1er juin 2017, ainsi que cela est stipulé à l'article « durée du bail ». Comme nous vous l'avons précisé, ainsi que le permet le contrat de bail et compte de son caractère précaire, nous acceptons votre maintien dans ses locaux jusqu'au 30 juin 2017, au prix du loyer convenu dans ce bail. À cette date, nous vous demandons de libérer ses locaux, afin que nous puissions, de notre côté procédait au plus vite à sa mise en vente. Nous restons cependant à votre disposition pour discuter d'une proposition de votre part qui serait à même de remettre en cause notre souhait de vendre ce terrain, et tenant compte des contraintes financières que nous vous avons déjà exposées.'

8- Il ressort des termes de ce courrier que le bailleur n'entendait pas proroger la durée du bail, que le maintien dans les lieux de son locataire ne pouvait excéder une durée de grâce d'un mois et ne s'analysait pas en une prorogation du terme et qu'à l'issue de cette durée, il lui demandait de libérer les lieux pour que ceux-ci soient vendus. Le bailleur a donc bien manifesté sa volonté dans les conditions de l'article L 145-5 du code de commerce de ne pas laisser le preneur en possession des lieux. La décision de première instance sera dès lors infirmée en ce qu'elle a jugé que le bailleur n'avait pas, dans les délais utiles, indiqué à son preneur sa volonté de ne pas poursuivre la relation contractuelle, peu importe à cet effet que la facturation du mois de juin comporte comme la précédente la mention loyer et non indemnité d'occupation.

9- Il sera dès lors jugé que le bail a pris fin au 1er juin 2017 et que la preneuse est depuis cette date occupante sans droit ni titre des lieux et tenue d'une indemnité d'occupation. Il sera fait droit à la demande d'expulsion de celle-ci.

Sur le montant de l'indemnité d'occupation :

10- La bailleresse explique que le loyer, dans le cas de la convention d'occupation précaire, a été fixé à la somme de 3000 euros TTC par mois taxes et charges en sus raison du caractère dérogatoire de la convention qui était limitée à une durée de six mois. Elle fait valoir que le précédent locataire réglait un loyer de 4200 euros TTC par mois taxes et charges en sus. Elle demande ainsi à la cour de fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 4200 euros TTC montant correspondant selon elle à la réelle valeur locative des lieux, c'est-à-dire au montant auquel aurait pu renouer les locaux si la société appelante avait quitté les lieux. Elle rappelle que l'indemnité d'occupation présente un double caractère compensatoire et indemnitaire, et qu'elle doit compenser le préjudice causé au bailleur par l'occupation indue. A titre subsidiaire, si la cour devait fixer le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer, elle sollicite que celui-ci soit indexée conformément à la clause du bail.

11- La preneuse s'oppose à cette demande en faisant notamment valoir que l'état des locaux ne justifie nullement que l'indemnité d'occupation soit fixée au-delà de ce qui était prévu au bail dérogatoire compte tenu de l'état du local. En effet, il ressort des conclusions de la société BSC que l'étanchéité à l'air n'a pas été traitée correctement que l'isolation thermique des vitrages est trop faible, que les volets roulants sont en partie détériorés, que les caissons n'ont aucune isolation thermique et que le coût de réfection des anciens bâtiments sera élevé. Elle s'oppose à la demande visant à voir indexer le montant de l'indemnité d'occupation sur la l'indice figurant dans le bail dérogatoire en faisant valoir que celui-ci a pris fin.

Sur ce :

12- L'appelante soutient à juste titre que l'indemnité d'occupation présente un double caractère compensatoire et indemnitaire. Dans le cas présent, le montant du loyer avait été fixé à un montant moindre que celui figurant au bail précédent compte tenu du projet d'acquisition des lieux par le locataire. Le preneur ne justifie pas du dégradation des locaux importante justifiant une baisse de la valeur locative des lieux. Il convient dès lors de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due à la somme de 3500 euros HT, charges et taxes en sus à compter du 1er juin 2017.

Sur la demande de délai pour quitter les lieux :

13- La preneuse sollicite les plus larges délais, a minima une année, pour quitter les lieux et réinstaller son unité de production sur un autre site qu'elle occupe à [Localité 4]. Elle argue de sa bonne foi, étant à jour dans le règlement des loyers.

14- La bailleresse fait valoir que la preneuse a déjà bénéficié de larges délais de fait puisqu'il s'est écoulé cinq années depuis la fin du bail dérogatoire. Elle s'oppose à la demande de délai.

Sur ce :

15- La preneuse a déjà bénéficié de larges délais de fait. Elle était cependant de bonne foi puisque le premier juge lui avait reconnu le bénéfice d'un bail commercial. Compte tenu de la nécessité de déménager son activité et ses 15 salariés, il lui sera accordé un délai de 6 mois à compter du prononcé de cette décision pour quitter les lieux.

Sur les autres demandes :

16- La société Scientia Natura Distribution sera condamnée à verser la somme de 3000 euros à la société Globe Agro Immo au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

17- Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux du13 janvier 2022,

et statuant à nouveau,

Dit que le bail a pris fin au 1er juin 2017,

Dit que la société Scientia Natura Distribution est occupante sans droit ni titre des lieux,

Accorde un délai de six mois à la société Scientia Natura Distribution à compter du prononcé de cette décision pour quitter les lieux,

Ordonne l'expulsion de la société Scientia Natura Distribution à défaut pour elle de libérer volontairement les lieux, et à celle de tous occupants de son chef, avec si nécessaire le concours et l'assistance de la force publique deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L. 411-1 et L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

Dit que le sort des meubles se trouvant dans les lieux sera régi par les articles L. 433-1, L. 433-2 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Condamne la société Scientia Natura Distribution au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juin 2017 d'un montant mensuel de 3500 euros HT, charges et taxes en sus,

y ajoutant

Condamne la société Scientia Natura Distribution à la société Globe Agro Immo la somme de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Scientia Natura Distribution à la société Globe Agro Immo aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.