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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 12 octobre 2022, n° 20/17241

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

PHARMA FRANCE (S.A.R.L.), ETHIKA PHARMA (S.A.R.L.)

Défendeur :

LABORATOIRE DENEL (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme DALLERY

Conseillers :

Mme DEPELLEY, Mme LIGNIERES

Avocats :

SCP LOUKIL RENARD ASSOCIES, AARPI TEYTAUD-SALEH

TC PARIS, du 26 oct. 2020

26 octobre 2020

Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 26 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- débouté la société Pharma France, la société Ethika Pharma et la société Laboratoire Denel de leurs demandes réciproques de rejet de pièces,

- rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Laboratoire Denel quant à la demande de la société Pharma France au titre du contrat du 25 janvier 2006 et débouté celle-ci de sa demande d'indemnisation,

- dit que l' article L 442-6-1 5° du code de commerce est applicable au contrat du 25 janvier 2006,

- débouté la société Ethika Pharma et Pharma France de leur demande au titre d'une rupture brutale de relations commerciales établies,

- débouté la société Pharma France et la société Ethika Pharma de leurs demandes en paiement des sommes de : 168.163,80 €, 9.447,72 €, 30.000 €, 45.402 € et 190.838 €,

- condamné la société Laboratoire Denel à payer la somme de 9.577,80 € TTC à la société Pharma France et celle de 17.216,95 € TTC à la société Ethika Pharma,

- condamné la société Ethika Pharma à payer la somme de 5.400 € à la société Laboratoire Denel ,

- débouté la société Laboratoire Denel de ses demandes de 115.803 € et 34.999 €,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société Laboratoire Denel aux dépens et à payer la somme de 2.500 € à chacune des sociétés Pharma France et Ethika Pharma au titre de l' article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé par les sociétés Pharma France et Ethika Pharma qui demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions du 30 mai 2022 :

1) de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé :

- qu'elles étaient conjointement recevables en leurs demandes,

- que les contrats de 19 juillet 2005 et 25 janvier 2006 sont des contrats de prestations de services soumis aux dispositions de l' article L 442-6-1 5° du code de commerce ,

- que la société Laboratoire Denel est condamnée à payer la somme de 9.577,80 € à la société Pharma France au titre de factures impayées et à payer la somme de 17.216,95 € à la société Ethika Pharma au titre de factures impayées,

- que la société Laboratoire Denel est condamnée à payer à chacune d'elles la somme de 2.500 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile ,

2) d'infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :

a) au visa de l' article L 129-4 du code de procédure civile :

- écarter des débats les pièces suivantes du Laboratoire Denel : n° 25 (lettre du 4 mai 2017 adressée au conciliateur par Pharma France et Ethika Pharma et n° 26 (lettre de rupture du 24 mai 2017 du Laboratoire Denel ),

- juger irrecevables les conclusions de l'intimée en ce qu'elles font état des échanges effectués lors de la procédure de conciliation,

- juger fautive et brutale la rupture du contrat du 25 janvier 2006 par le Laboratoire Denel ,

b) au visa des articles L 442-6-1 5° et D 442-3 du code de commerce :

- juger que les contrats des 19 juillet 2005 et 25 janvier 2006 sont des contrats de prestations de services soumis aux dispositions de l' article L 442-6-1 5° du code de commerce ,

- juger que la résiliation du contrat du 25 janvier 2006 est fautive et brutale,

- en conséquence, condamner le Laboratoire Denel à payer conjointement aux sociétés Pharma France et Ethika Pharma la somme de 124.156 € en réparation des préjudices des exercices 2015 et 2016 ainsi que la somme de 180.000 € au titre du préavis non respecté,

c) subsidiairement, au visa des articles L 134-1 et suivants du code de commerce :

- juger que la rupture du contrat est abusive,

- en conséquence, condamner le Labratoire Denel à payer conjointement aux sociétés Pharma France et Ethika France la somme de 51.295 € au titre du préavis contractuel ainsi que la somme de 205.180 € à titre d'indemnité de rupture,

3) condamner la société Laboratoire Denel à leur payer conjointement les sommes de :

- 9.447,72 € au titre du blocage des commandes,

- 30.000 € au titre de la suppression des donations,

- 45.402 € au titre de l'absence de formation,

- 190.838 €,TVA en sus, au titre des ventes sur internet,

4) débouter la société Laboratoire Denel de l'ensemble de ses demandes,

5) condamner la société Laboratoire Denel aux entiers dépens et à la somme de 25.000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la société Laboratoire Denel du 30 mai 2022 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles L 134-1 et suivants, L 442-6-1 5°, D 442-3 du code de commerce , 55, 70, 129-4, 564 du code de procédure civile ainsi que des articles 1224 et 1993 du code civil :

1) d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté sa fin de non recevoir de la demande de la société Pharma France au titre du contrat du 25 janvier 2006 et l'a déboutée de sa demande d'indemnisation, au motif erroné que Pharma France était fondée à se prévaloir du contrat 'couronne parisienne' car un avenant du 21 juin 2006 stipulait que 'la prestation médico pharmaceutique pourra être assurée dans les mêmes termes contractuels par la société Ethika Pharma quel que soit le secteur',

- dit que l' article L 442-6-1 5° du code de commerce est applicable au contrat du 25 janvier 2006, au motif erroné que 'les contrats ne sont pas des contrats d'agent commercial' parce que ' le pouvoir de négocier généralement considéré comme nécessaire pour qualifier le statut d'agent commercial n'est pas établi',

- condamné la société Laboratoire Denel à payer la somme de 9.577,80 € TTC à la société Pharma France et à payer la somme de 17.216,95 €, au motif erroné que ' Denel a accepté ces commandes et encaissé le prix qui comprend les commissions demandées', puisque la facture de 17.216,95 € a été payée partiellement pour sa partie non contestée,

- débouté la société Laboratoire Denel de ses demandes en paiement des sommes de

115.803 € et 34.999 €, au motif inadapté que ' Denel qui a encaissé le produit des ventes qu'elle considère a posteriori comme illicites, en ce compris les commissions, n'a pas vocation à en demander répétition',

- condamné la société Laboratoire Denel à payer à chacune des sociétés Pharma France et Ethika Pharma la somme de 2.500 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, alors qu'aucune des condamnations contestées en appel ne sont fondées et que le tribunal reconnaît les fautes graves commises par les appelantes,

2) statuant à nouveau :

a) avant tout débat au fond, au titre de l' article 129-4 du code de procédure civile invoqué par les appelantes, juger :

- à titre principal, que la pièce 8 des appelantes et les pièces 25 et 26 de Denel ainsi que les assignations et conclusions de toutes les parties qui commentent ces pièces ne comportent ni 'constatations du conciliateur', ni 'déclarations qu'il recueille' au sens de l'article

précité , mais une offre de modification du contrat destinée à Denel qui l'a rejetée,

- à titre subsidiaire, que les appelantes ayant cité et produit les premiers dans leur assignation la lettre du 24 mai 2017 qui se référe à celle du 4 mai 2017 ont manifesté leur accord pour qu'elles soient utilisées en défense par Denel ainsi que l' article L 129-4 du code de procédure civile l'autorise,

- à titre très subsidiaire, qu'il n'y a pas lieu de déclarer nulles ou irrrecevables les assignations et conclusions, ni leurs pièces 8, 25 et 26, mais qu'il y a lieu de ne pas tenir compte dans leur contenu de ce qui renverrait à des 'constations du conciliateur' ou à des 'déclarations qu'il recueille',

- à titre infiniment subsidiaire, que la pièce adverse 8 doit être écartée des débats, que l'assignation en rupture brutale doit être déclarée nulle pour violation de l' article 56 du code de procédure civile qui requiert la production des pièces fondant l'assignation car la pièce adverse 8, écartée des débats selon l' article L 129-4 du code de procédure civile , ne peut plus servir à prouver la rupture brutale et que toutes les assignation et conclusions des appelantes qui se fondent sur leur pièce 8 et motivent leurs demandes sur cette pièce doivent être déclarées irrecevables,

b) puis, à l'égard de Pharma France :

- débouter Pharma France de ses demandes au titre de la résiliation du contrat de la couronne de [Localité 8] car il ne le concerne pas, ayant été exécuté et facturé par Ethika Pharma,

- condamner Pharma France à payer la somme de 30.000 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son abus de droit d'agir,

c) à l'égard de Ethika Pharma :

- juger que le contrat résilié est un contrat d'agence commerciale au sens de l' article L 134-1 du code de commerce dont les dispositions sont d'ordre public,

- débouter Ethika de sa demande fondée sur l' article L 442-6-1 5° du code de commerce qui ne s'applique pas à la fin des relations entre l'agent commercial et le mandant,

d) à l'égard des sociétés Pharma France et Ethika Pharma :

- juger irrecevables en appel leurs demandes nouvelles non conformes à l' article 654 du code de procédure civile , notamment leurs moyens et demandes fondées sur la qualification d'agence commerciale appliquée au contrat,

- débouter Pharma France et Ethika Pharma de leurs demandes nouvelles formulées dans leurs conclusions pour l'audience de 20 décembre 2019 ( et suivantes) qui se rapportent au contrat relatif au sud-ouest, car ces demandes sont sans lien suffisant avec la rupture brutale du contrat relatif à la couronne parisienne,

- débouter Pharma France et Ethika Pharma de leurs demandes car le contrat ne les autorise qu'à vendre aux pharmacies et parapharmacies qui revendent aux patients prescrits par un médecin, et non à des grossistes revendant à d'autres parapharmacies ou grossistes, toutes reventes à un revendeur par une officine n'ayant pas le statut de SRA étant illicites ,

- les débouter de toutes leurs demandes, notamment celles relatives à la rupture brutale, à des violations du contrat par Denel , à l'obtention d'indemnités qui seraient dues en raison de leur qualité d'agent commercial,

- condamner solidairement Pharma France et Ethika Pharma au paiement des sommes suivantes :

7.200 € pour les intérêts du prêt des années 2010 à 2021,

115.803 €, à titre de dommages-intérêts, au titre du préjudice né de l'inexploitation du territoire concédé et du défaut d'embauche des salariés convenus pour les années 2014 à 2017, ces faits constiuant des fautes graves autorisant la résiliation selon l' article 1224 du code civil (sur la résolution des contrats) ainsi que selon les articles 134-11 et 13 du code de commerce (agents commerciaux),

34.999 €, à titre de dommages-intérêts, en remboursement des commissions versées se rapportant à des ventes illicites et non contractuelles réalisées par Ethika Pharma de 2014 à 2017,

3) condamner chacune des sociétés Pharma France et Ethika Pharma à lui payer la somme de 25.000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile et les condamner solidairement aux dépens;

MOTIVATION

La société Codifra , devenue depuis la société Laboratoire Denel , a conclu deux contrats de promotion médicale et pharmaceutique avec la société Pharma France : le 19 juillet 2005, concernant le secteur du sud ouest , puis le 25 janvier 2006 concernant le secteur de [Localité 6] et de [Localité 8].

Chacun de ces contrats, d'une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction, mentionne en préambule que Codifra fabrique et distribue des compléments alimentaires prescrits par des médecins ou des thérapeutes para médicaux aux patients, que les patients achètent ces produits en pharmacie ou parapharmacie, que Codifra recherche des prestataires afin d'assurer la promotion de ses produits et que le prestataire aura pour mission de développer en quantité et qualité la promotion des produits auprès des médecins, thérapeutes para médicaux et pharmacies.

Ils prévoyaient la mise à disposition par Pharma France de commerciaux médicaux et pharmaceutiques, Codifra s'engageant à approvisionner régulièrement grossistes et distributeurs et à payer le prestataire par une rémunération proportionnelle de 34,3 % sur le chiffre d'affaires HT réalisé sur le secteur concerné.

Suivant avenants du 21 juin 2006 , il a été convenu d'un commun accord entre les parties que les prestations pourraient être assurées dans les mêmes termes contractuels par la société Ethika Pharma, cette dernière se déclarant engagée par tous les contrats et avenants signés entre Pharma France et Denel ; les secteurs attribués ont été modifiés par divers autres avenants.

Suivant accord du 1er décembre 2006 , le secteur de [Localité 7] a été attribué à la société Ethika Pharma moyennant le prix de 30.000 €, la société Laboratoire Denel lui consentant un crédit vendeur de ce montant, remboursable en 24 mensualités de 1.250 € à partir du 1er décembre 2009.

Par lettre recommandée avec avis de réception, datée du 24 mai 2017, adressée aux sociétés Pharma France et Ethika Pharma, la société Laboratoire Denel leur a notifié la résiliation du contrat du 25 janvier 2006 pour fautes graves conformément à l'article 9 du contrat, leur reprochant une absence d'activité dans le respect du contrat, une prospection insuffisante des médecins prescripteurs et de pharmacies vendant au détail ainsi que des ventes illicites et non contractuelles à des pharmacies grossistes.

Les deux sociétés, par lettre de leur conseil du 20 juin 2017, ont répondu que la décision de résiliation était animée par une intention de nuire caractérisée, que leur activité avait toujours été conforme au contrat et à la loi et que l'affaire était destinée à recevoir les suites qu'elle méritait devant les tribunaux.

Dans le cadre d'un référé provision initié par les sociétés Pharma France et Ethica Pharma pour obtenir paiement de commissions, le juge des référés a délégué à un conciliateur sa mission de conciliation.

Aucune conciliation n'étant intervenue entre les parties, l'affaire a été renvoyée au fond devant le tribunal de commerce de Paris .

Sur les demandes au titre de l' article L 129-4 alinéa 2 du code de procédure civile :

Les sociétés Pharma France et Ethika Pharma demandent que soient écartées des débats la pièce adverse 25, s'agissant d'une lettre du 4 mai 2017 qu'elles ont adressées au conciliateur, et la pièce adverse 26 qui est la lettre de rupture de la société Laboratoire Denel du 24 mai 2017; elles soulèvent l'irrecevabilité des conclusions de la société Laboratoire Denel en ce qu'elles font état des échanges effectués lors de la procédure de conciliation.

La société Laboratoire Denel demande confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables la pièce 8 des appelantes, qui correspond à la lettre de résiliation du 24 mai 2017, ainsi que ses pièces 25 et 26.

L' article 129-4 du code de procédure civile dispose, en son alinéa 2 : 'Les constations du conciliateur et les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni reproduites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties ni, en tout état de cause, dans une autre instance'.

La société Laboratoire Denel fait justement valoir que la lettre du 24 mai 2017 notifiant la résiliation du contrat (pièce 8 des appelantes et pièce 26 pour elle) a été produite et commentée par les sociétés Pharma France et Ethika Pharma dans leur assignation et dans leurs conclusions postérieures, donc nécessairement avec leur accord.

En revanche la pièce 25 produite par la société Laboratoire Denel est une lettre adressée au conciliateur par les sociétés Pharma France et Ethika Pharma; c'est en vain que la société Laboratoire Denel allègue qu'elle constituait une offre d'accord qui lui était destinée; elle s'analyse en effet comme une déclaration recueillie par le conciliateur et doit donc être écartée des débats, les conclusions de la société Laboratoire Denel ne pouvant s'y référer.

Sur la recevabilté des demandes de la société Pharma France :

La société Laboratoire Denel soulève l'irrecevabilité de la demande de la société Pharma France au titre de la résiliation du contrat du 25 janvier 2006; elle expose en ce sens :

- que M. [B], qui était employé par la société Pharma France depuis le 18 décembre 2006, était en conflit avec le laboratoire Leno qui l'a employé jusqu'au 31 mai 2018 en ce qu'il violait une clause de non concurrence contractuelle,

- que c'est pour cette raison qu'il a demandé la signature de 2 avenants le 21 juin 2006 stipulant que la société Ethika Pharma était engagée par les contrats conclus par la société Pharma France et qu'elle pourrait en assurer l'exécution dans les mêmes termes quel que soit le secteur,

- qu'après cette signature, un nouvel accord oral est intervenu, le contrat relatif à la couronne parisienne et à [Localité 6] étant transféré à la société Ethika Pharma, cette dernière ayant facturé à la société Laboratoire Denel le prix du rachat du secteur de [Localité 6],

- que la société Pharma France n'a plus exécuté que le contrat 'sud-ouest' de 2005 et facturé les commissions s'y rapportant,

- que c'est la société Ethika qui a exécuté seule le contrat 'couronne parisienne [Localité 6] et [Localité 7]' de 2006 et a facturé seule les commissions s'y rapportant,

- que la société Pharma France n'a aucun intérêt ni qualité pour agir sur le fondement d'un contrat qu'elle n'exécutait pas et qu'elle n'a aucun préjudice à faire valoir, n'ayant pas perçu de commissions au titre de ce contrat .

Mais il est constant que la société Pharma France, en sa qualité de signataire du contrat du 25 janvier 2006, restait tenue des obligations alors souscrites; en vertu des avenants du 21 juin 2006 , la société Ethika Pharma a souscrit les mêmes engagements à ses cotés , sans pour autant que la société Pharma France soit déchargée des siens et perde les droits afférents au contrat; cette derniére garde ainsi intérêt et qualité à agir au titre de ce contrat.

En conséquence, la société Laboratoire Denel est mal fondée en sa demande de dommages-intérêts, à hauteur de 30.000 €, pour procédure téméraire et abusive.

Sur les demandes des parties au titre de la rupture du contrat du 25 janvier 2006 et pour inexécutions contractuelles :

La société Laboratoire Denel soutient que l' article L 442-6-1 5° du code de commerce n'est pas applicable, la convention liant les parties étant un contrat d'agence commerciale soumis aux dispositions de l' article L 134-1 et suivants du code de commerce qui sont d'ordre public; elle fait valoir :

- que l' article L 442-6-1 5° du code de commerce est inapplicable aux agents commerciaux,

- que le pouvoir de négocier, qui est prouvé en l'espèce, n'est pas une condition d'application du statut des agents commerciaux.

Les sociétés Pharma France et Ethika Pharma objectent que les conditions relatives au statut d'agent commercial ne sont pas remplies aux motifs :

- que les parties ont conclu un contrat de louage de services, dit contrat de promotion médicale et pharmaceutique, sans mention des articles 134-1 et suivants du code de commerce et avec l'indication que la société Pharma France est un prestataire,

- que l'article précité pose comme condition essentielle pour jouir du statut d'agent commercial le pouvoir de négocier,

- qu'elles avaient pour mission de générer des commandes, d'en assurer le suivi jusqu'à la livraison et de promouvoir les produits du Laboratoire Denel auprès des médecins prescripteurs,

- qu'elles n'avaient aucun pouvoir de négocier les prix ni les conditions particulières,

- qu'elles n'avaient pas la possibilité de conclure des contrats de vente pour le compte du Laboratoire Denel ,

- que certaines de leurs missions sont incompatibles avec le statut d'agent commercial, à savoir l'organisation en toute liberté de l'activité de promotion, la possibilité de recourir à des sous-traitants, le fait qu'à aucun moment elles ne deviennent propriétaires des produits ou des marques sous lesquelles ils sont commercialisés et le fait que l'indemnité due en cas de résiliation au terme du contrat est égale à 6 mois de rémunération calculée sur la base des 6 derniers mois d'activité.

L' article L 134, alinéa 1 du code de commerce , dispose : 'L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.'

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Par arrêt du 4 juin 2020 ( Trendsetteuse ; C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l' article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial au sens de cette disposition .

Il en résulte que même si les sociétés Pharma France et Ethika Pharma n'avaient pas le pouvoir de modifier les prix des produits du Laboratoire Denel , cette circonstance ne suffirait pas à exclure le statut d'agent commercial.

En effet, le pouvoir de négocier doit s'entendre plus largement, la mission de l'agent commercial étant de faire en sorte que l'offre du mandant recoive une acceptation du client, ce qui peut être caractérisé par le démarchage de clientèle, l'orientation de son choix en fonction de ses besoins, sa fidélisation par des actions commerciales ou encore la valorisation du produit.

En l'espèce, la société Laboratoire Denel justifie que :

- par courriel du 17 novembre 2016, concernant le contrat ' couronne parisienne', la société Ethika Pharma a écrit au Laboratoire Denel : 'après avoir âprement négocié avec mon client RS Pharma, j'ai réussi à obtenir l'accord de ce client pour accepter de nouvelles conditions commerciales, soit l'annulation des 5% d'unités gratuites dont il bénéficiait jusqu'à présent',

- la société Ethika lui a adressé entre 2012 et 2017 : des factures pour ' accord de M. [E]' et 'accord GIE la Rocade'ainsi que des factures au titre d'accords négociés avec la pharmacie Trianon et le docteur [N],

- dans leurs conclusions n°3 pour l'audience du 4/9/2020, les appelantes ont écrit : ' Les concluantes ont ainsi passé trois accords de partenariat avec notamment le docteur [E], la pharmacie de la Rocade et la Pharmacie du Trianon'.

Il résulte de ces éléments que, dans les faits, les appelantes avaient un pouvoir de négociation.

Les clauses contractuelles invoquées par les appelantes, en ce compris celle fixant une indemnité d'un montant supérieur au montant légal en cas de résiliation au terme du contrat et sans préavis, ne sont pas incompatibles avec le statut d'agent commercial.

L' article L 442-6-1 5° du code de commerce ne s'appliquant pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un agent commercial et son mandataire, les demandes des sociétés Pharma France et Ethika France fondées sur ce texte doivent être rejetées .

Contrairement à ce que prétend la société Laboratoire Denel , les demandes des appelantes sont recevables en cause d'appel; en effet il s'agit :

- d'une part de demandes à titre subsidiaire d'indemnités pour rupture du contrat sur la base d'un moyen nouveau tenant à la qualification du contrat, à savoir un contrat d'agence commerciale,

- d'autre part de demandes pour inexécutions contractuelles, relatives au contrat du 25 janvier 2006 et au contrat du 19 juillet 2005, lesquelles se rattachent par un lien suffisant aux demandes de première instance .

Les sociétés appelantes reprochent à la société Laboratoire Denel d'avoir entravé la bonne exécution du contrat, alléguant que les dernières années de la relation contractuelle ont été émaillées d'actes de sabotage de leurs activités; elles reprochent à la société Laboratoire Denel :

- un blocage des commandes qui constitue un manquement grave à l'engagement d'approvisionnement, pour lequel elles réclament la somme de 9.447,72 €,

- la modification des conditions commerciales, notamment le refus de remettre la quantité d'échantillons convenue, en violation des articles 10 du premier contrat et 11 du second, ce qui a entrainé le mécontentement des clients, freiné les ventes et engendré une perte de chiffre d'affaires, ce pourquoi elles réclament la somme de 30.000 € en réparation de leur préjudice,

- l'absence de formation, alors que 2 formations par an étaient prévues dans chacun des contrats, raison pour laquelle elles réclament la somme de 45.402 € au titre d'une perte de chance de percevoir des commissions,

- les entraves au paiement des prestations, la société Laboratoire Denel ne respectant pas l'obligation de communiquer périodiquement les chiffres d'affaires réalisés pour permettre le calcul des commissions,

- le réglement tardif des factures,

- le fait de ne pas leur avoir reversé les commissions sur les ventes réalisées sur internetà compter du 1er trimestre 2015, ce pourquoi elles réclament la somme de 190.838 € TVA en sus.

Les appelantes prétendent que les motifs avancés par la société Laboratoire Denel dans sa lettre du 24 mai 2017 pour rompre le contrat, à savoir un refus de recruter du personnel nécessaire ainsi que des ventes de gros volumes non conformes et illicites, ne sont pas fondés; elles soulignent :

- que le grief des ventes de gros volumes est aberrant, imprécis et arbitraire,

- que le retour de produits périmé ne peut leur être reproché,

- que certains pharmaciens ont compris les motivations réelles de la rupture du contrat, l'un d'eux ayant écrit : ' ...je ne peux que me féliciter du professionnalisme dont vous avait fait preuve ...je sais que ma dernière commande n'a pas été honorée sans explication ...je me demande si l'objectif du Laboratoire était vraiment de développer les ventes ou de remettre en cause votre action commerciale',

- que la critique basée sur la baisse des ventes est un argument fallacieux, étant observé que depuis la rupture du contrat, les résultats du Laboratoire Denel ne se sont pas améliorés,

- que c'est de façon mensongère que la société Laboratoire Denel affirme, sans le démontrer, qu'elles auraient vendu les produits à des grossistes,

- que le contrat du 25 janvier 2006 n'interdit pas les ventes de gros volumes et la vente en ligne, raison pour laquelle la société Laboratoire Denel a accepté les commandes de RS Pharma et les a livrées et que, en toute hypothèse, n'ayant plus livré RS Pharma depuis décembre 2014, la société Laboratoire Denel est irrecevable à se prévaloir de ces ventes faites 3 ans avant la rupture du contrat,

- qu'il ne peut leur être reproché de ne pas obtenir auprès des pharmacies de renseignements sur la destination des produits vendus,

- qu'aucune preuve n'est rapportée sur le fait qu'elles auraient perçu une double commission sur les ventes à RS Pharma,

- que la société Laboratoire Denel ne verse pas aux débats le contrat d'agent commercial de Mme [V], qu'il est inexact qu'elles démarchent l'enseigne Parashop qui relèverait du secteur de Mme [V] et que l'obligation de faire respecter les contrats passés avec d'autres prestataires ne peut s'appliquer qu'au Laboratoire Denel .

Elles en déduisent que la société Laboratoire Denel ne parvient pas à établir les inexécutions invoquées en rappelant que la faute grave de l'agent commercial doit remplir deux conditions: porter atteinte à la finalité commune des parties et rendre impossible le maintien du lien contractuel, conditions qui font défaut ; selon elles la rupture du contrat doit donc être déclarée fautive et abusive, lui ouvrant droit à réparation; elles demandent la somme de 51.295 € au titre du préavis contractuel et celle de 205.180 € à titre d'indemnité de rupture.

La société Laboratoire Denel soutient que les appelantes ont commis des fautes graves rendant impossible le maintien du contrat et justifiant sa rupture sans préavis, à savoir des ventes illicites et non contractuelles ainsi qu'un défaut de prospection de leur territoire exclusif; elle évalue à la somme de 115.803 € le préjudice subi du fait de l'inexploitation des 11 départements concédés en exclusivité dans la région parisienne ; elle demande par ailleurs la somme de 34.999 €, à titre de dommages-intérêts, en remboursement des commisions payées se rapportant aux ventes illicites et non contractuelles .

La société Laboratoire Denel conteste toutes les fautes que lui reprochent les appelantes.

* Sur la rupture du contrat :

Le contrat du 25 janvier 2006 stipule :

- en son article 1.1 que Pharma France s'engage à mettre à disposition du laboratoire de 3 à 5, commerciaux médicaux et pharmaceeutiques , dont 2 à [Localité 8], assurant des visites

chez les médecins et para médecins, des visites en pharmacie et parapharmacies et la prise de commandes,

- en son article 7, que le prestataire exécutera son ativité en se conformant aux usages de la profession ainsi qu'à la réglementation applicable,

- en son article 10, que le prestataire respectera strictement les conditions de promotion des produits communiqués par le laboratoire, notamment sa politique commerciale, à peine de résiliation de la convention à ses torts.

Il apparaît que le 11 mars 2015, la société Laboratoire Denel a écrit à la société Ethika Pharma pour s'étonner de ce que les volumes de vente indiqués par le GERS (GIE auquel elle adhère pour l'analyse de ses ventes) étaient très supérieurs aux volumes réellement vendus par son répartiteur-logisticien ( Movianto / ex OCP) dans le même temps qu'elle constatait une forte baisse de ses volumes vendus via son répartiteur (de l'ordre de 23 %), lui demandait de communiquer la trace de ses livraisons à des plateformes et annonçait qu'une enquête était en cours ainsi que l'envoi prochain d'une circulaire à son réseau.

Le 15 mars 2015, la société Laboratoire Denel a adressé à ses commerciaux une circulaire pour leur rappeler les éléments suivants :

- elle ne vend ses produits par l'intermédiaire de son réseau commercial qu'aux pharmaciens et para-pharmaciens qui eux-mêmes les revendent à des consommateurs utilisateurs finaux; il en résulte que les ventes à des grossistes directement ou indirectement (en passant par des pharmacies, des sites internet, etc ..) leur est interdite,

- afin de lutter contre la pratique de la rétrocession, prohibée par le code de la santé publique, elle n'acceptera de commandes groupées de pharmacies que lorsqu'elles seront passées par une SRA (Structure de Regroupement à l'Achat), seule structure légalement habilitée,

- dans ce cas, il appartient au visiteur de s'assurer que la plateforme SRA sera en mesure d'indiquer la répartition de ses achats par pharmacie ou para pharmacie, ce afin d'assurer la traçabilité des produits et calculer les commissions de chacun,

- toute prise de commande qui ne respecterait pas ces règles pourrait justifier la résiliation pour faute grave du contrat du commercial fautif.

Un différend est né suite à des commandes importantes prises par la société Ethika en 2015 et 2016 auprès de RS Pharma, GIE Arcade et la Pharmacie de l'Eglise, la société Laboratoire Denel suspectant qu'en raison de ventes importantes, de 1.000 unités à chaque fois pour RS Pharma alors que la moyenne d'une commande en région parisienne est au plus de 50, ces clients ne les revendent pas à des officines mais à des grossistes.

Il ressort des pièces produites que la société Laboratoire Denel a demandé à la société Ethika , à plusieurs reprises et notamment par courriels des 13 janvier et 11 mars 2015, puis encore du 13 mars 2017 de lui apporter des éclaircissements en lui communicant par exemple les bordereaux de livraisons de ces clients à des pharmaciens, ce que la société Ethika n'a jamais fait.

Il est de règle que les pharmaciens ne peuvent légalement exercer une activité de grossiste répartiteur ; cependant pour leur permettre des achats groupés afin de bénéficier de remises, il existe des Structures de Regroupement à l'Achat, dites SRA.

Le tribunal a justement retenu que les ventes à des clients, notamment à RS Pharma, qui n'avaient pas le statut de SRA étaient illicites et qu'elles ont nui autant à la société Laboratoire Denel qui constatait que ses propres ventes à des grossistes diminuaient qu'aux autres commerciaux privés de commissions lorsque ces ventes servaient à livrer des pharmacies situées dans leur secteur ; de surcroît, les appelantes ont manqué à leur obligation de loyauté et à leur devoir d'information, prescrits par l' article L 134-4 du code de commerce .

Les fautes ainsi commises, qui nuisaient gravement à la stratégie commerciale de la société Laboratoire Denel que l'agent commercial était tenu de respecter, justiaient une résiliation du contrat sans préavis; en conséquence, les sociétés Pharma France et Ethika Pharma doivent être déboutées de leurrs demandes en paiement de la somme de 51.295 € au titre du préavis contactuel et de celle de 205.180 € à titre d'indemnité de rupture .

* Sur les demandes des sociétés appelantes pour inexécutions contractuelles :

- Les appelantes demandent confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Laboratoire Denel à payer, au titre de factures non réglées, la somme de 9.577,80 € à la société Pharma France (facture du 01/03.01 impayées à hauteur de 2.028 € et facture 28/ 12 /02 de 7.549,20 €) ainsi que la somme de 17.216,95 € à la société Ethika Pharma (facture du 03/02/17/01 impayée à hauteur de 7.440 € et factures 15/02/17/01 et 01/03/1702 impayées à hauteur de 9.776,95 €) ; elles font valoir, d'une part qu'il s'agit d'un intéressement dû pour des accords de partenariats passées avec le docteur [E], la

pharmacie La Rocade et la pharmacie du Trianon, d'autre part que la société Laboratoire Denel a accepté les commandes, livré les produits et encaissé le prix qui inclut leurs commissions.

La société Laboratoire Denel conteste devoir ces sommes en objectant, pour certaines factures que les appelantes ont refusé de s'expliquer sur les accords invoqués et de les fournir, pour d'autres qu'elles correspondent à des commissions sur des volumes anormaux ou prises auprès de pharmacies n'ayant pas le statut SRA.

La cour constate que les appelantes ne justifient pas de leur droit à intéressement qui résulterait des accords de partenariat dont elles se prévalent; par ailleurs la société Laboratoire Denel est bien fondée à refuser de payer des commissions sur des ventes pour un volume anormal effectuées à des pharmacies qui tiennent le rôle de grossistes alors qu'elles n'ont pas le statut SRA.

Les demandes en paiement des appelantes seront donc rejetées.

- Pour demander la somme de 9.447,72 €, les appelantes font valoir qu'à partir de décembre 2014 des commandes importantes n'ont pas été livrées, ce qui les a privées de commissions pour ce montant. Mais les commandes visées sont afférentes à des ventes à RS Pharma, au GIE La Rocade et à la Pharmacie de l'Eglise qui sont fautives; la demande est donc mal fondée.

- Les appelantes demandent la somme de 30.000 € en réparation d'un préjudice occasionné par la suppression des dotations; elles exposent qu'à compter de janvier 2015, la société Laboratoire Denel a décidé, de façon discriminatoire, de ne plus lui remettre des échantillons marqués, en violation des articles 10 du premier contrat et 11 du second contrat, ce qui aboutissait à renforcer la vente de produits concurrents. Mais le tribunal a justement retenu que la société Laboratoire Denel était bien fondée à cesser la remise d'échantillons en raison des ventes opérées de façon illicite par les appelantes; de surcroît, ces dernières ne démontrent aucun préjudice en relation de cause à effet avec le grief énoncé .

- Les appelantes demandent la somme de 45.402 €, en réparation du préjudice résultant de l'absence de formation aux motifs que la société Laboratoire Denel n'a dispensé que 2 sessions de formation sur les 6 prévues aux contrats, ce qui les a privées d'une chance d'augmenter leurs ventes qu'elles estiment à au moins 5 %.

- Le tribunal a exactement retenu que 3 supports de formation avaient été adressés aux visiteurs le 30 juin 2014 , que les appelantes ne s'étaient pas rendues à la formation organisée le 11 décembre 2014, que les formations scientifiques et commerciales prévues aux contrats avaient fait l'objet de 'tirés à part' et de 7 en 2016 pour pallier l'absence trop fréquente des mandataires aux formations en présence et que les appelantes ne justifiaient pas en quoi ce mode de communication aurait nui aux ventes. En l'absence de preuve de l'existence même d'un préjudice, la demande des appelantes sera rejetée.

- Pour demander la somme de 190.838 € TVA en sus au titre de commissions 2015 à 2018 sur les ventes internet, les appelantes soutiennent :

- que la société Laboratoire Denel s'est engagée par circulaires de janvier et mars 2015 à leur reverser des commisions sur les ventes internet à compter du 1er trimestre 2015,

- qu'elle n'a pas honoré son engagement en dépit de leur rappel du 20 janvier 2017, et d'une mise en demeure de leur fournir les états trimestriels de ces ventes adressées le 16 février 2017,

- qu'il s'agit d'un engagement unilatéral du laboratoire et que celui-ci ne peut leur opposer qu'il serait resté lettre morte parce qu'elles n'auraient pas récolté les informations nécessaires auprès revendeurs, ce qui a pour effet d'inverser les rôles ;

Il apparaît que par circulaire de mars 2015, la société Laboratoire Denel a traité la question des ventes sur internet faites par ses pharmacies clientes, les ventes devant être attribuées au commercial du secteur concerné . Il y était stipulé :

- qu'un état complet serait remis aux bénéficiaires tous les trimestres afin de calculer les rémunérations afférentes, mais la même circulaire rappelait la réglementation concernant les commandes groupées passées par une SRA, dite plateforme, précisant que cette plateforme devait s'engager à communiquer les montants globaux et par référence des produits vendus à chaque pharmacie ou para pharmacie afin de répartir les chiffres d'affaires entre les commerciaux sur le territoire desquels sont établis les points de vente afin de calculer les commissions de chacun,

- que les commerciaux ne devaient pas enregistrer de commandes s'ils n'étaient pas sûrs de pouvoir récupérer et transmettre au laboratoire les informations requises car dans ce cas aucune commission ne serait versée à aucune commercial.

Les appelantes n'ayant pas fourni les informations requises par la société Laboratoire Denel sont mal fondées en leur demande au titre de commissions pour ventes sur internet.

* Sur les demandes de la société Laboratoire Denel :

- La société Laboratoire Denel demande la somme de 7.200 € au titre des intérêts impayés d'un prêt de 30.000 € consenti le 1er décembre 2006 à la société Ethika Pharma pour l'acquisition du secteur de [Localité 7].

Les appelantes contestent cette prétention en prétendant qu'un avenant du 15 juillet 2009 a été défait par un avenant du 25 février 2010 annulant le caractère onéreux de l'attribution du secteur de [Localité 7] et que la prétendue reconnaissance de dette du 30 mai 2011 est nulle comme imposée par la puisance économique du nouveau dirigeant et qu'elle a un caractère de complaisance comme délivrée pour répondre aux interrogations du commissaire aux comptes du laboratoire.

Il ressort des pièces versées aux débats :

- que par accord du 1er décembre 2006 , le secteur de [Localité 7] dont la clientèle avait déjà été développée, a été attribué à la société Ethika Pharma moyennant le prix de 30.000 €, payable en 24 mensualités de 1.250 € chacune à compter du 1er décembre 2009,

- que l' avenant du 15 juillet 2009 prévoit, pour le secteur de [Localité 7], que l'indemnité de rupture est fixée à 8 mois et que, à la fin du contrat sur cette région, il sera déduit de cette indemnité la somme de 30.000 € représentant le rachat du secteur, cette décision se subtituant à tout accord antérieur sur ce sujet,

- que l' avenant du 4 septembre 2009 rappelle les stipulations de l'avenant du 15 juillet précédent et précise que la somme de 30.000 € produira des intérêts annuels de 2 % à compter de l'année 2010,

- que l' avenant du 25 février 2010 , qui renvoie à des avenants antérieurs pour la définition du taux des commissions, se substitue seulement à un accord antérieur sur le mode de rémunération et n'annule pas tous les accords antérieurs, dont ceux relatifs au prêt,

- que par attestation du 30 mai 2011, la société Ethika Pharma a confirmé que la somme de 30.000 € représentant le rachat du secteur de Montpelllier serait déduite de l'indemnité de rupture du contrat telle que prévue par l' avenant du 15 juillet 2009 .

Dès lors, les contestations des appelantes, dépourvues de tout caractère sérieux, seront écartées; elles devront payer la somme de 7.200 € au titre des intérêts dus pour la période 2010 à 2021.

- La société Laboratoire Denel demande la somme de 34.999 € de dommages-intérêts, au titre du remboursement de commissions payées se rapportant à des ventes illicites et non contractuelles. Mais ayant encaissé le prix de vente des produits incluant le montant des commissions pour des ventes déclarées a posteriori illicites, la société Laboratoire Denel est mal fondée à demander le remboursement des commissions.

- Pour demander la somme de 115.803 €, à titre de dommages-intérêts, au titre du préjudice né de l'inexploitation du territoire concédé et du défaut d'embauche des salariés convenus, la société Laboratoire Denel fait valoir, pour l'essentiel :

- que les appelantes ont refusé de produire leur registre du personnel relatif à la durée du contrat résilié, que les appelantes ont attendu le 1er juin 2006 pour embaucher une seule salariée pour la couronne parisienne alors qu'elles auraient dû en embaucher au moins 2,

- que la couronne parisienne aura été exploitée au mieux par une salariée, Mme [K], de 2006 à 2008, puis par M. [B] du 18 décembre 2006 au 14 avril 2014, puis inexploitée de 2014 à 2017.

Contrairement à ce qui est allégué par les appelantes, les 11 départements définis au contrat lui ont bien été attribués et elles les ont exploités ainsi que le montrent leurs factures de commissions; l'avenant signé le 30 janvier 2006 prévoit seulement pour le secteur parisien qu'il sera mis à la disposition de la société Pharma France des secteurs supplémentaires durant l'année 2006 ou qu'il sera mis à sa disposition la totalité de [Localité 8] dès octobre 2007; l' avenant du 15 juillet 2009 , qui redéfinit le secteur dit ' [Localité 8]' et les modalités de rémunération, n'a en aucune façon mis fin à l'obligation d'embaucher deux salariés pour le secteur parisien.

Il s'ensuit que les appelantes ont manqué à leurs obligations contractuelles en n'embauchant pas les salariés convenus, alors que son taux de commission de 34,3 % du chiffre d'affaires était fixé en tenant compte des frais générés par ces embauches, lesquelles n'ont pas été réalisées.

La société Laboratoire Denel calcule son préjudice sur la base d'une croissance de 8 % prévue à l'article 5 du contrat par deux personnes à partir de la quatrième année et en déduit les ventes illicites à RS Fharma et Arcades; elle précise que cette croissance de 8 % a été obtenue par la remplaçante de la société Ethika Pharma dès sa première année.

Mais la croissance de chiffre d'affaires reste aléatoire comme soumise à d'autres facteurs que la seule activité de prospection et promotion des produits, tels que la nature même des produits et l'intérêt du consommateur; au vu des éléments qui lui sont soumis, la cour fixe à 50.000 € les dommages-intérêts dus par les appelantes.

Sur les dépens et l'application de l' article 700 du code de procédure civile :

Les sociétés Pharma France et Ethika Pharma qui succombent en leurs prétentions doivent supporter les dépens de première instance et d'appel.

Vu les dispositions de l' article 700 du code de procédure civile , il ya lieu de rejeter leurs demandes de ce chef et de condamner chacune d'elles à payer la somme de 15.000 € à la société Laboratoire Denel .

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- débouté les parties de leurs demandes réciproques de rejet de pièces,

- dit que l'article L 442-6-1 5 ° du code de commerce était applicable au contrat du 25 janvier 2006,

- condamné la société Laboratoire Denel à payer la somme de 9.577,80 € à la société Pharma France et la somme de 17.216,95 € à la société Ethika Pharma,

- condamné la société Ethika Pharma à payer la somme de 5.400 € à la société Laboratoire Denel ,

- débouté la société Laboratoire Denel de sa demande en paiement de la somme de 115.803 € au titre du préjudice né de l'inexploitation du territoire concédé et du défaut d'embauche des salariés convenus,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné la société Laboratoire Denel aux dépens et à payer à chacune des sociétés Pharma France et Ethika Pharma la somme de 2.500 € en vertu de l' article 700 du code de procédure civile ,

Statuant à nouveau des chefs infirmé et y ajoutant,

Ecarte des débats la pièce 25 produite par la société Laboratoire Denel et dit que ses conclusions ne peuvent s'y référer,

Déclare recevables la pièce 8 des appelantes et la pièce 26 de l'intimée, correspondant à la lettre du 24 mai 2017 notifiant la résiliation du contrat du 25 janvier 2006,

Déclare recevables toutes les demandes de la société Pharma France et de la société Ethika Pharma,

Dit que l'article L 442-6-1 5 ° du code de commerce n'est pas applicable au contrat du 25 janvier 2006, s'agissant d'un contrat d'agence commerciale,

Dit que la société Laboratoire Denel n'a pas commis de faute en résiliant ce contrat,

Déboute la société Pharma France et Ethika Pharma de leur demande en paiement des sommes de 51.295 € et 205.180 €,

Déboute la société Pharma France de sa demande en paiement de la somme de 9.577,80 €,

Déboute la société Ethika Pharma de sa demande en paiement de la somme de 17.216,95 €,

Condamne solidairement la société Pharma France et Ethika Pharma à payer à la société Laboratoire Denel :

- la somme de 7.200 € au titre des intérêts sur sur le prêt pour les années 2010 à 2021,

- la somme de 50.000 € , à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice né de l'inexploitation du territoire concédé et du défaut d'embauche des salariés convenus,

Confirme le jugement pour le surplus,

Condamne solidairement la société Pharma France et Ethika Pharma aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Pharma France et la société Ethika Pharma à payer à la société Laboratoire Denel , chacune, la somme de 15.000 € par application de l' article 700 du code de procédure civile ,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.