CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 23 janvier 2019, n° 17/08274
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
MMe CHANDELON
Conseillers :
Mme SAPPEY-GUESDON, Mme LIEGEOIS
La société Alu gouttières profilées et pliages a ouvert un compte courant n°70219514296 auprès de la société Banque populaire rives de Paris .
Par acte sous seing privé en date du 6 février 2009, M. Guy D., gérant de la société Alu gouttières profilées et pliages, s'est porté caution personnelle solidaire de tous engagement de cette dernière au bénéfice de la société Banque populaire rives de Paris dans la limite de la somme de 36 000 euros pour une durée de 10 ans.
Par jugement en date du 19 janvier 2016, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Alu gouttières profilées et pliages et la société Banque populaire rives de Paris a déclaré sa créance pour montant de 30 462,58 euros, correspondant au solde débiteur du compte courant, le 24 février 2016.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 février 2016, la société Banque populaire a mis en demeure M. Guy D. de régler, en sa qualité de caution, la somme de 30 492,08 euros, outre les intérêts.
Par acte d'huissier de justice en date du 22 juin 2016, la société Banque populaire rives de Paris a assigné M. Guy D. devant le tribunal de commerce de Bobigny.
Par jugement en date du 14 mars 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
condamné M. Guy D. à payer à la société Banque populaire rives de Paris la somme de 30 492,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2016, avec anatocisme à compter du 22 juin 2016, aux motifs que M. Guy D. s'était bien porté volontairement caution de la société dont il était gérant et disposait bien d'un patrimoine immobilier sur lequel la banque a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire quand bien même aucune fiche de renseignements n'a été remplie et jointe au dossier,
condamné M. Guy D. à payer à la société Banque populaire rives de Paris la somme de 1 500 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ,
débouté M. Guy D. de sa demande de délais,
condamné M. Guy D. aux dépens de l'instance.
Le 20 avril 2017, M. Guy Albert D. a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 juillet 2017, M. Guy D. demande à la cour de :
le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
Y faisant droit,
infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
In limine litis
enjoindre les parties à entamer une procédure de conciliation ou de médiation,
A titre subsidiaire,
débouter la Banque Populaire Rives de Paris de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
dire et de juger que la Banque populaire rive de Paris est déchue de son droit de se prévaloir de la caution du 6 février 2009,
Plus subsidiairement,
lui accorder les plus larges délais de paiement, soit 24 mois conformément aux dispositions de l' article 1244 du code civil ,
condamner la Banque Populaire Rives de Paris au paiement de 1 500 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile ,
la condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître B., avocat, conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile .
Au soutien de ses prétentions, M. Guy Albert D. fait valoir que :
en violation de l' article 56 du code de procédure civile , la Banque populaire rives de Paris ne justifie pas avoir effectué les diligences nécessaires pour parvenir à un règlement amiable du litige, de sorte que doit être ordonnée une mesure de conciliation ou de médiation conformément aux dispositions de l' article 127 du code de procédure civile ,
la mise en demeure qui lui a été adressée est une demande de paiement agressive qui ne vaut pas proposition de règlement amiable d'un litige,
sa qualité de caution avertie n'exonère pas la banque de ses devoirs de conseil et de mise en garde sur les risques financiers de l'opération et ses conséquences dont la banque ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de leur bon accomplissement, le fait qu'il soit propriétaire de biens immobiliers étant inopérant pour en justifier et le manquement à ces devoirs devant être sanctionné par la nullité de l'acte de cautionnement,
la société Banque populaire rives de Paris avait l'obligation de lui demander de déclarer le montant de ses revenus, charges, engagements bancaires, crédits ainsi que le détail de son patrimoine or, en manquant à ces obligations, elle ne l'a pas mis en mesure d'évaluer la portée de son engagement, la fiche de renseignement patrimoniale fournie en cours de procédure qui ne figurait pas dans l'acte introductif d'instance étant incomplète pour ne pas être accompagnée de l'attestation notariée précisant la valeur des biens immobiliers mentionnés, de sorte que la banque doit être déchue de son recours à l'encontre de la caution,
s'il est condamné au paiement des sommes litigieuses, il convient de lui accorder les plus larges délais de paiement, soit 24 mois,
Dans ses dernières conclusions transmises le 23 août 2017, la société Banque populaire rives de Paris demande à la cour de :
débouter M. Guy D. en son appel à toutes fins qu'il comporte,
confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
condamner M. Guy D. à lui payer la somme complémentaire de 2 500 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ,
condamner M. Guy D. aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux la concernant, au bénéfice de la SELARL BDL Avocats, conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile .
Au soutien de ses prétentions, la société Banque populaire rives de Paris fait valoir que :
l'application combinée des articles 56 et 127 du code de procédure civile révèle que le juge a seulement une simple faculté de proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation,
son assignation du 22 juin 2016 rappelle la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 février 2016 et par lettre en date du 15 mars 2016 , M. Guy D. a sollicité un délai de 3 mois pour régler la somme réclamée, délai dont elle a attendu l'expiration avant de l'assigner en paiement,
l' article L.341-4 du code de la consommation ne prévoit aucune obligation pour le banquier de faire remplir par la caution une fiche de renseignements ou tout autre document,
M. Guy D. était gérant de la société Alu gouttières profilées pliages mais aussi de deux autres sociétés, la société ISO-RENO-ECO et la SCI l' Oceane , de sorte qu'il est un homme d'affaires avisé et une caution avertie envers laquelle la banque n'a aucun devoir de mise en garde,
lorsqu'il s'est porté caution dans la limite de 36 000 euros, M. Guy D. lui a déclaré être propriétaire de deux biens immobiliers situés à Le Haillan et d'un autre bien immobilier situé à Saint Médard de Guizières , et il est aujourd'hui poursuivi pour un montant de 30 500 euros, de sorte qu'il ne démontre pas que son engagement de caution est excessif au regard de son patrimoine,
concernant les délais de paiement, elle s'y oppose, M. Guy Albert D. qui avait sollicité un délai de 10 mois en première instance en demandant 24 en cause appel, alors que depuis sa mise en demeure il n'a procédé à aucun règlement, même symbolique et ne produit aucune pièce au soutien de sa demande.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 octobre 2018.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
LA COUR
Sur la demande de médiation ou de conciliation
Si l' article 56 du code de procédure civile impose au demandeur de préciser dans l'assignation les diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige et que l' article 127 du code de procédure civile dispose que le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation lorsqu'il n' a pas été justifié de telles diligences dans l'acte introductif d'instance, il ne s'agit que d'une simple faculté.
L'assignation du 22 juin 2016 délivrée à M. Guy D. qui se borne à indiquer qu'il fait l'objet d'une mise en demeure en date du 23 février 2016 de payer la somme de 30 492,08 euros laquelle lui laissait un délai de 10 jours pour régler la somme réclamée ne remplit pas l'exigence posée par l' article 56 du code de procédure civile , la mention d'une mise en demeure de payer ne pouvant être regardée comme l'exposé d'une tentative de règlement amiable.
Pour autant, il résulte de cette même lettre de mise en demeure qu'il a été proposé à M. Guy D. de prendre attache avec le gestionnaire de son dossier afin de convenir d'un règlement amiable et d'éviter ainsi tout frais de procédure.
Or, M. Guy D. verse aux débats un courrier du 15 mars 2016 dans lequel il demande audit gestionnaire que lui soit accordé un délai de trois mois afin de s'organiser pour essayer de réunir le montant réclamé par la société Banque populaire rives de Paris .
Enfin, il est constant que d'une part M. Guy D. n'a pas procédé au moindre paiement dans ce délai et que d'autre part la société Banque populaire rives de Paris ne l'a pas assigné en justice avant l'expiration de celui-ci.
Dans ces conditions, et alors qu'un règlement amiable du litige a bien été tenté, en vain, entre les parties, avant que ne soit saisi le tribunal de commerce de Bobigny,la demande de M. Guy D. de voir ordonner une mesure de médiation ou de conciliation est rejetée et le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Sur les devoirs de conseil et de mise en garde de la banque,
Le banquier dispensateur de crédit n'est pas, en raison du devoir de non immixtion , tenu d'un devoir de conseil, sauf s'il a contracté une obligation spécifique à cet égard, ce dont M. Guy Albert D. ne justifie pas en l'espèce.
En revanche, en application des dispositions de l' article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige et en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016,le banquier est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie dès lors que l'engagement de cette dernière n'est pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existe un risque d'endettement excessif de l'emprunteur né de l'octroi du prêt.
Alors que M. Guy D. ne conteste pas sa qualité de caution avertie et qu'il résulte des pièces produites qu'au moment de son engagement de caution du 6 février 2009, il est le gérant de la société Alu Gouttières Profilées et Pliages créé en 2004, placée en liquidation judiciaire le 19 janvier 2016, mais également de la société civile immobilière l'OCEANE créée en 2000, puis qu'il prendra la co-gérance de la société à responsabilité limitée ISO-RENO-ECO créée le 3 juillet 2015, il apparaît effectivement comme un dirigeant suffisamment expérimenté au moment de la sosucription du cautionnement litigieux pour prendre la mesure de son engagement financier et de ses conséquences sur son patrimoine.
Dès lors, la société Banque populaire rives de Paris n'était tenue à aucun devoir de mise en garde à son égard, étant une caution avertie, le manquement à une telle obligation n'étant pas, en outre sanctionné par la nullité de l'acte de cautionnement, de sorte que le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Sur la perte du recours de la banque contre la caution
En application des dispositions de l' article L.341-4 ancien du code de la consommation devenu l'article L.332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il ne résulte pas de ce texte, pas plus que du code monétaire et financier dont M. Guy D. ne cite aucun article précis, que pèse sur la banque une obligation de recueillir auprès de la caution des renseignements sur ses revenus et son patrimoine, ses charges, ses engagements bancaires et ses crédits et ce, afin de la mettre en mesure d'évaluer la portée de son engagement.
Dès lors, il importe peu que la fiche de renseignements finalement produite par la banque en cause d'appel soit incomplète ou non, son absence totale n'étant pas même de nature à emporter la déchéance du créancier professionnel de son recours contre la caution.
En outre, il ressort de ce document intitulé « Fiche de renseignements sur cautions », que M. Guy D. ne conteste pas avoir paraphé et signé le 6 février 2009, qu'il déclare percevoir un salaire en sa qualité de gérant de la société Alu gouttières profilées pliages d'un montant de 50 700 euros annuel, disposer d'un portefeuille de titres d'une valeur estimée à 16 000 euros et être propriétaire de quatre appartements à usage locatif situés à Le Haillan (33) et d'une maison à usage locatif située à Saint Médard de Guizières (33) d'une valeur respective d'acquisition de 400 000 euros et 300 000 euros mais d'une valeur estimée à 0 euros, ces biens ayant été totalement financés à l'aide de prêts souscrits en 2007.
Ainsi, au regard de ses seuls revenus salariaux et de son portefeuille de valeurs mobilières, M. Guy D. ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution du 6 février 2009, d'un montant de 36 000 euros.
Dans ces conditions, il convient de rejeter sa demande de déchéance de la société Banque populaire rives de Paris de son recours à son encontre au titre de son engagement de caution du 6 février 2009.
Sur l'octroi de délais de paiement
En application de l' article 1244-1 du code civil devenu 1343-5 créé par l' ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 , le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
M. Guy Albert D. n'a réglé aucune somme au titre de son engagement de caution depuis sa mise en demeure du 23 février 2016.
S'il justifie du placement en liquidation judiciaire de la société ISO-RENO-ECO dont il était le gérant depuis 2015, par jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 18 décembre 2017 , et de procédures de recouvrement dont il fait l'objet en qualité de caution de cette société pour un montant de 29 230,07 euros au titre d'un prêt souscrit auprès du LCL et pour un montant de 14 890,43 euros au titre du solde d'un contrat de location avec option d'achat ainsi qu'en sa qualité de caution d'une autre société, la SARL Press Victor Hugo, pour des montants de 27 330,56 euros et 10 728,77 euros, en exécution de deux arrêts rendus par la cette cour le 12 mai 2016 et le 29 septembre 2016, force est de constater que M. Guy D. ne produit aucun élément sur ses revenus actuels comme sur la situation de son patrimoine, notamment immobilier à usage locatif tel que déclaré à la banque en 2009.
Par conséquent, comme retenu par les premiers juges, il y a pas lieu de faire droit à sa demande de délais de paiement.
Par ailleurs, le jugement entrepris est confirmé sur ses dispositions relatives aux dépens et à l' article 700 du code de procédure civile .
M. Guy D., qui succombe en appel, supportera les dépens d'appel et ses frais irrépétibles.
En application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile , il est inéquitable de laisser à la charge de la société Banque populaire rives de Paris les frais non compris dans les dépens exposés en appel et il convient de condamner M. Guy D. à lui payer la somme de 2 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande de M. Guy D. de déchéance de la société Banque populaire rives de Paris de son recours à son encontre au titre de son engagement de caution du 6 février 2009,
Rejette la demande de délais de paiement de M. Guy D.,
Condamne M. Guy D. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile .
Condamne M. Guy D. à payer à la société Banque populaire rives de Paris la somme de 2 000 euros en application de l' article 700 du code de procédure civile .