CA Caen, 2e ch. civ. et com., 27 octobre 2022, n° 22/01092
CAEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
HLM COUTANCES-GRANVILLE (S.A.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme EMILY
Conseillers :
Mme COURTADE, M. GOUARIN
Avocat :
Me DELALANDE
Selon acte sous seing privé du 7 janvier 2013, la société HLM Coutances-Granville a consenti à Mme [M] [I] un bail d'habitation portant sur un logement situé [Adresse 1], moyennant un loyer d'un montant mensuel de 348,94 euros, outre une provision sur charges de 135,25 euros.
Un état des lieux d'entrée a été contradictoirement dressé le même jour, mentionnant un très bon état général.
Le 4 juillet 2018, Mme [I] a adressé son congé au bailleur, son délai de préavis étant réduit à un mois car elle percevait le RSA.
Le 30 août 2018, un procès-verbal d'état des lieux de sortie a été dressé en présence de Mme [I], laquelle avait été convoquée à cette fin par lettre recommandée avec avis de réception du 9 août 2018. Cet état des lieux de sortie mentionnait notamment un mauvais état d'entretien ainsi que des dégradations des revêtements de sol et muraux, un lavabo arraché.
Le 20 septembre 2019, un plan d'apurement de la dette de réparations locatives évaluées à la somme de 5.688,68 euros a été conclu entre les parties.
Le 17 février 2022 , le conciliateur de justice du tribunal judiciaire de Coutances a établi un constat d'accord entre les parties, indiquant que Mme [I] s'engageait à s'acquitter envers la société HLM Coutances-Granville de sa dette d'un montant de 4.178,70 euros au titre du loyer impayé d'août 2018, des travaux de remise en état du logement, de la moitié des frais d'huissier, déduction faite du dépôt de garantie, de la régularisation des charges et des versements effectués, par mensualités d'un montant de 80 euros le 10 mars 2022 , de 40 euros du 10 avril 2022 au 10 septembre 2030 et de 18,70 euros le 10 octobre 2030, le non-respect d'une seule de ces échéances à son terme exact entraînant l'exigibilité immédiate de l'intégralité des sommes restant dues.
Aux termes de ce constat d'accord, la société HLM Coutances-Granville et Mme [I] déclaraient accepter expressément que, le cas échéant, cet accord puisse faire l'objet d'une requête aux fins d'homologation présentée au juge compétent par l'une ou l'autre des parties.
Le 7 mars 2022 , la société HLM Coutances-Granville a présenté une requête aux fins d'homologation de cet accord au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Coutances.
Par ordonnance du 13 avril 2022 , le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Coutances a rejeté cette requête.
Selon déclaration du 2 mai 2022 , la société HLM Coutances-Granville a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 3 juin 2022 , l'appelante demande à la cour d'infirmer l'ordonnance attaquée, statuant à nouveau, d'homologuer le constat d'accord établi le 17 février 2022 par les parties et le conciliateur de justice du tribunal judiciaire de Coutances et de rendre exécutoire ledit constat d'accord.
Le 2 mai 2022 , le dossier a été communiqué au ministère public qui, le 16 mai 2022 , a indiqué s'en rapporter.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures de la partie appelante.
MOTIVATION
Selon les articles 1565, 1566 et 1567 du code de procédure civile , l'accord auquel sont parvenues les parties à une conciliation peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l'homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.
Le juge à qui est soumis l'accord ne peut en modifier les termes.
Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties.
Aux termes de l' article 1541 du code de procédure civile , la demande tendant à l'homologation de l'accord issu de la conciliation est présentée au juge par requête de l'ensemble des parties à la conciliation ou de l'une d'elles, avec l'accord exprès des autres.
Pour rejeter la requête en homologation présentée par la société HLM Coutances-Granville, le premier juge a, au visa des articles 131 alinéa 2, 1541, 1565 et suivants du code de procédure civile , 2 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 , retenu que les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 s'imposent aux parties qui ne peuvent y déroger et, compte tenu du montant du coût des réparations locatives mises à la charge du locataire au regard des cinq années d'occupation des lieux, que ce constat d'accord conduisait à faire supporter à ce dernier une remise à neuf du logement alors que la durée d'occupation des lieux entraîne nécessairement une vétusté.
Il a invité le bailleur à saisir au fond la juridiction compétente.
La société HLM Coutances-Granville fait grief au premier juge d'avoir statué ainsi, alors que, si sont d'ordre public les dispositions de l' article 7 de la loi du 6 juillet 1989 selon lesquelles le locataire est tenu de prendre à sa charge l'entretien courant du logement et l'ensemble des réparations locatives sauf si elles sont occasionnées notamment par la vétusté, Mme [I] a valablement renoncé à la prise en compte de cette vétusté en acceptant de prendre à sa charge l'ensemble des réparations locatives, et ce par une renonciation certaine, non équivoque, réalisée en toute connaissance des factures des travaux réalisés, du barème appliqué, à l'issue d'échanges de courriels et d'appels téléphoniques entre le conciliateur et les parties et postérieurement à la naissance du droit de contester, l'état des lieux de sortie et le chiffrage des réparations concernées remontant à 2018.
L'appelante fait observer que le constat d'accord en cause est respecté par Mme [I].
Il résulte des dispositions des articles 2 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 que le droit pour le locataire d'invoquer la vétusté pour s'opposer à la demande du bailleur de prise en charge des réparations locatives relève de l'ordre public de protection, de sorte que le locataire peut y renoncer à condition que cette renonciation soit certaine, non équivoque même si elle peut être tacite, faite en pleine connaissance de cause, ce qui suppose qu'il soit informé de ses droits, et que cette renonciation intervienne postérieurement à l'acquisition de ce droit.
En l'espèce, par la signature, le 17 février 2022 , d'un constat d'accord établi par un conciliateur de justice, selon lequel Mme [I] s'est engagée à régler à la société HLM Coutances-Granville le coût de l'intégralité des réparations locatives évaluées par le bailleur sur le fondement d'un état des lieux de sortie contradictoire, de factures de travaux réalisés et du barème appliqué par le bailleur, celle-ci a renoncé de manière certaine et non équivoque, en connaissance de cause et postérieurement à l'acquisition de ce droit, au droit d'opposer la vétusté à la demande de prise en charge de l'intégralité des réparations locatives formée par le bailleur.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée et, la cour statuant à nouveau, il convient d'homologuer et de rendre exécutoire le constat d'accord signé le 17 février 2022 par la société HLM Coutances-Granville, Mme [I] et le conciliateur de justice du tribunal judiciaire de Coutances.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge de la société HLM Coutances-Granville.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en chambre du conseil, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
Homologue et rend exécutoire le constat d'accord signé le 17 février 2022 par la société HLM Coutances-Granville, Mme [M] [I] et le conciliateur de justice du tribunal judiciaire de Coutances ;
Laisse les dépens d'appel à la charge de la société HLM Coutances-Granville.