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Décisions

CA Nîmes, ch. civ. 1, 14 avril 2020, n° 19/00887

NÎMES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BRUYERE

Conseillers :

Mme TOULOUSE, Mme LEGER

Avocats :

SCP CABINET ABG, Me CHABBERT MASSON, Me LOMBARDI, SELARL PROVANSAL D'JOURNO GUILLET ET ASSOCIES, SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI

TGI BEZIERS, du 23 juill. 2018

23 juillet 2018

Mme D X et M. A E se sont K le 26 mai 2011 en adoptant le régime de la séparation de biens. Deux enfants sont issus de leur union : I, né le 9 février 2003 à Montpellier, et M, né le 12 août 2004 à Montpellier.

Dans la perspective d'un divorce par consentement mutuel, ils se sont adressés fin 2016 à Maître B L, avocat au barreau de Montpellier, associé au sein de la Selarl PVB Société d'avocats.

Un état liquidatif a été établi par Maître Laurent Picollet, notaire associé à Prades le Lez, et approuvé par les époux le 22 mai 2017.

Ceux ci ont ensuite signé une convention de divorce par consentement mutuel le 19 juin 2017, laquelle mentionne que Mme D X est assistée par Maître B L et M. A E par Maître Nolwenn Robert, également associée au sein de la Selarl PVB Société d'avocats.

Maître Picollet a enregistré le dépôt de cette convention le 22 juin 2017.

Au moyen d'une télécopie du 27 juin 2017, Mme D X a demandé à Maître Poquillon et Maître Picollet l'arrêt de la procédure, s'estimant insatisfaite de la répartition et des conditions prévues par la convention de divorce à l'amiable.

Contestant la validité de cette convention et reprochant à l'avocat du couple de ne pas avoir défendu ses intérêts en lui faisant accepter un partage inégalitaire, Mme D X, autorisée à cet effet par une ordonnance du 10 janvier 2018, a fait citer à jour fixe M. A E, M. B L et la Selarl PVB Société d'avocats, devant le tribunal de grande instance de Béziers par acte des 1er, 2 et 5 février 2018 en annulation de la convention et réparation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 23 juillet 2018, le tribunal a :

débouté Mme D X de ses demandes d'annulation de la convention de divorce et de sa demande au titre de la lésion ;

• ordonné la publication de l'acte de partage du 22 mai 2017 auprès des services de la publicité foncière ;

• condamné solidairement Maître B L et la Selarl PVB Société d'avocats à payer à Mme D X la somme de 7.500 euros en réparation de son préjudice ;

• ordonné l'exécution provisoire du jugement ; condamné solidairement Maître B L et la Selarl PVB Société d'avocats aux dépens et à payer à Mme D X la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et Mme D X à payer à M. A E la somme de 2.500 euros sur le même fondement.

Par déclaration du 26 juillet 2018, Mme D X a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 19 février 2019, la cour d'appel de Montpellier a ordonné le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes par application de l'article 47 du code de procédure civile au regard de la qualité de M. Poquillon et de la Selarl PVB Société d'avocats, avocats au barreau de Montpellier.

Toutes les parties ont constitué avocat devant la cour de renvoi.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2019, Mme D X demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Béziers le 23 juillet 2018 sur les chefs de jugement critiqués ;

• dire que la convention de divorce mutuel a été signée en violation des dispositions de l'article 229-1 et 229-3 du code civil et de l'article 7 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif à la profession d'avocat et l'article 4-1 du RIN de la profession d'avocat ;

• prononcer la nullité de la convention de divorce par consentement mutuel signée le 19 juin 2017 entre elle et M. A E, conformément aux dispositions des articles 1130 et 1178 du code civil ;

• dire qu'elle n'a pas donné un consentement libre et éclairé lors de la signature de la convention de divorce par consentement mutuel signée le 19 juin 2017 et en conséquence en prononcer la nullité ;

• dire que la transaction relative au partage des intérêts patrimoniaux des époux ne comporte pas de concession réciproques au mépris des dispositions de l'article 2044 du code civil et en conséquence prononcer la nullité de la convention de divorce par consentement mutuel ;

• ordonner la mention du jugement à intervenir en marge des actes de naissance et de l'acte de mariage des époux, K le 26 mai 2001 par devant l'officier d'état civil de Breveille sur Mer ;

• ordonner la restitution des sommes versées au titre de la convention de divorce par consentement mutuel en ce qui concerne notamment la prestation compensatoire et la soulte si elles ont été versées, les honoraires d'avocats versés à la Selarl PVB ainsi que les frais et honoraires versés au notaire, Maître Laurent Picollet, notaire à Prades le Lez dans le cadre de l'établissement de l'état liquidatif ;

• condamner solidairement la Selarl PVB Société d'Avocats et Maître B L au paiement de la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral et matériel subi par elle en vertu de l'article 1231-1 du code civil ;

• condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 3.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L'appelante fait valoir que la convention de divorce est nulle :

- en raison de la violation de l'article 229-3 du code civil en ce que les époux auraient dû être assistés chacun d'un avocat n'appartenant pas à la même structure ; que la clause dérogatoire insérée à l'acte est contraire à l'ordre public de protection ;

- en raison du vice du consentement l'affectant en ce sens qu'elle était vulnérable sur le plan de sa santé au moment de la formation du contrat, qu'il a été profité de sa faiblesse pour obtenir un accord manifestement déséquilibré en sa défaveur (montant de la soulte, absence de désolidarisation du prêt, montant de la prestation compensatoire, modalités de paiement) et que Maître Poquillon a fait preuve d'une réticence dolosive en ne l'informant pas qu'il ne pouvait mener sa mission à bien en raison du conflit d'intérêt qui existait entre les époux ;

- en raison de l'absence de concessions réciproques pouvant constituer une transaction et ayant conduit à un partage inégalitaire.

Elle estime que la convention présentant un caractère indivisible, les époux sont censés n'avoir jamais divorcé ce qui emporte des restitutions sur le plan patrimonial comme sur le plan personnel de sorte que les époux ne sont pas divorcés et que tout doit être remis en état.

A l'encontre de l'avocat, elle estime qu'il a commis une double faute :

- en violant la règle légale et déontologique qui interdisait que deux avocats d'un même cabinet interviennent au profit des époux et qui devait le conduire à renvoyer les époux à choisir un autre avocat,

- en manquant à son devoir de conseil dans la fixation du montant de la prestation compensatoire, très inférieure à ce à quoi elle avait droit, et en ses modalités de paiement.

Elle demande à ce titre une majoration à 10 000 € du montant de l'indemnité que lui ont allouée les premiers juges.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2019, la Selarl PVB Société d'avocats et M. B L demandent à la cour de :

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de Mme D X tendant à obtenir que soit prononcée la nullité de la convention de divorce par acte d'avocats en date du 19 juin 2017 ;

• infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés solidairement au paiement de la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Mme D X ;

• statuant à nouveau, dire et juger que Maître B L n'a commis aucun manquement fautif en lien de causalité direct avec un préjudice né, certain et actuel subi par Mme D X ;

• débouter Mme D X de l'intégralité de ses demandes à leur encontre ; débouter M. A E de sa demande tendant à être relevé et garanti par la Selarl PVB Société d'avocats de toutes les conséquences qui découleraient de l'annulation de la convention de divorce signée par les époux G le 19 juin 2017 ;

• condamner Mme D X au paiement de la somme de 4.000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

• la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel distraits au profit de la Scp Coulomb Divisia Chiarini, avocats au barreau de Nîmes.

Les intimés font valoir que :

- au regard de l'article 7 du décret du 12 juillet 2005, dès lors que les parties ont donné leur accord écrit, rien ne s'oppose à ce que deux avocats exerçant au sein d'une même structure d'exercice puissent assister chacun des époux ; que cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité ; qu'en l'état de la clause très claire qui y figure, la convention ne peut donc être attaquée du chef d'une violation de l'article 229-3 du code civil ;

- la preuve d'un vice du consentement n'est pas rapportée ;

- toutes les conditions de la convention ont été librement négociées et il n'existe pas de lésion, celle ci n'étant pas une cause d'annulation de la convention ;

- s'agissant en particulier de la prestation compensatoire, elle a été fixée en fonction de nombreux paramètres et n'est qu'un élément parmi d'autres de l'accord des parties dans le cadre d'un consentement mutuel.

Ils estiment qu'il n'existe donc aucune cause de nullité de la convention ni faute de l'avocat et que, en tout état de cause, il ne résulterait aucun préjudice pour Mme X de l'annulation de la convention.

Ils s'opposent également à la demande de M. A E tendant à être relevé et garanti par la Selarl PVB Société d'avocats en ce sens qu'il lui appartient de démontrer la faute qu'elle aurait commise ainsi que le préjudice et le lien de causalité.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2019, M. A E demande à la cour de :

confirmer le jugement en date du 23 juillet 2018, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de versement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

• débouter Mme D X de sa demande d'annulation de la convention de divorce signé par les époux G le 19 juin 2017 ;

• ordonner la publication de l'acte de partage en date du 22 mai 2017, notaire à Prades le Lez auprès des services de la publicité foncière, et le cas échéant sans que la signature réitérative de Mme X ne puisse être exigée,

• condamner Mme D X à lui payer la somme de 10000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

• condamner Mme D X à lui payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

• condamner Mme D X aux entiers dépens de première instance et d'appel. à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour d'appel de Nîmes annulait la convention de divorce signée par les époux G le 19 juin 2017, condamner la Selarl PVB Société d'avocats à le relever et garantir de toutes les conséquences qui découleraient de cette annulation.

L'intimé fait valoir que :

- il a été fait une stricte application de l'article 229-3 du code civil car la convention contient la mention des deux avocats, Maître Poquillon et Maître Robert ; car le choix de deux avocats appartenant à des structures distinctes n'est pas prescrit à peine de nullité ; les époux ont donné leur accord ; un éventuel manquement déontologique des avocats ne peut entraîner la nullité de la convention ;

- Mme X avait la pleine capacité physique et psychique et les troubles mis en avant ne sauraient mettre en doute sa capacité juridique à souscrire de tels engagements de sorte que son consentement n'a pas été vicié ;

- tous les éléments de la convention ont été discutés, il y a bien eu des concessions réciproques, et la convention n'est pas lésionnaire en aucun de ses éléments.

Il sollicite donc la confirmation du jugement, avec la publication de l'acte de partage en date du 22 mai 2017 auprès des services de la publicité foncière et une somme de 10 000 € en raison de l 'attitude déloyale de Mme X qui lui cause préjudice ainsi que, subsidiairement, la garantie de PVB Consultants.

La procédure a été clôturée le 18 février 2020 et l'affaire a été fixée à l'audience du 3 mars 2020 2020.

MOTIFS

I. Sur la nullité de la convention

1. Sur le manquement aux dispositions de l'article 229-3 du code civil

Bien que les époux E X aient confié à Maître Poquillon, en novembre 2016, la mission de les assister en vue d'un divorce par consentement mutuel, la requête unique à cette fin prévue par l'ancien article 1089 du code de procédure civile n'a pas été déposée avant le 1er janvier 2017. Ils se sont donc trouvés soumis, à cette date, au nouveau régime instauré par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

Rompant avec la règle antérieure permettant aux époux, dans ce type de divorce, d'être assistés par le même avocat, le nouvel article 229-1 du code civil dispose en son alinéa 1er que :

Lorsque les époux s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l'article 1374.

Et le nouvel article 229-3 du même code ajoute que :

Le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas.

La convention comporte expressément, à peine de nullité :

...

2° Le nom, l'adresse professionnelle et la structure professionnelle des avocats chargés d'assister les époux ainsi que le barreau auquel ils sont inscrits ;

...

En l'occurrence, la convention signée par les époux le 19 juin 2017 énonce que :

- Mme X a pour avocat la SELARL PVB - Société d'avocats, agissant par Maître B L, avocat au barreau de Montpellier...

- M. E a pour avocat la SELARL PVB - Société d'avocats, agissant par Maître Nolwenn Robert, avocat au barreau de Montpellier...

La règle posée par les articles 229-1 et 229-3 du code civil a ainsi été respectée, en ce que les époux X E ont bien chacun leur propre avocat.

L'article 7 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, prévoit certes que 'L'avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d'un client dans une même affaire s'il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s'il existe un risque sérieux d'un tel conflit' et que cette règle s'étend, lorsque des avocats sont membres d'un groupement d'exercice, à ce groupement dans son ensemble et à tous ses membres.

Il réserve cependant, en son alinéa 2, la possibilité d'y déroger par un accord écrit des parties concernées, lorsque surgit un conflit d'intérêt, lorsque le secret professionnel risque d'être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière.

En l'espèce, en supprimant l'homologation judiciaire, la réforme du divorce par consentement mutuel a bien fait apparaître un tel conflit d'intérêt qui n'existait pas lorsque les époux ont consulté Maître Poquillon. Mais les parties ont sans équivoque accepté d'une part que Maître Poquillon reste l'avocat de Mme X, d'autre part que Maître Robert devienne celui de M. E, et ont ainsi approuvé l'intervention pour les assister de deux avocats de la même structure professionnelle.

La convention de divorce contient en effet la clause liminaire suivante :

Les parties ont par ailleurs entendu faire appel aux services de Maître B L, avocat à Montpellier, pour procéder à la régularisation de leur dossier de divorce sous l'égide de l'ancienne procédure de divorce par consentement mutuel, laquelle ne requérait les services que d'un seul avocat.

Tenant l'évolution législative de cette procédure, imposant désormais le concours de deux avocats distincts, alors que les tenants et aboutissants de leur divorce étaient déjà arrêtés, ils ont souhaité faire appel à Maître Nolwenn Robert, avocat associé au cabinet PVB afin de finaliser cette procédure de divorce.

Les parties indiquent avoir connaissance du fait que Maître B L et Nolwenn Robert exercent au sein du même Cabinet et, à ce titre, être informés de la possibilité qu'elles ont de solliciter le concours d'un avocat extérieur au Cabinet PVB.

Elles ont cependant volontairement souhaité poursuivre la procédure de divorce avec les avocats ci avant mentionnés, et n'ont donc pas voulu faire usage de la faculté qui est la leur de requérir les services d'un autre conseil pour mener à bien la présente procédure de divorce.

Ils reconnaissent à cet effet avoir été expressément informés des conséquences de cette procédure et avoir été respectueusement et individuellement pleinement renseignés sur leurs droits et obligations par leurs conseils respectifs, tant au niveau personnel que patrimonial, de tel sorte qu'aucune difficulté n'existe quant à la formalisation de la présente procédure de divorce par consentement mutuel.

Elle renferme l'information claire que la présence de deux avocats est imposée par la loi, que Maître Poquillon et Maître Robert exerçaient au sein de la même structure ce qui induit nécessairement entre eux une proximité et un projet professionnel commun, et que chacun des époux pouvait, à son libre choix, décider de poursuivre sa démarche avec un tout autre avocat.

Les époux ont malgré tout, en pleine de connaissance de cause, préféré le recours à deux avocats de la société PVB, assurant il est vrai une moindre neutralité mais conservant leur indépendance professionnelle, en considération de leur démarche initiale, de l'état d'avancement de leur accord, de leur antagonisme mesuré, et des avantages de rapidité et d'efficacité qu'ils recherchaient.

Par ailleurs, seul M. E pourrait se plaindre que Maître Poquillon soit resté le conseil de Mme X après avoir été le conseil commun des deux époux, ou que Maître Robert n'aurait pas reçu mandat de sa part, ce qui ressort au demeurant sans équivoque de la seule convention.

En conséquence, la protection des intérêts des époux, et notamment ceux de Mme X, ayant été normalement assurée, il n'existe de ce chef aucune cause de nullité, de forme ou substantielle.

2. Sur la nullité pour vice du consentement

Mme X soutient qu'elle se trouvait dans un état de moindre résistance et de faiblesse caractérisé qui ne lui a pas permis d'exprimer un consentement libre et éclairé. Elle invoque à cet effet les dispositions de l'article 1130 du code civil, sans toutefois clairement préciser si son consentement a été affecté par une erreur, un dol ou une violence.

Bien qu'elle affirme que, au regard de son état de santé, elle n'était pas en mesure de donner un consentement libre et éclairé lors de la signature de la convention de divorce, elle ne se prévaut cependant pas d'une insanité d'esprit et fait paradoxalement grief au premier juge de l'avoir examiné à la lumière des articles 1129 et 414 du code civil, alors que seul un trouble mental caractérisé à l'époque de l'acte critiqué peut être en soi de nature à vicier le consentement.

A cet effet, elle justifie, par les trois certificats médicaux produits, qu'elle souffre d'un trouble bipolaire traité depuis 2009 par un régulateur de l'humeur et ayant donné lieu à quatre consultat ions psychiatr iques entre le 15 mai et le 7 août 2017 ainsi que d 'un épithélio mammaire faisant l'objet d'une hormonothérapie par inhibiteurs depuis la mi août 2016. Aucun de ces documents médicaux n'évoque une quelconque altération de ses facultés intellectuelles, de son jugement, ou de sa compréhension. Les troubles anxieux et les effets des traitements médicamenteux ont sans doute occasionné à Mme X des épisodes de faiblesse physique et psychologique, sans pour autant entraîner une inaptitude de sa part à exprimer valablement son consentement et à conduire normalement ses affaires.

Elle ajoute qu'il y aurait eu un déséquilibre manifeste des mesures fixées par la convention mais il n'existe aucune méprise sur le contenu comme sur la valeur des prestations mises à la charge de M. E, très clairement énoncées par la convention. Il ne peut dès lors, à cet égard, y avoir une erreur au sens des articles 1133 à 1136 du code civil.

Elle ne démontre aucune manoeuvre, mensonge, ou dissimulation intentionnelle d'une information essentielle de la part de M. E qui aurait pu l'amener à adopter, en des termes qu'elle critique aujourd'hui, la convention du 19 juin 2017. L'assistance de Mme X par Maître Poquillon, qui avait été précédemment le conseil des deux époux, ne relève d'aucun procédé déloyal de la part de l'avocat, encore moins concerté avec M. E, puisque la démarche a été faite en toute transparence et que c'est davantage M. E qui aurait pu, de ce fait, s'estimer trahi. Aucun dol n'est dès lors constitué.

Il n'est allégué à l'encontre de M. E aucune contrainte ou menace pouvant être source d'une violence telle que la définissent les articles 1140 et 1141 du code civil. L'argumentation de Mme X pourrait relever de la qualification que donne l'article 1143, quoiqu'elle ne la vise pas formellement, selon lequel 'Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif'. Mais, là encore, l'état de santé ne l'a pas placée dans une situation de dépendance, M. E n'est l'auteur d'aucun abus dans la défense de ses droits, et, comme il sera détaillé plus loin, la convention n'est pas manifestement déséquilibrée au profit de celui ci.

Enfin, à l'issue de plusieurs mois de négociations, l'acte liquidatif devant notaire a été signé le 22 mai 2017 et la convention le 19 juin 2017, après que les parties ont bénéficié du délai légal de réflexion de 15 jours prévu par l'article 229-4 du code civil ; Mme X a ainsi pu donner son accord sans précipitation et de façon tout à fait avisée.

Par suite, le consentement donné par Mme X ne saurait être considéré comme ayant été affecté d'un vice justifiant l'annulation de la convention de divorce.

3. Sur la nullité en l'absence de concessions réciproques

Mme X considère que, en l'absence de concessions réciproques, la convention est source d'un partage lésionnaire et se trouve entachée de nullité, ciblant plus précisément l'état liquidatif dressé par le notaire, selon elle à titre prétendument transactionnel.

La validité de la convention s'apprécie ensuite au regard de son économie générale, englobant tout ce qui en fait l'objet, soit, à l'occasion d'un divorce, l'intégralité des rapports patrimoniaux des époux, mais aussi leur volonté de parvenir à une rupture amiable et rapide du mariage.

Contrairement à ce qu'estime l'appelante qui déplore l'absence d'une convention transactionnelle annexée à l'acte liquidatif, l'existence de concessions réciproques peut être établie alors même qu'elles n'auraient pas été formellement consignées dans l'acte, une stricte égalité n'étant par ailleurs pas de l'essence de la transaction

Les échanges de mail et textos entre les parties et leurs conseils montrent que, de novembre 2016 à finalisation de la convention qui leur a été adressée le 29 mai 2017, chacune des questions patrimoniales majeures a été discutée sérieusement entre elles pour aboutir à un accord.

En particulier, les deux immeubles indivis entre les époux K sous le régime de la séparation de biens, l 'un situé à Teyran l 'autre à Montrouge, ont été attribués conventionnellement à M. F H soulte, qui dans un partage pour moitié aurait été de 113 013,40 € pour Mme X, a été ramenée à 63 000 €. Les correspondances entre les parties révèlent que cette somme forfaitaire tient en réalité compte de leurs apports respectifs et surtout du remboursement des échéances des deux prêts par M. E seul, de sorte qu'il disposait d'une créance contre son épouse de nature à minorer le montant de la soulte et que sa réduction forfaitaire à 63 000 € procède bien d'un accord transactionnel entre les époux ; l'acte le dit expressément : 'En conséquence, ledit partage est consenti à titre inégalitaire, forfaitaire et définitif, au sens des articles 2044 du code civil', et Mme X n'a pu se méprendre sur le sens de cette formule. M. E a par ailleurs pris à sa charge 65% des frais de partage.

En ce qui concerne la désolidarisation des prêts immobiliers, la banque LCL a bien donné son accord de principe pour décharger Mme E de leur remboursement par un courrier du 15 mai 2017, dont la confirmation ne pouvait intervenir qu'une fois le divorce et la mutation de propriété définitifs ; la critique de Mme X est donc infondée.

La prestation compensatoire a elle aussi fait l'objet d'une discussion sur la base d'éléments dont la fausseté n'est pas alléguée.

S'agissant des modalités de paiement des sommes dues par M. E, elles ont été clairement stipulées et n'ont pas été laissées au bon vouloir de leur débiteur :

- la soulte est exigible au moment du dépôt de la convention (convention p. 10 § 1 alinéa 2), c'est à dire sans délai,

- la prestation compensatoire est exigible dans un délai de deux années à compter de ce même dépôt, étant précisé qu'elle a été majorée pour tenir compte notamment de l'incidence fiscale de ce délai de règlement pour Mme X et que l'absence d'intérêts conventionnels stipulés n'est pas significative.

L'examen de la convention ne révèle donc aucun désavantage manifeste entre les parties et reflète au contraire précisément l'équilibre qu'elles ont voulu dans le cadre d'une démarche réellement transactionnelle et pour en terminer au plus vite.

4.Le jugement déféré sera par suite confirmé en ce qu'il a débouté Mme X de ses demandes d'annulation de la convention de divorce, étant précisé que la présence en la cause du notaire n'était pas nécessaire, et ordonné la publication de l'acte de partage qui renferme les indications nécessaires à cet effet.

II. Sur la responsabilité de l'avocat

Mme X recherche la responsabilité de Maître Poquillon en lui reprochant d'avoir manqué à la nouvelle règle légale et aux règles déontologiques concernant son assistance dans le cadre de son divorce par consentement mutuel ainsi qu'un défaut de conseil précisément centré sur le calcul de la prestation compensatoire.

S'agissant de l'application des articles 229-1 et 229-3 du code civil, et ainsi qu'il a déjà été vu, la règle de la dualité d'avocat à l'occasion de la nouvelle forme du divorce par consentement mutuel a été respectée à la lettre et, dûment informées et en conformité avec les dispositions de l'article 7 du décret du 12 juillet 2005, les parties ont valablement accepté l'assistance d'avocats associés au sein de la même structure professionnelle. Le grief ainsi adressé par Mme X à Maître Poquillon n'est donc pas fondé.

S'agissant du calcul de la prestation compensatoire, il est exact que l'avocat ne rapporte pas formellement la preuve du conseil qu'il a pu apporter à sa cliente, habituellement prodigué oralement lors des entretiens. Il justifie néanmoins lui avoir adressé un recueil de décisions récentes de la cour d'appel de Montpellier explicitant de façon concrète les critères de fixation d'une telle prestation posés par l'article 271 du code civil et donnant des éléments de référence utiles et transposables à la situation des parties, et c'est sur cette base qu'elles ont ensuite négocié entre elles le montant de la prestation à verser par M. F

Mais encore, il ne résulte pas des explications de Mme X que le montant effectivement convenu soit significativement en sa défaveur. Rien n'établit que les éléments de fait sur la base desquels il a été arrêté soient inexacts. L'intimée soutient à juste titre qu'il n'existe pas de barème légal conduisant à un chiffrage par une opération arithémétique et que, si elle tend à compenser une disparition dans les conditions de vie des époux provoquée par le divorce, elle n'a pas pour objet de niveler les fortunes entre elles. Pour revendiquer maintenant une somme de 63 360 €, Mme X utilise une formule reposant exclusivement sur les revenus actuels des époux et la durée du mariage, faisant notamment abstraction de leur parcours antérieur au mariage, de leur âge et de leur patrimoine propre alors qu'il n'est pas contesté que M. E n'en dispose pas et que Mme X en a reçu un par voie successorale. Surtout, la prestation compensatoire s'inscrit dans le cadre d'un accord global des parties, portant sur la rupture du mariage et toutes ses conséquences et ne peut correspondre à ce qui pouvait être escompté au terme d'une procédure contentieuse, inévitablement plus longe et onéreuse et au résultat aléatoire particulièrement en ce domaine.

Il n'est dès lors pas démontré un défaut de conseil de Maître Poquillon qui aurait été préjudiciable aux intérêts de Mme Y

Le jugement déféré sera par suite réformé en ce qu'il a retenu la responsabilité professionnelle de Maître Poquillon et Mme X sera déboutée de l'ensemble de ses prétentions présentées à ce titre.

III. Sur les autres demandes

En vertu des articles 229-1 dernier alinéa et 229-4 alinéa 2 du code civil, la convention des époux E X a acquis date et certaine et force exécutoire au jour de son dépôt le 22 juin 2017 auprès de l'office notarial de Maître Picollet, qui en délivré une attestation le jour même. Elle pouvait ainsi recevoir exécution immédiatement. L'action en justice engagée par Mme X pour en contester la validité repose sur des moyens sérieux et ne procède pas d'un abus de droit. Son rejet n'affecte pas la date à laquelle elle a produit ses effets. Même si elle a, de fait, suspendu sa mise en oeuvre, elle n'est pas constitutive d'une faute et ne peut dès lors donner lieu à une indemnisation au profit de M. F C y a donc lieu à confirmation du jugement qui a rejeté ce chef de demande reconventionnelle présenté par ce dernier.

Mme X succombant en l'intégralité de ses prétentions, elle supportera la charge de l'intégralité des dépens, de première instance et d'appel, et sera condamnée à payer à chacun des intimés la somme de 2 000 € en remboursement de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné solidairement Maître B L et la Selarl PVB Société d'avocats à payer à Mme D X la somme de 7.500 euros en réparation de son préjudice ainsi qu'en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme D X de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. B L et la Selarl PVB Société d'avocats en raison de leur responsabilité civile professionnelle d'avocat ;

Condamne Mme D X aux dépens de première d'instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Mme D X à payer à M. A E d'une part, à M. B L et la Selarl PVB Société d'avocats d'autre part, la somme de 2 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.