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Décisions

Cass. 2e civ., 1 février 2018, n° 16-21.400

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Douai, du 19 mai 2016

19 mai 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 mai 2016), que le 24 septembre 2014, la société Z..., D... & associés (la société) a fait délivrer à M. X..., ancien associé de cette société, un commandement à fin de saisie-vente pour avoir paiement d'une certaine somme sur le fondement d'un protocole d'accord transactionnel signé le 31 octobre 2012 et homologué par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lille du 4 septembre 2014 ; que M. X... a saisi un juge de l'exécution en nullité de ce commandement ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des poursuites de saisie-vente que la société a engagées contre M. X... suivant un commandement du 24 septembre 2014 et de condamner la société à payer à M. X... la somme de 62 560,70 euros en restitution du règlement opéré par celui-ci entre ses mains, alors selon le moyen :

1°/ que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier ; que la créance est liquide lorsque le titre exécutoire contient des éléments suffisamment précis pour permettre au juge de l'exécution d'en déterminer le montant ; qu'en l'espèce, il est constant qu'un protocole d'accord transactionnel, conclu le 31 octobre 2012 et homologué par une ordonnance rendue le 4 septembre 2014 par le président du tribunal de grande instance de Lille, a commis deux cabinets d'expertise comptable « aux fins d'établir et arrêter les comptes entre les parties de façon complète et après examen des justificatifs. Un rapport sera établi conjointement par les experts des parties susmentionnées avant le 31 décembre 2012. Ce rapport sera remis aux parties et leurs conclusions s'imposeront à elles. Les règlements éventuels à effectuer suite aux conclusions dudit rapport le seront dans un délai d'un mois à compter du dépôt du rapport » ; que le rapport déposé par les experts-comptables a fait apparaître que M. X... était redevable de la somme de 66 235,33 euros envers la société ; qu'il en résulte donc que la créance de celle-ci était liquide et exigible ; que pour prononcer la nullité des poursuites de saisie-vente que la société a engagées contre M. X... suivant un commandement du 24 septembre 2014, l'arrêt retient que « le protocole d'accord du 31 octobre 2012, même rendu exécutoire par l'homologation du président du tribunal de grande instance, ne peut servir de titre à la saisie-vente litigieuse dès lors qu'il ne constate pas une créance liquide et exigible » et qu'en statuant ainsi, alors que la convention définitivement homologuée fixait les modalités pour déterminer le montant de la créance due, ce qui a été fait par les experts-comptables choisis par les parties, de sorte que le montant de la créance, qui s'imposait aux parties, était déterminable, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2, L. 111-6 et L. 222-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ que le juge ne doit pas dénaturer le sens clair et précis des conventions qui lui sont soumises ; que le protocole d'accord transactionnel, conclu le 31 octobre 2012 et homologué par le président du tribunal de grande instance de Lille, a commis deux cabinets d'expertise comptable « aux fins d'établir et arrêter les comptes entre les parties de façon complète et après examen des justificatifs. Un rapport sera établi conjointement par les experts des parties susmentionnées avant le 31 décembre 2012. Ce rapport sera remis aux parties et leurs conclusions s'imposeront à elles. Les règlements éventuels à effectuer suite aux conclusions dudit rapport le seront dans un délai d'un mois à compter du dépôt du rapport » ; que le rapport déposé par les experts-comptables a fait apparaître que M. X... était redevable de la somme de 66 235,33 euros envers la société ; qu'en considérant cependant que « la convention d'arbitrage, si elle définit les pièces justificatives et la méthode de vérification des comptes de la société au moyen desquelles les experts commis devraient, le cas échéant, dégager un solde restant dû dont l'appréciation était laissée à leur discrétion, ne contient aucun élément qui, à défaut d'une indication chiffrée, permettrait l'évaluation de la créance exercée », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du protocole d'accord et du rapport remis par les experts-comptables, qui faisait nécessairement corps avec le protocole, et violé les dispositions de l'article 1134 du code civil applicable au litige ;

Mais attendu qu'il résulte des articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution que la créance est liquide lorsque le titre exécutoire contient des éléments suffisamment précis pour permettre au juge de l'exécution d'en déterminer le montant ;

Et attendu que la cour d'appel a relevé que s'il définissait les modalités pratiques de la rupture des relations nouées entre les parties et fixait les principes applicables à certaines facturations, imputations de frais ou rétrocessions d'honoraires, le protocole d'accord transactionnel du 31 octobre 2012 se bornait, pour le surplus, à décrire la procédure suivant laquelle les experts auraient à examiner la comptabilité de la personne morale et à dresser l'arrêté de ses comptes avec son président sortant sans déterminer la personne du débiteur tenue au paiement du solde des comptes sociaux, ainsi que celle du créancier ayant vocation à le recueillir ni contenir l'affirmation d'un rapport d'obligation consécutif à la reddition des comptes ; qu'ayant procédé à une interprétation que les termes ambigus du protocole rendaient nécessaire, elle en a exactement déduit que cette transaction, fût-elle homologuée par le président du tribunal de grande instance, ne constatait pas une créance liquide et exigible et ne pouvait donc servir de fondement à la saisie-vente litigieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Z... D... et associés Lille aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Z... D... et associés Lille et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-huit.