CA Bordeaux, 4e ch. com., 10 avril 2024, n° 20/02888
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
B & T S.P.A.
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Goumilloux, Mme Masson
Avocats :
Me Le Barazer, Me Vacarie, Me Leconte, Me Bonnet
EXPOSE DU LITIGE :
La società per azioni B&T, société italienne, exploite en France une activité commerciale sous l'enseigne Dorelan France de vente, notamment, de produits de literie aux professionnels de l'hôtellerie.
Le 2 janvier 2017, la société B&T a conclu avec Monsieur [D] un contrat d'agence commerciale exclusive afin de promouvoir la gamme professionnelle dans seize départements français.
Un nouveau contrat d'agence commerciale a été conclu le 1er janvier 2018 entre les parties à l'occasion de l'ouverture d'une filiale en France de la société B&T.
Par message électronique du 2 mars 2019, la société B&T a proposé à Monsieur [D] de signer un accord de résiliation amiable du contrat d'agence commerciale puis, par lettre recommandée du 16 avril 2019, a résilié le contrat d'agence commerciale avec effet immédiat.
Par acte d'huissier du 26 juin 2019, Monsieur [D] a fait assigner la société B&T devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement, principalement, d'une indemnité de rupture et d'un arriéré de commissions.
Par jugement prononcé le 10 juillet 2020, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :
Sur la compétence,
- retient sa compétence ;
Au fond,
- déboute Monsieur [U] [D] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamne Monsieur [U] [D] à payer à la société Dorelan France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne Monsieur [U] [D] aux dépens.
M. [D] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 31 juillet 2020.
Par arrêt du 1er février 2023, la cour d'appel de Bordeaux a :
- confirmé la décision rendue par le tribunal de commerce de Bordeaux le 10 juillet 2020 en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande d'indemnité compensatrice ;
- infirmé la décision rendue par le tribunal de commerce de Bordeaux le 10 juillet 2020 pour le surplus de ses dispositions déférées à la cour ;
Et statuant à nouveau,
- ordonné la réouverture des débats ;
- fait injonction à la société B&T de communiquer à Monsieur [U] [D] tous les documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions susceptibles de lui être dues entre le 1er octobre 2018 et le 31 juillet 2019 dans sa zone d'exclusivité ;
- sursis à statuer sur la demande de versement au titre des commissions, sur les demandes réciproques de dommages et intérêts des parties et sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à la mise en état ;
- réservé les dépens.
***
Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2024, Monsieur [U] [D] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants et R. 134-3 du code de commerce,
Réformant le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 juillet 2020 conformément aux termes de l'arrêt du 1er février 2023 et statuant à nouveau,
- condamner la société B&T dont le nom commercial est Dorelan France à payer à Monsieur [D] :
* la somme de 9.225 euros à titre d'arriéré de commissions,
* la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice subi ;
- la condamner en outre au paiement à Monsieur [D] d'une indemnité de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- débouter la société B&T dont le nom commercial est Dorelan France de toutes ses demandes et de son appel incident.
Par dernières écritures notifiées le 5 février 2024, la société B&T demande à la cour de :
Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,
Vu l'article R. 134-3 du code de commerce,
- débouter Monsieur [U] [D] du surplus de ses prétentions ;
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en ce qu'il a mis la société B&T hors de cause ;
- condamner Monsieur [U] [D] au paiement d'une indemnité supplémentaire de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [U] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2024.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. L'article R.134-3 du code de commerce dispose :
« Le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé.
L'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.»
2. Au visa de ce texte, M. [D] fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté sa demande en paiement d'un solde de commissions, dont il indique que la cour a, dans son arrêt du 1er février 2023, jugé qu'elles lui étaient dues jusqu'au 31 juillet 2019.
L'appelant estime qu'il lui est au moins dû une somme de 2.100 euros HT, calculée sur la base de la moyenne mensuelle des commissions déjà perçues, soit 700 euros.
M. [D] soutient par ailleurs que les pièces produites par l'intimées ne sont pas complètes puisqu'il a pris des commandes, avant la rupture de son contrat d'agent commercial, lesquelles n'apparaissant pas dans les documents comptables communiqués par la société B&T. Il réclame à ce titre une somme de 5.587,44 euros HT.
3. L'intimée répond que l'alinéa 2 de l'article R. 134-3 du code de commerce vise les documents comptables qui sont nécessaires à la vérification de l'exactitude des montants indiqués et de l'assiette de calcul des commissions.
La société B&T fait valoir qu'elle produit les éléments nécessaires à cette vérification et ajoute que la totalité des commissions dues a été payée à M. [D] dont elle estime qu'il ne rapporte pas la preuve de la cause des sommes ici réclamées.
Sur ce,
4. L'article 8 du contrat du 1er janvier 2018 prévoit que M. [D] bénéficiera d'une commission sur les affaires conclues auprès de clients installés dans le territoire qui lui a été assigné, cette conclusion étant manifestée par la livraison de la marchandise ou son paiement.
Dès lors, M. [D] ne peut réclamer une somme de 2.100 euros HT, soit 700 euros x 3 mois, au titre de la moyenne mensuelle de la totalité de ses commissions pour la période courant de la résiliation du contrat jusqu'au mois de juillet suivant, un tel mode de rémunération n'étant pas prévu à son contrat d'agence commerciale.
5. Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 5.587,44 euros HT, l'appelant produit à son dossier un tableau qu'il a établi sous l'intitulé 'liste des devis non réglés', qui mentionne des commandes qui auraient été passées par cinq professionnels de l'hôtellerie : Hôtel [3], [7], Citotel Hôtel de [4] et 3DRA, pour un total de 90.133 euros ; ce tableau ventile des taux de commission de 10 % et 6 % sur ces commandes.
M. [D] verse également un devis adressé le 5 avril 2019 à la société 3DRA par l'intimée pour un total de 3.009 euros HT et un transfert à sa mandante par ses soins, le 10 avril 2019, d'une demande de devis de Citotel Hôtel de [4], sans précision de prix.
Il n'est toutefois produit aucune commande venant étayer les mentions du tableau 'liste des devis non réglés' qui justifierait de la réalisation de l'opération au sens de l'article 8 du contrat d'agence commerciale.
De plus, la société B&T verse de son côté un échange de messages électroniques entre le 2 et le 18 mars 2019 qui révèle que la commande de l'Hôtel [3] a été conclue par un autre agent commercial au cours du Salon International de l'Hôtellerie à [Localité 9] et que le devis proposé à l'Hôtel [6] de [Localité 8] était en cours depuis deux ans.
L'intimée produit également à son dossier la totalité des factures qui lui ont été adressées par M. [D] entre le 23 avril 2018 et le 12 août 2019 et la preuve de leur règlement -avec référence précise au numéro de la facture- apparaissant sur les relevés de ses comptes à la société Cassa dei Risparmi di Forli e della Romagna et à la société BNP Paribas.
Enfin, la société d'expertise comptable Orial a attesté le 21 mars 2023 et le 22 septembre 2023 que, pour la période de mai 2018 à début septembre 2019, toutes les factures enregistrées en comptabilité concernant M. [D] avaient été réglées.
6. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande en paiement d'un solde de commissions et de sa demande accessoire en dommages et intérêts, le préjudice qui serait lié au défaut de paiement du solde de commissions n'étant pas constitué.
Les chefs de dispositif du jugement du 10 juillet 2020 relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance seront également confirmés.
M. [D] sera condamné à payer les dépens de l'appel et à verser à la société B&T la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Vu l'arrêt du 1er février 2023,
Confirme le jugement prononcé le 10 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [U] [D] à payer à la société B&T la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [U] [D] à payer les dépens.