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Décisions

CA Nouméa, ch. soc., 4 avril 2024, n° 23/00002

NOUMÉA

Arrêt

Autre

CA Nouméa n° 23/00002

4 avril 2024

N° de minute : 2024/10

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 04 Avril 2024

Chambre sociale

N° RG 23/00002 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2022 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :21/61)

Saisine de la cour : 03 Janvier 2023

APPELANT

M. [M] [S]

né le 07 Janvier 1967 à [Localité 3]

Ayant élu domicile au Cabinet de Maître Virginie BOITEAU

Représenté par Me Virginie BOITEAU membre de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

SYNDICAT MIXTE DES TRANSPORTS URBAINS DU GRAND NOUMEA (SMTU), représenté par son Directeur en exercice

Siège social : [Adresse 1] - [Localité 2]

Représenté par Me Franck ROYANEZ membre de la SELARL D'AVOCAT FRANCK ROYANEZ, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

- Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,

- M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

- Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.

04/04/2024 : Copie revêtue de la forme exécutoire : - Me ROYANEZ ;

Expéditions : - Me BOITEAU ; M. [S] et SMTU (LR/AR)

- Copie CA ; Copie TT

Greffier lors des débats et de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le syndicat mixte des transports urbains du grand Nouméa (ci-après dénommé SMTU) est en charge de la mise en place et de l'exploitation du réseau de transport de l'agglomération du Grand Nouméa (réseau TANEO).

Par contrat de chantier à durée indéterminée en date du 24 novembre 2017, M. [M] [S] a été embauché à compter du 1er février 2018 pour exercer les fonctions de chef de projet TANEO, responsable de la gestion d'un réseau de transport moyennant une rémunération forfaitaire brute mensuelle de 1'000'000 XPF pour 169 heures mensuelles. L'article 13 du contrat disposait "'.qu'à la fin du chantier et si le remploi sur un autre chantier était impossible, il sera procédé à la résiliation du contrat de travail pour "fin de chantier'» dans le cadre de la législation en vigueur".

Par courrier en date du 16 mars 2020, la SMTU a informé son salarié des termes d'une nouvelle organisation en vigueur depuis le 1er janvier 2020': "Pour faire suite à la nouvelle organisation administrative du SMTU, votée en comité syndical du 11 décembre 2019, validée par la délibération n° 2019-120 du 17 décembre 2019 et mise en 'uvre depuis le 1er janvier 2020, je vous informe que le poste budgétaire du chef de projet Tanéo a été commué en poste de responsable systèmes. Le poste de responsable systèmes, actuellement vacant, est en cours de recrutement.

En parallèle, le projet Tanéo pour lequel vous avez été recruté le 1er février 2018 a été concrétisé par le démarrage du réseau Tanéo le 12 octobre 2019. ll est donc considéré comme achevé.

Votre contrat de chantier prévoyait une durée du projet d'un minimum de trois (3) ans. Aussi, et afin de parfaire la stabilisation du réseau Tanéo désormais en exploitation, je vous maintiens en poste jusqu'au 31 janvier 2021, date à laquelle votre contrat de chantier prendra fin."

Dans les faits, à compter du 1er septembre 2020, le SMTU a confié à M. [S] une délégation afin de le représenter lors des négociations avec l'entreprise CARSUD dans le cadre de l'ajustement de l'exploitation de la délégation de service public relative au transport public du grand Nouméa puis par courrier du 10 septembre 2020, il a notifié en mains propres à son salarié la fin de son contrat au 31 janvier 2021.

Par requête du 19 mars 2021 complétée par des écritures du 17 juin 2022, M. [S] a cité le SMTU devant le tribunal du travail de Nouméa aux fins de requalification du contrat de travail de chantier en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun. Il sollicite également que la rupture de son contrat soit jugée irrégulière et sans cause réelle et sérieuse et que sur la base d'un salaire mensuel brut de référence de 1'452'430 XPF les sommes suivantes' lui soient accordées : 4'357'290 XPF outre 435'729 XPF (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, 435'729 XPF d'indemnité légale de licenciement, 13'100'000 XPF de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1'500'000 XPF (préjudice moral) outre 300'000 XPF au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 09 décembre 2022, le tribunal a débouté M. [S] de sa demande tendant à requalifier le contrat de chantier en contrat à durée indéterminée de droit commun, dit que son licenciement était irrégulier mais pourvu d'une cause réelle et sérieuse et non vexatoire, condamné le SMTU à lui payer la somme de trois cent dix-sept mille soixante-dix (317'070) XPF d'indemnité de licenciement et un million cinquante-six mille neuf cent (1'056'900) XPF (procédure irrégulière) avec intérêts au taux légal et exécution provisoire sur la totalité des sommes accordées outre cent quatre-vingt mille (180'000) francs au titre des frais irrépétibles, les dépens étant partagés par moitié entre les parties.

Par requête en date du 03 janvier 2023, M. [S] a relevé appel de la décision.

***

Au terme de ses dernières écritures reprises à l'audience, M. [S] faisait valoir pour l'essentiel'que son contrat de chantier doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée aux motifs':

- qu'il a poursuivi son activité professionnelle sans contrat écrit au-delà du terme du chantier TANEO (Ie 12 octobre 2019) tel que l'établit le courrier du SMTU du 16 mars 2020 (piéce N°9 req) ;

- qu'ainsi, il lui a été confié au terme de sa mission initiale des multiples missions complémentaires extérieures (élaboration d'un contrat de transports scolaire, octroi d'une délégation dans le cadre de négociations avec CARSUD, remplacement du responsable système du SMTU pendant 4 mois et du responsable de service exploitation pendant 8 mois) tel que cela résulte de la lettre de recommandations du 25 janvier 2021 ;

- que le contrat a été rompu sans cause réelle et sérieuse, aux motifs :

que le chantier TANEO n'était pas stabilisé, au moment de la rupture du contrat, le pilotage de l'attribution de la mise en 'uvre du lot N° 2 du réseau TANEO ayant été confié à un sous-traitant (Ia société NEOCONSEIL) pour un coût supérieur à 8 millions de francs alors que cette mission aurait dû lui être dévolue ;

que sa mission prévue à l'article 2 de son contrat de chantier, tendant à s'assurer du respect des budgets et des marges dans toutes les phases des projets en collaboration avec les différents acteurs, n'était pas achevée lors de son départ, le SMTU ayant décidé suite à la crise sanitaire COVID de renégocier financièrement les marchés déjà consentis (lots N°1 et N°2) tel qu'en atteste madame [B] ;

qu'il n'a pas fait l'objet d'une véritable procédure de licenciement n'ayant pas été convoqué à un entretien préalable, la lettre du 10 septembre 2020 ne mentionnant pas explicitement son licenciement, ni l'existence d'un préavis, son objet étant "votre contrat".

Il fonde ses prétentions sur la base d'un salaire de référence de 1'452'430 XPF comprenant ses avantages en nature'(véhicule de fonction, billet d'avion, frais de déménagement, forfait téléphonique, carte essence et prise en charge de la mutuelle des fonctionnaires et soutient avoir subi un préjudice distinct à raison du caractère vexatoire de son licenciement, certains salariés de la société ayant diffusé des informations confidentielles relatives à son contrat de travail en violation du règlement intérieur, ce qui l'a contraint, en l'absence de réaction de sa hiérarchie à déposer plainte contre X.

A titre principal, le SMTU conclut qu'il doit être débouté de sa demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la rupture du contrat étant justifiée par la fin du chantier et à sa demande en paiement d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis. A titre subsidiaire, il sollicite de limiter cette demande à un montant de 6 mois de salaire, le requérant ne démontrant nullement avoir subi un préjudice et n'établissant pas avoir réalisé des recherches d'emplois effectives en Nouvelle-Calédonie alors qu'il était informé de sa fin de contrat depuis le 11 septembre 2020.

Le syndicat expose que le licenciement de M. [S] était parfaitement justifié, la fin de ses fonctions étant fixée au 31 janvier 2021 ce qui résulte des documents qu'il produit à la cause. Il précise en ce sens que le contrat de travail prévoyait la réalisation du chantier global divisé en deux phases de travaux, en premier lieu la mise en service du réseau TANEO puis une phase posétrieure de coordination avec les autres réseaux de transports ce qui nécessitait la conclusion d'un contrat de service de transport scolaire du secondaire ou d'une délégation du service public relative au transport public du grand NOUMEA.

M. [S] ayant été informé par courrier du 16 mars 2020 de l'achèvement de la première phase soit la mise en exploitation du réseau TANEO, il a alors précisé en l'état de l'inachèvement de la seconde phase relative au pilotage ultérieur de l'exploitation avec les autres réseaux de transport et la vérification de leur cohérence au 12 octobre 2019, que le terme de son contrat était fixé au 31 janvier 2021.

L'employeur rappelle que son salarié avait bien reçu une délégation de pouvoir et une feuille de route pour mener à bien cette mission (pièce N°11 et 22 def) de sorte qu'il ne saurait invoquer avoir réalisé des tâches supplémentaires n'entrant pas dans le projet TANEO pour lequel il a été recruté, ni solliciter la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée de droit commun. L'attribution et la mise en 'uvre du marché de transport scolaire pour la rentrée 2020 figurait dans son contrat comprenant une attribution secondaire consistant à lancer les marchés et piloter les AMO ou études nécessaires aux projets et une attribution principale "participer à la définition puis piloter la mise en 'uvre de plans d'actions relatifs à l'harmonisation des 3 réseaux de transports, à leur optimisation".

Le SMTU en déduit que le terme du chantier est bien survenu le 31 janvier 2021 et non le 30 avril 2021 comme l'indique à tort le requérant. En l'absence de poste vacant et de prévision de chantier futur, il n'existait aucune possibilité de réembaucher M. [S]. Il conclut que la remise d'une lettre précise et motivée le 10 septembre 2020 en dépit de l'irrégularité de la procédure (absence d'entretien préalable) suffit à établir que le licenciement est justifié. ll expose sur ce point qu'aucune circonstance du licenciement n'est d'ailleurs vexatoire et que notamment M. [S] échoue à caractériser sa responsabilité dans l'affaire portée devant le juge pénal.

Pour ce qui regarde le montant du salaire moyen servant d'assiette au calcul des indemnités réclamées, l'employeur conteste la réintégration des avantages en nature en ce que ces suppléments ne sont pas contractualisés, certains ayant déjà été réglés (billets d'avion retour et le déménagement (1'130'365 XPF).

Enfin s'agissant du préavis, il soutient que celui-ci a eu lieu du 10 septembre 2020 au 31 janvier 2021 de sorte qu'aucune indemnité compensatrice n'est due puisqu'il a été payé.

Il sollicite en tout état de cause le versement de la somme de 450.000 XPF au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification du contrat de chantier en contrat de travail à durée indéterminée

Le contrat de chantier à durée indéterminée est celui par lequel l'employeur engage un salarié en lui indiquant dès l'embauche que le louage de service est exclusivement lié à la réalisation d'un ouvrage ou de travaux précis mais dont la durée ne peut être préalablement définie avec certitude.

La fin du contrat doit donc correspondre à l'achèvement de réalisation de l'ouvrage ou des travaux précis.

La jurisprudence considère qu'il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun si le salarié est gardé a la fin des travaux prévus contractuellement dans l'entreprise pour effectuer d'autres tâches ou travaux non prévus contractuellement à moins qu'il n'ait été d'emblée embauché pour plusieurs chantiers.

En l'espèce, le contrat conclu le 24 novembre 2017 précise que M. [S] avait été recruté pour exécuter les fonctions de chef de projet TANEO responsable de la gestion du réseau de transport à compter du 1er février 2018 et que le CDI est établi "pour la durée du projet qui est estimée à 3 ans minimum".

Ses attributions étaient précisées contractuellement (article 2) comme suit :

«'1- Missions générales

- Préparer techniquement les conditions de mise en 'uvre d'un réseau unifié à l'échelle de l'agglomération avec la mise en service d'un BHNS, à l'horizon 2019 ;

- Participer à la définition puis piloter la mise en 'uvre de plans d'actions relatifs à l'harmonisation des trois réseaux de transports, a leur optimisation et à l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers, ainsi que la sécurité dans les transports ;

- Piloter le mandataire du projet Néobus, le groupement SECAL-TRANSAMAO, afin notamment de s'assurer que les coûts, les délais, la qualité des ouvrages, les objectifs fonctionnels et la sécurité du projet Néobus sont maitrisés et atteints ;

- Piloter en direct les missions que le SMTU a conservées sur le projet Néobus (communication institutionnelle et acquisitions foncières essentiellement) ;

- Préparer la gestion ultérieure des équipements et systèmes de transport, notamment les nouveaux à venir d'ici 2019, avec le(s) exploitant(s) et les collectivités membres du SMTU ;

- Coordonner la production des différents services du SMTU (exploitation, patrimoine et études/systèmes) sur les projets Tanéo et Néobus;

- S'assurer de l'intégration des éléments techniques des projets Tanéo et Néobus dans la ou les futur(s) DSP ;

- S'assurer du respect des budgets et des marges dans toutes les phases des projets, en collaboration avec les différents acteurs ;

- S'assurer du respect des plannings, en évaluant et identifiant les risques de rupture, en collaboration avec les différents acteurs ;

- S'assurer de la continuité des services de transport pour l'usager lors du renouvellement des DSP ;

- Participer aux réflexions sur la gamme tarifaire unique en lien étroit avec le directeur général avec l'objectif de définir une politique économique des transports favorable aux usagers et à l'Autorité Organisatrice des Transports.

2. Missions secondaires

- Veiller à la cohérence des schémas de desserte et actions diverses mises en 'uvre par l'équipe exploitation à court et moyen termes dans le cadre des DSP et marchés existants, avec les projets à plus long terme ;

- Lancer les marchés et piloter les AMO ou études nécessaires aux projets ;

- Mettre en place un outil de veille et maîtrise du foncier en vue de projets de transports (phases ultérieures Néobus, points noirs de circulation, parkings relais...) et assurer la cohérence avec les projets des collectivités partenaires (...).'»

Il s'ensuit que M. [S] était chargé non seulement de la mise en exploitation du réseau de transport TANEO mais aussi ultérieurement du suivi de cette exploitation à court et moyen terme en coordination avec les autres réseaux de transports gérés par le SMTU ainsi qu'énuméré supra : «...'participer à la définition puis piloter la mise en 'uvre de plans d'actions relatifs à l'harmonisation des trois réseaux de transports, à leur optimisation et à l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers ainsi que la sécurité dans les transports et préparer la gestion ultérieure des équipements et système de transport, notamment les nouveaux à venir d'ici 2019 avec les exploitants et les collectivités, membres du SMTU'(') Veiller à la cohérence des schémas de desserte et actions diverses mises en 'uvre par l'équipe exploitation à court et moyen termes dans le cadre des DSP et marchés existants, avec les projets à plus long terme'(') Lancer les marchés et piloter les AMO ou études nécessaires aux projets (') Mettre en place un outil de veille et maitrise du foncier en vue de projets de transports (phases ultérieures Néobus, points noirs de circulation, parkings relais...) et assurer la cohérence avec les projets des collectivités partenaires (')'»

Qu'il s'agisse de l'élaboration du contrat de transports scolaire, du pilotage et de l'animation des réunions avec les différents services du SMTU dans le cadre de délégation de pouvoirs (négociations avec CARSUD et discussions avec le GIE KARIUA BUS), ces missions relevaient du cadre du contrat initial (piéces N°23 et 24 req)

Ce n'est d'ailleurs pas autrement qu'il convient d'interpréter la lettre de recommandations du 25 janvier 2021. Lorsque son auteur afin de décrire les attributions de M. [S] fait état de "nouvelles missions", celles-ci désignent celles qui lui ont été confiées après la mise en place du réseau soit la deuxième partie de la mission de chantier initiale.

Il n'a pas été demandé à M. [S] de mettre en place d'autres réseaux de transport mais simplement suite à la fusion de CARSUD et KARIUA devenu TANEO de coordonner les réseaux TANEO et SCT (secteur scolaire) déjà existants ce qui nécessitait des réunions et des négociations qui entraient dans sa mission contractuelle consistant à assurer la cohérence des projets.

M. [S] tire également argument du courrier du 16 mars 2020': or cette lettre indique simplement que la phase de démarrage du projet TANEO est achevée et qu'il est par suite maintenu dans ses fonctions afin de parfaire la stabilisation du réseau ce qui entrait d'évidence dans le cadre des missions contractuelles déjà évoquées supra sur la cohérence des schémas de desserte et actions diverses mises en 'uvre par l'équipe exploitation à court et moyen termes dans le cadre des DSP et marchés existants, avec les projets à plus long terme, au pilotage des études nécessaires aux projets, et celles relatives à la mise en place des outils et maîtrise du foncier en vue de projets de transports (phases ultérieures Néobus, points noirs de circulation, parkings relais...)

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

Sur la rupture contrat de travail

1) Sur l'irrégularité de la procédure

L'article Lp 122-21 du code du travail dispose que le licenciement qui, à la fin d'un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle n'est pas soumis aux règles sur le licenciement économique mais à celle sur le licenciement pour motif personnel.

ll s'ensuit que l'employeur devait convoquer le salarié, avant toute décision, à un entretien préalable par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge et que cette lettre indique l'objet de la convocation.

Ainsi que rappelé à juste titre par le premier juge, la jurisprudence ne considère pas que l'absence de convocation à un entretien préalable rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais elle considère dès lors que le licenciement est irrégulier (Soc 16 septembre 2015). La jurisprudence visée par le requérant (Soc. 31 octobre 2006) n'est pas comparable au cas d'espèce s'agissant d'un salarié soumis à une convention collective prévoyant une procédure plus favorable dont le non-respect rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La procédure de licenciement applicable à M. [S] était celle de droit commun et dans ces conditions, l'absence de convocation à l'entretien préalable, laquelle n'est pas contestée, implique l'irrégularité du licenciement.

2) Sur le bien-fondé du licenciement

Sur l'absence d'une lettre de licenciement motivée

L'article Lp 122-5 du code du travail dispose que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

La notification du licenciement par lettre recommandée n'étant qu'un moyen de prévenir toute contestation sur la date de la rupture, la jurisprudence a cependant admis que le licenciement puisse être notifié par la remise d'une lettre en mains propres contre décharge. (Soc. 15 décembre 1999, N°97-44.431 ; Cass. Soc. 16/ 06/2009 n° 08-40. 722).

M. [S] ne conteste pas avoir reçu le 10 septembre 2020 la lettre lui notifiant la rupture de son contrat de chantier au 31 janvier 2021. Aucune disposition ne régit la forme de la lettre de licenciement, la jurisprudence exigeant seulement qu'elle soit motivée ce qui est le cas en l'espèce puisqu'elle rappelle que le contrat de travail a été maintenu jusqu'au 31 janvier 2021 pour parfaire la stabilisation du réseau TANEO et que l'exploitation du réseau étant fonctionnelle, il lui est confirmé que son contrat prendra fin le 31 janvier 2021.

La décision du premier juge sera en conséquence confirmée en ce qu'elle considère que ce grief n'est pas de nature à priver le licenciement d'une cause réelle et sérieuse.

Sur la réalité du motif de fin de contrat

Il résulte de la lecture du contrat qu'à la fin du chantier si le remploi sur un autre chantier était impossible, il serait procédé à sa résiliation. La jurisprudence considère que seul l'achèvement du chantier peut constituer la cause de licenciement, la notion de chantier s'entendant de l'achèvement de la phase des travaux pour laquelle le salarié a été recruté, peu importe que la durée estimée de ce chantier ait été mentionnée dans le contrat et que cette durée ait été dépassée (Soc., 15 nov. 2006).

Celle-ci devant être réelle, une simple réduction de l'activité d'un chantier qui subsiste n'étant pas une fin de chantier lorsqu'elle entraîne seulement une diminution même importante des travaux auxquels était affecté le salarié (Cass. Soc. 4 octobre 1989, 12 février 2002 et 16 novembre 2005).

Tout licenciement prononcé avant l'achèvement du chantier dans son intégralité est nécessairement sans cause réelle et sérieuse, la jurisprudence considérant que la fin de chantier doit correspondre à la fin du délai de préavis, soit en l'espèce le 31 janvier 2021.

C'est au requérant qu'incombe la preuve d'établir que les missions qui lui avaient été dévolues contractuellement n'étaient pas terminées au 31 janvier 2021.

A cet égard, l'appelant fait valoir que ses missions n'étaient pas terminées puisque d'une part l'avenant concernant l'exploitation des services du transport scolaire du secondaire sur le territoire du grand Nouméa pour la période 2020-2023 n'a été signé que le 16 mars 2021 et que d'autre part celui concernant la délégation de service public pour l'exploitation du réseau TANEO du grand Nouméa (lot N°2 lignes urbaines du grand NOUMEA) a été signé le 21 décembre 2021, en toute hypothèse au-delà du terme de son contrat.

Or il n'entrait pas dans les missions de M. [S] de signer les avenants, mais de piloter les négociations et les réunions afin d'élaborer les avenants, ces derniers ne pouvant être signés que par le représentant du SMTU autorisé par le comité Syndical, soit le président du SMTU.

Contrairement à ce qu'il indique, M. [S] ne saurait soutenir que la délégation du lot N°2 aurait dû lui être confiée puisque cela concernait le chantier TANEO et que l'employeur avait l'obligation de maintenir son emploi à la fin du chantier sauf si le réemploi était impossible': en effet, il résulte de l'examen de la délégation du lot N°1 confiée à M. [S] (CARSUD) et de la délégation du lot N°2 confiée à un organisme extérieur (la société NEOCONSEIL) qu'elles avaient été prises à la même date soit le 26 août 2020 avec effet au 1er septembre sans date de fin de délégation. Il en résulte qu'au moment de leur signature, le SMTU ignorait à quelles dates seraient finalisées les négociations.

La lettre de commande produite par le requérant (pièce N°24) concernant la prestation de pilotage et de suivi des discussions d'ajustement d'exploitation de la délégation de service public TANEO lot n°2 n'est pas signée, ni datée et n'a donc aucune valeur probante pour établir que cette délégation devait se terminer en avril 2021.

Par ailleurs, il ne saurait être reproché a l'employeur d'avoir désigné pour le lot N°2 un organisme extérieur, M.[S] ne rapportant pas le preuve qu'il aurait pu gérer ces deux délégations concomitamment, et ce, alors que son contrat ne prévoyait pas qu'il avait une exclusivité pour ce genre de mission.

Enfin, il ne rapporte pas la preuve que le pilotage de l'offre rentrée de février 2021 pour le lot N°2 n'était pas terminée et qu'elle aurait pu lui être confiée alors que la page Facebook (pièce N°39) qu'il produit à l'appui de ce moyen démontre au contraire que les horaires ont été modifiées et de nouveaux circuits organisés à la date du 29 janvier 2021 et alors que son contrat a pris fin le 31 janvier 2021.

Là encore, le requérant ne rapporte nullement la preuve que les missions pour lesquelles il avait été embauché, n'étaient pas terminées.

L'attestation produite par Mme [B], responsable sécurité en date du 09 juin 2020, donc antérieure à la fin de contrat du requérant et de son licenciement n'indique pas que ces missions n'étaient pas terminées en janvier 2021 mais précise simplement qu'il est prévu que des négociations vont s'ouvrir et réduire le budget annuel de la délégation de service public se bornant à ajouter que les négociations qu'elle pilotera avec M. [S] se dérouleront sur les années 2020 et 2021. Or, le requérant ne verse aucun élément objectif établissant que ces négociations ont eu lieu et qu'elles se sont terminées après la fin de son contrat.

Il convient de relever en outre que suite à la remise de la lettre du 10 septembre 2020 lui notifiant la fin de chantier le 31 janvier 2021, le requérant ne s'est pas manifesté auprès de l'employeur pour contester cette date, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire s'il avait estimé alors que ses missions n'étaient pas terminées.

A l'instar du premier juge, il sera retenu que le licenciement du requérant est pourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation

Sur la détermination du salaire de référence

L'article 3 du contrat intitulé «'Rémunération et avantages en nature'» dispose que M. [S] perçoit une rémunération forfaitaire brute mensuelle d'un million de francs pacifiques fixée pour toute la durée du contrat étant observé qu'il était entendu qu'aucune prime, ni indemnité ne serait versée par le SMTU, s'agissant d'accessoires inclus dans le calcul de la rémunération.

Sur ce point, M. [S] a bénéficié de la prise en charge de ses frais de déplacement pour lui et sa famille en avion, de ses frais de déménagement et de ses frais de mutuelle ainsi que de la mise à disposition d'un véhicule de fonction et d'un téléphone avec forfait 3G.

Les frais de déménagement et le coût des billets d'avion étant payés sur facture, ils ne sauraient entrer en compte dans le salaire moyen de référence tout comme les frais de mutuelle qui ne sont pas reliés directement à ses fonctions.

Le calcul retenu sera donc le suivant': 1'000'000 XPF + 48'000 XPF au titre de l'avantage véhicule de fonction + 3'900 XPF au titre du forfait téléphonique + 5'000 XPF au titre de la carte essence soit un salaire de référence de 1'056'900 XPF

Sur le préavis applicable et les congés payés sur préavis

Le code du travail prévoit que les dispositions sur la rupture du contrat de travail du contrat à durée indéterminée de droit commun s'appliquent au contrat de chantier à durée indéterminée. Selon la jurisprudence, la fin de chantier doit correspondre à la fin du délai de préavis.

Compte tenu de ses fonctions de cadre, il n'est pas contesté que le requérant pouvait prétendre à un préavis de 3 mois, conformément aux dispositions de l'avenant de I'AIT concernant les ingénieurs, cadres et assimilés (article 7).

La notification de la lettre de licenciement au salarié étant remise en mains propres au salarié le 10 septembre 2020 pour une fin de contrat au 31 janvier 2021, M. [S] a bénéficié d'un préavis de plus de 3 mois, aucune disposition légale n'interdisant à l'employeur d'octroyer au salarié, un préavis plus long que celui prévu par la loi. Il résulte d'ailleurs de son bulletin de salaire de janvier 2021 que ses congés payés sur préavis lui ont été payés de sorte qu'aucune somme ne lui est due à ce titre.

Sur l'indemnité légale de licenciement

L'article 88 "indemnité de licenciement" de l'AIT prévoit que lorsque le travailleur compte deux ans d'ancienneté continue au service du même employeur, il a droit, sauf en cas de faute grave ou en cas de force majeure ou en cas de départ à la retraite à une indemnité minimum de licenciement calculée sur la base :

- de 1/10e de mois par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans d'ancienneté,

- de 1/10e de mois par année d'ancienneté plus 1/15ème de mois par année d'ancienneté sur la période au-delà de 10 ans d'ancienneté,

Le salaire servant de base au calcul de l'indemnité est le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, le tiers des trois derniers mois, étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne serait prise en compte que prorata temporis.

Cette indemnité de licenciement ne se cumule pas avec toute autre indemnité de même nature, et ne supporte pas de cotisations sociales.

M. [S] qui cumule trois années d'ancienneté peut prétendre à l'indemnité de licenciement, les dispositions du droit commun s'appliquent au contrat de chantier': il lui sera octroyé en conséquence la somme de 317'070 XPF (3 /10e X 1'056'900 XPF).

Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article Lp 122-35 CTNC dispose': "Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Si ce licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, est due sans préjudice, /e cas échéant, de l'indemnité prévue à l'article Lp. 122-27.

Toutefois, lorsque l'ancienneté du salarié est inférieure à deux ans et que le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, l'indemnité octroyée par le juge est fonction du préjudice subi et peut, de ce fait, être inférieure aux salaires des six derniers mois."

Le licenciement de M. [S] pour être irrégulier n'en est pas moins pourvu d'une cause réelle et sérieuse': il lui sera accordé un mois de salaire soit 1'056. 900 XPF.

Sur les circonstances vexatoires et brutales du licenciement

ll est de jurisprudence constante qu'un licenciement même justifié par une cause réelle et sérieuse ne doit pas être vexatoire et qu'à défaut l'employeur peut être condamné a payer au salarié des dommages et intérêts.

Au cas d'espèce, M. [S] échoue à démontrer que l'employeur serait responsable de la diffusion d'éléments confidentiels sur son contrat de travail non plus que son licenciement serait entouré de circonstances vexatoires ou que le comportement de l'employeur a été fautif alors qu'il a bénéficié d'un délai de préavis plus long que le délai légal.

La décision du premier juge sera confirmée sur ce point.

Sur l'exécution provisoire

Il sera rappelé que l'exécution provisoire est de plein droit en cause d'appel.

Sur la régularisation CAFAT-CRE AGIRC

L'indemnité de licenciement n'est pas soumise aux cotisations sociales de sorte qu'il sera débouté de cette demande.

Sur l'article 700 du Code de procédure Civile,

ll serait inéquitable de laisser à la charge du défendeur les frais irrépétibles qu'il a engagés.

Sur les dépens

Le requérant succombant en partie sur ses demandes, il convient de dire que les dépens seront partagés entre les parties.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant contradictoirement, publiquement et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris

DIT n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles et que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

Le greffier, Le président.