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Décisions

CA Rouen, ch. soc., 11 avril 2024, n° 22/02025

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 22/02025

11 avril 2024

N° RG 22/02025 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JDLQ

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 11 AVRIL 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 20 Mai 2022

APPELANTE :

Madame [H] [GM]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe ROGER, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

S.A. [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Etienne LEJEUNE de la SCP SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Février 2024 sans opposition des parties devant Madame ROYAL, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame ROYAL, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

en présence de Mme [BM] [V], Greffière stagiaire

DEBATS :

A l'audience publique du 06 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 avril 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [F] [GM] a été engagée par la SA [5] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, à compter du 20 juin 2007, en qualité d'hôtesse d'accueil polyvalente, à temps partiel (130 heures par mois).

Par avenant du 30 octobre 2017, elle a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée dans les mêmes conditions, son jour de repos hebdomadaire étant fixé au mercredi.

Le 13 janvier 2018, Mme [GM] a été victime d'un malaise sur son lieu de travail.

Elle a fait l'objet d'arrêts maladies renouvelés à compter du 15 janvier 2018.

Le 7 décembre 2020, le médecin du travail a constaté l'inaptitude à son emploi en ces termes :

« inapte à tout poste de travail dans l'entreprise. Apte à un poste administratif dans un autre secteur ».

L'employeur lui a notifié le 29 décembre 2020 l'impossibilité de la reclasser et l'a convoquée à un entretien de licenciement.

Par courrier, envoyé le 18 janvier 2021, mais daté par erreur du 5 janvier 2020, la société [5] a notifié à Mme [GM] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête déposée le 16 novembre 2021, Mme [F] [GM] a saisi le conseil de prud'hommes du Havre.

Par jugement du 20 mai 2022, le conseil de prud'hommes a :

- jugé bien fondé le licenciement pour inaptitude de Mme [F] [GM],

en conséquence,

- débouté celle-ci de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société [5] de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Mme [F] [GM] a interjeté appel de cette décision le 16 juin 2022.

Par conclusions remises le 28 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [F] [GM] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société [5] à lui verser les sommes suivantes :

5 307,78 euros d'indemnité spéciale de licenciement,

3 048,40 euros d'indemnité de délai congé, outre 304,84 euros de congés payés y afférents,

16 766,20 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société [5] aux dépens,

- débouter la société [5] de ses demandes.

Par conclusions remises le 20 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société [5] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- débouter Mme [F] [GM] de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à lui payer 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 1 500 euros en cause d'appel et aux dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 1er février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude

Mme [GM] demande à la cour de reconnaître l'origine professionnelle de son inaptitude.

Elle soutient que son malaise du 13 janvier 2018 était lié à la dégradation de ses conditions de travail, que son arrêt de travail a débuté immédiatement après cet accident du travail et s'est poursuivi de manière ininterrompue jusqu'à l'avis d'inaptitude, qui fait référence au contexte professionnel.

Elle en conclut que l'accident du travail est à l'origine de son inaptitude.

Elle ajoute que l'employeur avait parfaitement connaissance de son mal être au travail et de la cause de l'accident du travail.

La société [5] conteste l'origine professionnelle de l'inaptitude.

Elle fait valoir qu'avant son malaise, Mme [GM] n'avait jamais évoqué la moindre difficulté, ni même pendant son arrêt de travail, que les arrêts de travail produits étaient des arrêts pour maladie et non pour accident du travail ou maladie professionnelle et qu'il n'est pas démontré que ce malaise serait en lien avec son activité professionnelle, ni qu'il existerait un lien entre le malaise et son inaptitude, d'origine non professionnelle selon le médecin du travail.

En outre, l'employeur n'ayant pas connaissance du dossier médical de Mme [GM] ni des motifs de ses arrêts maladie, ne pouvait connaître l'éventuelle origine professionnelle de son inaptitude.

En vertu des dispositions de l'article L411-1 du Code de la Sécurité Sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. »

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, l'application des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail n'étant pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance-maladie du lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude. Il appartient au juge de vérifier si l'inaptitude avait au moins partiellement une origine professionnelle.

Par ailleurs, si le juge ne peut substituer son appréciation à celle du médecin du travail quant à l'aptitude du salarié, il lui appartient au contraire d'apprécier si l'inaptitude a un caractère professionnel.

Le 13 janvier 2018, Mme [GM] a été victime d'un malaise sur son lieu de travail.

Il ressort des éléments du dossier et notamment du témoignage de son collègue M. [RH] [C] (attestation du 4 mars 2021) que le jour des faits Mme [GM] lui a dit qu'elle n'allait pas très bien, qu'elle ressentait une angoisse monter en elle, une sensation d'oppression dans la poitrine. Craignant un malaise cardiaque, il a appelé les secours. Après l'intervention du SAMU, Mme [GM] a été raccompagnée à son domicile par son mari.

La fiche d'intervention du SAMU mentionne un ensemble de manifestations fonctionnelles associant des douleurs thoraciques dans un contexte professionnel.

Il y a donc lieu de considérer que ce malaise soudain, survenu sur le lieu de travail, en lien avec le contexte de travail, constitue un accident du travail, même si aucune déclaration du travail n'a été établie par l'employeur ou la salariée.

A la suite de ce malaise, Mme [GM] n'a pas repris le travail, faisant l'objet d'arrêts de travail ininterrompus du lundi 15 janvier 2018 au 7 décembre 2020, date de l'avis d'inaptitude.

Même si les arrêts de travail ont été établis par le médecin pour maladie et non pour accident du travail, le lien de causalité entre le malaise du 13 janvier 2018 et les arrêts de travail est établi non seulement par la concomitance du malaise et de l'arrêt de travail mais également par les éléments médicaux produits par Mme [GM] : le dossier médical du médecin du travail et le certificat médical de son médecin généraliste du 4 octobre 2021.

Il s'évince de ces éléments médicaux que, suite à son malaise provoqué par des bouffées d'angoisse liées à son travail Mme [GM] a bénéficié d'un traitement médicamenteux, puis d'un suivi psychologique et psychiatrique pour dépression, burn out.

Le médecin du travail n'a pas rendu un avis d'inaptitude pour accident du travail ou maladie professionnelle, mais les termes de cet avis (« inapte à tout poste de travail dans l'entreprise. Apte à un poste administratif dans un autre secteur ».) établissent un lien entre l'inaptitude et l'environnement de travail au sein de la société [5].

Ainsi, il est suffisamment établi que l'inaptitude de Mme [GM] a au moins partiellement pour origine l'accident du travail du 13 janvier 2018.

L'employeur a relevé, à juste titre, qu'aucun élément ne démontrait que Mme [GM], avant le malaise du 13 janvier 2018, s'était plainte d'un mal être au travail ou d'une surcharge de travail, qu'il n'avait été destinataire que d'arrêts de travail pour maladie simple et qu'il n'avait pas eu connaissance, avant la présente instance, des éléments médicaux produits.

Néanmoins, dans les échanges de mails entre Mme [GM] et la société [5] au cours de son arrêt de travail, la salariée exprime, sans pour autant formuler de reproches à M. [K], son angoisse de revenir sur son lieu de travail, de le rencontrer et le suivi psychologique qu'elle effectue pour pouvoir venir à l'établissement sans stress.

En outre la société [5] avait connaissance de l'avis d'inaptitude dont les termes renvoient au contexte professionnel et l'employeur avait nécessairement connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude au moment du licenciement, comme ayant eu connaissance du malaise de Mme [GM] qui a nécessité l'intervention des secours sur son lieu de travail, et du caractère ininterrompu des arrêts jusqu'à l'avis d'inaptitude.

Par arrêt infirmatif, la cour retient que l'inaptitude de Mme [GM] a, au moins partiellement, une origine professionnelle.

II - Sur les demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de licenciement

L'article L1226-14 du Code du Travail dispose que « la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9... »

En vertu des dispositions de l'article L.1234-1 du Code du Travail, un salarié ayant de plus de 2 ans d'ancienneté a droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire.

Le salaire mensuel moyen de Mme [GM], de janvier à décembre 2017, s'élevait à 1 524,20 euros brut.

Par arrêt infirmatif, l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [GM] est de 3 048,40 euros brut.

L'indemnité équivalente au préavis, qui a un caractère indemnitaire, n'ouvre pas droit à l'indemnité compensatrice sur congés payés et le paiement de cette indemnité par l'employeur n'a pas pour effet de reculer la date de cessation du contrat de travail, qui est celle de la notification du licenciement.

En vertu des dispositions de l'article R.1234-2 du Code du Travail « l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans. »

Mme [GM] avait 13 ans et 6 mois d'ancienneté.

Son salaire moyen, d'octobre à décembre 2017, plus favorable que le salaire moyen des 12 derniers mois, s'élève à 1 681,84 euros brut.

Le montant de l'indemnité de licenciement doublé est de 12 333,50 euros.

Mme [GM] a perçu 5307,78 euros net d'indemnité de licenciement.

Par arrêt infirmatif et statuant dans les limites de la demande, la cour accorde à Mme [GM] la somme de 5 307,78 euros de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement.

III - Sur le bien fondé du licenciement

Mme [GM] demande à la cour de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que son inaptitude a pour origine le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Elle se plaint de la dégradation de ses conditions de travail du fait du comportement du directeur de l'établissement, M. [M] [K], en poste depuis 2010, qui la réprimandait régulièrement sur son travail, changeait les directives au dernier moment, faisait des remarques inappropriées sur son physique, l'obligeait à porter une tenue de travail inadaptée à son physique, refusait régulièrement ses demandes de congés payés sans motif valable, et adoptait à son égard un ton agressif.

Elle explique que la situation s'est dégradée au début du mois de janvier 2018. Le 8 janvier, le directeur lui avait imposé de travailler le vendredi soir jusqu'à 23h, ce qui lui posait des problèmes de garde d'enfants et le 12 janvier, il lui avait mis la pression pour réaliser la matrice du planning annuel tout en l'affectant à l'accueil, où elle était constamment dérangée par les clients.

Son malaise du 13 janvier était consécutif à cette pression.

Elle ajoute que de nombreuses démissions et ruptures conventionnelles avaient été provoquées par le comportement de M. [K] et que l'employeur avait reconnu implicitement son manquement à l'obligation de sécurité quand il avait expliqué au médecin du travail, dans le cadre de l'étude de poste, qu'il n'y avait plus personne seule le week-end.

La société [5] conteste tout manquement à son obligation de sécurité.

Elle affirme que, jusqu'en 2017, il n'y avait eu aucune difficulté entre Mme [GM] et son employeur. Les appréciations sur son travail étaient bonnes et la société avait fait droit à ses demandes de prendre le poste de responsable du bar et de travailler tous les week-ends.

Dans le cadre de ses fonctions, elle gérait la conception et la commande des tenues de travail, établissait le planning des autres salariés sur la matrice qu'elle avait elle-même conçue et, contrairement aux consignes données, elle ne planifiait pas d'hôtesse en renfort avec elle le dimanche pour pouvoir disposer de personnel en semaine et ne pas venir travailler.

Les relations s'étaient tendues en 2017 car Mme [GM] avait des difficultés à concilier son travail et sa vie familiale. Elle demandait de plus en plus souvent à ne pas venir travailler le dimanche, le mardi ou le vendredi soir, arguant de problèmes de garde ou d'événements familiaux.

Par ailleurs, elle fractionnait ses congés de manière à poser seulement deux jours et à bénéficier de ce fait d'une semaine entière.

Alors que l'employeur avait fait preuve de mansuétude pendant plusieurs années, il avait souhaité mettre fin à ce fractionnement irrégulier des congés, ainsi qu'aux modifications répétées de planning, afin de pouvoir planifier l'organisation sur l'année.

La société [5] critique les attestations d'anciens salariés, produites par Mme [GM], comme étant imprécises et non pertinentes.

Il conteste l'accusation selon laquelle de très nombreux salariés auraient démissionné en raison du comportement du directeur.

Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

En cas de litige, il incombe à l'employeur de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de son obligation et s'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2, il peut s'en déduire une absence de manquement à son obligation.

Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse si l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité.

Au soutien de sa demande, Mme [GM] produit les attestations de plusieurs collègues de travail :

- M.[B] [U], qui a travaillé dans la société de 2010 à 2016 (attestation du 17 mars 2021).

Il déclare que Mme [GM] se faisait réprimander pour des broutilles, qu'elle avait la boule au ventre, que M. [K] lui avait imposé de travailler les vendredis soir, le samedi soir et le dimanche et qu'il la voyait décliner petit à petit et s'enfermer dans un mutisme.

Il qualifiait M. [K] d'homme égocentrique, charmeur, manipulateur, sujet à des sautes d'humeur et à des changements fréquents d'avis.

- Mme [CK] [AO], hôtesse d'accueil de novembre 2016 à février 2018 (attestation du 20 mars 2021).

Elle décrit M. [K] comme une personne lunatique, parfois sympathique, parfois désagréable. Au fil du temps, elle a remarqué que [H] se renfermait à cause des conditions de travail que leur supérieur lui imposait. Elle devait entrer toutes les matrices de planning pour l'année en étant à l'accueil. Le directeur lui avait également imposé de travailler le vendredi jusqu'à 23h et lui avait refusé une augmentation et une demande de congé pour l'anniversaire de ses enfants, qu'il avait pourtant acceptées initialement.

Elle confirme, dans sa seconde attestation du 31 janvier 2022, que la tenue de travail avait été remplacée par un tee shirt moulant et une veste cintrée, que les employés, minces ou gros, étaient obligés de porter.

Elle a remplacé Mme [GM] tous les dimanches suite à son arrêt de travail. Elle en veut à M. [K] de ne pas lui avoir donné de contrat à durée indéterminée à l'issue de son contrat à durée déterminée, malgré ses promesses.

- Mme [P] [Y], assistante juridique de janvier 2013 à fin 2014 (attestation du 5 octobre 2021).

Elle relate que Mme [GM] avait une énorme charge de travail, qu'elle devait faire les plannings à une heure de forte affluence tout en gérant l'accueil. M. [K] avait toujours quelque chose à redire sur son travail ; il critiquait très fréquemment [H] auprès des autres employés, disant par exemple qu'elle était trop grosse pour mettre le tee shirt de la société, qu'elle faisait trop « cas soc ».

Elle décrit M. [K] comme très autoritaire, manipulateur et méchant, n'hésitant pas à user de chantage pour parvenir à ses fins.

Après son départ de la société, elle a gardé le contact avec [H], a vu son état se dégrader du fait des problèmes de sommeil engendrés par son angoisse au travail.

Aux termes de sa seconde attestation du 4 février 2022, elle précise, qu'à partir de sa grossesse, M. [K] était devenu très désagréable, qu'il avait refusé toutes ses demandes de congés et qu'il l'avait licenciée économiquement à la fin de son congé maternité.

- M.[RH] [C], maître-nageur sauveteur et chef de bassin de 2004 à 2019 (attestation du 4 mars 2021).

Il déclare que depuis un moment Mme [GM] venait au travail la boule au ventre en raison de la pression exercée par le directeur, jusqu'à faire une dépression et le malaise du 13 janvier 2018.

Aux termes de sa seconde attestation du 1er février 2022, il affirme que les délégués du personnel avaient été avertis de cette situation.

Si les ex collègues de Mme [GM] décrivent de manière concordante le caractère de M. [K], il convient de relever que leurs attestations ne décrivent pas de faits précis (à l'exception de celle de Mme [Y]) ni datés sur les propos déplacés, agressifs ni sur les critiques portées par M. [K] à l'égard de Mme [GM].

Par ailleurs, certains de ses collègues n'étaient plus présents dans la société depuis plusieurs années au moment où, selon Mme [GM], la situation s'est dégradée.

Ainsi, Mme [Y] n'a pu être témoin directe de la difficulté de Mme [GM] à établir les plannings à une heure de forte affluence tout en gérant l'accueil puisqu'au moment de ces faits, elle avait quitté la société depuis plus de 3 ans.

M. [U] n'a pas pu non plus constater que M. [K] lui avait imposé de travailler le vendredi soir car il n'était plus dans la société en novembre 2017 au moment où cette difficulté est apparue.

De son côté, la société [5] produit des attestations de salariés toujours en poste, au moment où ils ont attesté :

M. [L] [I], éducateur sportif natation depuis 2007(attestation du 12 avril 2021)

Mme [EL] [G], hôtesse polyvalente depuis 2005 (attestation du 12 avril 2021)

Mme [T] [A], assistante de direction depuis septembre 2004 (attestation du 12 avril 2021)

Mme [OL] [O], hôtesse d'accueil depuis 2005 (attestation du 9 avril 2021)

M.[M] [J], chargé de marketing en alternance depuis 2020 (attestation du 13 avril 2021)

Mme [D] [O], chef de réception depuis 2008 (attestation du 15 avril 2021)

M. [N] [E], maître- nageur depuis 2009 (attestation du 14 avril 2021)

M. [TI] [W], maître- nageur depuis 2014 (attestation du 12 avril 2021)

Mme [R] [S], hôtesse depuis 2012 (attestation du 12 avril 2021).

Ces salariés ont décrit M. [K] comme un directeur disponible, à l'écoute de ses salariés, de leurs propositions et de leurs difficultés, soucieux de les faire évoluer et de faire évoluer la société. Ils ont exprimé leur satisfaction d'aller travailler dans une ambiance, familiale et conviviale.

Certes, ces salariés se trouvent dans un lien de subordination avec M. [K] qui peut affecter la sincérité de leurs attestations. Toutefois on peut remarquer, au-delà du contenu de ces attestations, que ces salariés travaillent dans la société depuis de nombreuses années, ce qui infirme les déclarations de Mme [GM], selon lesquelles le comportement de M. [K] aurait engendré des démissions et un turn over important.

Le registre du personnel confirme l'absence de turn over dans la société [5].

Concernant la tenue de travail, il ressort des échanges de mails entre Mme [GM] et M. [KJ] de la société [KJ] Flockage entre le 28 décembre 2012 et mars 2013 que Mme [GM], en qualité de responsable d'accueil, a demandé les devis, précisé le modèle, le nombre, les tailles et l'emplacement des sigles. Elle était donc en mesure de commander la taille adaptée à sa morphologie.

Il ressort des éléments du dossier que, pendant de nombreuses années, la relation contractuelle s'est poursuivie sans difficulté notable.

Par courrier du 2 janvier 2013, Mme [GM] a demandé à travailler tous les week-ends, ce qui a été accepté par l'employeur.

Les comptes-rendus d'entretiens annuels d'évaluation font état des bonnes appréciations de l'employeur à l'égard de son travail.

Mme [GM] n'a pas signalé, au cours de ces entretiens, de difficultés particulières dans son travail. Elle ne s'est pas plainte d'une surcharge de travail ou de problèmes dans l'organisation de son travail.

Par ailleurs, aucun élément ne confirme que les délégués du personnel auraient été alertés d'une situation de burn out ou d'autres difficultés.

En mai 2017, Mme [GM] a pris le poste de responsable du bar restaurant.

Les relations se sont dégradées entre Mme [GM] et M. [K] en fin d'année 2017.

Mme [GM] reproche à M. [K] de lui avoir mis la pression le 12 janvier 2018 pour qu'elle établisse le planning sur une nouvelle matrice, alors qu'il l'avait affectée à l'accueil où elle était constamment dérangée par les clients.

Selon la fiche de poste, produite par l'employeur, le poste de responsable du bar restaurant implique notamment l'élaboration des plannings du personnel.

A la lecture des mails produits par la société [5], il appert que M. [K] avait demandé à Mme [GM] et à son collègue, M. [RH] [C], dès le 28 novembre 2017 de faire le planning de leurs équipes sur 2018, avec la présentation utilisée par Mme [GM] et le fichier Excel de Mme [T] [A].

M. [K] avait réitéré sa demande le 8 janvier en précisant que cela était urgent et en leur laissant un délai de 2 jours.

Cette tâche, relevant de ses fonctions, avait donc été confiée à Mme [GM] depuis plusieurs semaines et en sa qualité de responsable, il lui appartenait de s'organiser pour réaliser cette tâche un jour où elle n'était pas affectée à l'accueil.

Les échanges de mails démontrent également que les tensions entre M. [K] et Mme [GM] se sont cristallisées à la fin de l'année 2017 sur le planning et les demandes de congés de cette dernière.

Par mail du 25 octobre 2017, Mme [T] [A], assistante de direction, informait Mme [GM] que la réunion de « CODIR » aurait lieu désormais le mardi de 13h à 15h. Mme [GM] répondait que les « CODIR » étaient depuis longtemps le lundi et que le mardi, elle ne pouvait pas car elle faisait des activités avec ses enfants.

M. [K] lui répondait que les changements ne venaient pas de lui, qu'il essayait de se réorganiser au mieux et qu'il était inconcevable qu'un responsable réponde qu'il ne viendrait pas travailler par ce que cela ne l'arrangeait pas. Il lui indiquait qu'elle n'avait donc pas le choix.

En novembre M. [K] a refusé à Mme [GM] un congé, lui disant qu'elle devrait travailler le vendredi soir. Il lui écrivait par mail le 20 novembre 2017 :

« [H],

Je ne suis pas d'accord pour que [D] te remplace ce dimanche. Toute notre organisation repose dorénavant sur le temps que nous gagnons sur [T] et [D]. Tu nous demandes trop de disponibilité sur les WE END et les Vendredis soir. Il faut t'organiser autrement. Je te demande donc de bien vouloir revoir ton organisation pour ne pas t'absenter les WE en dehors des 5 semaines de CP et de trouver une solution pour rester les Vendredis soir.

Propose moi stp des solutions à commencer par ce dimanche. »

Mme [GM] a répondu qu'elle avait besoin du dimanche en raison des fêtes de famille, que le vendredi soir lui posait problème pour la garde de ses enfants et que c'était convenu qu'elle ne travaille pas le vendredi.

M. [K] a rétorqué que ses contraintes personnelles revenaient trop souvent et que les modifications fréquentes de l'organisation du soir et du week-end leur compliquait la tâche. Prenant acte toutefois du fait qu'elle ne pouvait pas se libérer le vendredi à 20h30, il lui proposait de mettre en place une nouvelle organisation, lui demandant un planning annuel prévisionnel de ses dates de congés payés et une solution pour le vendredi soir.

Dans un mail adressé à Mme [GM] le 13 mars 2018, alors qu'elle était en arrêt maladie, M. [K] lui a demandé de lui donner ses souhaits de vacances pour l'année en précisant que l'organisation ne permettait plus de s'adapter ponctuellement aux demandes de congés payés et qu'ils devaient planifier à l'année.

Le 19 mars 2018, M. [Z] [X], directeur général, a signalé par mail à M. [K], que Mme [GM] posait souvent 2 jours de congés, ce qui lui permettait en réalité d'avoir à chaque fois une semaine complète car elle ne travaillait pas les autres jours.

Suite à ce mail, M. [K] a demandé à Mme [GM], le 30 mars 2018, de regrouper ses congés, indiquant avoir fait passer une note pour que les règles du fractionnement soient respectées avec un congé principal d'au moins 12 jours et les autres de 6 jours de suite.

Enfin, le 25 mai 2018, il lui a demandé de regarder les nouveaux plannings, qui prévoyaient qu'elle ne travaillerait pas le vendredi soir.

Il ressort de ces échanges de mails qu'à l'exception d'un mail, dans lequel M. [K] exprime de l'agacement tout en restant correct, le ton général de ses propos est tout à fait respectueux et cordial.

Le fait de dire à Mme [GM] de travailler le vendredi soir, de lui refuser un jour de congé le dimanche et de lui demander de regrouper ses congés conformément aux règles du fractionnement des congés payés, s'inscrit dans le pouvoir de direction de l'employeur. Ses décisions sont motivées par des contraintes d'organisation, qui ne permettent pas nécessairement d'adapter le planning en fonction des contraintes personnelles des salariés.

En outre, M. [K] s'est montré compréhensif sur le travail du vendredi soir car il est revenu rapidement sur sa décision, compte tenu des problèmes de garde d'enfant de Mme [GM].

Enfin, suite à l'arrêt maladie de Mme [GM], M. [K] lui a proposé à plusieurs reprises de la rencontrer pour discuter.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il appert que, si le malaise de Mme [GM] et son angoisse vis-à-vis de son travail, décrit par les médecins et les témoins, sont réels, les difficultés rencontrées avec M. [K] depuis fin 2017 ne sont pas imputables à des propos déplacés ou à un comportement fautif de M. [K], mais aux difficultés de Mme [GM] à concilier les contraintes de son travail avec la prise en charge de ses enfants.

Les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ne sont pas établis et l'exercice non abusif du pouvoir de direction de l'employeur ne peut être qualifié de fautif.

L'inaptitude de Mme [GM] n'ayant pas pour origine les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, le jugement déféré est confirmé et Mme [GM] déboutée de ses demandes.

IV - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant partiellement, la société [5] supportera les entiers dépens de la présente instance, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il convient également de condamner la société [5] à payer à Mme [GM] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [H] [GM] de ses demandes tendant à dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de licenciement pour cause réelle et sérieuse et a débouté la SA [5] de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,

Infirme les autres dispositions du jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l'inaptitude de Mme [GM] est d'origine professionnelle,

Condamne la SA [5] à lui verser les sommes suivantes :

3 048,40 euros brut d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,

5 307,78 euros de solde d'indemnité spéciale de licenciement,

Déboute Mme [GM] de sa demande de congés payés afférents à l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,

Condamne la société [5] aux entiers dépens de l'instance,

Condamne la SA [5] à verser à Mme [GM] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute la SA [5] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

La greffière La présidente