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Décisions

CA Rouen, ch. soc., 11 avril 2024, n° 22/01693

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 22/01693

11 avril 2024

N° RG 22/01693 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCVD

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 11 AVRIL 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 26 Avril 2022

APPELANT :

Monsieur [R] [E]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Murielle DAMOIS-BLONDEL, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Association CROIX ROUGE FRANCAISE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Julien DETTORI, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Audrey MARGRAFF, avocat au barreau d'AMIENS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Février 2024 sans opposition des parties devant Madame ROYAL, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame ROYAL, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

en présence de Mme Maréva HUBERT, Greffière stagiaire

DEBATS :

A l'audience publique du 06 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 avril 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [R] [E] a été engagé par l'association Croix Rouge Française dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, à compter du 5 septembre 2016, en qualité de médecin chef spécialiste en néphrologie, à temps complet à l'hôpital HAD (hospitalisation à domicile) de [5].

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective du personnel salarié de la Croix Rouge Française.

Par courrier recommandé du 10 janvier 2018, M [R] [E] a démissionné en ces termes :

« Madame la Directrice,

Par la présente, je vous informe de ma volonté de démissionner de mes fonctions de Médecin-chef de service au sein de l'hôpital de [5].

Cette décision s'inscrit dans le cadre de la dégradation progressive de mes conditions de travail depuis mon embauche, dégradation qui a atteint son point culminant le 15 mai 2017 à réception d'un courrier de votre part qui m'a anéanti.

Je ne reviendrai pas sur le détail de ce courrier et des agissements dont j'ai été victime puisque vous les connaissez parfaitement mais vous n'avez eu de cesse de nier en bloc toute responsabilité concernant ma situation actuelle.

Je ne peux que vous faire part de ma déception face à votre comportement.

Je vous rappelle que j'ai quitté mon poste de praticien hospitalier à l'hôpital de [Localité 7] en demandant une disponibilité de 3 ans pour venir travailler avec vous. J'ai déménagé et scolarisé mes enfants dans la région rouennaise.

Vous m'aviez fait une proposition très intéressante en terme d'épanouissement professionnel et sur le plan financier.

Lorsque j'ai pris mes nouvelles fonctions, je me suis rapidement aperçu que la situation était toute autre. La CROIX ROUGE de [5] était en réalité menacée de fermeture par l'ARS et je n'ai pas ménagé ma peine pour que cela ne soit pas le cas.

Il est clair que vous m'avez trompé et utilisé sans aucun scrupule car vous aviez besoin d'un médecin et que votre personnalité avait déjà fait fuir un grand nombre de mes confrères.

Je suis actuellement en arrêt maladie à cause de vous. Malgré le courrier de mon avocat, vous n'avez à aucun moment voulu reconnaître vos torts dans la gestion du service de dialyse.

Vous avez même prétendu que je faisais preuve de discrimination à l'égard du personnel sous mes ordres et notamment à l'égard du personnel féminin.

De tels propos sont absolument honteux et inadmissibles. Je n'ai jamais eu de comportement déplacé ou diffamatoire à l'égard des salariées de sexe féminin, et vous le savez.

Vos propos ne visent qu'à me dissuader de poursuivre toute action à votre encontre pour harcèlement moral.

De la même façon, je n'ai pas pris de décision discriminatoire à l'égard du Docteur [M] en matière d'organisation des plannings. Bien au contraire, je vous ai fait part de mon désaccord sur l'organisation que souhaitiez mettre en place afin de privilégier ce médecin et lui permettre de bénéficier d'une semaine de congé par mois, au détriment des autres membres de l'équipe !

Enfin, j'ai constaté à la lecture du dossier médical de la CPAM que vous prétendiez ne pas être informée de ce qui s'était passé le 15 mai 2017, alors que je vous ai écrit ainsi que mon avocat pour vous faire part de mon désarroi et de mon désaccord sur vos méthodes de travail.

Il est clair que je ne peux plus revenir travailler avec vous. Je ne veux pas être de nouveau victime de vos propos calomnieux, et de votre gestion inéquitable du personnel.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'ai décidé de démissionner de mes fonctions. »

Par requête déposée le 9 janvier 2019, M. [R] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen de demandes de rappels de salaire, de dommages et intérêts et de requalification de sa démission en prise d'acte ayant les effets d'un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 26 avril 2022, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que la démission de M. [R] [E] en date du 10 janvier 2018 était claire et non équivoque et qu'il n'y avait pas lieu de requalifier,

- débouté M. [R] [E] de la totalité de ses demandes,

- condamné M. [R] [E] à rembourser à la Croix Rouge Française une somme de 28 268,44 euros au titre d'un indu de salaire perçu pour la période du 15 mai 2017 au 12 avril 2018,

- condamné M. [R] [E] à payer à la Croix Rouge Française 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- fixé la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 9 075,46 euros,

- mis les dépens à la charge de M. [R] [E].

M. [R] [E] a interjeté appel de cette décision le 23 mai 2022.

Par conclusions remises le 22 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [R] [E] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, de :

- juger que sa lettre du 10 janvier 2018 constitue une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail justifiée, et non une démission, et qu'elle doit emporter les mêmes conséquences qu'un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'association Croix Rouge Française à lui verser les sommes suivantes :

50 964,48 euros net de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, a tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,

3 529,54 euros d'indemnité de licenciement,

10 000 euros net de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives au repos quotidien et à la durée maximale quotidienne du travail,

25 482,24 euros net de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat et inexécution fautive du contrat de travail,

25 482,24 euros net de dommages et intérêts pour préjudice moral,

37 884 euros brut de rappel d'heures supplémentaires, outre 3 788,40 euros brut de congés payés y afférents,

5 300 euros net de dommages et intérêts pour contreparties obligatoires en repos non prises,

50 964,48 euros net de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- condamner la Croix Rouge Française aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter l'association Croix Rouge Française de toutes ses demandes,

à titre subsidiaire, et avant dire droit :

- enjoindre à l'association Croix Rouge Française d'établir un décompte détaillé faisant apparaître la rémunération due et la rémunération perçue à son bénéfice pour la période du 15 mai 2017 au 12 avril 2018,

- enjoindre à l'association Croix Rouge Française de donner toute explication utile à la compréhension des bulletins de salaires établis par ses soins, mois par mois, de mai 2017 à mai 2018 et de lui laisser un temps suffisant pour prendre connaissance de ces éléments et y répondre.

Par conclusions remises le 13 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, l'association Croix Rouge Française demande à la cour de confirmer le jugement et, y ajoutant de :

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure d'appel,

à titre subsidiaire,

- réduire substantiellement les demandes indemnitaires formulées par M. [R] [E], compte tenu d'une ancienneté de moins de 2 ans,

en tout état de cause,

- ordonner la compensation entre les sommes éventuellement dues et le rappel de salaire du par M. [R] [E] à hauteur de 28 268,44 euros en répétition de l'indu de salaire sur la période du 15 mai 2017 au 12 avril 2018.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 11 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Doivent donner lieu à rémunération les heures supplémentaires accomplies à la demande ou pour le compte de l'employeur ou, à tout le moins, avec son accord implicite et celles pour lesquelles il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié.

Le service de néphrologie était composé à la période visée par :

- M. [E], médecin chef de service, à compter du 5 septembre 2016

- M. [B], ancien chef de service, réembauché le 12 octobre 2016, après son départ à la retraite,

- Mme [V], praticienne attachée associée, mise à la disposition par le centre hospitalier universitaire,

- M. [J], du 1er décembre 2016 au 28 février 2017, la direction ayant mis fin à sa période d'essai,

- M. [M] du 1er mars 2017 au 30 juin 2017.

Au soutien de sa demande de rappel de salaire, M. [E] fait valoir que le service était en sous- effectif car M. [B] n'effectuait en réalité aucune activité clinique et ne prenait en charge aucun patient.

Or, le dispositif de permanence et de continuité des soins, prévu par le code de la santé publique, impose la présence effective de 3 praticiens par jour dont 2 seniors, la présence obligatoire des médecins pendant les heures de fonctionnement du service d'hémodialyse (de 7h30 à 12h30 et de 13h30 à 18h30), une astreinte de sécurité de 18h à 8h en semaine, de 8 à 18h le dimanche et une demi-garde opérationnelle le samedi de 12 à 18h. Pour assurer ses activités cliniques ainsi que ses tâches médicales et administratives, il était contraint de travailler presque 60 heures par semaine, au moins 10 heures par jour, 5 jours dans la semaine.

Il sollicite un rappel de salaire à hauteur de 15 heures supplémentaires par semaine et produit le planning du 10 au 17 avril 2017.

L'ARS, sollicitée par l'appelant a indiqué qu'elle n'avait pas d'autre planning.

Les éléments présentés sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La Croix Rouge Française réplique que M. [E] ne communique aucun élément justifiant de la réalité des heures qu'il prétend avoir réalisées, qu'il ne détaille pas ses horaires, qu'il confond temps de travail effectif et astreinte et qu'il n'intègre pas dans son calcul ses périodes de congés, de repos et de formation.

La Croix Rouge Française fait valoir qu'en qualité de chef de service, la réalisation des plannings relevait des prérogatives de M. [E] et que la directrice n'était pas nécessairement destinataire des plannings modifiés et signés. Enfin, elle relève que M. [E] n'a jamais demandé le paiement d'heures supplémentaires.

Elle produit le planning général adressé par Mme [F] le 9 février 2017 qui prévoyait un cycle de travail sur 3 semaines, avec 6 jours de repos sur les 3 semaines. Selon ce planning M. [E] travaillait 40 heures de travail la première semaine, 36 heures la deuxième et 41 heures la 3ième, soit 117 heures par mois.

Toutefois ce planning, qui permettait d'octroyer à chaque médecin un jour de repos, a été contesté par M. [E] en ce que les horaires prévus ne permettaient pas de respecter le dispositif de continuité des soins. Il n'a donc pas été appliqué.

En outre, ce planning général ne correspond pas au planning réel établi, chaque semaine par M. [E] en fonction des congés et des formations des médecins.

Il ne saurait lui être reproché de ne pas produire ces plannings alors qu'ils étaient adressés à Mme [F], directrice de l'établissement et que la Croix Rouge Française a donc sciemment choisi de ne pas les communiquer dans le cadre de la présente instance.

Par ailleurs, le fait que M. [E] n'ait pas réclamé de rappel de salaire au cours de la relation contractuelle est sans incidence sur son droit à être payé de ses heures supplémentaires.

La Croix Rouge Française se contentant de critiquer le décompte d'heures avancé par M. [E], sans apporter d'éléments pertinents, il y a lieu de retenir que M. [E] a effectué 15 heures supplémentaires par semaine, soit 8 heures majorées à 25 % et 7 heures majorées à 50 %.

Compte tenu des périodes de congés et de repos de M. [E] (du 20 au 27 octobre 2016, du 19 au 23 décembre 2016 et du 17 au 21 avril 2017), le nombre de semaines travaillées s'élève à 15 en 2016 et 18 en 2017.

A la lecture de ses bulletins de salaire il apparaît qu'aucune heure supplémentaire ne lui a été payée.

Sur la base d'un salaire horaire de 55,75 euros brut et de 33 semaines travaillées au total, le montant du rappel de salaire s'élève à 37 714, 90 euros brut, outre 3 771,50 euros de congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera dès lors infirmé.

II - Sur la demande de dommages et intérêts pour contreparties obligatoires en repos non prises

L'article L. 3121-30 dispose que « des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au- delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale. .. »

L'article D. 3121-24 du code du travail précise qu' « à défaut d'accord prévu au I de l'article L. 3121-33, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à deux cent vingt heures par salarié... »

Comme cela a été exposé précédemment, la cour a la conviction que M. [E] a réalisé 225 heures supplémentaires en 2016, soit 5 heures au- delà du contingent annuel et 270 heures supplémentaires en 2017, soit 50 heures au- delà du contingent annuel.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré et d'accorder à M. [E] 3 066,25 euros de dommages et intérêts pour les contreparties obligatoires en repos non prises.

III - Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé

Il résulte de l'article L. 8221-5 du Code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [E] soutient que la Croix Rouge Française était parfaitement informée du fait qu'il réalisait des heures supplémentaires qui ne lui étaient pas payées et que ces heures supplémentaires étaient induites par les décisions de la direction, compte tenu du sous-effectif du service, de l'obligation de permanence des soins et des engagements vis-à-vis de l'ARS.

Il accuse la Croix Rouge Française d'avoir volontairement omis de mentionner sur ses bulletins de salaire les heures réellement effectuées.

La Croix Rouge Française rétorque que l'absence de rémunération d'une partie des heures supplémentaires ne caractérise pas l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Comme l'a relevé l'employeur, M. [E] établissait, en qualité de chef de service, les plannings pour les médecins du service de néphrologie. Toutefois il était contraint, dans l'établissement de ce planning, par le nombre de médecins présents chaque semaine ainsi que par la nécessité d'assurer la permanence et la continuité des soins. Les heures supplémentaires n'étaient pas expressément demandées par l'employeur mais induites par le manque d'effectif.

M. [E] a alerté à plusieurs reprises Mme [F] des difficultés à appliquer le planning général qu'elle lui avait adressé avec la mention « pour application à compter du 6 février 2017 ».

Par mail du 5 février 2017, M. [E] indiquait à Mme [F] que ce planning ne correspondait pas aux horaires des soins, impliquant la présence du médecin à 7h30, et non à 8h30, pour le branchement du premier patient, jusqu'à 18h30, et non 18h, au débranchement du dernier patient.

Il l'avertissait que cela allait générer au moins 6 heures de travail supplémentaires par semaine.

Mme [F] était destinataire des plannings établis par M. [E], qu'elle critiquait et modifiait parfois. Elle était donc parfaitement consciente des heures supplémentaires réalisées par M. [E] et ses collègues, M. [J] et Mme [V].

Ainsi, le caractère intentionnel du travail dissimulé est suffisamment établi.

Par arrêt infirmatif, sur la base d'un salaire mensuel moyen reconstitué de 14 364, 14 euros brut, comprenant le salaire, les primes et le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, la cour, statuant dans les limites de la demande, accorde à M. [E] une indemnité de 50 964,48 euros.

IV - Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives au repos quotidien et à la durée maximale quotidienne du travail

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, M. [E] fait valoir que l'employeur ne démontre pas avoir assuré le respect des seuils et des plafonds légaux en matière de repos quotidien, de repos hebdomadaire et de durée maximale de travail et qu'il a de ce fait nécessairement subi un préjudice.

La Croix Rouge Française relève que M. [E] ne donne pas le moindre exemple précis des jours où il n'aurait pas bénéficié de ses repos quotidiens ou hebdomadaires.

La cour ayant retenu que M. [E] accomplissait 15 heures supplémentaires par semaine, son temps de travail hebdomadaire de 50 heures dépassait la durée maximale hebdomadaire de travail de quarante-huit heures, prévue par l'article L.3121-20 du code du travail.

En revanche, les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que M. [E] aurait été privé de ses repos quotidiens et hebdomadaire.

Eu égard au manquement de l'employeur, le jugement déféré sera infirmé et une somme de 500 euros de dommages et intérêts sera accordée à M. [E].

V - Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [E] se plaint d'avoir été victime de harcèlement moral de la part de la Croix Rouge Française.

Il explique que ses conditions de travail se sont dégradées à compter du début de l'année 2017 pour plusieurs raisons :

- une surcharge de travail liée à l'insuffisance des médecins, M. [B] n'effectuant en réalité aucune activité clinique,

- l'ingérence de plus en plus prégnante de Mme [F], la directrice, dans l'organisation du service de néphrologie dialyse (embauche de M. [M] sans son avis, modification du planning médical, remise en cause de ses décisions),

- transfert de ses prérogatives au docteur [B].

- rappel à l'ordre du 10 mai 2017 l'accusant injustement de discrimination.

La Croix Rouge Française soutient que les difficultés relationnelles entre M. [E] et la direction ne constituent pas du harcèlement moral.

Elle estime que les relations entre M. [E] et Mme [F] se sont dégradées en raison du fait que M. [E] n'avait pas accepté la décision de la direction de mettre fin à la période d'essai de M. [J].

A compter de cet événement, M. [E] n'avait eu de cesse de se livrer à des actes de discrimination à l'égard de Mme [V], qu'il tenait responsable du départ de M. [J] et à l'égard de M. [M], ainsi qu'à des actes d'insubordination et à des comportements irrespectueux à l'égard de la directrice.

Selon la Croix Rouge Française, M. [E] n'a pas été privé de ses prérogatives de chef de service.

Il a été associé au recrutement de M. [M] ainsi qu'au dossier de renouvellement d'autorisation d'exercice de l'établissement.

Elle affirme également que M. [B] exerçait une activité clinique et participait aux gardes mais que c'est M. [E] qui refusait de l'intégrer aux plannings, malgré la demande de la directrice.

L'employeur reconnaît que Mme [F] est intervenue dans l'élaboration des plannings, mais seulement à la demande de M. [E], qui souhaitait avoir un planning général, et pour mettre fin aux conflits et à la discrimination de M. [E] à l'égard de Mme [V] et de M. [M].

Compte tenu de ces faits de discrimination et de l'aggravation des actes d'insubordination, un rappel à l'ordre lui avait été adressé le 10 mai 2017.

La Croix Rouge Française argue également de l'insuffisance des éléments apportés par M. [E], reposant sur ses seules affirmations, et de l'absence d'élément médical justifiant de la réalité de la dégradation de son état de santé.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses affirmations M. [E] produit notamment :

- son contrat de travail de médecin chef

- la fiche de poste de médecin chef de service à la Croix Rouge Française, qui lui attribue les fonctions suivantes : contribuer à mettre en 'uvre la politique de l'établissement, respecter les directives de la direction, encadrer l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux en lien avec le directeur d'établissement, conseiller, encadrer et coordonner l'équipe médicale, assurer avec le directeur, le recrutement de nouveaux praticiens, accompagner et encadrer les nouveaux, contribuer à la définition et à la mise en 'uvre du projet d'établissement, assurer et accompagner l'organisation de la continuité médicale des soins.

- le document établi le 5 janvier 2017 par M. [E] pour organiser la permanence et la continuité des soins dans le service d'hémodialyse, fixant le nombre de médecins nécessaires pour assurer les astreintes et les gardes,

- le planning général adressé par Mme [F], la directrice, avec la mention « à appliquer à compter du 6 février » :

Mme [F] allègue avoir adressé ce planning à la demande de M. [E], toutefois il s'évince du ton impératif de la mention que ce planning a été imposé par la direction, alors que l'établissement des plannings faisait partie des prérogatives du médecin chef.

Il convient de relever en outre, que, dans ce planning, M. [B] n'apparaissait pas, ce qui faisait reposer la charge de travail uniquement sur 3 médecins.

- de nombreux échanges de mails avec Mme [F] à compter du 5 février 2017, ainsi qu'avec M. [U], directeur régional de la Croix Rouge Française et Mme [Z], chef de cabinet du président de la Croix Rouge Française.

Dans plusieurs mails, M. [E] demandait à Mme [F] de ne pas intervenir dans les plannings.

Le 5 février 2017, contestant le bien fondé du planning qu'elle lui avait adressé, il lui écrivait : « laissez-moi s'il vous plaît la latitude de nous organiser en interne pour rester dans la loi et tout en appliquant le planning mais en conformité avec la loi. »

Mme [F] lui répondait de voir avec M. [B], qui n'était pourtant pas le supérieur de M. [E].

Le 22 février 2017 M. [E] informait Mme [F] qu'il reprenait la main sur le planning et modifiait le planning établi par la direction.

Les mois suivants, Mme [F] est intervenue à plusieurs reprises dans les plannings, pour modifier celui de Mme [V] le 5 avril qu'elle estimait trop chargée et pour accepter les demandes de repos de M. [M], malgré l'avis de M. [E].

M. [E] se plaignait de cette situation. Il expliquait son refus d'accorder à M. [M] la possibilité de regrouper ses jours de repos pour aller une fois par mois voir sa famille en Allemagne, par le fait que cela désorganisait le service, compte tenu de la nécessité d'assurer aux autres médecins leurs jours de repos et de garantir la permanence des soins.

Mme [F] validait tout de même les demandes de congés de M. [M] et ne répondait pas aux interrogations de M. [E].

Dans ces échanges, M. [E] reprochait à la direction de le priver de ses prérogatives au profit de M. [B].

En mars 2017, M. [E] exprimait son mécontentement de ne pas avoir été associé au recrutement de M. [M]. Il expliquait que, même s'il avait participé à un entretien téléphonique avec ce dernier, il n'avait pas été destinataire de son CV, n'avait pas pu donner son avis sur son recrutement et n'avait pas été informé de son arrivée dans le service le 1er mars.

Dans un mail adressé à M. [U], directeur régional, le 1er mars 2017 M. [E] s'étonnait également du fait que M. [M] soit sous la tutelle de M. [B] et que ce dernier traite tous les dossiers sans l'y associer.

Il ajoutait que ses prérogatives de chef de service étaient prises par M. [B] et que Mme [F] ne suivait que l'avis de ce dernier.

Il ne cessait par ailleurs de critiquer le fait que M. [B] n'ait pas d'activité clinique, qu'il ne s'occupe pas des patients.

Ainsi, le 5 avril 2017 il a écrit à Mme [F] : « Vous avez toujours refusé que le docteur [B] travaille. »

- le mail adressé par M. [J] le 13 février 2017 à M. [E] :

M. [J] reprochait à Mme [F] d'avoir modifié, le vendredi 10 février, sans l'en informer, le planning du lundi suivant. Ignorant qu'il devait assurer le lundi 13 matin le centre lourd et la visite des lits de néphrologie, il n'était pas venu, ce qui avait mis en danger la sécurité des patients.

- la note du 24 novembre 2016 qui prévoyait que le rôle du docteur [B], en qualité de médecin référent néphrologie-dialyse, consistait à accompagner et structurer la nouvelle équipe et à assurer la charge de l'appui technique et administratif des différents dossiers en cours.

Dans un courrier du 4 juin 2017 adressé à Mme [Z], M. [E] affirmait qu'il n'avait été informé qu'en février 2017 de cette note d'information qui le privait d'une partie de ses prérogatives, et que, malgré cette note il avait effectué 90 % du dossier d'autorisation.

- la fiche de poste de médecin spécialiste chef de service du 3 mars 2017, que M. [E] avait refusé de prendre le jour de l'entretien :

Cette fiche lui attribuait l'organisation du fonctionnement de l'équipe médicale, du centre lourd et de l'unité de néphrologie, l'accompagnement de l'établissement dans ses modalités de contractualisation avec ses partenaires au travers de la constitution de la fédération médicale inter-hospitalière avec le CHU de [Localité 8].

Il était en revanche indiqué que le docteur [M], était sous l'autorité de M. [E] mais que son tutorat était assuré par le Docteur [B], privant ainsi M. [E] de sa mission d'accompagnement des nouveaux médecins.

Il était également prévu que le Docteur [B], ancien chef de service, l'accompagne dans sa prise de poste.

Cette note actait ainsi du fait qu'une partie des attributions de M. [E] était confiée à M. [B].

- le courrier de rappel à l'ordre adressé le 10 mai 2017 par Mme [F] à M. [E] :

Aux termes de ce courrier la directrice lui reprochait des propos et menaces qu'il aurait tenus dans le mail du 28 avril, des faits de discrimination à l'égard de M. [M] ainsi que des actes d'insubordination à son égard.

M. [E] conteste dans ses mails ses accusations de discrimination, expliquant que son refus d'accepter les demandes de repos de M. [M] était motivé par des contraintes d'organisation du service et qu'il n'est donc pas discriminatoire.

Les propos qualifiés de menaces, tenus par M. [E] dans son mail à Mme [F] le 28 avril 2017 sont les suivants :

« J'en fais part à votre hiérarchie et sans mesure concrète, je serai dans l'obligation de saisir l'inspection du travail à votre encontre. Ce n'est pas une menace ni un chantage, ne le prenez surtout pas de cette façon, mais une question de droit, du code du travail, trop c'est trop ».

La « menace » de saisir l'inspection du travail ne saurait être qualifiée de menace, s'agissant de l'exercice d'un droit.

Par ailleurs, même si M. [E] s'exprime dans ce mail avec véhémence, dénonçant « une injustice manifeste », ses propos ne sont pas insultants. Le ton de ce mail s'explique par l'absence de réponse de Mme [F] à ses précédents mails.

Les éléments communiqués par M. [E] confirment sa surcharge de travail, l'ingérence de Mme [F] sur l'établissement des plannings et la privation d'une partie de ses prérogatives de chef de service.

Ces difficultés d'organisation sont à l'origine de la relation conflictuelle entre M. [E] et Mme [F], qui a conduit à son arrêt de travail à compter du 15 mai 2017 pour « pour burn out réactionnel à un problème de service »

L'ensemble des éléments produits par M. [E] sont ainsi suffisants pour laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral à son encontre.

La Croix Rouge Française se défend de tout fait de harcèlement moral.

Elle produit, pour justifier de l'activité clinique de M. [B] :

- le contrat de travail de M. [B], engagé en qualité de médecin salarié à compter du 12 octobre 2016.

Selon sa fiche de poste M. [B] était rattaché hiérarchiquement à M. [E].

Ses fonctions consistaient dans la prise en charge et le suivi des patients en néphrologie et en dialyse, y compris pendant les gardes, ainsi que dans l'encadrement et la formation continue du docteur [V].

Il devait également accompagner et structurer l'équipe pendant la période d'essai de M. [E] et l'accompagner sur le plan technique et administratif dans les différents dossiers en cours (maintien de l'autorisation, certification...).

Il en ressort que les fonctions de M. [B] excédaient ainsi celle des autres médecins du service, empiétant sur les prérogatives de M. [E], comprenant l'encadrement des nouveaux médecins et les tâches administratives.

- des attestations d'infirmières et d'une secrétaire médicale qui témoignent du fait que M. [B] était présent dans le service, qu'il effectuait des consultations et accompagnait le docteur [V]

- la liste des néphrologues de garde de septembre 2016 à mai 2017 :

M. [B] apparaît certes sur cette liste mais toujours comme le doublon de Mme [V].

- les feuilles de suivis de dialyse visées par M. [B] sous ses initiales AC, entre le 5 et le 7 juin 2017, alors que M. [E] était en arrêt maladie,

- le mail de Mme [F] envoyé à M. [E] le 23 février 2017, lui disant que l'organisation devait intégrer M. [B].

M. [E] lui répondait le 27 février 2017 que c'était elle qui avait décidé que M. [B] ne faisait pas de clinique et qu'il avait en charge le suivi des dossiers (renouvellement d'autorisation, négociation avec l'ARS), alors que c'était son rôle de chef de service. Il lui demandait si le fait d'intégrer le Docteur [B] au planning impliquait une participation active aux activités.

Mme [F] ne répondait pas à cette interrogation légitime.

On peut d'ailleurs relever que dans le planning du 10 au 17 avril 2017, modifié par Mme [F] le 11 avril, malgré l'opposition de M. [E], M. [B] a été rajouté du lundi au vendredi mais il n' est affecté ni à l'hémodialyse, ni à la néphrologie, ni à la consultation ni à l'astreinte.

Les éléments produits par la Croix Rouge Française ne font donc que confirmer que les prérogatives de M. [B] empiétaient sur les prérogatives de chef de service de M. [E], que la direction, malgré les plaintes de M. [E] n'a pas clarifié la répartition des fonctions de chacun et a manqué de transparence à l'égard de M. [E].

De même, ils ne sont pas de nature à démontrer que M. [B] avait une activité clinique habituelle, en dehors du tutorat de Mme [V] et de la période correspondant à l'arrêt maladie de M. [E].

Si M. [B] avait eu une activité clinique régulière, la Croix Rouge Française n'aurait d'ailleurs pas manqué de communiquer ses plannings.

Ce manque de transparence sur les fonctions de M. [B] s'explique par la décision de l'ARS du 7 octobre 2016 portant suspension partielle de l'autorisation d'exercer l'activité des soins jusqu'au 6 janvier 2017 et mettant en demeure l'établissement de remédier aux manquements constatés, notamment au regard de la continuité et de la permanence médicale en médecins néphrologues séniors.

M. [B], ancien chef de service, qui avait pris sa retraite, a été réengagé le 12 octobre 2016 pour que l'établissement puisse poursuivre son activité. Son recrutement, ainsi que celui de M. [J] a permis d'obtenir le 6 décembre 2016 la levée de la suspension.

Concernant l'intervention de Mme [F] dans les plannings, la Croix Rouge Française la justifie par le fait que Mme [F] avait dû modifier les plannings en raison de dysfonctionnements dans l'organisation du service et pour faire cesser des faits de discrimination à l'égard de Mme [V] et de M. [M].

Elle produit :

- la fiche métier de directeur d'hôpital qui indique que le directeur a autorité sur l'ensemble des personnels médicaux et non-médicaux dans le respect des règles déontologiques et professionnelles

- des fiches de signalement d'incidents, faisant état de l'absence de néphrologue sur le planning du 24 avril et du fait que M. [E] n'aurait pas vu un patient le 4 mai.

Il convient de relever que ces fiches sont postérieures aux modifications de planning effectuées par Mme [F] et qu'elles ne sauraient donc justifier les interventions de cette dernière pour les motifs allégués.

S'agissant des accusations de discrimination à l'égard de Mme [V] et de M. [M] la Croix Rouge Française produit :

- le compte-rendu de la réunion du 3 mars 2017, rédigé par M [I], président du conseil de surveillance :

Aux termes de ce compte-rendu Mme [F] expliquait que M. [B] était là pour éviter que le service ne disparaisse.

M. [E] refusait de prendre la fiche de poste et accusait Mme [F] de traiter les médecins comme des « ordures ». Il désignait Mme [F] par « elle » et [V] par « la petite ».

- le mail de Mme [F] à MM. [U] et [I] du 27 février 2017 :

Elle les informait du fait que Mme [V] s'était plainte auprès d'elle d'être harcelée par ses collègues qui lui reprochaient le départ du docteur [J].

- le mail de Mme [F] à M. [E] le 5 avril 2017 :

Elle l'informait du fait qu'elle souhaitait modifier le planning de Mme [V] qui avait 11 jours de présence sur site.

A la remarque de M. [E] qui la mettait en garde sur l'obligation de l 'ARS de maintenir deux médecins sur le site, elle répondait que M. [B], serait présent dans l'enceinte pour travailler sur le dossier de renouvellement d'autorisation HAD.

- le mail de M. [M] à Mme [F] le 15 mai 2017 :

Il se plaignait des plannings inéquitables et disait avoir l'impression que M. [E], par ses « agissements mesquins et hypocrites », voulait le décourager pour qu'il parte.

- le mail de Mme [F] à M. [E] le 15 mai 2017 :

Mme [F] demandait à M. [E] de modifier le planning pour la période du 8 à 21 mai, car M. [M] avait beaucoup plus de séances d'hémodialyse que Mme [V] et lui.

Le 16 mai, M. [E] se justifiait par mail auprès de Mme [Z], expliquant que chaque médecin faisait autant de dialyses que les autres, à tour de rôle, en fonction des semaines d'astreinte le week-end.

Il ressort de ces éléments que l'éviction du Docteur [J] au cours de sa période d'essai a créée des tensions entre M. [E] et ses collègues, Mme [V] et M. [M] qui se sont plaints auprès de Mme [F] d'un planning inéquitable.

Toutefois, M. [E] a à chaque fois justifié ses décisions par des contraintes de service et Mme [F], qui a systématiquement fait droit aux réclamations de Mme [V] et de M. [M], contre l'avis de M. [E], n'a pas répondu à ses arguments.

L'employeur ne fait pas non plus la démonstration de ce que les contraintes de service invoquées par M. [E] auraient été infondées.

Les décisions de M. [E] ne sauraient par conséquent être qualifiées de discriminatoires.

L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits invoqués par M. [E] et matériellement établis par lui étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est dès lors établi.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables pour M. [E], le préjudice en résultant est réparé par l'octroi d'une somme de 2 000 euros.

VI - Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et inexécution fautive du contrat de travail

M. [E] soutient que la Croix Rouge Française, pourtant interpellée à plusieurs reprises sur sa situation, n'a pris aucune mesure pour faire cesser les faits de harcèlement moral.

La Croix Rouge Française se défend de tout manquement à ses obligations, se prévalant de l'organisation de deux réunions et de la visite de l'inspection du travail, le 6 mars 2018, qui n'avait formulé aucune observation.

Elle imputait au comportement dénigrant de M. [E] l'échec des discussions et contestait tout lien entre l'arrêt de travail du salarié et ses conditions de travail.

Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

En cas de litige, il incombe à l'employeur de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de son obligation et s'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2, il peut s'en déduire une absence de manquement à son obligation.

M. [E] a alerté à de nombreuses reprises Mme [F], mais également M. [U], et Madame [Z], des difficultés rencontrées dans l'exercice de ses missions de chef de service.

Suite à ses alertes, une première réunion s'est tenue le 3 mars 2017 en présence de M. [E], de Mme [F], de M. [U] et de M. [I], président du conseil de surveillance.

A l'issue de cette réunion M. [E] a refusé de réceptionner la fiche de poste qui actait de l'attribution d'une partie de ses prérogatives à M. [B]. Une seconde réunion a eu lieu le 24 mars 2017.

Toutefois, ni ces réunions ni la nouvelle fiche de poste n'apportaient de solutions concrètes aux difficultés de M. [E]. Elles ne clarifiaient ni la répartition des tâches administratives entre M. [E], seul chef de service, et M. [B], ni la participation de ce dernier aux activités cliniques. Elles n'apportaient pas non plus de solution à la difficulté de concilier les repos mensuels regroupés de M. [M], les repos des autres médecins et les impératifs liés à la permanence et à la continuité des soins.

La Croix Rouge Française a laissé cette situation conflictuelle, constitutive de harcèlement moral, perdurer et se dégrader pendant plusieurs mois, sans prendre de mesures efficaces pour y remédier, ce qui a conduit à l'arrêt maladie de M. [E] à compter du 15 mai 2017.

Au regard des manquements de la Croix Rouge Française, il convient d'infirmer le jugement déféré et de réparer le préjudice subi par M. [E] par l'octroi de 1 000 euros de dommages et intérêts.

VII - Sur la demande de requalification de la démission en prise d'acte avec les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

M. [E] soutient que sa lettre de démission, au regard de son contenu, ne peut s'analyser en une manifestation claire et non équivoque de sa volonté de démissionner mais doit au contraire s'analyser comme une prise d'acte, justifiée par le harcèlement moral, la surcharge de travail et le non- paiement de ses heures supplémentaires.

Il n'avait pas eu d'autre choix que de démissionner, compte tenu de son état émotionnel et de l'altération de sa santé.

La Croix Rouge Française s'oppose à la requalification de la démission en prise d'acte.

Elle relève que l'arrêt maladie a suivi le rappel à l'ordre du 10 mai 2017 et que la démission de M. [E] est concomitante à la décision de la CPAM de rejet de sa demande de prise en charge de son arrêt maladie au titre de la législation sur les accidents du travail.

Elle ajoute que M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes un an après sa démission, après avoir été mis en demeure, le 4 décembre 2018, de restituer l'indu de salaire.

A supposer que la cour juge que les difficultés relationnelles de M. [E] avec la direction et ses collègues de travail constituent des actes de harcèlement, ces difficultés, qui ne sont pas seulement imputables à l'employeur, ne seraient pas suffisamment graves pour justifier l'impossibilité de poursuivre les relations contractuelles.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture.

La prise d'acte produit les effets d'un licenciement si les faits allégués sont établis par le salarié et suffisamment graves pour la justifier, dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.

En l'espèce M. [E], dans sa lettre de démission du 10 janvier 2018, impute expressément sa décision de démissionner au comportement de la directrice, responsable, selon lui, de la dégradation progressive de ses conditions de travail et de son arrêt de travail.

Sa démission, contemporaine de cette relation conflictuelle avec la directrice, est équivoque et doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture.

Au vu de ce qui précède, la rupture est imputable aux faits de harcèlement moral dont a été victime M. [E] et ainsi qu'aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

Ces faits sont suffisamment graves pour justifier que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul.

Le jugement sera dès lors infirmé.

VIII - Sur la demande d'indemnité de licenciement

M. [E] a fait l'objet d'un arrêt de travail du 15 mai 2017 jusqu'à sa démission le 10 janvier 2018.

Le médecin a établi des arrêts de travail pour accident du travail, « burn out » professionnel.

M. [E] a effectué une déclaration d'accident du travail le 20 septembre 2017.

Sa demande de prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail a été rejetée le 18 décembre 2017 par la CPAM et le 30 mai 2018 par la commission de recours amiable, considérant qu'il n'y avait pas eu d'événement brusque et soudain mais une dégradation progressive de sa situation professionnelle caractérisant plutôt une maladie professionnelle.

M. [E] a exercé un recours contre cette décision devant le tribunal judiciaire de Rouen le 24 juillet 2018. Il n'apporte pas d'élément sur l'état d'avancement de cette procédure.

En l'absence de reconnaissance d'un accident du travail, la période d'arrêt de travail n'est pas comprise dans l'ancienneté du salarié, qui s'élève à 8 mois (du 5 septembre 2016 au 14 mai 2017).

En vertu des dispositions de l'article L1234-9 du Code du Travail, dans sa version en vigueur depuis le 24 septembre 2017 « le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. »

En vertu des dispositions de l'article R1234-2 du Code du Travail « l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans. »

Compte tenu du salaire moyen de M. [E] et de son ancienneté, il lui sera accordé une indemnité de licenciement de 2 394,02 euros brut.

IX - Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul

M. [E] fait valoir que pour prendre le poste à la Croix Rouge Française, il a quitté son précédent emploi et déménagé avec son épouse et ses 7 enfants. Suite à sa démission, il a été contraint de déménager une nouvelle fois et d'accepter une baisse de rémunération de 1 000 euros par mois pour retrouver un nouvel emploi de praticien hospitalier.

La Croix Rouge Française estime que l'indemnité ne saurait dépasser 2 mois de salaire, soit 17.832 euros, dans la mesure où M. [E] ne justifie pas de la perte de revenu lié au nouvel emploi et qu'il bénéficie du statut de la fonction publique.

En vertu des dispositions de l'article L1235-3-1 du Code du Travail « L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. »

M. [E] produit son livret de famille, ainsi que son nouveau contrat de travail du 12 avril 2018 au centre hospitalier de [6] en qualité de praticien hospitalier au service de néphrologie.

Compte tenu de ces éléments, la cour, statuant dans les limites de la demande, infirme le jugement déféré et accorde à M. [E] une indemnité de 50 965,48 euros.

X - Sur la demande reconventionnelle de la Croix Rouge Française en répétition d'indu

M. [E] fait valoir que le complément accident du travail n'est versé en principe par la caisse et par l'employeur que rétroactivement, en cas de reconnaissance du caractère professionnel, sous déduction de ce qui a déjà été payé.

La Croix Rouge Française avait fait le choix de maintenir le salaire de M. [E] en appliquant les règles relatives à l'indemnisation des accidents du travail sans attendre la décision de la CPAM. Elle ne l'avait pas informé des conséquences d'un éventuel refus de prise en charge au titre des accidents du travail.

Ce choix relevant d'une intention libérale de la Croix Rouge Française, faisait obstacle au remboursement de l'indu.

En outre, M. [E] a contesté le refus de prise en charge devant le tribunal judiciaire.

A titre subsidiaire M. [E], jugeant que les décomptes présentés par l'employeur n'étaient pas clairs, demande à la cour de faire injonction à la Croix Rouge Française d'établir un décompte détaillé des sommes perçues et des sommes dues et de donner des explications sur les bulletins de salaire de mai 2017 à mai 2018.

La Croix Rouge Française rétorque que, suite à la déclaration d'accident du travail établie par M. [E], elle a, conformément à la convention collective, procédé au maintien intégral de son salaire.

Le 18 décembre 2017, elle avait été informée de la notification du refus de prise en charge de l'accident du travail.

Compte tenu du refus de prise en charge de l'arrêt de travail au titre de la législation sur les accidents du travail, M. [E], ayant mois de 1 an d'ancienneté, n'était plus éligible au maintien de salaire, de sorte qu'une partie des sommes qui lui avaient été versées tant par la prévoyance que par la Croix Rouge Insertion était devenue indue.

La CPAM, qui a versé à l'employeur, pratiquant la subrogation, les indemnités dues en cas d'accident du travail, a d'ailleurs sollicité, auprès de la Croix Rouge Française, le remboursement des sommes indues.

La Croix Rouge Française conteste toute intention libérale et soutient que l'erreur ne fait pas obstacle à la répétition de l'indu.

Enfin, elle fait grief à M. [E] de ne pas communiquer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire et ajoute qu'à supposer que le recours de M. [E] prospère, la décision lui serait inopposable, comme n'ayant pas été appelée à la cause devant les juridictions de sécurité sociale et compte tenu de l'indépendance des relations entre la CPAM et l'assuré d'une part et la CPAM et l'employeur d'autre part.

L'article 7. 2.5 de la convention collective du personnel salarié de la Croix Rouge Française dispose que « si le congé maladie donne lieu à attribution d'indemnités journalières par la caisse primaire d'assurance maladie, il ouvre droit à une indemnisation par l'employeur à condition que le salarié justifie d'une présence effective d'un an continu ou non. »

Selon l'article 7. 2.6 de la convention collective, « l'absence consécutive à un accident du travail, y compris un accident de trajet ou à une maladie professionnelle, telle que définie par les textes législatifs et réglementaires, qui donne lieu à attribution d'indemnités journalières par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, ouvre droit, dès le premier jour d'arrêt, à une indemnisation par l'employeur jusqu'à la date de guérison ou de consolidation du salarié. »

L'indemnisation accordée par l'employeur complète, de façon à garantir le salaire net que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé, les indemnités versées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et éventuellement par le régime de prévoyance.

L'employeur fait l'avance au salarié des indemnités dues par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et éventuellement par le régime de prévoyance. »

En l'espèce la Croix Rouge Française a versé à M. [E] un complément de salaire alors qu'il n'avait pas un an de présence dans l'établissement compte tenu de ses arrêts maladie pour accident du travail et de sa déclaration d'accident du travail.

La CPAM, puis la commission de recours ont refusé de prendre en charge son arrêt de travail au titre de la législation sur les accidents du travail et M. [E] ne communique ni jugement du tribunal judiciaire ni aucun élément justifiant de l'avancement de la procédure devant le tribunal judiciaire.

Les sommes versées par la Croix Rouge Française au titre du maintien de salaire constituent par conséquent des salaires indus.

Le versement de ces sommes, en l'absence de tout autre élément, ne démontre pas l'intention libérale de la Croix Rouge Française.

En outre les dispositions de l'article 1302-1 du code civil prévoient que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. »

La Croix Rouge Française produit le détail des prestations versées par la CPAM.

Cette pièce, ainsi que les bulletins de salaire de M. [E] sont suffisants pour déterminer l'indu de salaire, sans qu'il soit nécessaire d'enjoindre à la Croix Rouge Française de produire un décompte détaillé et des explications supplémentaires.

Eu égard à ces éléments, la cour confirme le jugement déféré, qui a condamné M. [E] à payer à la Croix Rouge Française 28 268,44 euros au titre de l'indu de salaire

En vertu des dispositions de l'article 1347 du code civil, il convient d'ordonner la compensation de cette somme avec les créances salariales mises à la charge de la Croix Rouge Française.

XI - Sur les intérêts

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du présent jugement.

XII - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant principalement, la Croix Rouge Française supportera les entiers dépens de la présente instance, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il convient également d'infirmer le jugement déféré et de condamner la Croix Rouge Française à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La Croix Rouge Française sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [E] à payer à l'association la Croix Rouge Française la somme de 28 268,44 euros au titre de la répétition de l'indu,

Infirme les autres dispositions du jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requelifie la démission de M. [R] [E] le 10 janvier 2018 en prise d'acte ayant les effets d'un licenciement nul ;

Condamne la Croix Rouge Française à verser à M. [R] [E] les sommes suivantes :

37 714,90 euros brut de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 3 771,50 euros brut de congés payés y afférents

3 066,25 euros net de dommages et intérêts pour les contreparties obligatoires en repos non prises

50 964,48 euros d'indemnité de travail dissimulé

500 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire du travail

2 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral en raison des faits de harcèlement moral

1 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité

2 394,02 euros brut d'indemnité de licenciement

50 965,48 euros d'indemnité de licenciement nul,

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du Conseil des prud'hommes et que les créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt,

Ordonne la compensation entre la somme due par M. [E] au titre de la répétition de l'indu et les créances salariales mises à la charge de la Croix Rouge Française,

Déboute M. [E] de sa demande tendant à enjoindre à l'association Croix Rouge Française de donner toute explication utile à la compréhension des bulletins de salaires établis par ses soins,

Condamne la Croix Rouge Française aux entiers dépens de l'instance,

Déboute la Croix Rouge Française de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Croix Rouge Française à verser à M. [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La greffière La présidente