Décisions
CA Bordeaux, ch. soc. B, 11 avril 2024, n° 22/02353
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
--------------------------
ARRÊT DU : 11 AVRIL 2024
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 22/02353 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWLB
Monsieur [Z] [L]
c/
Société [3]
CPAM DE LA GIRONDE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 avril 2022 (R.G. n°18/02448) par le pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 13 mai 2022.
APPELANT :
Monsieur [Z] [L]
né le 12 Mars 1978 à [Localité 6] (33)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Arthur CAMILLE de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me VINCIGUERRA
INTIMÉES :
Société [3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
représentée par Me Xavier LAGRENADE de l'AARPI D'HERBOMEZ LAGRENADE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 7]
représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2024, en audience publique, devant Monsieur Eric Veyssière, président chargé d'instruire l'affaire et Madame Sophie Lésineau, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président
Madame Marie-Paule Menu, présidente
Madame Sophie Lésineau, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
M. [L] a été embauché par la société [3] en qualité d'assistant chef de chantier le 4 mars 2002. En 2011, il a été nommé chef de chantier ; depuis 2014, il était titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité.
Le 07 novembre 2016, M. [L] a été victime d'un malaise cardiaque sur la base vie d'un chantier à [Localité 6].
Le certificat médical initial établi le même jour fait état d'un syndrome coronarien, infarctus du myocarde.
Par décision du 13 janvier 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) a pris en charge l'accident du travail au titre de la législation sociale.
Par décision du 10 août 2017, la caisse a fixé la date de consolidation de l'état de santé de l'assuré au 31 août 2017 et lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle de 30%.
Le 16 août 2017, M. [L] a saisi la caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Par décision du 11 octobre 2017, M. [L] a été informé de l'échec de la tentative de conciliation.
Le 08 novembre 2018, M. [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde afin de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l'accident du travail du 07 novembre 2016.
Par jugement du 12 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Par déclaration du 13 mai 2022, M. [L] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 13 décembre 2023, M. [L] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- juger que l'accident du travail dont il a été victime est dû à la faute inexcusable de son employeur,
- majorer la rente qui lui est versée par la caisse à son maximum et de manière rétroactive depuis le 31 août 2017,
- dire que cette majoration devra suivre l'évolution de son taux d'IPP en cas d'aggravation de son état de santé ou de réévaluation de son taux d'IPP,
A titre principal,
- ordonner une expertise médicale judiciaire et désigner tel expert afin qu'il réalise la mission habituelle que le conseil de l'appelant détaille dans ses écritures,
A titre subsidiaire,
- condamner la société [3] à lui verser diverses sommes :
* 3550 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
* 20.000 euros au titre des souffrances physiques endurées,
* 70.000 euros au titre des souffrances morales endurées,
* 5000 euros au titre du préjudice d'agrément,
* 10.000 euros au titre du préjudice sexuel,
- prononcer l'exécution provisoire,
- soumettre ces sommes aux intérêts moratoires à compter du jour de la saisine,
- juger qu'en vertu des dispositions de l'article 1236-1 du code Civil, le paiement rétroactif de la rente ainsi que sa majoration portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018,
- condamner la société [3] à verser à M. [L] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018,
- condamner la société [3] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 15 février 2024, la société [3] demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris et à titre subsidiaire,d'inclure dans la mission d'expertise médicale à ordonner de rechercher les antécédents médicaux interférents dans l'état de santé de M. [L],
de rejeter toute demande de provision et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, de dispenser les parties des dépens conformément à l'article R146-6 du code de la sécurité sociale.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 16 février 2024, la caisse demande à la cour de statuer ce que de droit sur l'appel interjeté par M. [L], et si la Cour jugeait que l'accident de travail, dont a été reconnu victime M. [L], était dû à la « faute inexcusable » de l'employeur, juger également la Caisse bien fondée dans son action contre l'employeur,
* d'une part, préciser le quantum de la majoration de la rente à allouer à M. [L], en tenant compte de la gravité de la faute commise et non du préjudice subi,
* d'autre part, limiter le montant des sommes à allouer à M. [L] :
' aux chefs de préjudices énumérés à l'article L. 452.3 (1er alinéa) du code de la Sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
' ainsi qu'aux chefs de préjudices non déjà couverts par le Livre IV du Code de la Sécurité sociale le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, les frais liés à l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, l'aménagement du véhicule et du logement.
Conformément aux dispositions du 3ème alinéa de ce même texte, la Caisse assurant l'avance des sommes ainsi allouées, il est demandé à la Cour de condamner la société [3] à rembourser à la Caisse :
- le capital représentatif de la majoration de la rente tel qu'il sera calculé et notifié par la Caisse, outre les intérêts qui seraient mis à la charge de la caisse en application de l'article 1236-1 du code civil au titre de la majoration de la rente à compter du 15 octobre 2018,
- les sommes dont la Caisse aura l'obligation de faire l'avance,
- et les frais d'expertise,
et ce, afin d'éviter une nouvelle procédure en vue d'obtenir un titre exécutoire,
- condamner la partie succombante au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
L'affaire a été fixée à l'audience du 19 février 2024, pour être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.
Motifs de la décision
M. [L] critique le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur en retenant qu'il ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité entre la dégradation des conditions de travail qu'il allègue et l'accident cardio vasculaire dont il a été victime. Il soutient que la société, confrontée depuis plusieurs années à un déficit structurel en personnel, lui imposait un rythme de travail insoutenable et qu'à partir de 2016, l'employeur lui a confié des chantiers complexes dont celui situé à [Localité 5] le contraignant à réaliser un nombre important d'heures supplémentaires puis, celui de [4] à [Localité 6] où des épisodes de violence ont eu lieu avec des jeunes sans que l'employeur ne prenne des mesures pour préserver sa sécurité. En septembre 2016, deux chefs de chantier ont quitté l'entreprise sans être remplacés et de nouvelles attributions lui ont été confiées dans le domaine de la prévention de la sécurité alors qu'il n'a jamais cessé par ailleurs d'accomplir des tâches de simple ouvrier de chantier compte tenu du manque de personnel.
Pour s'opposer à la reconnaissance d'une faute inexcusable, la société fait valoir que:
- les circonstances du malaise alléguées par le salarié sont indéterminées en l'absence de témoin et au regard de la déclaration d'accident du travail qui fait état de symptômes qui auraient débuté la veille qui était un dimanche alors que M. [L] était en repos,
- en tout état de cause, rien ne permet de rattacher le malaise aux conditions de travail et l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé M. [L] qui bénéficiait d'une délégation de pouvoir sur les chantiers et qui, de surcroît, était délégué du personnel ; or ce dernier n'a jamais formulé d'observations sur des difficultés particulières auxquelles il était confronté et a été déclaré apte à son poste de travail en 2016,
- M. [L] bénéficiait des formations adéquates en rapport avec ses attributions et disposait des moyens nécessaires à l'exercice de ses fonctions.
Le manquement à l'obligation de sécurité et de la protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le salarié, en vertu des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
La faute commise par l'employeur doit être une cause nécessaire de l'accident et non déterminante. La preuve de l'existence d'un danger et de l'absence de mesures préventives incombe à celui qui allègue la faute inexcusable.
La Cour observe, en premier lieu, que si l'employeur conteste l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de travail et l'infarctus du myocarde dont a été victime M. [L], il ne remet pas en cause la décision de la caisse de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.
En deuxième lieu, elle constate que les pièces produites par M. [L] au soutien de sa demande, soit, trois relevés d'horaires hebdomadaires de travail ne comportant aucune indication sur la période concernée, des attestations de salariés ou anciens salariés de l'entreprise indiquant que M. [L] pouvait accomplir des tâches de production en même temps que ses fonctions de chef de chantier, notamment sur le chantier de [Localité 6] en 2016, et une attestation de l'épouse de M. [L], infirmière diplômée d'état, faisant état d'une fatigue extrême et de stress ressentis par ce dernier qui s'était retrouvé seul sur le chantier de [Localité 6], où le malaise cardiaque a eu lieu, à gérer des incidents avec des jeunes du quartier qui avait jeté des pierres sur les ouvriers, ne permettent pas de caractériser la prise de conscience par l'employeur du danger auquel était exposé le salarié dés lors que la société justifie que M. [L] a été déclaré apte à son poste de travail sans restriction le 14 juin 2016 par le médecin du travail et que, sur le chantier de [Localité 6], il encadrait une équipe de cordistes pour la réfection de balcons de sorte qu'il ne pouvait effectuer d'autres tâches que celles de chef de chantier et qu'il ne peut-être imputé à l'employeur un manquement sur ce point.
Par ailleurs, M. [L] sur qui repose la charge de la preuve ne démontre pas avoir avisé l'employeur des difficultés alléguées par son épouse alors qu'il exerçait les fonctions de délégué du personnel et bénéficiait d'une délégation de pouvoir dans le domaine de la protection de la sécurité et de la santé des salariés.
En tout état de cause, M. [L] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité même nécessaire entre une éventuelle dégradation de ses conditions de travail et l'infarctus dont il a été victime.
Dés lors, les conditions pour voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur ne sont pas réunies.
Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ses demandes.
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [L], partie perdante, supportera la charge des dépens.
Par ces motifs
confirme le jugement entrepris
y ajoutant
rejette les demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
condamne M. [L] aux dépens.
Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps E. Veyssière
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 11 AVRIL 2024
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 22/02353 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWLB
Monsieur [Z] [L]
c/
Société [3]
CPAM DE LA GIRONDE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 avril 2022 (R.G. n°18/02448) par le pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 13 mai 2022.
APPELANT :
Monsieur [Z] [L]
né le 12 Mars 1978 à [Localité 6] (33)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Arthur CAMILLE de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me VINCIGUERRA
INTIMÉES :
Société [3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
représentée par Me Xavier LAGRENADE de l'AARPI D'HERBOMEZ LAGRENADE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 7]
représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2024, en audience publique, devant Monsieur Eric Veyssière, président chargé d'instruire l'affaire et Madame Sophie Lésineau, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président
Madame Marie-Paule Menu, présidente
Madame Sophie Lésineau, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
M. [L] a été embauché par la société [3] en qualité d'assistant chef de chantier le 4 mars 2002. En 2011, il a été nommé chef de chantier ; depuis 2014, il était titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité.
Le 07 novembre 2016, M. [L] a été victime d'un malaise cardiaque sur la base vie d'un chantier à [Localité 6].
Le certificat médical initial établi le même jour fait état d'un syndrome coronarien, infarctus du myocarde.
Par décision du 13 janvier 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) a pris en charge l'accident du travail au titre de la législation sociale.
Par décision du 10 août 2017, la caisse a fixé la date de consolidation de l'état de santé de l'assuré au 31 août 2017 et lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle de 30%.
Le 16 août 2017, M. [L] a saisi la caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Par décision du 11 octobre 2017, M. [L] a été informé de l'échec de la tentative de conciliation.
Le 08 novembre 2018, M. [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde afin de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l'accident du travail du 07 novembre 2016.
Par jugement du 12 avril 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Par déclaration du 13 mai 2022, M. [L] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 13 décembre 2023, M. [L] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- juger que l'accident du travail dont il a été victime est dû à la faute inexcusable de son employeur,
- majorer la rente qui lui est versée par la caisse à son maximum et de manière rétroactive depuis le 31 août 2017,
- dire que cette majoration devra suivre l'évolution de son taux d'IPP en cas d'aggravation de son état de santé ou de réévaluation de son taux d'IPP,
A titre principal,
- ordonner une expertise médicale judiciaire et désigner tel expert afin qu'il réalise la mission habituelle que le conseil de l'appelant détaille dans ses écritures,
A titre subsidiaire,
- condamner la société [3] à lui verser diverses sommes :
* 3550 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
* 20.000 euros au titre des souffrances physiques endurées,
* 70.000 euros au titre des souffrances morales endurées,
* 5000 euros au titre du préjudice d'agrément,
* 10.000 euros au titre du préjudice sexuel,
- prononcer l'exécution provisoire,
- soumettre ces sommes aux intérêts moratoires à compter du jour de la saisine,
- juger qu'en vertu des dispositions de l'article 1236-1 du code Civil, le paiement rétroactif de la rente ainsi que sa majoration portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018,
- condamner la société [3] à verser à M. [L] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018,
- condamner la société [3] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 15 février 2024, la société [3] demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris et à titre subsidiaire,d'inclure dans la mission d'expertise médicale à ordonner de rechercher les antécédents médicaux interférents dans l'état de santé de M. [L],
de rejeter toute demande de provision et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, de dispenser les parties des dépens conformément à l'article R146-6 du code de la sécurité sociale.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 16 février 2024, la caisse demande à la cour de statuer ce que de droit sur l'appel interjeté par M. [L], et si la Cour jugeait que l'accident de travail, dont a été reconnu victime M. [L], était dû à la « faute inexcusable » de l'employeur, juger également la Caisse bien fondée dans son action contre l'employeur,
* d'une part, préciser le quantum de la majoration de la rente à allouer à M. [L], en tenant compte de la gravité de la faute commise et non du préjudice subi,
* d'autre part, limiter le montant des sommes à allouer à M. [L] :
' aux chefs de préjudices énumérés à l'article L. 452.3 (1er alinéa) du code de la Sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
' ainsi qu'aux chefs de préjudices non déjà couverts par le Livre IV du Code de la Sécurité sociale le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, les frais liés à l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, l'aménagement du véhicule et du logement.
Conformément aux dispositions du 3ème alinéa de ce même texte, la Caisse assurant l'avance des sommes ainsi allouées, il est demandé à la Cour de condamner la société [3] à rembourser à la Caisse :
- le capital représentatif de la majoration de la rente tel qu'il sera calculé et notifié par la Caisse, outre les intérêts qui seraient mis à la charge de la caisse en application de l'article 1236-1 du code civil au titre de la majoration de la rente à compter du 15 octobre 2018,
- les sommes dont la Caisse aura l'obligation de faire l'avance,
- et les frais d'expertise,
et ce, afin d'éviter une nouvelle procédure en vue d'obtenir un titre exécutoire,
- condamner la partie succombante au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
L'affaire a été fixée à l'audience du 19 février 2024, pour être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.
Motifs de la décision
M. [L] critique le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur en retenant qu'il ne rapportait pas la preuve d'un lien de causalité entre la dégradation des conditions de travail qu'il allègue et l'accident cardio vasculaire dont il a été victime. Il soutient que la société, confrontée depuis plusieurs années à un déficit structurel en personnel, lui imposait un rythme de travail insoutenable et qu'à partir de 2016, l'employeur lui a confié des chantiers complexes dont celui situé à [Localité 5] le contraignant à réaliser un nombre important d'heures supplémentaires puis, celui de [4] à [Localité 6] où des épisodes de violence ont eu lieu avec des jeunes sans que l'employeur ne prenne des mesures pour préserver sa sécurité. En septembre 2016, deux chefs de chantier ont quitté l'entreprise sans être remplacés et de nouvelles attributions lui ont été confiées dans le domaine de la prévention de la sécurité alors qu'il n'a jamais cessé par ailleurs d'accomplir des tâches de simple ouvrier de chantier compte tenu du manque de personnel.
Pour s'opposer à la reconnaissance d'une faute inexcusable, la société fait valoir que:
- les circonstances du malaise alléguées par le salarié sont indéterminées en l'absence de témoin et au regard de la déclaration d'accident du travail qui fait état de symptômes qui auraient débuté la veille qui était un dimanche alors que M. [L] était en repos,
- en tout état de cause, rien ne permet de rattacher le malaise aux conditions de travail et l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé M. [L] qui bénéficiait d'une délégation de pouvoir sur les chantiers et qui, de surcroît, était délégué du personnel ; or ce dernier n'a jamais formulé d'observations sur des difficultés particulières auxquelles il était confronté et a été déclaré apte à son poste de travail en 2016,
- M. [L] bénéficiait des formations adéquates en rapport avec ses attributions et disposait des moyens nécessaires à l'exercice de ses fonctions.
Le manquement à l'obligation de sécurité et de la protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le salarié, en vertu des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
La faute commise par l'employeur doit être une cause nécessaire de l'accident et non déterminante. La preuve de l'existence d'un danger et de l'absence de mesures préventives incombe à celui qui allègue la faute inexcusable.
La Cour observe, en premier lieu, que si l'employeur conteste l'existence d'un lien de causalité entre les conditions de travail et l'infarctus du myocarde dont a été victime M. [L], il ne remet pas en cause la décision de la caisse de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.
En deuxième lieu, elle constate que les pièces produites par M. [L] au soutien de sa demande, soit, trois relevés d'horaires hebdomadaires de travail ne comportant aucune indication sur la période concernée, des attestations de salariés ou anciens salariés de l'entreprise indiquant que M. [L] pouvait accomplir des tâches de production en même temps que ses fonctions de chef de chantier, notamment sur le chantier de [Localité 6] en 2016, et une attestation de l'épouse de M. [L], infirmière diplômée d'état, faisant état d'une fatigue extrême et de stress ressentis par ce dernier qui s'était retrouvé seul sur le chantier de [Localité 6], où le malaise cardiaque a eu lieu, à gérer des incidents avec des jeunes du quartier qui avait jeté des pierres sur les ouvriers, ne permettent pas de caractériser la prise de conscience par l'employeur du danger auquel était exposé le salarié dés lors que la société justifie que M. [L] a été déclaré apte à son poste de travail sans restriction le 14 juin 2016 par le médecin du travail et que, sur le chantier de [Localité 6], il encadrait une équipe de cordistes pour la réfection de balcons de sorte qu'il ne pouvait effectuer d'autres tâches que celles de chef de chantier et qu'il ne peut-être imputé à l'employeur un manquement sur ce point.
Par ailleurs, M. [L] sur qui repose la charge de la preuve ne démontre pas avoir avisé l'employeur des difficultés alléguées par son épouse alors qu'il exerçait les fonctions de délégué du personnel et bénéficiait d'une délégation de pouvoir dans le domaine de la protection de la sécurité et de la santé des salariés.
En tout état de cause, M. [L] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité même nécessaire entre une éventuelle dégradation de ses conditions de travail et l'infarctus dont il a été victime.
Dés lors, les conditions pour voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur ne sont pas réunies.
Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de ses demandes.
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [L], partie perdante, supportera la charge des dépens.
Par ces motifs
confirme le jugement entrepris
y ajoutant
rejette les demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
condamne M. [L] aux dépens.
Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps E. Veyssière