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Décisions

TA Amiens, 2e ch., 22 décembre 2023, n° 2103161

AMIENS

TA Amiens n° 2103161

21 décembre 2023

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistré les 17 septembre 2021 et 8 janvier 2023, Mme C A, représentée en dernier lieu par Me Alibert, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 15 juillet 2021 par laquelle le centre hospitalier universitaire (CHU) Amiens-Picardie a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire ;

2°) de mettre à la charge du CHU Amiens-Picardie la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission consultative paritaire prévue à l'article 2-1 du décret du 6 février 1991 ne s'est pas valablement réunie dès lors que la preuve de sa tenue n'est pas rapportée, que sa composition a méconnu le principe de parité, que le quorum n'était pas atteint et qu'aucune majorité en faveur de la sanction de licenciement n'a été exprimée ;

- elle n'a pu se rendre à l'entretien préalable à son licenciement dès lors qu'elle se trouvait en congé de maladie et celui-ci était prévu moins de cinq jours après la présentation de la lettre de convocation, en méconnaissance de l'article 43 du décret du 6 février 1991 ;

- la matérialité des faits allégués n'est pas établie ;

- la sanction infligée est disproportionnée ;

- la décision attaquée méconnaît les article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 et 19 de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 ;

- il n'existe pas au CHU Amiens-Picardie de procédure de recueil des signalements et son identité a été révélée aux autres agents, en méconnaissance des dispositions des articles 8 et 9 de la loi du 9 décembre 2016 ;

- la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir notamment à raison de pressions de la hiérarchie sur ses collègues pour se désolidariser de son alerte éthique.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 août 2022 et 2 février 2023, le CHU Amiens-Picardie, représenté par Me Delentaigne Leroy, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que Mme A lui verse une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme A a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à 25 % par une décision du 13 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 ;

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;

- le décret no 91-155 du 6 février 1991 ;

- l'arrêté du 8 janvier 2018 relatif aux commissions consultatives paritaires compétentes à l'égard des agents contractuels de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Menet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Beaujard, rapporteur public,

- et les observations de Me Lamarche, substituant Me Alibert, pour Mme A et de Me Delentaigne Leroy pour le CHU Amiens-Picardie.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A a été recrutée par le CHU Amiens-Picardie suivant un contrat à durée déterminée en date du 7 janvier 2019 en qualité de rédactrice de marchés à la direction des achats du groupement hospitalier de territoire (GHT) Somme Littoral Sud, dont fait partie le CHU Amiens-Picardie. Ce contrat a été renouvelé à plusieurs reprises et devait s'achever le 31 décembre 2021. Par décision du 21 avril 2021, Mme A a été suspendue immédiatement de ses fonctions à titre conservatoire. Par décision du 15 juillet 2021, dont l'intéressée demande l'annulation, le CHU Amiens-Picardie l'a licenciée pour motif disciplinaire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 2-1 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Une commission consultative paritaire compétente à l'égard des agents contractuels mentionnés à l'article 1er est instituée, dans chaque département, par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé agissant au nom de l'État. () / Les commissions consultatives paritaires comprennent, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants des personnels mentionnés à l'article 1er. Leur composition et leur fonctionnement sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé. / () II.-Ces commissions sont obligatoirement consultées dans les cas prévus aux articles 17 - 1,17 - 2, 41-5 et 41-6 ainsi que sur les décisions individuelles relatives : / 1° Aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai ; () ".

3. Il ressort des pièces du dossier et particulièrement du procès-verbal du 14 juin 2021 produit en défense par le CHU Amiens-Picardie que la commission consultative paritaire a été préalablement consultée avant la décision en litige prononçant le licenciement de l'intéressée. Le moyen tiré de l'absence de consultation de cette commission doit ainsi être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 2-1 du décret du 6 février 1991 précité et de l'article 47 de l'arrêté du 8 janvier 2018 relatif aux commissions consultatives paritaires compétentes à l'égard des agents contractuels de la fonction publique hospitalière qu'une commission consultative paritaire ne peut valablement délibérer, en formation restreinte ou en assemblée plénière, qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres de la commission, habilités à siéger dans chacune de ces formations, et eux seuls, et que le quorum ait été atteint. Si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition des commissions administratives paritaires, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration ne conditionne pas la régularité de la consultation d'une commission consultative paritaire, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des commissions consultatives paritaires à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel.

5. Il suit de là que la circonstance que les représentants de l'administration qui ont siégé le 14 juin 2021 au sein de la commission consultative paritaire réunie en conseil de discipline préalablement à la sanction infligée à Mme A, aient été en nombre supérieur à ceux du personnel, alors que la commission était composée paritairement et que le CHU Amiens-Picardie justifie de la convocation régulière de l'ensemble de ses membres, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la règle, prévue à l'article 47 de l'arrêté susvisé, de quorum des trois quarts des membres n'aurait pas été respectée manque en fait, dès lors qu'ont siégé onze des douze membres convoqués.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 37 de l'arrêté du 8 janvier 2018 relatif aux commissions consultatives paritaires compétentes à l'égard des agents contractuels de la fonction publique hospitalière : " La commission consultative paritaire émet son avis à la majorité des suffrages exprimés, sauf lorsqu'elle siège en matière disciplinaire. Dans ce dernier cas, son avis est requis à la majorité des membres présents ".

7. Il ressort du procès-verbal précité du 14 juin 2021, signé par son président, la secrétaire de séance et le secrétaire-adjoint, que la commission consultative partiaire qui s'est réunie en formation disciplinaire a rendu son avis en faveur du licenciement de l'intéressée à la majorité de ses membres présents, soit six personnes, cinq membres s'étant par ailleurs abstenus. Par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que cet avis était entaché d'irrégularité et n'a pas été émis à la majorité des membres présents. L'erreur matérielle affectant la décision en litige indiquant que cinq membres de la commission ont voté pour le licenciement, et que six membres se sont abstenus, n'a aucune incidence sur la régularité de l'avis et légalité de la décision en litige. Ce moyen ne peut ainsi qu'être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. L'intéressé est convoqué à l'entretien préalable par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A a été placée en congé de maladie à compter du 2 mai 2021. Elle a été convoquée à un premier entretien préalable fixé au 11 juin 2021. Mme A a produit un certificat médical du 9 juin 2021 indiquant qu'elle était dans l'impossibilité d'assister à cet entretien. À la suite d'une contre-visite réalisée le 22 juin 2021 par un médecin agréé, il a été conclu que l'arrêt de travail était médicalement justifié jusqu'au 5 juillet 2021. Par un courrier recommandé présenté à Mme A le 22 juin 2021, l'intéressée a été convoquée à un nouvel entretien préalable devant se tenir le 7 juillet 2021. Auparavant, le 5 juillet 2021, Mme A avait de nouveau produit un certificat médical indiquant qu'elle ne pouvait assister à " des convocations " ainsi qu'un arrêt de travail pour la période du 5 juillet au 3 août 2021.

10. À défaut d'avoir contesté les conclusions du médecin agréé et d'avoir justifié de circonstances nouvelles permettant de remettre en cause ces conclusions selon lesquelles l'arrêt de travail de Mme A était justifié jusqu'au 5 juillet 2021, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que par sa convocation présentée le 22 juin 2021 à un entretien préalable devant se tenir le 7 juillet 2021, soit plus de cinq jours ouvrables après présentation de la convocation, la procédure suivie était viciée. Les moyens tirés de l'absence d'entretien préalable et de la tardiveté de sa convocation ne peuvent ainsi qu'être écartés.

En ce qui concerne la légalité interne :

11. En premier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

12. Il ressort des pièces du dossier que le 10 mars 2021, un courriel signé " les agents de la Direction des achats du GHT Somme Littoral Sud " a été adressé à trois organisations syndicales du CHU Amiens-Picardie, aux chefs d'établissement du GHT et aux présidents des commissions médicales de ces établissements, comportant un lien Internet vers un site non sécurisé contenant dix documents confidentiels afférents à des marchés. À la suite d'investigations de la direction des services numériques et d'une enquête interne, le CHU Amiens-Picardie a retenu que Mme A avait sollicité ses collègues pour obtenir des pièces confidentielles et qu'elle avait participé à leur diffusion publique du 10 mars 2021, justifiant de prononcer le licenciement de l'intéressée pour des manquements à ses obligations au secret professionnel, à la discrétion à la réserve et à la loyauté.

13. Si Mme A conteste la matérialité de ces faits, il ressort des pièces du dossier et particulièrement de " l'extrait du compte rendu synthétique de la traçabilité d'accès au système d'information suite à l'incident de sécurité du 10 mars 2021 " rédigé par la direction des services numériques de l'établissement du 20 avril 2021 que les documents confidentiels rendus publics avaient fait l'objet d'accès de la part de Mme A les 22 février 2021 et 5 mars 2021, que l'intéressée avait le 22 février 2021 renommé en y ajoutant le mot " antidaté " un répertoire contenant certains des documents diffusés le 10 mars 2021, et que l'exploitation informatique des documents diffusés a permis d'établir que Mme A avait adressé de son adresse professionnelle vers l'adresse personnelle de Mme B, ancienne directrice des achats du GHT Somme Littoral Sud, un courriel du 9 février 2021 indiquant de " bien anonymiser " les échanges. Par ailleurs, lors d'une enquête administrative, trois collègues de Mme A ont attesté de ce que l'intéressée les avait sollicités afin d'obtenir des documents confidentiels. Mme A suppose que ces témoignages ont procédé de manœuvres de subornation de la part du CHU Amiens-Picardie sans apporter d'éléments suffisamment probants au soutien de ces suppositions. Il résulte de tout ce qui précède que la matérialité des faits reprochés à l'intéressée est suffisamment caractérisée.

14. Malgré l'absence d'antécédents disciplinaires de Mme A, le CHU Amiens-Picardie était fondé à prononcer, à raison de ces faits fautifs, la sanction de licenciement à l'égard de l'intéressée, eu égard à la gravité des manquements commis. Le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction infligée doit ainsi être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d'un délit, d'un crime ou susceptibles d'être qualifiés de conflit d'intérêts au sens du I de l'article 25 bis dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. / Aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. / Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. / () / En cas de litige relatif à l'application quatre premiers alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit, d'un crime, d'une situation de conflit d'intérêts ou d'un signalement constitutif d'une alerte au sens de l'article 6 de la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ". Aux termes de l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dans sa rédaction applicable au litige : " Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ". Aux termes de l'article 8 de cette même loi, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le signalement d'une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci. / En l'absence de diligences de la personne destinataire de l'alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative ou aux ordres professionnels. / En dernier ressort, à défaut de traitement par l'un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public. / II. - En cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I. Il peut être rendu public ".

16. Mme A soutient que le CHU Amiens-Picardie lui a infligé la sanction en litige par mesure de rétorsion, après qu'elle a constaté à compter du mois de novembre 2020 des irrégularités à la législation sur la commande publique dans le cadre de ses fonctions, l'ayant amenée à alerter sa hiérarchie sans succès, à en rendre compte à son ancienne directrice des achats le 9 février 2021, à signaler ces faits au procureur de la République le 27 mars 2021 et à saisir le Défenseur des droits le 7 juin 2021.

17. Il ressort des pièces du dossier que les supérieurs hiérarchiques de Mme A ont attesté n'avoir jamais été alertés par Mme A d'irrégularités répétées à la législation sur la commande publique. À supposer que les informations transmises à Mme B, ancienne directrice des achats du CHU Amiens-Picardie, par ailleurs en litige avec la direction du CHU Amiens-Picardie, le 9 février 2021 eussent pu constituer une alerte de bonne foi au sens des dispositions de l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016 précitées, la participation de l'intéressée à la divulgation publique d'informations couvertes par le secret professionnel le 10 mars 2021 ne respectait pas la procédure prévue par l'article 8 de cette même loi. Il ressort en effet des pièces du dossier que le CHU Amiens-Picardie, saisi des prétendues irrégularités à la législation à la commande publique par un courriel émanant de l'ancienne directrice des achats du CHU Amiens-Picardie en date du 23 février 2021, a indiqué en réponse par courrier du 25 février 2021, qu'il faisait " réaliser très rapidement une enquête relative aux pratiques au sein de la direction des achats ". Il ressort d'un courriel du 26 février 2021 que l'enquête, confiée à un cabinet d'avocats indépendant, devait initialement débuter le 11 mars 2021 avant d'être repoussée au 16 mars 2021 en raison de la divulgation des documents confidentiels litigieux. Il résulte de ce qui précède que le CHU Amiens-Picardie a réagi avec diligence au signalement du 23 février 2021.

18. Surabondamment, la divulgation publique des informations couvertes par le secret professionnel est intervenue antérieurement au courrier adressé par Mme A au ministère public le 27 mars 2021, alors qu'il n'est justifié d'aucun danger grave et imminent ni aucun risque de dommages irréversibles. Le CHU Amiens-Picardie justifie au demeurant qu'il n'a eu connaissance de ce que la requérante entendait se prévaloir de la qualité de lanceuse d'alerte en application des dispositions précitées que par un courrier du 8 septembre 2021, postérieur à la décision en litige. L'établissement public de santé doit ainsi être regardé comme apportant la preuve que la sanction édictée était étrangère à la prétendue alerte de l'intéressée. Enfin, par décision du 28 février 2022, la défenseure des droits, après avoir recueilli les explications du CHU Amiens-Picardie, a clos les dossiers de Mme B et de Mme A.

19. Il s'ensuit que, sans qu'ait d'incidence sur la légalité de la décision en litige l'absence alléguée de procédure appropriée de recueil des signalements au sein du CHU Amiens-Picardie au sens des dispositions du III de l'article 8 de la loi du 9 décembre 2016 précitée, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige a méconnu les dispositions de l'article 6 ter A sur les lanceurs d'alerte, ou que la sanction en litige a constitué des représailles au sens des dispositions de l'article 19 de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union, dont le délai de transposition n'était, en tout état de cause, pas expiré à la date de la décision attaquée.

20. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU Amiens-Picardie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le CHU Amiens-Picardie et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Mme A versera au CHU Amiens-Picardie une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A et au centre hospitalier universitaire Amiens-Picardie.