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Décisions

CA Riom, 1re ch., 9 avril 2024, n° 22/01543

RIOM

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. VALLEIX

Conseillers :

M. ACQUARONE, Mme BEDOS

Avocats :

SCP PORTEJOIE, Me LACQUIT, SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES

RIOM, du 23 JUIN 2022

23 juin 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [V] [Z] est propriétaire d'un bien immobilier cadastré section AV numéro [Cadastre 1] et situé au [Adresse 4] à [Localité 5] (Puy-de-Dôme). Mme [E] [A] épouse [J] et M. [T] [J] sont également propriétaires d'un bien immobilier cadastré AV numéro [Cadastre 2] situé au 7 dans la même avenue. Ces deux propriétés sont contigües et séparées par un mur.

A la suite d'un différend portant sur le mur de séparation de leurs propriétés, M. [Z] a saisi le Conciliateur de justice dre la circonscritpion de [Localité 5] d'une demande de conciliation extra-judiciaire. Le 14 septembre 2018, un constat d'accord entre les parties a été établi. A la requête de M. [Z], M. [P] [C], géomètre-expert, a été mandaté afin de réaliser un bornage amiable des deux propriétés et de faciliter un commun accord sur les limites séparatives de propriété.Un procès-verbal de bornage amiable a été signé par les parties le 13 janvier 2020.

Se plaignant de travaux de réalisation d'un nouveau mur séparatif par les époux [J], M. [Z] a sollicité l'intervention de Me [H] [L], commissaire de justice à [Localité 5] (Puy-de-Dôme), afin de réaliser le 7 octobre 2020 un procès-verbal de constat. De vains échanges entre les conseils des parties ont eu lieu courant février et mars 2022.

Par acte de commissaire de justice du 7 janvier 2022, M. [V] [Z] a fait assigner Mme [E] [A] épouse [J] et M. [T] [J] devant le tribunal de proximité de Riom qui, suivant un jugement n° RG-11-22-000012 rendu le 23 juin 2022, a :

- [dans les motifs] déclaré recevable l'action intentée par M. [Z] au regard de l'obligation de tentative préalable de conciliation ou de médiation prévue à l'article 750-1 du code de procédure civile ;

- déclaré l'action intentée par M. [Z] irrecevable pour cause de prescription ;

- condamné M. [Z] à payer à M. [J] une somme de 2.000,00 € à titre de dommages et intérêts ;

- condamné M. [Z] à payer aux époux [J] une indemnité de 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné M. [Z] aux dépens de l'instance.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 21 juillet 2022, le conseil de M. [Z] a interjeté appel du jugement susmentionné, l'appel portant sur cette décision de justice en ce qu'elle :

- a déclaré l'action intentée par M. [Z] irrecevable pour cause de prescription ;

- a condamné M. [Z] à payer à M. [J] une somme de 2.000,00 € de dommages et intérêts, outre 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. et Mme [J] et aux dépens ;

- n'a ainsi pas statué sur la demande de M. [Z] de voir ordonner aux époux [J] de procéder à la suppression du mur et de la palissade édifiée en limite des propriétés cadastrée section AV n° [Cadastre 1] et n° [Cadastre 2] sous atsreinte de 100,00 € par jour de retard à compter de la signification de la décision, de les condamner à réhabiliter le mur litigieux dans son état originel et de les condamner à leur payer 5.000,00 € de dommages et intérêts et 1.000,00 € d'article 700 du code de procédure civile, outre condamnation aux dépens de l'instance ;

- a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 9 octobre 2022, M. [V] [Z] a demandé de :

- au visa des articles 750-1 du code de procédure civile et 651 et 1240 du Code civil ;

- réformer le jugement rendu le 23 juin 2022 par le tribunal de proximité de Riom et statuer de nouveau ;

- juger recevables et bien fondées les demandes de M. [Z] ;

- ordonner aux époux [J] de procéder à la suppression du mur et de la palissade qu'ils ont édifiés en limite des propriétés cadastrées section AV n° [Cadastre 1] et n° [Cadastre 2], sous astreinte de 100,00 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- condamner les époux [J] à réhabiliter le mur litigieux, dans son état originel ;

- condamner les époux [J] à payer à M. [Z] la somme de 5.000,00 € à titre de dommage et intérêts ;

- débouter les époux [J] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner les époux [J] à payer à M. [Z] une indemnité de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les époux [J] aux entiers dépens.

' Par dernières conclusions d'intimé et d'appel incident notifiées par le RPVA le 25 octobre 2022, M. [T] [J] et Mme [E] [A] épouse [J] ont demandé de :

- déclarer infondé l'appel de M. [Z] ;

- confirmer purement et simplement le jugement querellé en ce qu'il a déclaré prescrite l'action initiée par ce dernier ;

- débouter M.[Z] de l'ensemble de ses revendications ;

- confirmer également le jugement querellé en ce qu'il a retenu un comportement inadapté à la charge de M. [Z], sauf à porter les dommages et intérêts alloués à la somme de 5.000,00 € ;

- condamner M. [Z] à une indemnité complémentaire de 2.500,00 € au profit des époux [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés au titre de l'appel ;

- condamner M. [Z] aux entiers dépens, de première instance et appel.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l'appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Par ordonnance rendue le 11 janvier 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile en conseiller-rapporteur du 22 février 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 9 avril 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient préalablement de constater que les époux [J] ne forment pas d'appel incident sur la recevabilité de l'action intentée par M. [Z] au regard de l'obligation de tentative préalable de conciliation ou de médiation prévue à l'article 750-1 du code de procédure civile.

En lecture du constat d'huissier de justice susmentionné du 7 octobre 2020, auquel est annexé un plan de bornage et des clichés photographiques :

- le côté est de la parcelle AV-[Cadastre 2] des époux [J] est construit d'un mur maçonné surmonté d'un brise-vue de type palissade qui court le long de la limite séparatives de cette même parcelle et de la parcelle AV-[Cadastre 1] de M. [Z] ce mur ayant pour emprise la parcelle AV-[Cadastre 2] ;

- le mur susmentionné des époux [J] fait donc face au côté ouest de la parcelle AV-[Cadastre 1] de M. [Z] ;

- l'ensemble du mur maçonné des époux [J] est d'une hauteur de l'ordre de deux mètres, dont le faîte comporte un dispositif de tuiles descendant du côté de la propriété de ces derniers, mais est surmonté de piquets sur lesquels est fixé un brise-vue de type palissade avec des lattes verticales et des espaces entre les lattes, l'ensemble de ce dispositif de clôture mesurant plus de trois mètres de hauteur et surplombant le fonds limitrophe de M. [Z] à son aspect ouest ;

- selon cet officier ministériel, il résulte de ce mur surmonté d'une palissade estimé en sur-hauteur par rapport au fonds de M. [Z] un préjudice de perte d'entrée de la lumière et de gène pour le passage de l'air.

Les époux [J], qui contestent la réalité de ce grief invoqué par M. [Z], demandent préalablement la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a déclaré irrecevable pour cause de prescription quinquennale la demande principale de M. [Z] tendant à leur ordonner de supprimer sous astreinte ce mur et cette palissade et à réhabiliter le mur litigieux dans son état originel.

L'article 122 du code de procédure civile dispose que « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » tandis que l'article 2224 du Code civil dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. » et que l'article 2238 du Code civil dispose que « La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative ou à compter de l'accord du débiteur constaté par l'huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution. / Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. En cas de convention de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. En cas d'échec de la procédure prévue au même article, le délai de prescription recommence à courir à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l'huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. ».

La discussion relative à l'application de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du Code civil, invoquée par les époux [J], n'est aucunement contestée dans son principe par M. [Z] en ce qui concerne sa demande principale de suppression sous astreinte de mur et de palissade en limite de propriété et de réhabilitation du mur litigieux dans son état originel.

En l'occurrence, les époux [J] versent aux débats une attestation établie le 10 février 2022 dans le respect des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile par M. [N] [O], précédent propriétaire du fonds AV-[Cadastre 2], certifiant qu'au moment de la vente de cette propriété aux époux [J] en 1995, le mur litigieux était déjà existant, ayant été bâti en pierre et mortier avec des piquets scellés sur le dessus. Ils justifient par ailleurs, par la production d'une facture d'entreprise de maçonnerie du 24 avril 2010, avoir fait procéder en 2010 à des travaux de rénovation de ce mur alors qu'une attestation établie dans le respect des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile le 25 janvier 2022 par M. [I] [G], artisan dirigeant cette entreprise du bâtiment, certifie que ce dernier a notamment aménagé sur ce mur un chaînage recouvert de tuiles inclinées du côté du terrain des époux [J] afin d'éviter des infiltrations d'eau. Ils produisent enfin des photographies de la construction de leur piscine montrant alors que le mur litigieux était déjà existant et surmonté d'un brise-vue. Ils apportent en effet cette preuve en joignant à ces explications la facture de construction de cette piscine datée du 29 août 2003.

Contrairement à ce que continue d'objecter M. [Z], il n'apparaît dès lors pas plus contestable en cause d'appel qu'en première instance que le mur de clôture des époux [J], constitué d'une base maçonnée rehaussée d'une palissade en matériaux légers à usage de brise-vue, n'a pas été construit en 2015 mais était déjà existant en 2003 avec pour seule modification depuis lors celle du dispositif de palissade sur les piquets préexistants. C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que plus de cinq années se sont écoulées à partir de 2003 entre d'une part le jour où il est établi que M. [Z] avait une connaissance suffisante et certaine des éléments lui permettant d'exercer son action en allégation de trouble de voisinage du fait de la clôture de son voisin et d'autre part la date du 14 septembre 2018 de conciliation entre les parties, à plus forte raison celle du 7 janvier 2022 d'assignation en première instance. Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré cette action irrecevable pour cause de prescription quinquennale.

Les époux [J] produisent par ailleurs un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 21 janvier 2022 qui retranscrit in extenso un message téléphonique déposait le 25 mai 2019 par M. [Z] à l'intention de M. [J], constituant à l'égard de ce dernier une véritable bordée d'injures et contenant des menaces explicites et réitérées de violences physiques. C'est donc à juste titre que le premier juge, statuant au visa de l'article 1240 du Code civil dans le cadre d'une demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par M. [J], a reconnu l'existence d'un préjudice moral souffert par ce dernier du fait de ces agissements et a arbitré sa demande de dommages-intérêts à la somme de 2.000,00 €. M. [J] sera dès lors débouté de son appel incident aux fins de rehaussement de cette condamnation pécuniaire à la somme de 5.000,00 €.

Le jugement de première instance sera confirmé en ses décisions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'imputation des dépens de première instance.

Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge des époux [J] les frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 2.500,00 €.

Enfin, succombant à l'instance, M. [Z] sera purement et simplement débouté de sa demande de dommages-intérêts ainsi que de sa demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, il supportera les entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG-11-22-000012 rendu le 23 juin 2022 par le tribunal de proximité de Riom dans l'instance opposant M. [V] [Z] à Mme [E] [A] épouse [J] et M. [T] [J].

Y ajoutant.

CONDAMNE M. [V] [Z] à payer au profit de Mme [E] [A] épouse [J] et M. [T] [J] une indemnité de 2.500,00 €, en dédommagement de leurs frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE le surplus des demandes des parties.

CONDAMNE M. [V] [Z] aux entiers dépens de l'instance.