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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 16 avril 2024, n° 23/01266

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 23/01266

16 avril 2024

[H] [D]

C/

[X] [T]

[O] [Z]

[R] [P]

[H] [G]

[F] [K]

POLYCLINIQUE [13]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SAONE ET LO IRE

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1re chambre civile

ARRÊT DU 16 AVRIL 2024

N° RG 23/01266 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GIZE

N° RG 23/01275 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GI2L

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 19 septembre 2023,

rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon - RG : 23/00074

APPELANT :

Monsieur [H] [D]

domicilié es qualités :

Polyclinique [13] - [Adresse 5]

[Localité 7]

Intimé dans le dossier RG : 23/01275

Assisté de la société BELLOC AVOCATS, avocats au barreau de LYON, plaidants, et représenté par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 126

INTIMÉS :

Monsieur [X] [T]

né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me David FOUCHARD, membre de la SELARL CABINET D'AVOCATS PORTALIS ASSOCIES - CAPA, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 45

Monsieur [O] [Z]

domicilié es qualités :

[Adresse 5] - Polyclinique [13]

[Localité 7]

Assisté de Me Jérôme DUQUENNOY, avocat au barreau de CHALON SUR SAÔNE, plaidant, et représenté par Me Clémence MATHIEU, avocat au barreau de DIJON, postulant, tous deux membres de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, vestiaire : 38

Monsieur [R] [P]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 12]

domicilié es qualités :

Polyclinique [13] - [Adresse 5]

[Localité 7]

Appelant dans le dossier RG : 23/01275

Assisté de Me Laure SOULIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représenté par Me Michèle LOISY, avocat au barreau de MACON, postulant

Monsieur [H] [G]

domicilié es qualités :

Polyclinique [13] - [Adresse 5]

[Localité 7]

Assisté de Me Amélie CHIFFERT, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représenté par Me Georges BUISSON, membre de la SELARL CABINET COTESSAT-BUISSON, avocat au barreau de MACON, postulant

Monsieur [F] [K]

né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 14]

domicilié es qualités :

Polyclinique [13]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Assisté de Me Philippe CHOULET, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représenté par Me Clémence MATHIEU, avocat au barreau de DIJON, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, postulant, vestiaire : 38

POLYCLINIQUE [13] représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège :

[Adresse 5]

[Localité 9]

Assistée de Me Sabine TISSERAND, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représentée par Me François DUCHARME, membre de la SCP DUCHARME, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 47

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SAONE ET LOIRE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social :

[Adresse 2]

[Localité 8]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 janvier 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 05 Mars 2024 pour être prorogée au 16 Avril 2024,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 22 décembre 2021, après avoir été anesthésié par le docteur [R] [P], M. [X] [T] a été opéré par le docteur [F] [K], chirurgien viscéral et digestif, d'une hernie inguinale gauche, au sein de la Polyclinique [13] à [Localité 15].

Le 29 décembre 2021, la réalisation d'une échographie au sein de cet établissement a permis l'identification chez M. [T] d'une nécrose testiculaire gauche. Il a été opéré le même jour par le docteur [O] [Z], chirurgien urologue, qui a réalisé une orchidectomie gauche.

Suivant exploits du 30 mai 2023, M. [T] a fait assigner la Polyclinique [13], le docteur [K], le docteur [G], le docteur [P], le docteur [D] et le docteur [Z] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon aux fins de voir ordonner une expertise médicale et condamner l'ensemble de ces acteurs de santé à lui verser une indemnité provisionnelle de 5 000 euros, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] a par ailleurs mis en cause la Caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire par acte du 11 juillet 2023.

Selon ordonnance du 19 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon, après avoir ordonné la jonction des deux instances, a notamment fait droit à la demande d'expertise judiciaire, confiée au docteur [X] [U], chirurgien viscéral et digestif, ainsi qu'au docteur [N] [E], urologue. Il a outre débouté M. [T] de sa demande de provision et de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déclaré sa décision opposable à la CPAM de Saône-et-Loire, et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration 6 octobre 2023, le docteur [D] a interjeté appel de cette ordonnance, uniquement en ce que la mission d'expertise confiée au collège d'experts comprenait le chef de mission suivant : '1 - Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droit tous documents utiles à sa mission' (procédure enregistrée sous le numéro de RG 23/01266).

Il a fait signifier sa déclaration d'appel notamment à la CPAM de Saône-et-Loire le 23 octobre 2023.

Par déclaration du 10 octobre 2023, le docteur [P] a également relevé appel de l'ordonnance du 19 septembre 2023 sur ce point n°1 de la mission d'expertise (procédure enregistrée sous le numéro de RG 23/01275).

Il a fait signifier sa déclaration d'appel notamment à la CPAM de Saône-et-Loire le 24 octobre 2023.

En ses dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2023 (dans les dossiers RG 23/01266 et 23/01275), le docteur [D] demande à la cour, au visa de l'article 367 du code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de :

- ordonner la jonction des instances n°23/01266 et 23/01275,

- le déclarer recevable en son appel et en ses écritures, les disant bien fondées,

- infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon du 19 septembre 2023 en ce qu'elle a 'enjoint la partie' défenderesse de produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise sollicitées par M. [X] [T] : '1- Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droit tous documents utiles à sa mission',

Et statuant à nouveau,

- juger qu'il pourra produire les éléments, pièces, y compris médicales, nécessaires à sa défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que les règles du secret médical ne puissent lui être opposées,

En conséquence :

- l'autoriser à remettre à l'expert les éléments et pièces nécessaires à sa défense, en ce compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel,

En tout état de cause :

- confirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon du 19 septembre 2023 en ce qu'il a refusé la demande de mise hors de cause de la Polyclinique [13],

- rejeter les demandes de condamnation formulées à son encontre par M. [T] à la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- rejeter la demande de condamnation formulée à son encontre par le docteur [G] à la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réserver les dépens.

Par actes des 9 novembre 2023 (dossier 23/01266) et 12 décembre 2023 (dossier 23/01275), le docteur [D] a fait signifier ses conclusions à la CPAM de la Saône-et-Loire.

En ses dernières écritures notifiées le 15 décembre 2023 (dans les dossiers 23/01266 et 23/01275), et signifiées à la CPAM de Saône-et-Loire le 20 décembre 2023, le docteur [P] demande à la cour, au visa de l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, des articles L.1110-4 et R.4127-4 du code de la santé publique, et de l'article 226-13 du code pénal, de :

A titre liminaire,

- procéder à la jonction des deux procédures d'appel initiées par le docteur [D] (RG n°23/01266), d'une part, et par lui-même (RG n°23/01275), d'autre part,

A titre principal,

- le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures et en son appel incident interjeté à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Mâcon le 19 septembre 2023 (RG 23/01275),

- retenir le bien-fondé de l'appel formé par le docteur [D] à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue 19 septembre 2023 [uniquement dans les conclusions du dossier 23/01266],

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 19 septembre 2023 en ce qu'elle subordonne à l'accord du demandeur la transmission des pièces médicales aux experts : 'Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droit tous documents utiles à sa mission',

Statuant de nouveau,

- l'autoriser à produire et à remettre aux experts toutes pièces, y compris médicales et protégées par le secret, nécessaires à sa défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que l'accord préalable du demandeur soit nécessaire et sans que les règles du secret médical et professionnel ne puissent lui être opposées,

En conséquence,

- ordonner qu'il puisse produire et remettre aux experts toutes pièces, y compris médicales et protégées par le secret, nécessaires à sa défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que l'accord préalable du demandeur soit nécessaire et sans que les règles du secret médical et professionnel ne puissent lui être opposées,

- statuer ce que de droit sur les dépens,

En tout état de cause,

- rejeter les demandes de condamnation à son encontre au versement d'une somme de 2 000 euros sollicité par M. [T] et par le docteur [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer l'ordonnance rendue le 19 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Mâcon en ce qu'elle 'met hors de cause' la Polyclinique et débouter cette dernière de sa demande de mise hors de cause,

- réserver les dépens.

Par conclusions notifiées le 5 décembre 2023 (dossiers RG 23/1266 et 23/1275), et signifiées à la CPAM de Saône-et-Loire le 12 décembre 2023, le docteur [K] demande à la cour, au visa de la loi Kouchner du 4 mars 2022, des articles L.1142-1 et suivants du code de la santé publique, de l'article 145 du code de procédure civile, de l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, de l'article 16 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ainsi que des principes d'égalité des armes, des droits de la défense et du droit à un procès équitable, de :

- déclarer recevable son appel incident et y faire droit,

- confirmer l'ordonnance dont appel sauf en ce qu'elle conditionne la transmission de pièces médicales à l'expert judiciaire à l'accord de la partie demanderesse,

En conséquence,

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a donné mission à l'expert judiciaire de : '1 - Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droit tous documents utiles à sa mission',

Et statuant à nouveau,

- juger qu'il sera autorisé à se faire communiquer par tous tiers, médecins et établissements de soins et à les produire dans le cadre des opérations d'expertise, toutes les pièces médicales nécessaires à sa défense, sans l'accord préalable du patient et sans que les règles du secret médical et professionnel ne puissent lui être opposées,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions notifiées le 4 décembre 2023 (dossiers 23/01266 et 23/01275), le docteur [G] demande à la cour de :

- lui donner acte qu'il s'en rapporte à justice en ce qui concerne la mission d'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon,

- condamner les appelants, ou tout autre succombant, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En ses écritures notifiées les 1er décembre 2023 (dossier 23/01266) et 8 décembre 2023 (dossier 23/01275), la Polyclinique [13] demande à la cour, au visa de l'article 367 du code de procédure civile, de l'article 145 du code de procédure civile, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 232 du code de procédure civile, de :

- ordonner la jonction des deux instances N° 23/01266 et N° 23/01275,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,

- infirmer l'ordonnance de référé du 19 septembre 2013 du tribunal judiciaire de Mâcon en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de mise hors de cause,

Et statuant à nouveau,

- ordonner sa mise hors de cause,

A titre subsidiaire, si par impossible la mise hors de cause était rejetée,

- infirmer l'ordonnance de référé du 19 septembre 2013 en ce qu'elle subordonne la communication des éléments médicaux détenus par tous tiers, praticiens et établissements de soins ayant pris en charge le patient, à l'accord préalable de ce dernier,

Et statuant à nouveau,

- l'autoriser à remettre au collège d'experts les éléments et pièces nécessaires à sa défense, dont tous documents médicaux sans que le secret médical lui soit opposé, et sans accord préalable de M. [T],

- confirmer l'ordonnance pour le surplus,

- statuer ce que de droit sur les dépens avec recouvrement direct au profit de Maître François Ducharme, avocat associé, sur son affirmation de droit.

En ses écritures notifiées le 29 novembre 2023 (dossiers 23/01266 et 23/01275), et signifiées à la CPAM de Saône-et-Loire 12 décembre 2013, le docteur [Z] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 19 septembre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon, en ce qu'elle a notamment donné mission à l'expert de : 'Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droit, tous documents utiles à sa mission',

Statuant à nouveau en fait et en droit,

- juger que l'expert judiciaire aura notamment pour mission de : 'Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal ou par toute partie à l'expertise tous documents utiles à sa mission',

- confirmer la décision pour le surplus.

Par conclusions notifiées le 21 novembre 2023 (dossiers 23/01266 et 23/01275), M. [T] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise,

- lui allouer une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les appelants aux entiers dépens de l'instance d'appel.

La CPAM de Saône-et-Loire n'a constitué avocat dans aucune des deux procédures.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture a été prononcée par des ordonnances du 9 janvier 2024.

MOTIFS

Sur la jonction

Dans la mesure où les procédures enregistrées sous les N° de RG 23/01266 et 23/01275 tendent toutes deux à l'infirmation des mêmes chefs de l'ordonnance rendue le 19 septembre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon, il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner leur jonction, la procédure se poursuivant sous le N° de RG 23/01266.

Sur la demande de mise hors de cause de la Polyclinique [13]

La Polyclinique [13] conclut à sa mise hors de cause, au motif que les docteurs [K], [G], [P], [D] et [Z] exercent à titre libéral, de sorte qu'elle ne peut être responsable de leurs éventuels manquements, qui en l'état ne sont d'ailleurs pas établis.

Il est toutefois rappelé que les établissements de santé privés sont tenus à l'égard des patients d'une obligation générale d'organisation, de soins et de surveillance, et que leur responsabilité est susceptible d'être recherchée en cas de manquement à ces obligations.

Dans la mesure où il n'est pas possible de déterminer, à ce stade de la procédure, la cause des complications médicales subies par M. [T], sur lesquelles l'expertise ordonnée à précisément pour objet d'apporter un éclairage technique, il n'y a pas lieu d'ordonner la mise hors de cause de la Polyclinique [13].

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée sur ce point.

Sur la mission d'expertise

Il est reproché à l'ordonnance entreprise d'avoir conditionné à l'accord de M. [T], la communication au collège d'experts des pièces utiles à la réalisation des opérations d'expertise, et ce, au mépris des droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1996.

L'article L.1110-4 du code de la santé publique consacre le droit de toute personne prise en charge par un professionnel de santé ou un établissement de soins au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Il précise que, sauf dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel ou de tout membre du personnel de ces établissements, et qu'il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

En vertu de ces dispositions, la personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant, et peut exercer ce droit à tout moment.

L'article R.4127-4 du même code précise que le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi, et qu'il couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris.

Ce droit au secret médical doit toutefois être appréhendé à la lumière des grands principes issus des normes constitutionnelles et conventionnelles garantissant les droits de la défense.

En particulier, le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'éléments de fait essentiels pour l'exercice de ses droits et le succès de ses prétentions constitue une atteinte au principe d'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En l'espèce, en soumettant la production de pièces médicales par les parties défenderesses à la procédure de référé expertise, dont la responsabilité est susceptible d'être ultérieurement recherchée, à l'accord de M. [T], alors que ces pièces peuvent s'avérer utiles voire même essentielles à la réalisation de la mesure d'instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l'ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de la défense des docteurs [D], [P], [K], [G] et [Z] ainsi que de la Polyclinique [13].

Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l'une des parties au litige peut se trouver empêchée, par l'autre, de produire les pièces qu'elle estime utiles au bon déroulement des opérations d'expertise et nécessaires à sa défense.

Il convient donc d'infirmer l'ordonnance entreprise de ce chef.

Sur les frais de procès

Au regard de la nature du litige, il convient de dire que les dépens exposés en appel seront laissés à la charge provisoire de ceux qui les ont supportés.

Aucune considération tirée de l'équité ne justifie en outre de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la jonction entre les procédures enregistrées sous les N° de RG 23/01266 et 23/01275, la procédure se poursuivant sous le N° de RG 23/01266,

Confirme l'ordonnance du 19 septembre 2023 en toutes ses dispositions critiquées, sauf en celle ayant conditionné la production de pièces aux experts à 'l'accord de l'intéressé ou de ses ayants droit',

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que les experts désignés auront notamment pour mission de : 1 - Se faire communiquer par les parties ou par des tiers tous documents utiles à leur mission, sans que les règles du secret médical puissent leur être opposées,

Déclare le présent arrêt commun à la CPAM de Saône-et-Loire,

Dit que les dépens exposés en appel seront laissés à la charge provisoire de ceux qui les ont supportés,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président