CA Douai, 2e ch. sect. 1, 11 avril 2024, n° 22/02733
DOUAI
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Pizza Paï International (SAS)
Défendeur :
OVH (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gilles
Conseillers :
Mme Mimiague, Mme Bubbe
Avocats :
Me Camus-Demailly, Me Rault, Me Ekwalla-Mathieu, Me Gelles
EXPOSE DU LITIGE
La société OVH est spécialisée dans l'offre de services et d'infrastructures Internet. La société Pizza Paï international propose des services de restauration traditionnelle de spécialités italiennes. La société Pizza Paï international a loué auprès de la société OVH un serveur dédié n° NS31544910 ip-51-91-62 à partir du 9 septembre 2019.
Le contrat proposé (constitué des conditions générales de services et des conditions particulières de location de serveur dédié OVH 2 ) était un contrat d'une durée d'un mois, payable d'avance, renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes d'un mois.
La société OVH a résilié le contrat en se prévalant d'un défaut de paiement pour le mois de mars 2020.
Par acte d'huissier du 15 avril 2021, la société Pizza Paï international a assigné la société OVH devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, au visa des articles 1104, 1110, 1171 (déséquilibre significatif), 1225, 1226 du code civil et L. 442-1, II du code de commerce (rupture brutale des relations commerciales établies) en responsabilité et indemnisation, aux fins essentiellement de voir :
- constater la mauvaise foi de la société OVH dans la mise en œuvre de la résiliation du contrat,
- dire que le contrat, composé des conditions générales de services et des conditions particulières serveurs dédiés, est un contrat d'adhésion,
- constater le caractère abusif des clauses résolutoires stipulées aux articles 8 alinéa 7 des conditions particulières serveurs dédiés et 6.5 des conditions générales de services de la société OVH,
- dire que les clauses résolutoires stipulées aux articles 8 alinéa 7 des conditions particulières Serveurs Dédiés et 6.5 des conditions générales de services de la société OVH sont réputées non-écrites,
- dire abusive la résiliation du contrat par la société OVH,
- condamner la société OVH à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'exécution de bonne foi du contrat et rupture abusive,
- dire que la rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties est imputable à la société OVH,
- condamner la société OVH à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de sa rupture brutale des relations commerciales établies,
- condamner la société OVH à la réparation du préjudice subi lié à la perte partielle de sa base de données sur la période du 1er janvier 2020 au 15 mars 2020, estimé à un montant de 5 000 euros,
- condamner la société OVH à la réparation du préjudice subi résultant des dépenses exposées pour procéder à la reconstitution partielle de la base de données par le service informatique de la demanderesse (10 jours à un taux journalier de 500 euros) et par son prestataire informatique, dont le montant s'élève au total à 22 184 euros,
- condamner la société OVH à la réparation du préjudice subi lié à la réutilisation des chèques de fidélités par des clients qui en ont déjà bénéficié sur la période du 1er janvier 2020 au 15 mars 2020 et qui ont dû être remis en raison de la perte de données, estimé à 14 840 euros.
Par jugement contradictoire du 10 mars 2022, le tribunal de commerce a :
- débouté la SAS Pizza Paï international de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SAS Pizza Paï international à payer à la SAS OYH la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Pizza Paï international à une amende civile de 3000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- débouté la SAS OYH de sa demande d'écarter l'exécution provisoire de droit,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la SAS Pizza Paï international aux entiers dépens taxés et liquidés à la somme de 69,59 euros (en ce qui concerne les frais de greffe).
Par déclaration du 7 juin 2022, la SAS Pizza Paï international a interjeté appel du jugement, critiquant expressément chacune des dispositions de la décision entreprise.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 février 2023, la SAS Pizza Paï international demande à la cour, au visa des articles 1104 (bonne foi), 1110 (contrat d'adhésion), 1171, 1214 et 1215 (renouvellement du contrat et tacite reconduction), 1225 (clause résolutoire), 1226 (résiliation unilatérale), 1342-8 (preuve du paiement par tout moyen) du code civil et L. 123-23 (force probante de la comptabilité du commerçant) du code de commerce de :
- réformer le jugement entrepris
- statuant à nouveau :
- à titre principal :
- dire qu'en supprimant purement et simplement le serveur n° NS31544910 ip-51-91-62 et les données contenues sur celui-ci, et en faisant ainsi produire des effets à la clause résolutoire prévue par l'article 8 de ses conditions particulières serveurs dédiés, la société OVH a méconnu les dispositions de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020,
- fixer au 27 juin 2020 l'expiration de la clause résolutoire prévue par l'article 8 des conditions particulières serveurs dédiés OVH, en vertu des dispositions rétroactives de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020,
- en conséquence,
- dire abusive la résiliation du contrat par la société OVH et la suppression par la société OVH de ses données, intervenues le 17 mars 2020,
- à titre subsidiaire :
- dire que le contrat liant les parties, composé des conditions générales de services et des conditions particulières serveurs dédiés, est un contrat d'adhésion,
- constater le caractère abusif des clauses résolutoires stipulées aux articles 8 alinéa 7 des conditions particulières serveurs dédiés et 6.5 des conditions générales de services de la société OVH,
En conséquence,
- dire que les clauses résolutoires stipulées aux articles 8 alinéa 7 des conditions particulières serveurs dédiés et 6.5 des conditions générales de services de la société OVH sont réputées non-écrites,
- dire abusive la résiliation du contrat par la société OVH,
- condamner la société OVH à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour manquement à l'exécution de bonne foi du contrat et rupture abusive,
En tout état de cause :
- réformer le jugement du tribunal de commerce Lille Métropole du 10 mars 2022 en ce qu'il l'a condamnée :
* à payer à la société OVH la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* à payer une amende civile de 3 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
* aux entiers dépens,
- débouter la société OVH de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société OVH à la réparation du préjudice subi lié à la perte de partielle de sa base de données sur la période du 1er janvier 2020 au 15 mars 2020, estimé à un montant de 5 000 euros,
- condamner la société OVH à la réparation du préjudice subi résultant des dépenses exposées pour procéder à la reconstitution partielle de la base de données par le service informatique externalisé de Pizza Paï international (10 jours à un taux journalier de 500 euros) et par son prestataire informatique, dont le montant s'élève au total à 22 184 euros,
- condamner la société OVH à la réparation du préjudice lié à la réutilisation des chèques de fidélités par des clients qui en ont déjà bénéficié sur la période du 1er janvier 2020 au 15 mars 2020 et qui ont dû être réémis en raison de la perte de la base de données, estimé à 14 840 euros,
- condamner la société OVH à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- condamner la société OVH aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 février 2023, la société OVH demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 10 mars 2022 en toutes ses dispositions,
En conséquence :
- débouter la société Pizza Paï international de sa demande de fixation au 27 juin 2020 de l'expiration de l'article 8 des Conditions particulières de location de serveur dédié,
- débouter la société Pizza Paï international de sa demande tendant à voir jugée abusive la clause résolutoire figurant dans les contrats qu'elle a offerts,
- débouter la société Pizza Paï international de sa demande tendant à remettre en cause la validité de la résiliation du contrat,
- débouter la société Pizza Paï international de sa demande fondée sur la prétendue rupture brutale d'une relation commerciale établie,
- condamner la société Pizza Paï international à une amende civile de 3 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
Subsidiairement, limiter le montant de l'indemnisation devant être versée par elle-même à la société Pizza Paï international à la somme de 1 309,10 euros,
En tout état de cause
- condamner la société Pizza Paï international à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 décembre 2023.
MOTIVATION
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, pour faire face à l'épidémie de covid-19, a instauré un état d'urgence sanitaire et a prévu dans son titre II des mesures d'urgence économique et d'adaptation à la lutte contre l'épidémie de covid-19. Parmi ces mesures, l'article 11, I, autorise le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, afin, notamment, de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi.
Prise en application de cette habilitation, l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, publiée au Journal officiel du 26 mars 2020, instaure une période juridiquement protégée afin d'éviter que les acteurs économiques soient sanctionnés pour ne pas avoir respecté certains délais ou mis en œuvre certaines mesures administratives ou judiciaires pendant la période de l'état d'urgence sanitaire.
Tel que modifié par l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020, l'article 1 a fixé le terme de la période juridiquement protégée au 23 juin 2020 à minuit (fin de l'état d'urgence sanitaire plus un mois).
L'article 1, II, énumère les matières pour lesquelles les règles dites de prorogation des délais instaurées ne sont pas applicables, excluant, en son 5, les délais et mesures faisant l'objet d'autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid 19 ou en application de celle-ci.
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 dispose que :
« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er.
Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.
La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation, autre que de sommes d'argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l'article 1, est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période.
Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er ».
La société Pizza Paï international soutient qu'en supprimant dès le 17 mars 2020 le serveur en cause et les données qu'il contenait, la société OVH a fait produire des effets prématurés à l'article 8 des conditions particulières, méconnaissant ainsi les dispositions rétroactives de l'ordonnance n° 2020-306.
La société OVH expose au contraire qu'il résulte des factures, des conditions générales de services et des conditions particulières de location de serveur dédié, que le contrat proposé par elle était un contrat d'une durée d'un mois, payable d'avance, renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes d'un mois. Elle soutient que le dernier contrat parfaitement exécuté est celui qui a couru du 1er au 28 février 2020 et que le suivant, pour mars 2020, aurait dû être réglé par avance, au plus tard à la réception de la facture correspondante, le 2 mars 2020 et qu'en l'absence de tout règlement ou de tout moyen de paiement enregistré par le client en lien avec un renouvellement automatique de ses services, elle a enregistré le défaut de paiement dès le lendemain et a adressé une notification en laissant 7 jours pour régulariser. En l'absence de règlement dans ce délai, la société OVH considère que le service a été résilié à l'issue de la période initiale, à savoir dès le 28 février 2020, date antérieure à la période visée par l'ordonnance n° 2020-306 qui, par conséquent, n'a pas été méconnue. Cette société fait valoir les termes selon elle explicites de sa notification du 10 mars 2020, annonçant la suspension du serveur dans les minutes suivantes. La possibilité de règlement dans les cinq jours n'ayant eu pour objet, selon elle, que d'empêcher, le cas échéant, l'effacement définitif des disques durs loués.
Sur ce, la cour observe que les factures mensuelles de 227,99 euros TTC sont établies en début de mois et mentionnent être payables à la réception, pour novembre 2019, décembre 2019, janvier 2020, février 2020 et mars 2020. Jusqu'à janvier 2020 inclus, il est précisé que les factures sont payées par « relevé de compte ». A compter de février 2020, les factures mensuelles portent la mention suivante : « Cette facture sera déposée sur Chorus Pro ou payée par prélèvement bancaire si une convention tripartite a été mise en place ». Cette facture mensuelle de février 2020 précise les coordonnées bancaires de la société OVH, à la différence des autres factures mensuelles.
En outre, il y a une facture dite de souscription, du 16 juin 2020, d'un montant de 3 916,56 euros TTC, correspondant à un engagement de 24 mois. Cette facture, qui précise également les coordonnées bancaires de la société OVH, mentionne que cette somme est payable par prélèvement sur le moyen de paiement par défaut.
Les conditions générales de service mentionnent expressément par des dispositions dépourvues d'obscurité que le contrat est conclu pour une durée indéterminée et reste en vigueur tant que le client utilise les services OVH.
Cependant, à partir de février 2020, les factures mensuelles portent la mention « renouvellement ». L'article 8 des conditions particulières de service rend expressément obligatoire entre les parties le règlement des factures de renouvellement par prélèvements automatiques sur le moyen de paiement enregistré par le client, lequel s'engage expressément à enregistrer un moyen de paiement valide sur son compte client. La disposition contractuelle en cause se lit ainsi :
« Lors de la commande et ainsi qu'à chaque renouvellement du service, une facture est émise et réglée par prélèvement automatique sur le moyen de paiement enregistré par le client. Le client s'engage à enregistrer un moyen de paiement valide sur son compte client OVH parmi les moyens de paiement disponibles. Il appartient au client de déterminer avec précision l'offre répondant le mieux à ses besoins, celle-ci ne pouvant par la suite être modifiée en cours de contrat.
La Durée Initiale commence le jour de la mise à disposition effective du serveur dédié. A l'issue de la Durée Initiale, la durée de location se renouvelle automatiquement pour des périodes successives de même durée (la ou les « Périodes de Renouvellement »), sauf modification de la durée de renouvellement ou résiliation du Service conformément aux conditions prévues ci-dessous ou Conditions générales de services en vigueur.
[']
Si le client ne souhaite pas que la durée de location d'un serveur dédié soit renouvelée à l'issue de sa durée initiale ou période de renouvellement en cours (« Date de Renouvellement »), il désactive la fonctionnalité de paiement automatique dans son interface de gestion au moins 24 heures avant la fin de la Durée Initiale ou de la Période de Renouvellement en cours.»
L'article 8 précise qu'à l'issue de la durée initiale, la durée de location se renouvelle automatiquement pour des périodes successives de même durée.
La société Pizza Paï reconnaît expressément dans ses conclusions que le contrat est d'une durée d'un mois renouvelable en contrepartie du versement de la somme de 227,99 euros.
L'article 8 alinéa 7 des conditions particulières se lit ainsi :
'En cas de désactivation du paiement automatique dans les conditions prévues ci-dessus, le Service concerné est automatiquement résilié et supprimé à l'issue de la durée initiale ou de la période de Renouvellement en cours (Date d'Expiration). L'ensemble des contenus et données stockés par le client dans le cadre du Service sont quant à eux supprimés dans un délai maximum de sept (7) jours à compter de la Date d'Expiration dudit Service. Il en est de même en cas de résiliation immédiate ou anticipée. Il revient au Client de prendre toutes mesures nécessaires afin de s'assurer de la conservation desdits Contenus et données avant la résiliation du Service.'
Ces dispositions particulières sont à considérer en contemplation de celles de l'article 6.5 de conditions générales qui se lisent ainsi :
« De plus, tout défaut ou retard de paiement (même partiel) des sommes dues par le Client en exécution du Contrat, persistant plus de (4) quatre jours calendaires après notification de défaut ou retard de paiement adressé au Client par courriel, entraîne de plein droit et sans nécessité de notification ou mise en demeure supplémentaire ['] la possibilité pour OVH immédiatement et sans préavis de suspendre tout ou partie des Services du Client (y compris ceux qui ont été réglés), de refuser toute nouvelle Commande ou renouvellement de Services, et de résilier, de plein droit, par courriel, le Contrat en tout ou partie. »
Le 2 mars 2020, la société OVH a émis une facture de renouvellement pour la période de renouvellement de ce même mois, ayant commencé à courir le 1er mars 2020.
Il est constant que le paiement devait intervenir d'avance.
Le 3 mars 2020, la société OVH a adressé un courriel au client pour lui dire qu'en l'absence d'un moyen de paiement enregistré sur le compte ou d'un défaut sur celui déjà présent, la facture du 2 mars 2020 n'avait pas été honorée, et qu'il disposait d'un délai de 7 jours pour régulariser le paiement, faute de quoi le service serait suspendu.
Le 10 mars 2020, la société OVH a notifié par courriel à son client que le serveur était expiré et allait être suspendu dans les minutes suivantes, offrant cependant de le réactiver en acquittant le prix en ligne, rappelant la possibilité de souscrire le renouvellement automatique du serveur dans l'espace client et avertissant qu'en l'absence de règlement dans les cinq jours, le serveur serait définitivement arrêté, avec effacement des données des disques durs afin de garantir leur confidentialité, et impossibilité de les récupérer jamais.
La société OVH expose que le service souscrit, par l'effet du défaut de paiement à bonne date, « doit être considéré comme ayant été résilié à l'issue de la période initiale à savoir le 28 février 2020. »
Au contraire, la société Pizza Paï fait valoir que jusqu'à la suppression des données contenues sur le serveur, le 17 mars 2020, la société OVH a continué d'exécuter les obligations nées du contrat, ce qui aurait entraîné selon elle la tacite reconduction du contrat avec naissance d'un nouveau contrat à compter du 1er mars 2020, la possibilité de régler sous cinq jours à compter du 10 mars 2020 n'ayant pas eu seulement pour effet d'éviter l'effacement définitif du serveur mais encore de permettre la continuation du contrat existant.
Il apparaît en définitive à la cour que le courriel du 2 mars 2020 constitue la mise en œuvre de la faculté de résiliation de plein droit par courriel prévue aux articles 6.5 et 8 alinéa 7 déjà mentionnés, dispositions contractuelles non dépourvues cependant d'une certaine obscurité, d'un part, et d'autre part ayant fait l'objet d'une application modulée de la part de la société OVH, lui faisant l'obligation de ne pas revenir, au détriment de la société Pizza Paï, sur les délais expressément consentis, à peine d'abus du droit de résiliation.
Or, alors que le contrat doit s'interpréter dans le sens favorable au débiteur, il sera relevé que la société OVH a elle-même considéré que ce courriel du 3 mars 2020 ne prendrait effet qu'à l'expiration d'un délai de 7 jours, pour une suspension, ce que confirme le courriel du 10 mars 2020, qui manifeste la volonté du prestataire de retarder encore les effets de la résiliation de plein droit de 5 jours, démontrant ainsi que l'application du contrat n'avait pas conduit la société OVH à se prévaloir d'une fin contrat à la date du 28 février 2020.
Les offres de régularisation de la situation jusque cinq jours après le 10 mars 2020 démontrent que le prestataire a bien poursuivi l'accomplissement des obligations nées du contrat après le 28 février 2020.
Cette dernière date, ainsi, n'est pas susceptible d'être retenue comme la fin de la période initiale ou celle de la période de renouvellement en cours, au sens de l'article 8 alinéa 7.
La société OVH ayant délibérément laissé croire à la société Pizza Paï qu'elle retardait jusqu'au dimanche 15 mars 2020 les effets de la clause de résiliation de plein droit par courriel, bien que celle-ci ait été mise en œuvre à compter du 2 mars 2020, il sera retenu que la société Pizza Paï ne peut se prévaloir sans manquer à l'obligation de bonne foi d'une résiliation déjà intervenue à la date du 12 mars 2020, de sorte que les effets de clause résolutoire ont bien été paralysés par l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, qui les a reportés après le 23 juin 2020.
Le jugement entrepris sera donc réformé.
Dès lors que l'effet de la clause de résiliation en jeu a été reporté d'une durée, calculée après le 23 juin 2020, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 et, d'autre part, le 15 mars 2020 date à laquelle elle aurait dû être exécutée, peu important les règles de computation des délais de procédure inapplicable en l'espèce, la clause résolutoire a vu ses effets reportés au 26 juin 2020.
La résiliation présente est donc constitutive d'une inexécution contractuelle commise abusivement et de mauvaise foi, et la société Pizza Paï aurait dû pouvoir bénéficier du paiement de la facture de mars 2020, dont elle a donné l'ordre le 10 mars 2020 et qui a été exécuté au plus tard le 18 mars 2020.
La société Pizza Paï a droit, par conséquent, à la compensation des préjudices qu'elle a subis par suite de la perte de ses données causée par l'abus du droit de résiliation.
C'est vainement que la société OVH soutient que la société Pizza Paï international ne peut pas prétendre n'avoir pas été avisée, préalablement à la résiliation opérée, de l'état de défaut de paiement dans lequel elle se trouvait, au moyen que les avertissements qui lui ont été adressés mentionnaient expressément les conséquences attachées au défaut de paiement, à savoir la suspension puis l'arrêt définitif du serveur.
C'est encore vainement que la société OVH soutient que la société Pizza Paï international a bénéficié d'un délai suffisant de 14 jours pour régulariser sa situation, et qu'elle fait valoir qu'à aucun moment celle-ci n'a pris la peine d'avertir la société OVH de ce qu'une demande de virement avait été faite en interne dès le 10 mars 2020.
Le jugement entrepris sera par conséquent réformé en toutes ses dispositions.
La société Pizza Paï réclame à la société OVH, sur un fondement exclusivement contractuel et à titre de dommages-intérêts :
- 8 000 euros, pour manquement à l'exécution de bonne foi et rupture abusive, dont 5 000 euros pour perte financière correspondant au coût sur plusieurs années de constitution, maintien et exploitation de cette base de données, notamment dans le cadre de la mise en 'uvre du programme de fidélité, et dont 3 000 euros à titre de préjudice indépendant pour la seule brutalité de la rupture ;
- 5 000 euros à titre pour la réparation partielle de la base de données sur la période du 1er janvier 2020 au 15 mars 2020 ;
- 22 184 euros pour la réparation du préjudice subi du fait des dépenses exposées pour la reconstitution partielle des données par le service informatique externalisé de Pizza Paï, soit 10 jours à 500 euros par jour et par son prestataire informatique ;
- 14 840 euros pour le préjudice né de la réutilisation des chèques de fidélité par les clients qui en avaient déjà bénéficié sur la période du1er janvier 2020 au 15 mars 2020 et qui ont été réémis en raison de la perte de la base de données.
Le total de ces sommes fait 50 024 euros.
Or, dans le corps des conclusions, la société Pizza Paï évalue son préjudice économique à la somme globale de 45 024 euros, cette somme est incohérente avec le dispositif qui seul lie la cour.
Concernant la somme demandée au titre du préjudice indépendant pour la brutalité de la rupture pour manquement à l'exécution de bonne foi et rupture abusive, sur un fondement exclusivement contractuel, un tel préjudice ne se distingue pas des conséquences dommageables de la perte des données et n'est justifié par aucun élément pour ce qui concerne la prétention à hauteur de 5 000 euros comprise dans la demande de 8 000 euros.
Le caractère abusif de la rupture est établi et sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros qui ne peut excéder le préjudice uniquement moral subi nécessairement du fait de l'abus.
Sur la somme demandée au titre de la mobilisation des équipes du service informatique externalisé, soit 10 jours à 500 euros, la cour retient ce qui suit.
Sur ce point, les justificatifs produits, à savoir deux factures Agapes Restauration, l'une d'un montant de 108 815,40 euros du 18 juin 2020, l'autre de 38 659,60 euros du 31 décembre 2020, correspondant à des prestations dénommées management fees et non détaillées, ne démontrent nullement la réalité des dépenses exposées du fait de la résiliation fautive.
Cette demande sera rejetée.
La société Pizza Paï se prévaut encore d'un préjudice de 17 184 euros constitué tout d'abord par « la configuration et le paramétrage du serveur perdu en contrepartie de la somme de 8 880 euros », correspondant à une facture de ce montant du 30 juin 2020 de la société IT-Arts et constitué encore par le coût de frais de développement nécessaires à la reprise du programme de fidélité, soit la somme de 4 500 euros, correspondant à une facture du même prestataire.
Toutefois, cette seule dernière facture, bien qu'elle mentionne notamment des frais de récupération de données ne prouve pas le lien de causalité entre cette dépense et la perte de données occasionnées par le manquement retenu contre la société OVH.
La facture de 8 880 euros, si elle mentionne des prestations au titre du déploiement d'un site Fidélité au titre du déploiement d'une solution web, est insuffisamment précise pour permettre à la cour de s'assurer du même lien de causalité.
Les factures de maintenance de 684 euros chacune des 31 mars 2020 et 29 avril 2020 et de 318 euros chacune, aux mêmes dates que les précédentes ne prouvent pas davantage le lien de causalité nécessaire au succès de ces prétentions.
Si la société Pizza Paï se prévaut d'une annonce faite aux clients concernant des chèques de fidélité de 10 euros adressés à 1 484 clients, la seule pièce produite à cette égard (n°21) prouve seulement ce préjudice dans son principe mais nullement dans le montant réclamé.
Au total, la cour dispose des éléments pour dire que le préjudice matériel né de l'effacement des bases de données est seulement justifié à hauteur de 5 000 euros, somme qui sera allouée.
La clause limitative de responsabilité invoquée par la société OVH est inapplicable eu égard à sa mauvaise foi dans la résiliation du contrat.
Par conséquent, la société Pizza Paï recevra 7 000 à titre de dommages-intérêts.
Les premiers juges ne sauraient être approuvés d'avoir infligé une amende civile à la société Pizza Paï.
La société OVH, qui supportera seule la charges des dépens, versera à la société Pizza Paï une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en équité, dont le montant sera précisé au dispositif de cet arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Réforme le jugement entrepris ;
Condamne la société OVH à payer 7 000 euros à la société Pizza Paï international à titre de dommages-intérêts ;
Rejette le surplus de la demande de dommages-intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à amende civile ;
Condamne la société OVH à payer 5 000 euros à la société Pizza Paï international au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société OVH aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires.