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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 9 avril 2024, n° 21/04644

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ondryvecar and Food (EURL)

Défendeur :

Ondryvecar and Food (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

M. Norguet, Mme Martin de la Moutte

Avocats :

Me Malet, Me Aitali, Me Bouyssou-Savart

TJ Toulouse, du 16 août 2021, n° 19/0250…

16 août 2021

Exposé des faits et procédure :

Madame [B] [K], usufruitière, Monsieur [V] [X] et Monsieur [D] [X], nus-propriétaires, sont propriétaires d'un local commercial situé au [Adresse 1] à [Localité 5] (31).

La Sarl Ondryvecar and Food est une société ayant pour activité celle de négoce de tous véhicules à moteur.

Par acte sous seing privé du 1er octobre 2008, avec effet du même jour, les consorts [X] ont loué à la Sarl Ondryvecar and Food leur local commercial.

Une convention de sous-location a été consentie par la Sarl Ondryvecar and Food sur une partie des locaux à la société Mds Auto avec effet le 19 novembre 2015.

[B] [X], usufruitière du bien immobilier, a signé un document daté du 23 novembre 2015 dans lequel elle donnait son autorisation générale à la Sarl Ondryvecar and Food pour sous-louer une partie des locaux.

Le 18 janvier 2016, une seconde convention de sous-location a été consentie par la Sarl Ondryvecar and Food sur une partie des locaux au profit de la société Mécapat 31.

Par acte d'huissier du 29 mars 2017, les bailleurs ont délivré à leur locataire un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction avec date d'effet au 30 septembre 2017.

Entre le 29 mars 2017 et le 10 mai 2017, les bailleurs ont constaté la présence de multiples enseignes en façade du local et ont appris que deux de ces enseignes appartenaient à deux sous-locataires.

Par acte du 31 juillet 2019, la Sarl Ondryvecar and Food a assigné Madame [B] [K], Monsieur [V] [X] et Monsieur [D] [X] devant le Tribunal judiciaire de Toulouse en paiement de plusieurs sommes au titre de ses préjudices et notamment d'une indemnité d'éviction de 190 000 euros correspondant à la valeur du fonds de commerce n'ayant pas survécu à la délivrance du congé sans offre de renouvellement.

Par jugement du 16 août 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- dit que le bailleur est en droit d'invoquer un motif grave et légitime, à savoir des sous-locations prohibées découvertes postérieurement à la délivrance du congé, pour s'opposer au renouvellement du bail sans indemnité d'éviction,

- débouté en conséquence la société Ondryvecar and food de l'ensemble de ses demandes.

- condamné la société Ondryvecar and food aux dépens et à payer à Madame [B] [K] ou à Messieurs [V] ou [D] [X] la somme de . 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cpc).

- débouté les consorts [X] de leur demande en paiement de la somme de 33 600 euros,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 22 novembre 2021, la Sarl Ondryvecar and food a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est de demander à la Cour d'appel de Toulouse de prononcer la nullité de la décision frappée d'appel et de sa signification ainsi que la réformation de la dite décision et des chefs du jugement qui ont :

- sur le débouté des demandes de la sarl Ondryvecar and Food, à savoir :

- paiement de l'indemnité d'éviction

- les préjudices accessoires

- les pertes d'immobilisation

le tout avec intérêts de retard capitalisés à compter du 30 septembre 2017,

- la demande de condamnation au titre de l'article 700,

- et à titre subsidiaire, le débouté de la demande d'expertise judiciaire.

- sur la condamnation prononcée au titre de l'article 700 à l'encontre de la Sarl Ondryvecar and Food.

La clôture est intervenue le 21 août 2023.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 25 juillet 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Ondryvecar and Food demandant, au visa des articles 145-14, 145-17 et 149-59 du Code de commerce, 1998 du Code civil de :

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Toulouse du 16 août 2021 en ce qu'il a jugé :

- que le bailleur est en droit d'invoquer un motif grave et légitime, à savoir les sous-locations prohibées, découvertes postérieurement à la délivrance du congé pour s'opposer au renouvellement du bail sans indemnité d'éviction ;

- débouter en conséquence la société Ondryvecar and Food de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamné aux dépens et à payer à Madame [B] [K] ou à Messieurs [V] ou [D] [X] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- statuant à nouveau :

- juger que Madame [B] [X] avait qualité et capacité pour autoriser les sous-locations litigieuses,

- en tout état de cause,

- juger que son engagement vaut mandat apparent à l'égard de la société Ondryvecar et qu'il l'engage ainsi que les nus-propriétaires, Monsieur [V] [X] et Monsieur [D] [X],

- juger qu'il n'existe aucun motif grave et légitime de nature à dispenser les bailleurs du paiement de l'indemnité d'éviction et que le bailleur ne peut en tout cas invoquer l'existence de faute tirée notamment des sous-locations, sans avoir mis en demeure le preneur en application de l'article 145-17 du Code de Commerce.

- fixer l'indemnité pour la perte de valeur du fonds de commerce pour un montant de 190.000 euros ainsi que la somme de 12.803,38 euros au titre des préjudices accessoires et perte d'immobilisation.

- condamner in solidum les bailleurs, Monsieur [V] [X], Monsieur [D] [X] et Madame [B] [K] épouse [X] à payer à la société Ondryvecar and Food lesdites sommes.

- assortir cette condamnation aux intérêts de droit à compter du 30 septembre 2017, date à laquelle le préjudice a été estimé par suite du départ de la Sarl Ondryvecar des locaux.

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil.

- à titre infiniment subsidiaire, s'il plaît à la Cour et si elle l'estime nécessaire, ordonner une expertise judiciaire aux frais partagés des parties en désignant un expert pour lui fournir tout élément de nature à déterminer le montant de cette indemnité d'éviction par suite du non-renouvellement du bail de la part du bailleur.

débouter les Consorts [X] de toute autre demande et confirmer le jugement du 16 août 2021 en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêt.

condamner solidairement les intimés au paiement d'une indemnité de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1 ère instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la Scp Franck et Elisabeth Malet, Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions n°3 notifiées le 28 juillet 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [B] [K], Monsieur [V] [X] et Monsieur [D] [X] demandant, au visa des articles L145-17, L145-31 et R145-5 du Code de commerce, 1231-1 et suivants du Code civil et 700 du Code de procédure civile, de :

confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Toulouse en date du 16 août 2021 sauf en sa disposition déboutant les consorts [X] de leur demande en paiement de la somme de 33 600 euros,

à titre subsidiaire,

dire l'absence de disparition du fonds de commerce de la société Ondryvecar and Food malgré son transfert,

dire l'absence de perte de valeur du fonds de commerce de la société Ondryvecar malgré son transfert,

dire et juger :

que la société Ondryvecar n'ayant subi aucun préjudice de disparition de son fonds de commerce ou de perte de valeur de celui-ci, aucune indemnité d'éviction ne lui sera due par les Consorts [X] à ce titre,

que la société Ondryvecar ne démontre pas avoir subi de préjudice ni engagé de frais à l'occasion de son transfert et que par conséquent, aucune indemnité de déplacement ne lui sera due par les Consorts [X] à ce titre.

en toute hypothèse,

condamner la société Ondryvecar and Food à rembourser la somme de 33 600 euros aux consorts [X] leur revenant par accession,

condamner la société contrevenante la société Ondryvecar and Food à régler la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance.

Motifs de la décision :

En appel, les débats portent sur le droit du preneur à une indemnité d'éviction en fonction de l'existence de motifs légitimes des bailleurs et notamment des fautes reprochées au preneur concernant les sous-locations souscrites, le montant de l'indemnité d'éviction en fonction de la justification du préjudice subi à la fois pour l'indemnité principale et les indemnités accessoires en fonction de la réalité du transfert du fonds de commerce et/ou la perte de sa valeur et, par ailleurs, les propriétaires maintiennent leur demande de remboursement des revenus par accession perçus par le preneur dans le cadre des sous-locations alléguées d'irrégulières.

- sur les motifs légitimes de nature à écarter l'indemnité d'éviction réclamée par la sarl Ondryvecar and Food après le refus de renouvellement du bail commercial à effet au 30 septembre 2017 :

Selon l'article L. 145-17 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant.

En l'espèce, les consorts [X] reprochent à la sarl Ondryvecar and Food les motifs graves suivants : l'existence de contrats de sous-location non autorisées régulièrement dans les locaux, le changement illicite de destination des locaux loués et l'installation illicite de 4 enseignes non autorisées.

Le preneur, en appel, conteste l'existence des sous-locations irrégulières ainsi que le changement de destination du bail pour l'activité de délivrance de cartes grises et par l'intermédiaire de ses sous-locataires, la réparation mécanique. Enfin, il conteste le motif grave de ces infractions au bail commercial à laquelle il convient d'ajouter la pose d'enseignes non autorisées alors que ces infractions alléguées n'ont fait l'objet d'aucune mise en demeure préalable de les faire cesser, comme l'exigent l'article L145-17 du code de commerce.

Sur le défaut de mise en demeure préalable de faire cesser les infractions constatées par le bailleur, il convient de rappeler que l'article L145-17- I-1° du code de commerce dispose que : « I.-Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : 1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ».

La 3ème chambre civile de la cour de cassation juge de façon constante que la mise en demeure prévue par ce texte peut être délivrée concomitamment au congé ou figurer dans le même acte. Il a même été admis qu'elle puisse être postérieure au congé visant les infractions au bail dès lors qu'elles sont restées sans effet.

Selon la jurisprudence, l'absence de mise en demeure, exigée par l'article L145-17 pour la dénégation du droit à indemnité d'éviction, n'a pas pour effet de rendre nul le dit congé mais d'interdire au bailleur de se prévaloir du motif grave et légitime pour lequel la mise en demeure était nécessaire, l'obligeant ainsi à payer une indemnité d'éviction.

Cette même solution s'applique en cas de mise en demeure irrégulière ou d'insuffisance de la motivation du congé ( cf. 3eme civ 21/3/1973 B 216, 3eme civ 15/5/2008 n° 07 12 669, 3eme civ. 13/12/05 n° 04 18751 et 3eme civ. 15/5/2008 n° 07 12669).

Par ailleurs, la nullité de la mise en demeure faite par acte d'huissier de justice étant régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure, doit être invoquée avant toute défense au fond sous peine d'irrecevabilité (cf. 3ème civ. 2/6/2010 n° 0914194).

Les consorts [X] invoquent une autre jurisprudence (3eme civ du 27 février 1991 Bul 66) pour opposer le fait que le bailleur peut invoquer postérieurement au congé un motif lui permettant de refuser l'octroi au locataire d'une indemnité d'éviction s'il en a eu connaissance après la délivrance du congé et précisant qu'il appartient au juge du fond d'apprécier si les motifs allégués étaient connus de lui à la date du premier congé (cf 3eme civ 17 nov 1981).

Les consorts [X] expliquent qu'ils ont découvert l'existence des contrats de sous-location illicite entre le 29 mars et le 10 mai 2017, en reprochant au preneur l'existence de nouvelles enseignes après avoir délivré congé le 29 mars 2017 avec offre d'une indemnité d'éviction au 30 septembre 2017. Ils ont donc renoncé à verser une indemnité d'éviction et ce n'est que le 31 juillet 2019, que l'indemnité d'éviction a été réclamée par le preneur qui avait quitté les locaux litigieux à [Localité 5] depuis le 30 septembre 2017 pour s'installer dans de nouveaux locaux situés au [Adresse 9] à [Localité 10] (31).

Si les consorts [X] avaient la faculté de refuser de verser l'indemnité d'éviction après la délivrance du congé pour avoir découvert à posteriori des infractions graves au bail, encore fallait il que ces infractions n'aient pas été connues avant le congé et surtout les infractions ne devaient pas perdurer sans qu'il y ait eu une mise en demeure d'y mettre fin.

D'une part, les 4 enseignes litigieuses étaient visibles et correspondaient à des sous-locations souscrites pour la société MDS Auto entre le 1er décembre 2015 et le 30 septembre 2017 avec enseigne « sté auto 31 » et l'entreprise Mecapat 31 pour la même durée avec enseigne « « Mecapat 31 » ainsi que deux autres enseignes pour la société Ondryvecar, « Ondryvecar » et « Carte grise service 31 ».

Les consorts [X] n'ont pas mis en demeure leur preneur de supprimer les enseignes comme cette exigence leur incombait ; dès lors, le seul fait d'avoir apposé des enseignes qui ont nécessairement été posées, au moins après décembre 2015, ne peut constituer un motif grave de refus de versement de l'indemnité d'éviction.

Concernant l'infraction de souscription de contrat de sous-location sans autorisation, la mise en demeure en revanche ne s'imposait pas dès lors qu'au moment où les bailleurs découvraient l'infraction, les sous-locataires étaient sur le point de quitter les locaux. Les locaux ont été restitués à échéance du bail libres de toute occupation (cf pièce 9bis du preneur).

Le défaut de mise en demeure concernant la souscription de contrats de sous-location ne fait donc pas obstacle au refus de verser une indemnité d'éviction pour motifs graves découverts après le congé.

- Sur l'infraction liée à la souscription des deux contrats de sous-location et sur le non -respect de la clause de destination :

la sarl Ondryvecar and Food conteste l'infraction dès lors que les sous-locations litigieuses ont été autorisées par l'usufruitière [B] [X] et qu'il s'agissait de contrats de courte durée, c'est-à-dire de simples actes de gestion et non des actes de disposition qui auraient nécessité l'agrément des nus propriétaires. Elle en déduit avoir été autorisée à étendre les activités exploitées telles qu'elles étaient mentionnées sur les enseignes.

Les consorts [X] insistent sur le fait que le contrat de bail interdisaient les sous- locations sauf autorisation préalable et écrite du bailleur, le bailleur s'entendant comme étant l'usufruitière et les nus propriétaires comme mentionné au bail principal. Par ailleurs, la clause de destination était stricte et ne s'étendait pas à la réparation mécanique des véhicules ni à la délivrance de carte grise.

L'article 595 du code civil dispose que « l'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit.

Les baux que l'usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas de cessation de l'usufruit, obligatoires à l'égard du nu-propriétaire que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si les parties s'y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de manière que le preneur n'ait que le droit d'achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve.

Les baux de neuf ans ou au-dessous que l'usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l'expiration du bail courant s'il s'agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la même époque s'il s'agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur exécution n'ait commencé avant la cessation de l'usufruit.

L'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »

La violation de la règle impérative prévue par l'article précité entraîne la nullité du bail, qui est encourue aussi bien pour le renouvellement du bail que pour sa conclusion initiale (cf.Civ III 24 mars 1999 B no 78). Cette nullité est relative et ne peut être invoquée que par le nu-propriétaire du bien donné à bail sans sa participation (cf.Civ III 14 novembre 2007 B no 203).

Concernant les sous-locations, il a été jugé que le défaut d'appel à concourir de la bailleresse à la formalité de concours aux actes de sous-location des locaux à laquelle le bailleur n'avait pas renoncé, était constitutif d'un manquement, aux dispositions du statut, dont il appartient à la cour d'apprécier souverainement la gravité (cf. 3e Civ., 6 octobre 2016, pourvoi n° 14-23.375).

Toutefois, il a été jugé que l'article 595 alinéa 4 du code civil n'est pas applicable aux conventions d'occupation précaire (3e Civ., 4 juillet 1978, pourvoi n° 77-10.210).

En l'espèce, les contrats de sous-location litigieux souscrits le 19 novembre 2015 par la société MDS Auto et le 18 janvier 2016 par [Z] [A] sous l'enseigne « Mecapat 31 » sont des baux « non soumis au statut en raison de leur courte durée » et qualifiés de bail dérogatoire en application de l'article 145-5 du code de commerce non susceptibles de revendication du statut des baux commerciaux et souscrits pour la période du 1er décembre 2015 au 30 septembre 2017.

Par ailleurs, si l'un des baux dérogatoires portait sur l'usage exclusif de vente de véhicules d'occasion à l'exclusion de toute autre utilisation conforme à la destination du bail principal, le second bail dérogatoire visait comme destination l'usage exclusif de réparations mécaniques motos et automobiles et à l'exclusion de toute autre utilisation.

La cour constate que le bailleur n'a pas été appelé aux dits baux dérogatoires et que le preneur se fonde sur une autorisation de [B] [X], usufruitière, datée du 23 novembre 2015 accordée au preneur de sous-louer ou donner à bail précaire une partie des locaux, objet du bail principal du 1er octobre 2008.

Il convient de rappeler qu'au bail principal souscrit le 1er octobre 2008 par la société Ondryvecar and Food auprès du bailleur, mentionné au bail comme étant [B] [X] usufruitière et [V] et [D] [X], il était stipulé à l'article 2 que : « il est formellement interdit au preneur, sauf accord préalable donné par écrit par le bailleur, de sous-louer ou prêter les lieux en tout ou partie, même pour un court délai et à titre gracieux, et de consentir toute domiciliation qui ne serait pas partie au bail ».

Par ailleurs, la destination du bail principal était « à usage exclusif de négoce de voitures automobiles ».

La cour en déduit que s'agissant de contrat dérogatoire à durée courte qui expirait à la date d'échéance du bail principal, l'exigence de solliciter l'agrément des nu propriétaires de l'article 595 dernier alinéa du code civil ne s'imposait pas et l'usufruitière pouvait donner seule son agrément. En revanche, l'autorisation que [B] [X], usufruitière, a donné, ne portait que sur la possibilité de souscrire des baux précaires mais elle n'a pas autorisé la possibilité de changer la destination des locaux.

S'agissant de l'activité de délivrance de carte grise exercée par la société Ondrivecar and Food elle même, il s'agit d'une activité annexe de la vente de véhicule qui n'est pas une infraction au bail commercial d'une gravité telle qu'elle justifie le non-versement de l'indemnité d'éviction.

En revanche, l'usufruitière n'a pas été appelée au contrat de bail précaire souscrit avec [Z] [A], ce qui lui aurait permis de vérifier le respect de la destination du bail alors que l'activité de réparation mécanique auto et moto ne correspond pas à la seule vente d'automobile.

Dès lors, l'infraction constatée après le congé relative à l'activité de [Z] [A] à enseigne Mecapat 31 sont d'une particulière gravité comme ne respectant pas l'étendue de la seule autorisation donnée par l'usufruitière pour des contrats de bail précaire.

C'est donc à bon droit que le jugement a débouté la sarl Ondrivecar and Food de sa demande d'indemnité d'éviction. Le jugement sera confirmé par substitution de motifs.

- sur la demande de remboursement des revenus par accession :

les consorts [X] sollicitent, à titre reconventionnel, le remboursement au bailleur des sous loyers obtenus auprès des sous locataires par le preneur la société Ondrycar and Food

La sarl Ondryvecar and Food s'oppose à cette demande en estimant que seule l'usufruitière peut la solliciter et dès lors qu' elle a autorisé le preneur à souscrire des contrats de sous-location, ces revenus n'étaient, selon elle, pas illicites.

Selon l'article 584 du code civil : 'Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes.

Les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils.'

L'article 546 dispose : 'La propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement.

Ce droit s'appelle droit d'accession.'

Et selon l'article 547 : 'Les fruits naturels ou industriels de la terre, les fruits civils, le croît des animaux, appartiennent au propriétaire par droit d'accession.'

Il a été jugé que sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire (cf 3e Civ., 12 septembre 2019, pourvoi n° 18-20.727).

En l'espèce, la seule infraction au bail principal non autorisée et établie est le contrat de bail dérogatoire souscrit par [Z] [A] auprès de la société Ondryvecar and Food. Ce contrat portait sur un loyer de 550 euros par mois à compter du 1er février 2016 jusqu'au 30 septembre 2017 et sans TVA.

Dès lors, il convient de condamner la société Ondryvecar and Food à verser à [B] [X] la somme de 11.000 euros (=550 x20 mois) de revenus par accession.

- sur les demandes accessoires :

la sarl Ondryvecar and Food qui succombe prendra en charge les dépens de première instance et d'appel.

Eu égard à l'issue du litige en appel, la société Ondryvecar and Food versera au total 3000 euros de frais irrépétibles pour les frais de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a débouté les consorts [X] de leur demande en paiement de la somme de 33 600 euros,

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé

- condamne la société Ondyvecar and Food à verser à [B] [X], usufruitière, la somme de 11.000 euros à titre de revenus par accession

- confirme le jugement pour le surplus

- Condamne la sarl Ondryvecar and Food aux dépens d'appel

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.