Livv
Décisions

CA Colmar, 1re ch. A, 10 avril 2024, n° 22/02521

COLMAR

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Karakus & Co (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Walgenwitz

Conseillers :

M. Roublot, Mme Rhode

Avocats :

Me Harnist, Me Harter, Me Maillard

CA Colmar n° 22/02521

9 avril 2024

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé du 1er octobre 2018, la SAS KARAKUS & CO a conclu avec la SCI [T] un bail commercial portant sur une partie du lot n°5 constitué d'un hangar situé [Adresse 1]. Les locaux ont été loués à usage de dépôt, de hangar et de bureau.

Le loyer a été fixé à un montant annuel de 10.800 euros TTC, soit un loyer mensuel de 900 euros TTC, auquel s'ajoute un acompte sur charges de 100 euros, les charges devant être régularisées trimestriellement.

Reprochant au bailleur un manquement à son obligation de délivrance, une modification de la chose louée et se prévalant d'un trouble de jouissance, la SAS KARAKUS & CO a attrait la SCI [T] devant le tribunal de grande instance de MULHOUSE par assignation délivrée le 12 novembre 2019.

Dans le cadre d'une demande reconventionnelle, la SCI [T] réclamait la condamnation du preneur à lui régler un arriéré de loyers et de charges, ainsi que la résiliation judiciaire du bail avec expulsion du locataire.

Le tribunal judiciaire de MULHOUSE, par un jugement en date du 26 avril 2022 a :

- CONDAMNE la SCI [T] à rembourser à la SAS KARAKUS & CO la somme de 126,90 euros TTC (CENT VINGT SIX euros ET QUATRE VINGT DIX CENTIMES) au titre de l'installation de sanitaires dans les locaux loués à usage, notamment, de bureaux.

- REJETE pour le surplus la demande de remboursement formée par la SAS KARAKUS & CO, au titre de travaux réalisés à l'entrée dans les lieux.

- REJETE la demande de remise en état des lieux, et plus particulièrement, la demande d'enlèvement, sous astreinte, des barrières électriques, des pots de fleurs et des conteneurs poubelles.

- REJETE la demande d'indemnité formée par la SAS KARAKUS & CO au titre de la 'résistance abusive'.

- REJETE la demande d'indemnité formée par la SAS KARAKUS & CO au titre du trouble de jouissance.

- REJETE la demande formée par la SAS KARAKUS & CO tendant à interdire à la SCI [T], sous peine d'indemnité par infraction constatée, de lui causer tout trouble de jouissance.

- PRONONCE la résiliation du bail commercial conclu le 1er octobre 2018 entre la SCI [T], bailleresse, et la SAS KARAKUS & CO, preneuse, pour la partie du Lot n°5 'Hangar' situé [Adresse 1] à compter de la présente décision

- ORDONNE l'évacuation, de corps et de biens, de la SAS KARAKUS & CO et de tout occupant de son chef des lieux loués, situés 'partie du Lot n°5 'Hangar' [Adresse 1], et ce, sous astreinte de 100,00 euros (CENT euros) par jour passé le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement.

- DECLARE n'y avoir lieu à statuer sur le concours de la force publique.

- DECLARE n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la SCI [T] relative au sort des meubles qui seraient laissés dans les lieux par la SAS KARAKUS & CO.

- CONDAMNE la SAS KARAKUS & CO à payer à la SCI [T], une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1.200,00 euros (MILLE DEUX CENT euros), à compter de la présente décision et jusqu'à libération effective et complète des lieux.

- REJETE pour le surplus la demande de la SCI [T] au titre de l'indemnité d'occupation.

- CONDAMNE la SAS KARAKUS & CO à payer à la SCI [T], la somme de 19.800 euros TTC (DIX NEUF MILLE HUIT CENT euros toutes taxes comprises), correspondant à l'arriéré locatif au 5 mai 2021, ladite somme étant majorée des intérêts au taux contractuel de 1,5 %/mois, à compter de la présente décision.

- REJETE pour le surplus, la demande de paiement formée par la SCI [T].

- CONDAMNE la SAS KARAKUS & CO à payer à la SCI [T], une somme de 1.500 euros (MILLE CINQ CENT euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- REJETE la demande de la SAS KARAKUS & CO sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

- DECLARE n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la SCI [T] formée du chef des frais d'exécution et de recouvrement.

- CONDAMNE la SAS KARAKUS & CO aux dépens.

- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

Par une déclaration faite au greffe en date du 30 juin 2022, la SCI [T] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions en date du 20 mars 2023, transmises par voie électronique le 28 mars 2023, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SCI [T] demande à la Cour de :

'I SUR L'APPEL PRINCIPAL

CONFIRMER le jugement rendu en première instance en ce qu'il :

* REJETTE la demande de remboursement formulée par la SAS KARAKUS au titre des travaux réalisés à l'entrée dans les lieux.

* REJETTE la demande de remise en état des lieux, et plus particulièrement, la demande d'enlèvement, sous astreinte, des barrières électriques, des pots de fleurs et des conteneurs poubelles.

* REJETTE la demande d'indemnité formulée par la SAS KARAKUS au titre de 'la résistance abusive'.

* REJETTE la demande d'indemnité formulée par la SAS KARAKUS au titre du trouble de jouissance.

* REJETTE la demande d'indemnité formulée par la SAS KARAKUS tendant à interdire à la SCI [T], sous peine d'indemnité par infraction constatée, de lui causer tout trouble de jouissance.

* PRONONCE la résiliation du bail commercial conclu le 1er octobre 2018 entre la SI [T] et la SAS KARAKUS.

* ORDONNE l'évacuation de corps et de biens et de tout occupant du chef de la SAS KARAKUS sous astreinte de 100 euros par jour.

* CONDAMNE la SAS KARAKUS aux entiers frais et dépens

INFIRMER le jugement rendu en première instance par la Première Chambre civile du TRIBUNAL JUDICIAIRE de MULHOUSE en date du 26 avril 2022 dans la procédure référencée RG 19/00695.

ET STATUANT A NOUVEAU :

CONDAMNER la société KARAKUS & CO à verser à la SCI [T] une somme de 32.400 euros au titre des loyers impayés du 1er août 2019 au 30 mai 2022 avec intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter de l'exigibilité de chaque loyer.

ORDONNER la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du Code civil.

CONDAMNER la société KARAKUS & CO à verser à la SCI [T] une somme de 20.819,40 euros due au titre des charges du 1er août 2019 au 31 octobre 2021 avec intérêts au taux de 1,5% par mois à compter de la date d'exigibilité de chaque facture de charges.

ORDONNER la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du Code civil.

II SUR L'APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE KARAKUS :

JUGER, CONSTATER que la SAS KARAKUS a quitté les lieux le 30 Mai 2022 et n'a donc plus qualité et intérêt à agir en 'demande de remise en état des lieux' et est en tout état de cause mal fondée à solliciter une condamnation qui n'aurait de sens que si le bail se poursuivait, ce qui n'est pas le cas.

DEBOUTER la société KARAKUS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

III EN TOUT ETAT DE CAUSE :

DEBOUTER la société KARAKUS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

CONDAMNER la société KARAKUS & CO des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

CONDAMNER en conséquence la société KARAKUS & CO à verser à la partie demanderesse la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du CPC de première instance.

CONDAMNER la société KARAKUS & CO à verser à la partie demanderesse la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC d'appel.

CONDAMNER la société KARAKUS & CO aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.'

Par une déclaration faite au greffe en date du 9 septembre 2022, la SAS KARAKUS & CO s'est constituée intimée.

Dans ses dernières conclusions en date du 13 décembre 2023, transmises par voie électronique le 15 décembre 2023, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SAS KARAKUS & CO demande à la Cour de :

'Sur l'appel principal de la SCI [T] :

DEBOUTER la SCI [T] de l'intégralité de ses fins et conclusions.

Sur l'appel incident de la SAS KARAKUS :

Le DECLARER recevable et bien fondé.

Y faire droit.

INFIRMER en conséquence le jugement du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE du 26 avril 2022 en ce qu'il a limité à 126,90 euros la condamnation de la SCI [T] au titre des travaux effectués par la SAS KARAKUS, en ce qu'il a rejeté pour le surplus la demande de remboursement de la SAS KARAKUS, sa demande de remise en état des lieux, sa demande d'indemnités pour résistance abusive, sa demande d'indemnités pour troubles de jouissance, sa demande sous peine d'indemnités par infraction constatée de faire cesser tout trouble de jouissance, en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail commercial et ordonné l'évacuation de la SAS KARAKUS et en ce qu'il a condamné la SAS KARAKUS au titre d'un arriéré locatif, d'une indemnité mensuelle d'occupation et de l'article 700 du code de procédure civile.

ET STATUANT A NOUVEAU :

JUGER que les demandes nouvelles de la SCI [T] tendant à voir condamner la SAS KARAKUS à lui verser 32.400 euros au titre des loyers impayés du 1er août 2019 au 30 mai 2022 avec intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter de l'exigibilité de chaque loyer et 20.819,40 euros au titre des charges du 1er août 2019 au 31 octobre 2021 avec intérêts au taux légal de 1,5 % par mois à compter de la date d'exigibilité de chaque facture de charges, sont irrecevables.

DEBOUTER la SCI [T] de l'intégralité de ses demandes.

JUGER que la SCI [T] a manqué à ses obligations contractuelles.

La CONDAMNER en conséquence à rembourser la somme de 6.306,80 euros au titre des travaux de mise aux normes réalisés par la SAS KARAKUS.

CONDAMNER la SCI [T] à verser à la SAS KARAKUS la somme de 2.000 euros au titre de la résistance abusive.

CONDAMNER la SCI [T] à verser à la SAS KARAKUS la somme de 3.000 euros en réparation du trouble de jouissance causé.

En tout état de cause :

CONDAMNER la SCI [T] au paiement de la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

Il est à noter que la SAS KARAKUS a quitté les lieux loués litigieux le 30 mai 2022.

La clôture de la procédure a été prononcée le 10 janvier 2024 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 7 février 2024.

À l'occasion de l'audience de plaidoirie du 7 février 2024, la cour a autorisé les parties à déposer une note en délibéré, sur la question du caractère éventuellement usuraire du taux d'intérêt affectant les sommes dont le paiement est réclamé par la SCI [T]

La SCI [T] a déposé une note en délibéré en date du 16 février 2024, qui a été transmise par voie électronique le même jour, dans laquelle elle demande à ce que le dispositif de l'arrêt à intervenir fixe les intérêts de retard sur les loyers et arriérés dus pour chaque mensualité, 'au taux d'intérêt maximal du taux de l'usure afférent au trimestre du mois d'arriéré de charge ou de loyer du trimestre considéré'.

MOTIFS :

1) Sur les demandes formulées par la SAS KARAKUS & CO :

1-1) Sur ses demandes devenues caduques suite au départ le 30 mai 2022 de la société appelante des locaux loués :

Il est établi que le preneur a quitté les locaux depuis la remise des clés au propriétaire, en présence d'un commissaire de justice le 30 mai 2022.

Pourtant, dans ses dernières écritures du 13 décembre 2023, la SAS KARAKUS & CO a maintenu sa demande d'infirmation des dispositions du jugement qui ont rejeté ses demandes en vue d'obtenir :

- la remise en état des lieux,

- la cessation de tout trouble de jouissance,

- le rejet des demandes de résiliation du bail commercial, d'évacuation des locaux et de condamnation à une indemnité mensuelle d'occupation,

* sans faire aucun développement argumenté à ses sujets.

L'appelante ne peut soutenir que la société KARAKUS & CO ne disposait plus d'un intérêt à agir sur ces questions suite à son départ des locaux, en ce sens que l'ancien preneur pouvait présenter un intérêt à agir, d'une part pour contester la décision de résiliation du bail et de son expulsion, qui peuvent porter atteinte à son image et prestige, et d'autre part en ce que sa demande de dommages et intérêts était motivée partiellement par la survenance de désordres découlant, selon elle, de la modification des lieux.

Cependant, au fond, force est de constater que la société KARAKUS & CO n'apporte pas d'explication de nature à démontrer la pertinence du maintien de ces demandes, qui de facto - et à défaut de développements particuliers - sont devenues sans objet depuis le départ du preneur des locaux litigieux loués, de sorte qu'il convient de confirmer la décision de première instance qui les a rejetées.

1-2) Sur la demande de remboursement de la somme de 6.306,80 euros exposée au titre des travaux :

* Sur les travaux portant sur l'installation de sanitaires et du local bureau :

Le premier juge a, à juste titre, rappelé que selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de bail, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et que, pour les baux conclus ou renouvelés postérieurement au 5 novembre 2014 (date d'entrée en vigueur de la loi 11 0 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi PINEL), les clauses stipulant le transfert à la charge du preneur, des dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que des dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, sont réputées non écrites (article R 145-35 du code de commerce).

Il n'est pas contesté que les locaux loués ne disposaient ni de sanitaires, ni d'un 'espace bureau' lors de la conclusion du bail.

Dès lors que ces locaux étaient destinés notamment à un usage de 'bureau', induisant l'accueil et la présence de personnel administratif sédentaire ou de public, il appartenait au bailleur de veiller à ce que le local loué disposât des équipements nécessaires et indispensables imposés par le code du travail à tout employeur, parmi lesquels figurent bien évidemment les équipements sanitaires (R232-2-1 et suivants).

Ainsi le premier juge a, à juste titre, retenu que les frais concernant la mise en place de sanitaires devaient être pris en charge par la SCI [T] en sa qualité de propriétaire, et ce quelles qu'aient été les stipulations du contrat de bail (et notamment son article 5) mettant à la charge du preneur le coût de certains travaux, ces stipulations étant inopposables au preneur au regard des obligations légales pesant sur le propriétaire.

La SAS KARAKUS & CO produit plusieurs factures dans ses annexes, qui sont annoncées comme correspondant aux frais engagés par elle lors de son entrée dans les locaux, pour la mise en place de sanitaires.

Comme l'a justement retenu le premier juge, la facture LEROY MERLIN du 10 décembre 2018, pour un montant de 126.90 euros, contient des éléments d'information précis qui démontrent qu'elle peut être mise en lien avec ces travaux d'installation de sanitaires.

Néanmoins le premier juge a été trop sévère en écartant les deux factures de 2.500 euros mise en compte par la SAS KARAKUS & CO, au titre des travaux de mise en place du carrelage au niveau de 'la salle de repos et les boxs' (facture du 15 décembre 2019 réglée par chèque 306) et au niveau de la salle de bain (facture du 14 décembre 2019 réglée par chèque 307), au motif qu'elles ne comportent pas d'éléments d'information suffisants pour permettre de les imputer à tout ou partie aux travaux de mise en place des sanitaires, alors d'une part qu'il convient de constater à l'étude des photographies versées, que le preneur a bel et bien réalisé des travaux de carrelage, et d'autre part qu'aucune autre facture portant sur ces travaux n'est produite.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir les deux factures dont le montant est raisonnable au regard des surfaces carrelées, telles qu'elles apparaissent à l'étude des pièces produites, d'infirmer la décision et de condamner le propriétaire à verser la somme globale de 5 000 euros.

S'agissant de la création de 'local bureau', comme l'a rappelé le premier juge, les locaux ont été loués à la SAS KARAKUS & CO aux fins d'en faire usage à titre de bureaux, de dépôt et de hangar.

Le contrat de bail ne comportait aucune description précise des lieux loués, se contentant de préciser dans sa clause n° 2 que les locaux 'comporteront une partie de 200 m² du lot numéro 5 hangar'.

C'est au bailleur qu'il appartient de prouver qu'il a délivré à son locataire un local conforme, et au cas particulier de démontrer que celui-ci pouvait faire office de bureau dès le moment de l'entrée dans les lieux du preneur.

Or, force est de constater que la SCI n'apporte pas la preuve de ce que le hangar loué était à même, au moment de l'entrée dans les lieux du locataire, de faire office de bureaux sans aucun aménagement préalable, de sorte que le tribunal ne pouvait considérer que la réalisation de l'espace bureau la SAS KARAKUS & CO résulte d'une simple 'volonté d'aménagement personnalisé'.

Dans ces conditions, le preneur est en droit d'obtenir le remboursement par le propriétaire du coût de ces travaux.

Bien que ce dernier n'ait pas précisé les factures afférentes à ces travaux, l'étude des factures présentes en annexes 7 permet de retenir les factures de 412,65 euros du 20 octobre 2018, de 105,20 euros du 31 octobre 2018, de 286,01 euros du 19 décembre 2018, 157,20 euros du 29 novembre 2018 et 131,17 euros du 26 octobre 2018, en ce qu'elle porte notamment sur le matériel électrique, du placoplâtre, des fenêtres, qui ont été mis en oeuvre pour la création 'local bureau'.

Le jugement sera infirmé sur ce point, le propriétaire étant condamné à rembourser à son preneur la somme de 1092,23 euros TTC.

* Sur la porte sectionnelle :

L'article L145-40-1 du code de commerce dispose que, lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d'un bail, de cession du droit au bail, de cession ou de mutation à titre gratuit du fonds et lors de la restitution des locaux, un état des lieux est établi contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire ou par un tiers mandaté par eux. L'état des lieux est joint au contrat de location ou, à défaut, conservé par chacune des parties. Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

Le bailleur, qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux, ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil, qui prévoit que 's'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf preuve contraire'.

En l'espèce, la SAS KARAKUS & CO demande le remboursement des frais qu'elle a avancés, en attendant que le remplacement de la porte sectionnelle soit réalisé par la société bailleresse.

Cependant, d'une part, contrairement à ce que sous-entend la SAS KARAKUS & CO, lors de son arrivée dans les lieux en 2018, il n'est pas démontré que cette porte n'était pas en état de fonctionnement car aucune observation à son sujet n'a été portée sur le PV de réception du 4 août 2018 signé par le représentant du preneur et du bailleur.

Ce n'est que 9 mois plus tard que la SAS KARAKUS & CO s'est plainte pour la première fois à ce sujet, dans un courrier du 9 mai 2019, dans laquelle son conseil invitait la SCI [T] à procéder de toute urgence à la réparation de la porte, ce qui laisse à penser que l'état de la porte venait de se dégrader. Il est à noter que la SCI ne prétend nullement que la dégradation de la porte résulterait d'un usage anormal de cette dernière.

Le procès-verbal de constat d'huissier du 20 septembre 2019 (annexe 3 ), précise qu'à cette date aucune intervention n'a été réalisée par le propriétaire sur la porte présentée comme étant en 'cours de dislocation', qui ne fermait plus à clé, de sorte que la SAS KARAKUS & CO avait été contrainte de la percer pour y installer une chaîne avec un cadenas.

Le bailleur, qui se doit de mettre à disposition de son locataire un local couvert et clos, n'a finalement fait réaliser le remplacement de ladite porte que le 28 septembre 2019, comme cela est précisé dans le courrier recommandé du 30 septembre 2019 de la SAS KARAKUS & Co (son annexe 5).

Dans ces conditions, la demande de la SAS KARAKUS & CO doit être admise en son principe, en ce que les travaux qu'elle a réalisés sur la porte, ont été rendus indispensables pour la période allant du mois de mai2019 au 28 septembre 2019.

Cependant, de manière étonnante, la société KARAKUS qui réclame 'le montant des travaux relatifs à la porte sectionnelle prise en charge' par elle, ne précise nullement ce montant.

Par conséquent, aucune somme ne peut être mise à la charge du propriétaire à ce titre. La décision qui a rejeté la demande à ce titre sera dès lors confirmée.

1-3) Sur la question de l'utilisation de la cour extérieure :

Le contrat de bail ne porte que sur la location d'une 'partie de 200 m2 du Lot n°5 Hangar'. La clause n°2 précise que : 'le stockage de matériaux et de véhicules est interdit à l'extérieur du bâtiment', tout en précisant que 'un parking est prévu à l'extérieur (avant le portail).'

Il s'en déduit que la cour présente entre la porte de la partie du hangar louée à la société KARAKUS & CO et le mur et son portail délimitant le parking, ne faisait pas partie de l'immeuble loué.

Cependant, le bailleur - qui doit délivrer un local conforme à sa destination - est bien évidemment tenu d'assurer au preneur un accès permettant de rejoindre le bien donné à bail, de sorte qu'il y a lieu de constater que la SAS KARAKUS - bien que non locataire de la cour présente devant son hangar - disposait d'un droit de passage pour accéder à ses locaux, qui profite également à ses clients.

Or il ne résulte nullement du constat d'huissier produit par la SAS KARAKUS & CO, que celle-ci ait été privée d'un accès à son local, du fait de l'installation par la SCI de barrières délimitant le passage qui lui est réservé.

Le preneur ne démontre pas, notamment par la production du constat du commissaire de justice, que la largeur du passage qui lui était concédé, était insuffisant pour permettre à des véhicules de particuliers ou de professionnels d'accéder à ses locaux, voire même d'y effectuer les manoeuvres de retournement nécessaires.

La circonstance avancée par la SAS KARAKUS & CO selon laquelle les barrières, dont la mise en place par la SCI est critiquée, étaient électrifiées est sur ce point sans emport, puisque le preneur disposait d'un espace suffisant pour accéder à ses locaux. La cour note au sujet du caractère électrifié de la barrière que les photographies présentes dans le constat d'huissier du 20 septembre 2019 précité, démontrent la présence de la signalétique réglementaire 'attention, clôture électrique'.

Enfin, la tolérance passée du propriétaire, d'avoir laissé à son locataire la jouissance de l'intégralité de la cour, n'a pas généré de droit pour le preneur. À partir du moment où il n'est pas démontré que le locataire a été privé de son droit d'accès aux biens loués, que la mise en place de barrières est licite en ce qu'elles n'empiétaient pas sur le passage, il n'y a pas lieu de considérer que l'installation de bac de fleurs par le propriétaire - non sur le passage réservé à la SAS KARAKUS & CO mais sur la partie de la cour que s'est réservée la SCI - était de nature à constituer une entrave au droit de passage du locataire.

Les demandes formulées par la SAS KARAKUS & CO sur ce sujet seront rejetées, la décision de première instance devant être confirmée.

1-4) Sur la demande concernant le trouble de jouissance et la résistance abusive :

Le locataire prétend avoir subi divers troubles de jouissance du fait du bailleur, en affirmant :

- avoir subi des coupures d'eau et d'électricité.

- que la SCI [T] aurait pénétré dans les lieux loués sans l'autorisation du preneur,

- que la SCI [T] aurait adressé de multiples messages à la SAS KARAKUS, ce qui pourrait s'apparenter à un harcèlement,

- que la SCI [T] aurait gêné l'activité de la SAS KARAKUS, notamment en réalisant un aménagement de la cour extérieure critiquable.

Néanmoins, force est de constater que les documents produits par la société sont insuffisants pour établir la réalité et l'étendue des coupures d'eau et d'électricité dénoncée, ou encore que le déplacement d'un compteur digital et son installation à l'extérieur des locaux loué était de nature à lui causer préjudice.

Les photos produites, non datées, ne peuvent démontrer en soi quoi que ce soit, à partir du moment où la cour ne dispose d'aucun élément de nature à connaître dans quelles conditions, où et quand, elles ont été prises.

Quant aux courriers émanant de la SAS KARAKUS & CO, ils ne sauraient pouvoir constituer en soi une preuve de l'existence des troubles évoqués, en l'absence d'éléments objectifs corroborant.

Enfin, s'agissant de l'aménagement de la cour, comme indiqué plus haut, la SCI pouvait investir la partie de la cour non nécessaire au libre accès des locaux de la SAS KARAKUS & C, et la mise en place de barrières, de pots de fleurs, ou autres éléments mobiliers sur sa partie de la cour, ne sauraient en aucun cas être susceptibles de générer un trouble de jouissance pour la société KARAKUS & CO.

D'autre part, à partir du moment où le bien fondé de la demande reconventionnelle formulée en première instance par la SCI, a été majoritairement reconnu, la société KARAKUS & CO ne saurait prétendre sérieusement avoir subi un préjudice du fait d'une 'résistance abusive' imputable au bailleur.

En conséquence, il y aura lieu de confirmer la première décision qui a rejeté les demandes du preneur, portant sur l'indemnisation d'un trouble de jouissance ou d'un préjudice né d'une résistance abusive du propriétaire.

2) Sur l'appel formé par la SCI [T] :

2-1) Sur sa demande portant sur les arriérés de loyers et de charges :

Aux termes de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus. Il s'agit d'une obligation essentielle du locataire.

Le bailleur, qui réclame au preneur de lui rembourser, en application du bail commercial, des charges et taxes, doit établir sa créance en démontrant l'existence et le montant de ces charges en produisant aux débats, les pièces adéquates.

Le premier juge a arrêté la créance de la SCI au 5 mai 2021, à la somme de 19 800 euros TTC, soit 900 euros TTC x 22 mois (août 2019 jusqu'à mai 2021 ).

La SCI [T] demande à la Cour de revoir à la hausse le montant mis à la charge du preneur, pour tenir compte des nouveaux loyers ou indemnités d'occupation non honorées depuis la date du prononcé de la décision, et réclame la condamnation de la société KARAKUS & CO à lui payer d'une part la somme de 32.400 euros au titre des loyers/indemnités d'occupation impayés dus pour la période allant du 1er août 2019 au 30 mai 2022 (date de départ du locataire), avec intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter de l'exigibilité de chaque loyer, d'autre part la somme de 20.819,40 euros au titre des charges du 1er août 2019 au 31 octobre 2021 avec intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter de la date d'exigibilité de chaque facture de charges.

L'argument avancé par la société KARAKUS, selon lequel cette demande serait nouvelle et donc irrecevable - en ce qu'elle aurait été formulée la première fois à hauteur de Cour - est infondé et doit être rejeté.

En effet, il est rappelé qu'en première instance le bailleur avait déjà réclamé une somme au titre des loyers et des charges impayées, chiffrés globalement alors à la somme de 81 489,43 euros.

Les demandes chiffrées à hauteur de cour, de 32 400 euros et de 20 819,40 euros, ne sont nullement nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; il s'agit simplement d'une réactualisation de la demande formulée en première instance.

La demande de la SCI [T] est dès lors recevable.

Le preneur ne conteste pas le fait qu'il n'a pas versé de loyers ou d'indemnités d'occupation entre le 1er août 2019 et le 30 mai 2022, ni même réglé le montant des charges lui incombant entre le 1er août 2019 et le 31 octobre 2021.

Il ne formule pas davantage de critiques portant sur le montant des deux sommes évoquées plus haut qui lui sont réclamées, se contentant d'avancer que son refus de règlement serait justifié par le fait que 'Il a été amplement démontré que la SCI [T] a gravement manqué à son obligation de délivrance, et a tout mis en oeuvre pour gêner l'activité professionnelle de la Sas KARAKUS & CO', ce qui constituerait une inexécution suffisamment grave.

Néanmoins, à partir du moment où la cour confirme le jugement de première instance, qui a écarté l'existence d'un tel manquement de la part du bailleur, il y a lieu de condamner le preneur à régler l'intégralité des sommes dues au titre des loyers et charges impayés.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer la décision de première instance qui limitait la condamnation de la SAS KARAKUS & CO à la somme de 19 800 euros, pour tenir compte du fait de la survenue de nouveaux impayés, et de condamner le preneur à régler au propriétaire, d'une part une somme de 32.400 euros au titre des loyers impayés dus pour la période allant du 1er août 2019 au 30 mai 2022, d'autre part une somme de 20.819,40 euros au titre des charges du 1er août 2019 au 31 octobre 2021.

2-2) Sur la condamnation aux intérêts de retard au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de chaque échéance de mois impayé :

L'article 9 du contrat de bail signé par les parties prévoit un intérêt de retard de 1,5 % par mois à compter de chaque échéance de mois impayé, soit 18 % par an.

Or, comme le reconnaît la SCI [T] dans sa note en délibéré, ce taux est manifestement exagéré, en ce qu'il excède le taux d'usure, tel que défini par l'article L314-6 du code de la consommation et L313-5-1 du code monétaire et financier.

Il est rappelé que la législation sur le taux d'usure est d'ordre public, et que le taux d'intérêt usuraire a varié entre juillet 2019 et juillet 2022 entre les valeurs de 13,91 % et 15,39 %.

Dans ces conditions, le taux d'intérêt stipulé de 18 % l'an doit être écarté, en ce qu'il excède le maximum autorisé du taux d'intérêt pouvant être appliqué au titre de pénalités de retard entre professionnels, de sorte que les sommes mises à la charge du preneur seront augmentées du taux d'intérêt légal, seul taux pouvant être substitué au taux contractuel écarté.

Les intérêts seront capitalisés en application des dispositions légales.

3) Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens engagés par les parties à l'occasion de la première instance.

La SAS KARAKUS & CO, succombant partiellement, elle assumera la totalité des dépens de l'appel, ainsi que les frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel. Sa demande présentée à ce titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

Il est équitable de ne pas accorder à la SCI [T] d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare recevable les demandes formées par la société KARAKUS & CO, portant sur la question de la résiliation du bail, de son expulsion des locaux, de la remise en état de la cour, et de la cessation du préjudice de jouissance,

Déclare recevable la demande formée par la SCI [T] en vue d'obtenir la condamnation de la société KARAKUS & CO à régler des sommes au titre des loyers et charges impayées,

Confirme le jugement du 26 avril 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse, sauf en ce qu'il a :

- rejeté les demandes d'indemnisation formulées par la SAS KARAKUS & CO au titre des frais engagés à l'occasion de l'aménagement du local bureau et de la pose du carrelage

- condamné la SAS KARAKUS & CO payer à la SCI [T] la somme de 19 800 euros TTC correspondant à l'arriéré locatif au 5 mai 2021, ladite somme étant majorée des intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de la présente décision,

L'infirme de ces deux seuls chefs,

Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés,

Condamne la SCI [T] à verser à la société KARAKUS & CO les sommes de :

* 5 000 euros (cinq mille euros) au titre des frais de pose de carrelage

* 1 092,23 euros (mille quatre-vingt-douze euros et vingt-trois centimes) au titre des travaux d'aménagement du local bureau,

Condamne la société KARAKUS & CO à verser à la SCI [T] une somme de 32.400 euros (trente-deux mille quatre cents euros) au titre des loyers impayés du 1er août 2019 au 30 mai 2022, avec intérêts au taux légal à compter de l'exigibilité de chaque loyer ou indemnité d'occupation,

Condamne la société KARAKUS & CO à verser à la SCI [T] une somme de 20.819,40 euros (vingt mille huit cent dix-neuf euros et quarante centimes) au titre des charges, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chaque facture de charges,

Et y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du Code civil,

Condamne la SAS KARAKUS & CO aux dépens de la procédure d'appel,

Rejette la demande de la SAS KARAKUS & CO et de la SCI [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.