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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 février 2024, n° 21/10294

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Premium Goods (SAS)

Défendeur :

Chenai Trading (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien

Avocats :

Me Boccon-Gibaud, Me Rivet, Me Baechlin, Me Clémenceau, Me Etevenard, Me Royer

T. com. Paris, 16e ch., du 7 mai 2021, n…

7 mai 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Chenai Trading (la société Chenai) exerce une activité d'import-export, négoce et commercialisation de diverses épices.

La société Reyoba HE (la société Reyoba) exerce une activité d'achat et vente de matières premières comprenant les épices et les vanilles.

La société Premium Good exerce une activité d'importation et de négoce de tous produits et matières premières d'origine végétale.

La société Chenai a vendu à la société Reyoba 23 cartons de vanille d'un poids net total de 554,7 kg et a émis une facture d'un montant de 257 182,63 euros TTC le 27 septembre 2021.

La société Reyoba a revendu à la société Premium Good ces marchandises.

Par acte du 23 octobre 2018, la société Chenai a assigné la société Reyoba en paiement de sa facture.

Par acte du 14 octobre 2019, la société Reyoba a assigné la société Premium Good en intervention forcée et en garantie.

Par jugement du 12 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Reyoba à payer à la société Chenai la somme de 169 453,19 euros, et rouvert les débats du chef des demandes réciproques formulées entre la société Reyoba et la société Premium Goods et du chef de demande de la société Chenai à l'encontre de la société Premium Goods au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Reyoba a interjeté appel de ce jugement le 22 avril 2021, enrôlé sous le numéro RG 21/07918.

Par ordonnance du 17 mars 2022, le magistrat en charge de la mise en état a prononcé la radiation de cet appel.

Par jugement du 7 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Reyoba de sa demande de condamner la société Premium Goods à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre dans le jugement rendu le 12 février 2021 ;

- condamné la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 171 563,18 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement ;

- débouté la société Reyoba de sa demande de condamner la société Premium Goods à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à laquelle elle a été condamnée par jugement du 12 février 2021 ;

- condamné la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Premium Goods à payer à la société Chenai la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Premium Goods aux dépens.

Par déclaration du 1er juin 2021, enregistrée sous le numéro RG 21/10294, la société Premium Goods a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 171 563,18 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;

- condamné la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ;

- condamné la société Premium Goods à payer à la société Chenai la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Premium Goods aux dépens.

Par ordonnance du 21 avril 2022, le magistrat en charge de la mise en état a constaté le désistement de la société Reyoba de sa demande de radiation du rôle de l'affaire enregistrée sous le numéro RG 21/10294, et a retenu que l'incident tendant à voir déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de résolution du contrat de vente formée par la société Premium Goods excédait les pouvoirs du conseiller de la mise en état.

Par ses dernières conclusions notifiées le 31 août 2021, la société Premium Goods demande, au visa des articles 1603 et suivants, 1217, 1224 et 1611 du code civil, de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il :

- condamne la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 171 563,18 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;

- condamne la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Premium Goods à payer à la société Chenai la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Premium Goods aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 189,53 euros dont 31,16 euros de TVA ;

- et, statuant à nouveau, juger que la société Reyoba a manqué à son obligation de délivrance conforme ;

- débouter la société Reyoba de sa demande de paiement de la somme de 171 563,18 euros au titre de la facture émise ;

- donner acte du paiement par la société Premium Goods de l'intégralité des marchandises vendues par elle ;

- juger que la société Premium Goods est bien fondée à solliciter la résolution du contrat conclu ;

- ordonner à la société Reyoba de récupérer la marchandise non conforme sous astreinte de 500 euros par jours de retard ;

- condamner la société Reyoba à payer à la société Premium Goods la somme de 41 020,44 euros décomposée de la manière suivante :

* 32 916,00 euros en réparation du manque à gagner

* 6 923,23 euros au titre du coût de traitement de la marchandise non conforme

* 1 181,21 euros au titre du coût de stockage de la marchandise impropre à la commercialisation ;

- en tout état de cause et y ajoutant, ordonner à la société Reyoba de prendre possession de l'intégralité des gousses de vanilles non conformes entreposées dans les entrepôts de la société Premium Goods dans un délai de 5 jours ouvrés à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- condamner la société Reyoba à payer à la société Premium Goods la somme de 18 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Reyoba à supporter les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue [Localité 7]-[Localité 8].

Par ses dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2021, la société Chenai demande, au visa de l'article 952 du code de procédure civile et des articles 1103, 1193, 1104, 1231-1, 1231-6 alinéa 3 et 1199 du code civil, de :

- vu l'absence de moyen au soutien de la demande de réformation d'article 700 du code de procédure civile dans le corps des écritures, déclarer irrecevable la demande de réformation d'article 700 du code de procédure civile ;

- juger en conséquence l'appel abusif ;

- confirmer en conséquence le jugement qui a condamné la société Premium Goods à régler une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- y ajoutant, la condamner à payer à la société Chenai une somme complémentaire de 5 000 euros

- en tout état de cause, ordonner la jonction des deux recours enregistrés sous les RG 21/07918 et 21/10294 ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 février 2021 en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant à titre incident, condamner la société Reyoba à payer à la société Chenai une somme de 10 000 euros pour résistance abusive au paiement ;

- débouter la société Reyoba de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce que non fondées ;

- débouter à tout le moins la société Premium Goods de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce que non fondées ;

- condamner la société Reyoba à payer à la société Chenai la somme de 169 453,19 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 mai 2018, en exécution de ses obligations contractuelles ;

- condamner la société Reyoba et la société Premium Goods à payer, chacune, à la société Chenai une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Jeanne Baechlin, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 28 février 2022, la société Reyoba demande, au visa de l'article 1603 du code civil et des articles 143, 144, 564 et 566 du code de procédure civile, de :

- déclarer irrecevables les prétentions nouvelles de la société Premium Goods à l'égard de la société Reyoba ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 7 mai 2021 en ce qu'il a condamné la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 171 563,18 euros avec intérêt au taux légal à compter du jugement, outre 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

- débouter la société Chenai de sa demande de condamnation pour résistance abusive à l'égard de la concluante ;

- condamner la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Premium Goods aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 octobre 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIFS

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à "juger" et "donner acte" en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens.

Sur les limites de l'appel et la demande de jonction :

La cour est saisie dans les limites de l'appel interjeté contre le jugement du 7 mai 2021.

L'appel interjeté contre le jugement du 12 février 2021 fait l'objet d'une procédure distincte et d'une radiation.

Compte tenu de cette radiation, les deux instances ne seront pas jointes.

Il ne sera donc pas statué sur l'appel interjeté contre le jugement du 12 février 2021.

Sur l'irrecevabilité soulevée de la demande au titre des frais irrépétibles :

La société Chenai soulève l'irrecevabilité de la demande de la société Premium Goods de réformation du chef de dispositif au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en raison de l'absence de moyen au soutien de cette demande dans le corps des écritures sur le fondement de l'article 954 du code de procédure civile.

La société Premium Goods a interjeté appel des chefs de dispositif lui faisant grief.

Sa demande d'infirmation de sa condamnation au paiement d'une somme au titre de frais irrépétibles est accessoire à sa demande d'infirmation des autres dispositions la condamnant au paiement de sommes.

Dans le dispositif de ses conclusions, elle demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Chenai la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a argué avoir a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits et qu'il serait inéquitable de les laisser à sa charge.

Sa demande d'infirmation sera déclarée recevable.

Sur l'irrecevabilité de la demande en résolution du contrat :

Aux termes de l'article 71 du code de procédure civile, "constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire."

L'article suivant précise que "les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause."

L'article 564 du code de procédure civile dispose :

"A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait."

L'article 565 du code de procédure civile énonce que "les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent."

Selon l'article 566 du même code, "les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire."

La société Premium Goods s'oppose au paiement de la somme réclamée par la société Reyoba, et ce tant en première instance qu'en appel.

En première instance, elle a argué de sa qualité de dépositaire, et a critiqué la qualité de la marchandise.

Le tribunal de commerce a retenu l'existence d'un contrat de vente.

En appel, la société Premium Goods ne critique pas la qualification de vente retenue par le tribunal de commerce et invoque un manquement de la société Reyoba, en sa qualité de vendeur, à son obligation de délivrance conforme.

Sa demande en résolution de la vente pour absence de délivrance conforme tend à s'opposer au paiement d'une somme au titre de la facture.

Sa demande de reprise des marchandises non vendues est la conséquence de sa demande en résolution du contrat.

Ces demandes sont dès lors recevables.

En première instance, la société Premium Goods n'a réclamé le paiement d'aucune somme ou indemnité.

Les demandes en indemnisation d'un préjudice commercial et de coûts de traitement et de stockage sont accessoires à la demande en résolution du contrat de vente.

Elles sont dès lors recevables.

Sur la vente entre la société Reyoba et la société Premium Goods :

Selon l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.

La société Reyoba a acheté à la société Chenai 18 cartons de vanille "gourmet" et 5 cartons de vanille "vrac", qu'elle a revendus à la société Premium Goods.

Par courriel du 10 octobre 2017, la société Reyoba a informé la société Chenai de défauts affectant des cartons de vanille, portant sur la couleur, des traces de moisissures, et l'odeur.

Par courriel du 20 octobre 2017 adressé à la société Chenai, la société Reyoba a confirmé l'existence de ces défauts, outre l'existence d'insectes s'envolant à l'ouverture des cartons.

Quelque soit la catégorie de la vanille vendue, les moisissures, l'odeur de moisi et la présence d'insectes, traduisent un défaut de conformité des produits vendus.

La société Premium Goods a cependant effectué des opérations de tri, de nettoyage et d'extraction des vanilles livrées en vue de leur revente.

Elle affirme avoir pu revendre 166,99 kg de vanille sur les 554,70 kg livrées, et détenir un stock de 227,5 kg de vanille sans le justifier.

La société Premium Goods en effectuant des opérations de tri, de nettoyage et d'extraction des vanilles livrées a accepté la délivrance des produits avec leurs défauts de conformité apparents, alors même qu'il résulte d'un courriel du 26 octobre 2017 que la société Chenai a proposé la restitution des vanilles.

Des échanges entre les trois sociétés ont également porté sur une réduction du prix et un échéancier de règlement.

La société Premium Goods n'est dès lors pas fondée à demander la résolution de la vente, avec restitution de gousses de vanille, et à réclamer l'indemnisation d'un préjudice commercial et de coûts de traitement et de stockage de la marchandise.

Ses demandes seront rejetées.

La société Reyoba a, le 26 septembre 2017, émis une facture de 301 382,38 euros pour la vente des vanilles.

Elle réclame le paiement de la somme de 171 563,18 euros après déduction de deux avoirs de 68 692,11 euros et de 11 127,09 euros TTC, et de la somme de 50 000 euros réglée par la société Premium Goods.

Le contrat n'étant pas résolu, la demande en paiement de la société Reyoba est fondée, et le jugement, qui a condamné la société Premium Goods à payer à la société Reyoba la somme de 171 563,18 euros avec intérêts, sera confirmé.

La société Reyoba, dans le dispositif de ses écritures, n'a pas formé d'appel incident contre le jugement du 7 mai 2021 ayant rejeté ses demandes en condamnation de la société Premium Goods à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre par le jugement rendu le 12 février 2021 et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à laquelle elle a été condamnée par jugement du 12 février 2021.

Il n'y a dès lors pas lieu d'infirmer le jugement en ces dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La société Premium Goods succombe en appel.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société Premium Goods sera tenue aux dépens d'appel.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société Reyoba la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter les autres demandes de ce chef.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, dans les limites de sa saisine,

Rejette la demande de jonction avec l'instance enrôlée sous le numéro RG 21/07918 ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur l'appel interjeté contre le jugement du 12 février 2021 ;

Déclare recevable la demande de la société Premium Goods en réformation du chef de dispositif la condamnant à payer à la société Chenai Trading la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare recevable les demandes de la société Premium Goods en résolution de la vente, en reprise de marchandises et en indemnisation ;

Confirme le jugement du 7 mai 2021 du tribunal de commerce de Paris ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes de la société Premium Goods en indemnisation d'un préjudice commercial et de coûts de traitement et de stockage ;

Condamne la société Premium Goods à payer à la société Reyoba HE la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Premium Goods aux dépens d'appel.