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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 12 janvier 2024, n° 21/03552

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AB Distribution (SARL)

Défendeur :

Gabriel (SARL), CTE SPA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Ougier, Mme Vareilles

Avocats :

Me Thevenin, Me Para, Me Arroyo

T. com. Avignon, du 10 sept. 2021, n° 20…

10 septembre 2021

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 27 septembre 2021 par la S.A.R.L. AB Distribution à l'encontre du jugement prononcé le 10 septembre 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon, dans l'instance n°2019013335,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 février 2023 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 27 février 2023 par la S.A.R.L. Gabriel, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 novembre 2022 par la société CTE SPA, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l'ordonnance du 27 mars 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 7 septembre 2023

La société AB Distribution a pour activité la vente de matériel de BTP d'industrie. La société Gabriel est quant à elle spécialisée dans l'achat, la vente, la location et l'entretien de tous matériels et plus particulièrement de nacelles. Enfin, la société CTE est une société de droit italien spécialisée dans la production et la vente de nacelles élévatrices montées sur camion et de nacelles araignées.

Par devis du 24 janvier 2017, accepté le 26 avril 2017, il a été convenu que la société AB Distribution vende à la société Gabriel un véhicule avec châssis cabine de marque Nissan Cabstar, équipé d'une nacelle articulée 'ZED 20.2 HVS', au prix de 71 710,86 euros TTC.

Le 5 mai 2017, la société AB Distribution a alors commandé à la société CTE deux véhicules professionnels de marque Nissan, modèle Cabstar, équipés d'une nacelle articulée 'ZED 20.2 HVS'.

Le 21 juillet 2017, la société CTE a livré l'un des deux véhicules portant le numéro d'identification VWASUFF24G6187217 à la société AB Distribution et lui a transmis le 26 juillet 2017 la facture correspondante.

Avant même la réception du véhicule, la S.A.R.L. AB Distribution a émis le 5 juillet 2017 une facture de vente d'un montant de 71 710,86 euros TTC, livraison et frais d'immatriculation inclus ainsi qu'un bon de livraison, destinés à la société Gabriel.

Le même jour, la S.A.R.L. AB Distribution a effectué une demande de certificat d'immatriculation du véhicule livré, pour le compte de la société Gabriel. Un certificat d'immatriculation provisoire a été délivré à cette dernière pour la période du 26 juillet au 25 août 2017.

Lors de la vente, la société CTE SPA a remis une déclaration CE de conformité de la plate-forme de travail élevable. Toutefois, la S.A.R.L. AB Distribution n'est pas parvenue à immatriculer le véhicule, de classe environnementale Euro 5.

Par courrier du 13 juin 2018, réitéré par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 juillet 2018, le conseil de la société Gabriel a sollicité la résolution amiable de la vente auprès de la société AB Distribution, ce que cette dernière n'a pas accepté.

Par exploit du 18 novembre 2019, la société Gabriel a fait assigner la société AB Distribution devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire de la vente, voir condamner sa cocontractante à venir récupérer le véhicule à ses frais et la voir condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Suivant exploit du 2 mars 2020, la société AB Distribution a fait assigner en intervention forcée la société CTE SPA aux fins de la voir condamner à la relever et à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre.

Par courriel du 9 juin 2020, la société CTE SPA a proposé à la S.A.R.L. AB Distribution de trouver un accord amiable pour mettre fin à la procédure judiciaire aux termes duquel la société Gabriel se verrait 'offrir' une nouvelle nacelle ZED 20.3H Euro 6 livraison prête à 73 000 euros + taxe sur la valeur ajoutée et elle lui rachèterait la machine utilisée à 35 000 euros + taxe sur la valeur ajoutée.

Par jugement du 10 septembre 2021, le tribunal de commerce d'Avignon a :

-déclaré recevable l'assignation en intervention forcée délivrée par la société AB Distribution à la société CTE SPA

-mis hors de cause la société CTE SPA

-prononcé la résolution de la vente conclue entre la société AB Distribution et la société Gabriel portant sur le véhicule Nissan Cabstar équipé d'une nacelle élévatrice ZED 20.2 HVS, objet de la facture n°15198 émise le 5 juillet 2017

-condamné la société AB Distribution à payer à la société Gabriel la somme de 71 780,86 euros TTC;

-condamné la société AB Distribution à récupérer le véhicule à ses frais;

-condamné la société AB Distribution à payer à la société Gabriel la somme de 2 500 euros et celle de 3 000 euros à la société CTE SPA, à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

-condamné la société AB Distribution aux dépens, dont ceux de greffe, liquidés à la somme de 94,34 euros TTC.

Le 27 septembre 2021, la S.A.R.L. AB Distribution a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a déclaré recevable l'assignation en intervention délivrée à la société CTE SPA.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 56, 63, 66 à 69, 331, 334 et suivants, 514 du code de procédure civile, des articles 1604 et suivants du code civil, du règlement CE n°715/2007 du parlement européen et du conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules, de l'article 8, 1°, du règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012, du règlement européen 2015/504 de la Commission du 11 mars 2015 portant exécution du règlement (UE) n°167/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les prescriptions administratives relatives à la réception et à la surveillance du marché des véhicules agricoles et forestiers (JOUE n°L 85, 28 mars 2015, rect. n° L300, 8 novembre 2016), de :

In limine litis,

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

rejeté la demande de nullité de l'appel en cause formée par la société CTE SPA et déclaré recevable l'assignation en intervention forcée délivrée à son encontre par la société AB Distribution;

-Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

mis hors de cause la société CTE SPA;

prononcé la résoution de la vente conclue entre la société AB Distribution et la société Gabriel portant sur le véhicule Nissan Cabstar équipé d'une nacelle élévatrice ZED 20.2 HVS, objet de la facture n°15198 émise le 5 juillet 2017;

condamné la société AB Distribution à payer à la société Gabriel la somme de 71 780,86 euros TTC;

condamné la société AB Distribution à récupérer le véhicule à ses frais;

condamné la société AB Distribution à payer à la société Gabriel la somme de 2 500 euros et celle de 3 000 euros à la société CTE SPA à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

condamné la société AB Distribution aux dépens, dont ceux de greffe, liquidés à la somme de 94,34 euros TTC.

Et statuant à nouveau,

In limine litis,

-Prononcer la régularité de l'appel en cause délivré à la société CTE SPA par la société AB Distribution;

Sur le fond,

A titre principal,

-Rejeter les demandes fins et conclusions formées à l'encontre de la société AB Distribution;

A titre subsidiaire et en tout état de cause,

-Rejeter les demandes de la société Gabriel formées à l'encontre de la seule société AB Distribution, à tout le moins, minorer à de plus justes proportions les demandes de la société Gabriel formées à l'encontre de la seule société AB Distribution;

Si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation à l'encontre de AB Distribution,

-Condamner la société CTE SPA à relever et garantir la société AB Distribution de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre;

-Rejeter les demandes, fins et conclusions formées par la société CTE SPA à l'encontre de la société AB Distribution;

-Condamner telle partie qui succombe à verser à la société AB Distribution une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens en ceux compris les frais de dénonce à l'étranger et de traduction à hauteur de 510,48 euros et 246,83 euros.

A titre principal, l'appelante soutient qu'elle a rempli ses obligations en qualité de venderesse puisqu'elle s'est rapprochée de Nissan pour tenter d'obtenir une inscription du véhicule sur la liste environnementale dérogatoire; la société Gabriel est un acheteur professionnel, spécialisé dans la location et la location-bail de machines et équipements pour la construction, de sorte qu'elle était en mesure d'apprécier la conformité du véhicule commandé; la société Gabriel ne rapporte pas la preuve de son absence d'utilisation du véhicule depuis la date qu'elle allègue, à savoir le 25 août 2017; au contraire, la société ADB Distribution verse aux débats des ordres de réparation sur la nacelle 20.2 intervenus entre le 31 juillet 2017 et le 26 juillet 2018, prouvant que pendant cette période, la société Gabriel utilisait le matériel et que celui-ci était exploitable;

L'appelante fait valoir, en réponse au moyen de nullité de l'appel en intervention forcée soulevé in limine litis par la société CTE SPA, qu'elle a été assignée par la société Gabriel devant le tribunal de commerce français et que cette juridiction était bien compétente pour connaître de la demande en garantie des condamnations pouvant être prononcées à son encontre; l'assignation en intervention forcée qu'elle a fait délivrer à la société CTE SPA comprend toutes les mentions obligatoires prévues par l'article 56 du code de procédure civile mais également l'exposé des moyens en fait et en droit fondés sur l'action récursoire ; la société CTE SPA ne peut faire valoir ne pas connaître le litige et ne pouvoir organiser sa défense alors que suite à l'appel en cause diligenté par l'appelante, elle a formulé une proposition à la société Gabriel comprenant l'offre d'un nouveau véhicule Zed 20.3 H Euro 6 pour un prix de 73 000 euros ainsi que le rachat de la première machine pour 35 000 euros.

Au soutien de son appel en garantie, l'appelante fait valoir que la société CTE SPA a commis une faute puisqu'elle a livré un véhicule qui n'était plus aux normes environnementales et en ne l'alertant pas en qualité de mandataire ; en effet, la société intimée ne peut se retrancher derrière la prétendue conformité de la commande puisque l'immatriculation du véhicule s'est révélée impossible; de plus, la nacelle concernée ne faisait pas partie de la dérogation accordée sur la liste du ministère, de sorte que l'appelante n'aurait pu, quoi qu'il advienne, immatriculer le matériel; le véhicule était donc vicié dès la livraison et la société CTE SPA a procédé à une livraison non conforme; le règlement CE n°715/2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules s'applique à la société italienne CTE SPA qui devait donc s'assurer de la bonne norme environnementale au moment où elle a fourni le véhicule à la société AB Distribution et, à tout le moins, effectuer les démarches de nature à pouvoir rendre le véhicule utilisable; le fait que la facture du véhicule mentionne que les frais d'immatriculation sont inclus ne préjuge pas de la faute de l'appelante et n'exonère pas la société CTE SPA de sa responsabilité en qualité de fournisseur du véhicule ; la S.A.R.L. AB Distribution a relancé, à maintes reprises, la société CTE SPA afin de pouvoir trouver une solution, en vain, jusqu'au courriel du 26 mai 2020 par lequel la société italienne a tenté de trouver un accord en proposant à la société Gabriel un nouveau véhicule; la société CTE SPA reconnaît donc implicitement qu'elle a commis une faute dans la délivrance de la première machine.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la société Gabriel, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1604 et suivants du code civil, de l'article 1227 du code civil, de :

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Avignon le 10 septembre 2021 en ce qu'il a :

prononcé la résolution de la vente conclue entre la société AB Distribution et la société Gabriel portant sur le véhicule Nissan Cabstar équipé d'une nacelle élévatrice ZED 20.2 HVS, objet de la facture n°15198 émise le 5 juillet 2017;

condamné la société AB Distribution à payer à la société Gabriel la somme de 71 780,86 euros TTC;

condamné la société AB Distribution à récupérer le véhicule à ses frais;

condamné la société AB Distribution à payer à la société Gabriel la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

-Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Avignon le 10 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la société Gabriel de sa demande de dommages et intérêts;

-Condamner la société AB Distribution à payer à la société Gabriel la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts;

-Condamner la société AB Distribution à payer à la société Gabriel la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel outre les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'intimée indique qu'elle sollicite la résolution de la vente au motif que le certificat d'immatriculation ne lui a pas été remis alors qu'au regard de la facture émise, les frais d'immatriculation étaient à la charge de la société AB Distribution ; or, cette dernière n'a jamais été en mesure d'avoir un certificat de conformité permettant d'obtenir l'immatriculation en France du véhicule acheté ; en tout état de cause, le véhicule n'aurait pas pu faire l'objet d'une immatriculation en France puisqu'il avait en qualité environnementale une norme Euro 5 alors que pour être immatriculé à compter de septembre 2015, tout véhicule doit avoir une norme Euro 6; la société Gabriel n'avait, en outre, aucun moyen de savoir que le véhicule qui allait lui être vendu n'était qu'en norme Euro 5 et ne s'en est rendue compte qu'à la réception du certificat provisoire d'immatriculation; sa qualité de professionnelle importe peu puisqu'elle n'avait aucun moyen, avant l'obtention du certificat d'immatriculation, de connaître la qualité environnementale du véhicule; en revanche, la société AB Distribution, en tant que professionnelle, aurait dû s'assurer qu'un véhicule en provenance d'un autre pays pouvait efficacement être immatriculé en France; le véhicule est stationné dans la cour de la société Gabriel depuis qu'elle a eu connaissance de l'impossibilité de l'immatriculer; la société italienne a reconnu sa responsabilité en soumettant à la société AB Distribution une proposition le 26 mai 2020 de reprise du matériel ; toutefois, la proposition n'a jamais été transmise à la société Gabriel qui l'aurait en tout état de cause refusée puisqu'elle l'obligeait à racheter un nouveau véhicule et à payer une soulte d'un montant de 39 000 euros ; elle a acheté en juillet 2017 le véhicule litigieux qu'elle ne peut utiliser; elle est donc fondée à solliciter une indemnisation de cette immobilisation dont elle n'est aucunement responsable.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la société CTE SPA, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

-Annuler le jugement rendu le 10 septembre 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon en ce qu'il a déclaré recevable l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée par la S.A.R.L. AB Distribution

En conséquence, statuer à nouveau aux fins de,

-Juger nulle l'assignation de la société AB Distribution délivrée à la société CTE

-Débouter la société AB Distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société CTE

A titre subsidiaire,

-Confirmer le jugement rendu le 10 septembre 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon en ce qu'il a mis hors de cause la société CTE

-Débouter la société AB Distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société CTE

En tout état de cause,

-Infirmer le jugement rendu le 10 septembre 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon en ce qu'il a débouté la société CTE de sa demande de paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et, en conséquence, statuer à nouveau aux fins de condamner la société AB Distribution à payer à la société CTE la somme de 6 000 euros à ce titre, en relation avec la procédure de première instance;

-Condamner la société AB Distribution au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en relation avec la procédure d'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir, in limine litis, que l'exposé des moyens de l'assignation en intervention forcée délivrée par la société AB Distribution est totalement confus, laconique et ambigu et ne contient aucune référence à un quelconque moyen de nature à fonder sa demande en droit, de sorte que l'assignation forcée est manifestement irrecevable au regard de l'article 56 du code de procédure civile; ce vice de forme cause nécessairement un grief à la société CTE puisque l'irrégularité de l'assignation la place dans une incertitude totale qui ne lui permet pas d'organiser utilement sa défense; si elle avait connaissance des difficultés d'immatriculation rencontrées, elle se trouvait dans l'impossibilité de déterminer les fondements des demandes de l'appelante et n'avait donc d'autre choix que de formuler des hypothèses quant à son argumentation.

A titre subsidiaire, l'intimée fait observer que la société appelante a la qualité de vendeur s'agissant de la vente du véhicule à la société Gabriel, de sorte qu'elle ne peut soutenir qu'elle 'n'est qu'un intermédiaire dans la transaction'; les frais d'immatriculation étaient inclus dans la vente du véhicule à la société Gabriel et il appartenait à l'appelante d'immatriculer celui-ci dans la mesure où cette dernière souhaitait le mettre en circulation en France; l'appelante a souhaité acquérir un véhicule répondant à la norme environnementale Euro 5, de sorte que la société CTE a répondu à cette demande ; ainsi, en livrant les véhicules dont les caractéristiques étaient prévues au contrat, elle n'a fait que remplir son obligation de délivrance et il ne peut lui être reproché un quelconque manquement; s'agissant de son obligation d'information et de conseil, il appartenait à la société AB Distribution, spécialisée dans la vente de matériel de BTP et d'industrie, de se renseigner quant aux conditions d'immatriculation des véhicules dont elle souhaitait passer commande; il apparaît que l'immatriculation du véhicule en France était possible jusqu'au 28 février 2018, soit huit mois après la vente du véhicule; les véhicules cédés par la société CTE n'étaient donc pas insusceptibles d'immatriculation ; il appartenait à la société AB Distribution de se rapprocher de Nissan France afin qu'une dérogation soit accordée au véhicule; elle a agi de bonne foi et de façon commerciale en apportant son aide aux sociétés AB Distribution et Gabriel puisqu'elle a fourni les éléments qu'elle avait en sa possession, notamment le certificat de conformité européen du véhicule; il ne peut être déduit de la proposition de remplacement du véhicule qu'elle a formulée le 26 mai 2020 la reconnaissance d'une faute qu'elle aurait commise; il s'agissait d'une simple proposition commerciale qui aurait permis de générer une vente de véhicule et qui s'inscrivait à nouveau dans sa volonté d'apporter son aide.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

Motivation

MOTIFS

1) Sur les demandes dirigées par l'acquéreur à l'encontre du vendeur intermédiaire

Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.

L'article 1604 définit la délivrance comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

L'article 1615 précise que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.

La remise à l'acheteur des documents administratifs relatifs au véhicule vendu constitue une obligation contractuelle essentielle du vendeur (Com. 22 janvier 1991, n°89-12.593).

En l'espèce, le véhicule livré était de classe Euro 5 alors que depuis le 1er septembre 2015, tous les véhicules soumis à immatriculation devaient présenter des caractéristiques techniques répondant à la norme Euro 6.

Le vendeur fait observer que l'acquéreur ne peut prétendre qu'il n'a pas été informé de la classe de la chose vendue alors que, sur le bon de commande du 5 mai 2017, il est mentionné que le véhicule porteur de la nacelle est un véhicule Nissan Euro5.

Cependant, l'acquéreur n'était pas le destinataire du bon de commande qui a été signé par le vendeur intermédiaire et remis au fournisseur du véhicule. Il n'est donc pas établi que l'acheteur avait connaissance de la classe Euro 5 du véhicule dont il faisait l'acquisition.

Le vendeur soutient également que l'acquéreur qui est un professionnel spécialisé dans la location et la location-bail de machines et équipements pour la construction, était en mesure d'apprécier si le véhicule qu'il avait commandé était conforme ou non et donc en mesure de le refuser s'il considérait qu'il ne l'était pas.

Toutefois, ni dans le devis accepté du 24 janvier 2017, ni dans la facture de vente du 5 juillet 2017, ne sont mentionnées la date de fabrication de la cabine Nissan Cabstar et sa classe environnementale. La classe environnementale ne figure pas non plus dans la demande de certificat d'immatriculation du 5 juillet 2017. Ce n'est qu'à la réception du certificat provisoire d'immatriculation du 26 juillet 2017 et donc postérieurement à la vente que l'acquéreur a pu se rendre compte que le véhicule livré était de classe Euro 5.

Le véhicule vendu, qui ne répond pas à la norme Euro 6 en vigueur, n'est pas susceptible d'être immatriculé en France et donc d'être utilisé sans enfreindre la réglementation. Ainsi le vendeur intermédiaire n'a pas fourni à l'acquéreur un véhicule dont ce dernier peut faire un usage régulier, ce, alors que le vendeur intermédiaire s'était engagé dans la facture du 5 juillet 2017 à procéder à l'immatriculation du véhicule dont les frais étaient inclus dans le prix de vente.

La preuve de la non conformité du véhicule aux stipulations contractuelles est donc bien rapportée. Par conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la résolution de la vente conclue entre la société AB Distribution et la société Gabriel et qu'ils ont condamné la société AB Distribution à restituer le prix de vente de 71 780,86 euros et à récupérer le véhicule à ses frais.

Le vendeur intermédiaire justifie être intervenu, à la demande de l'acquéreur, pour effectuer des réparations sur le véhicule vendu jusqu'au 16 août 2018. Il est donc avéré que l'acquéreur a continué à utiliser le véhicule jusqu'à cette date, en dépit de l'expiration du certificat provisoire d'immatriculation au 25 août 2017. En revanche, il n'est pas démontré que l'acquéreur se soit servi du véhicule postérieurement au 16 août 2018 alors qu'il avait pris connaissance de l'impossibilité définitive d'en régulariser la situation administrative et que le constat dressé le 15 février 2023 par commissaire de justice qu'il produit établit que le véhicule est immobilisé depuis longue date sur son terrain. Le préjudice de jouissance ainsi subi pendant plus de cinq années sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 5 000 euros.

2) Sur les demandes de garanties formées par le vendeur contre le fournisseur

Sur la demande d'annulation de l'assignation en intervention forcée

La société CTE SPA soutient que l'assignation en intervention forcée qui lui a été délivrée par la S.A.R.L. AB Distribution ne répond pas aux prescriptions de l'article 56 du code de procédure civile en ce qu'elle ne contient aucune précision quant aux griefs, ni aux fondements juridiques des demandes qu'elle formule à son encontre.

La S.A.R.L. AB Distribution n'a mentionné que les articles 56, 63, 66 à 69, 331 et suivants, 515 du code de procédure civile, dans son assignation aux fins d'appel en cause de la société CTE SPA. Cependant, elle a précisé, dans ses conclusions de première instance, qu'elle avait attrait devant la juridiction française la société CTE SPA, société de droit italien, en vertu de l'article 8, 1° du règlement européen n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. La S.A.R.L. AB Distribution a également visé les articles 331 et 334 et suivants du code de procédure civile, tout en sollicitant expressément, sur le fondement des articles 1604 et suivants du code civil, la garantie de la société CTE SPA au titre des condamnations pouvant être mises à sa charge. La société CTE SPA ne pouvait donc ignorer qu'il était sollicité l'application dans le litige du droit français dont certaines règles précises lui ont été opposées.

En appel, la S.A.R.L. AB Distribution a également invoqué le règlement CE n°715/2007 du parlement européen et du conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules et le règlement européen 2015/504 de la Commission du 11 mars 2015 portant exécution du règlement (UE) n°167/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les prescriptions administratives relatives à la réception et à la surveillance du marché des véhicules agricoles et forestiers. La S.A.R.L. AB Distribution a précisé que la société CTE SPA avait engagé sa responsabilité pour avoir livré un véhicule non conforme car non immatriculable et a ajouté qu'elle n'avait pas respecté son obligation d'information préalable et de conseil.

Bien que la S.A.R.L. AB Distribution n'ait pas visé formellement le texte applicable en matière de défaut d'information et de conseil, elle a apporté suffisamment d'explications pour définir l'objet de sa demande.

De plus, la S.A.R.L. AB Distribution a clairement demandé, dans le dispositif de son exploit introductif d'instance et de ses conclusions, dans l'hypothèse où le tribunal entrerait en voie de condamnation à son encontre, à être relevée et garantie par son fournisseur auquel elle a reproché expressément de lui avoir livré un véhicule non conforme à destination de la société Gabriel. Il s'en suit que la S.A.R.L. AB Distribution ne s'est pas contentée de demander à la société CTE SPA de s'expliquer sur les difficultés d'immatriculation du véhicule mais a bien formé une demande explicite de condamnation à son encontre.

La S.A.R.L. AB Distribution a indiqué, dans son assignation en intervention forcée qu'elle avait vendu à la société Gabriel le véhicule professionnel de marque Nissan Cabstar, équipé d'une nacelle élévatrice articulée ZED 20.2 HVS. La S.A.R.L. AB Distribution a évoqué, dans ses conclusions de première instance, la proposition commerciale émanant le 26 mai 2020 de la société CTE SPA qui était 'd'offrir' à la société Gabriel une nouvelle nacelle à 73 000 euros hors taxes et de lui racheter la machine utilisée à 35 000 euros hors taxes. Dans ces circonstances, la société CTE SPA ne saurait prétendre ignorer lequel des deux véhicules vendus le 26 juillet 2017 était l'objet de l'instance dans laquelle elle avait été attraite.

Il en résulte que la société CTE SPA a eu connaissance suffisante des moyens de droit et de fait qui étaient énoncés, de manière parfaitement compréhensible, par la S.A.R.L. AB Distribution, au soutien de sa demande tendant à être relevée et garantie des condamnations prononcées au profit de la société Gabriel. La société CTE SPA a donc été en mesure d'organiser sa défense et le procès s'est déroulé de manière équitable.

Par conséquent, la société CTE SPA sera déboutée de son exception de nullité et le jugement critiqué confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'assignation en intervention forcée délivrée par la société AB Distribution à la société CTE SPA.

Sur le bien fondé de la demande de garantie

La société CTE SPA qui est le fournisseur de la S.A.R.L. AB Distribution est bien concernée par le présent litige ; elle ne saurait être mise hors de cause.

La S.A.R.L. AB Distribution reproche à la société CTE SPA d'avoir manqué à son obligation de s'assurer de la bonne norme environnementale au moment où elle lui a fourni le véhicule et, à tout le moins, de ne pas avoir effectué les démarches de nature à pouvoir rendre le véhicule utilisable.

La proposition d'accord transactionnel transmise le 9 juin 2020 par la société CTE SPA ne vaut pas reconnaissance non équivoque de responsabilité de la part de cette dernière.

Il n'est pas contesté que la S.A.R.L. AB Distribution s'est heurtée à un refus d'immatriculation de la part de l'administration française, du fait que son dossier était incomplet. Dans son message du 21 mars 2018, la société CTE SPA lui a indiqué qu'elle ne pouvait plus l'aider à immatriculer le véhicule vendu car le délai fixé au 28 février 2018 pour l'homologation des véhicules Euro 5 ou pour obtenir d'éventuelles dérogations était expiré.

Le bon de commande du 5 mai 2017 à l'en tête de la S.A.R.L. AB Distribution fait expressément état d'une nacelle ZED 20.2HVS sur porteur Nissan Euro 5. Le bon de livraison du 21 juillet 2017 signé par la S.A.R.L. AB Distribution et la facture d'achat du 26 juillet 2017 qui lui a été transmise mentionnent également que le véhicule Nissan Cabstar répond à la norme Euro 5. Lors de la vente, la société CTE SPA a remis à la S.A.R.L. AB Distribution une déclaration du 31 janvier 2017 de conformité CE de la plate-forme de travail mobile élevable en langue française, document qui constituait l'accessoire du véhicule vendu. La S.A.R.L. AB Distribution a également obtenu de la société Nissan le certificat de conformité du véhicule de base.

Il n'était pas prévu contractuellement que la société CTE SPA effectue des démarches en vue de permettre l'immatriculation au nom de l'acheteur final de l'ensemble constitué d'un véhicule équipé d'une nacelle.

La S.A.R.L. AB Distribution invoque le non respect par la société CTE SPA du règlement européen 2015/504 de la Commission du 11 mars 2015 portant exécution du règlement (UE) n°167/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les prescriptions administratives relatives à la réception et à la surveillance du marché des véhicules agricoles et forestiers. Or, ce règlement n'est pas applicable en l'espèce, s'agissant d'un véhicule destiné à des travaux publics.

La S.A.R.L. AB Distribution invoque également le non respect par la société CTE SPA du règlement n°715/2007 du Parlement européen et du conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules qui impose notamment aux constructeurs de démontrer que tous les nouveaux véhicules vendus, immatriculés ou mis en service dans la Communauté ont été réceptionnés conformément au dit règlement et à ses mesures d'exécution.

L'éventuelle infraction commise au règlement européen n°715/2007, à supposer qu'elle soit établie, ne constitue pas une violation par la société CTE SPA de ses obligations contractuelles à l'égard de son co-contractant, dans la mesure où la société CTE SPA lui a fourni une auto-certification CE de conformité et qu'il n'est pas démontré qu'avec ce document, le véhicule vendu n'était pas du tout susceptible d'immatriculation en France jusqu'au 28 février 2018, soit dans les huit mois de sa vente.

La société CTE SPA a donc bien respecté son obligation de délivrance à l'égard de la S.A.R.L. AB Distribution en lui remettant le véhicule présentant les caractéristiques spécifiées, lors de la commande, ainsi que ses accessoires.

A l'égard d'un professionnel, l'obligation d'information et de conseil du loueur n'existe toutefois que dans la mesure où la compétence du cocontractant ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du ou des biens loués. De même, l'obligation de conseil n'est concevable que s'il existe une différence de compétence entre le loueur et le preneur.

En l'occurrence, la S.A.R.L. AB Distribution est une société commerciale spécialisée dans la vente de petits et gros matériels pour le bâtiment, les travaux publics et l'industrie. Sur son site internet, elle indique qu'elle s'associe aux plus grands fabricants de matériel de manutention et qu'en sa qualité de concessionnaire, elle distribue des nacelles élevatrices sur camion.

Il s'en suit que la S.A.R.L. AB Distribution disposait de compétences lui donnant les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du produit acquis et notamment de connaître les conditions requises pour pouvoir l'immatriculer en France, au vu de la réglementation en vigueur.

La S.A.R.L. AB Distribution étant un professionnel de la même spécialité que son fournisseur, ce dernier n'était pas débiteur d'un devoir d'information et de conseil à son égard ; elle n'avait donc pas à l'alerter au sujet des difficultés auxquelles elle allait se heurter et à l'avertir de ce qu'un délai expirait au 28 février 2018 pour obtenir d'éventuelles dérogations en vue de l'homologation du véhicule Euro 5.

Par conséquent, il convient de débouter la S.A.R.L. AB Distribution de sa demande de garantie à l'encontre de la société CTE SPA.

3) Sur les frais du procès

La S.A.R.L. AB Distribution qui succombe sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel comprenant les frais de dénonce à l'étranger et de traduction à hauteur de 510,48 euros et 246,83 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. AB Distribution à payer à la société CTE SPA la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de condamner la S.A.R.L. AB Distribution à verser tant à la société Gabriel qu'à la société CTE SPA une indemnité de 2 500 euros, à ce titre.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déboute la société CTE SPA de son exception de nullité de l'assignation en intervention forcée

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté la société Gabriel de sa demande en dommages-intérêts et mis hors de cause la société CTE SPA,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société AB Distribution à payer la société Gabriel la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts

Déboute la S.A.R.L. AB Distribution de sa demande tendant à être relevée et garantie par la S.A.R.L. AB Distribution des condamnations prononcées à son encontre

Y ajoutant,

Condamne la S.A.R.L. AB Distribution aux entiers dépens d'appel comprenant les frais de dénonce à l'étranger et de traduction à hauteur de 510,48 euros et 246,83 euros

Condamne la S.A.R.L. AB Distribution à payer à la société Gabriel une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la S.A.R.L. AB Distribution à payer à la société CTE SPA une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.