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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 26 janvier 2024, n° 22/02115

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Art et Image (SARL)

Défendeur :

Minilab Supply (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Ougier, Mme Vareilles

Avocats :

Me Porcher, Me Aubert, Me Wisniewski

T. com. Nîmes, du 18 févr. 2022, n° 2021…

18 février 2022

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 21 juin 2022 par la SARL Art et image à l'encontre du jugement prononcé le 18 février 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l'instance n°2021J00122 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 mars 2023 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 2 février 2023 par la SARL Minilab supply, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure du 17 novembre 2023 à effet différé au 7 décembre 2023 ;

***

Suivant facture FA2011-0285 du 12 novembre 2020, la société Minilab supply a vendu à la société Art et image une machine « Noritsu D701 Minilab d'occasion vendu en l'état », avec emballage, livraison et installation sur site, pour le prix de 4.238,40 euros TTC.

Une somme de 2.000 euros a été versée le 17 novembre 2020 en règlement.

Se plaignant des dysfonctionnements de la machine et estimant que la société Minilab supply ne parvenait pas à y remédier, la société Art et image a fait intervenir un autre technicien pour réparation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 décembre 2020, la société Art et image a mis en demeure la société Minilab supply d'avoir à l'indemniser de ses préjudices d'au moins 20.554,34 euros.

Par exploit du 26 mars 2021, elle l'a faite assigner devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 20.554,34 euros comprenant l'acompte de 2.000 euros versé, les factures de l'entreprise tierce intervenue pour 11.968,48 euros, les factures d'achat des consommables, d'entretien et de mise en service pour 6.585,38 euros, ainsi que la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice financier et commercial, outre 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 février 2022, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 54 et 853 du code de procédure civile, et des articles 1217 et 1231-1 du code civil,

déclaré l'assignation recevable,

débouté la SARL Art et image de toutes ses demandes, fins et conclusions,

condamné la SARL Art et image à payer à la SARL Minilab supply la somme de 2.238,40 euros au titre du solde de sa facture FA2011-0285,

débouté la SARL Minilab supply de ses autres demandes reconventionnelles,

dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

rappelé le principe de l'exécution provisoire de droit attaché à la présente décision,

condamné la SARL Art et images à payer à la SARL Minilab supply la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

condamné la SARL Art et image aux dépens de l'instance.

La société Art et image a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a déclaré l'assignation recevable et débouté la SARL Minilab supply de ses autres demandes reconventionnelles.

***

Dans ses dernières conclusions, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1217 et suivants du code civil, de :

la recevoir en son appel et l'y dire bien fondé,

infirmer la décision entreprise conformément à sa déclaration d'appel,

se prononcer à nouveau,

condamner la SARL Minilab supply à lui payer les sommes suivantes :

Acompte 2.000 euros,

Facture Mont blanc solutions 3.325,70 euros,

Facture Mont blanc solutions 8.642,78 euros,

Factures diverses (achat consommables, entretien, mise en service) 6.585,38 euros,

soit un total de 20.554,34 euros,

- condamner la SARL Minilab supply à lui payer une somme de dommages-intérêts de 5.000 euros au titre du préjudice financier et commercial subi,

- débouter la SARL Minilab supply de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du cpc,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir qu'en application de l'article 1197 du code civil, la société Minilab supply aurait dû, avant de livrer le matériel, s'assurer de son bon état de conservation pour une mise en service dans de bonnes conditions, et qu'elle a failli à ses engagements contractuels. Il était prévu une installation sur site et il n'était pas dit qu'aucune garantie n'était due. Le prix, même bas, s'entendait d'une machine qui fonctionne. Or le technicien de la société Minilab supply a tenté pendant trois jours de mettre en fonction la machine, sans y parvenir, de sorte que l'appelante a dû faire appel à un autre réparateur et depuis lors, elle a pu reprendre une activité normale et régulière.

L'appelante refuse de s'acquitter du solde du prix pour une machine qui n'est pas en état de marche, et avec une facturation de main d''uvre qui n'a servi à rien. La machine n'a été livrée que le 23 novembre et dès l'installation, des pannes en cascade sont apparues, le technicien de la société Minilab supply finissant par renoncer lui-même à la réparer et admettant qu'il ne disposait pas de la formation adéquate pour cette machine. S'il a proposé de récupérer le matériel et de restituer la somme de 2.000 euros versée, c'était pour faire un plus gros bénéfice en lui livrant une autre machine en panne plus chère, après avoir récupéré beaucoup de pièces sur l'ancien appareil.

***

Dans ses dernières conclusions, l'intimée relève appel incident du jugement déféré et demande à la cour, au visa des articles 54, 853, et 700 du code de procédure civile, et des articles 1217, 1231-1 du code civil, de

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a

. débouté la SARL Art et image de toutes ses demandes, fins et conclusions,

. condamné la SARL Art et image à lui payer la somme de 2.238,40 euros au titre du solde de sa facture FA2011-0285,

. dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

. rappelé le principe de l'exécution provisoire de droit attaché à la décision,

. condamné la SARL Art et image à lui payer la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

. rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

. condamné la SARL Art & image aux dépens,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes reconventionnelles,

Et par conséquent,

juger que la SARL Minilab supply n'a commis aucun manquement contractuel et que la défectuosité de la machine ne peut lui être imputée ni l'existence d'une quelconque faute dans sa réparation,

juger que la SARL Art et image ne justifie d'aucun préjudice financier et commercial,

constater l'absence d'expertise contradictoire et donc l'absence de justificatifs des prétendus manquements contractuels et du prétendu préjudice subi par la SARL Art et image,

En conséquence,

débouter la SARL Art et image de l'intégralité de ses demandes,

constater l'absence de règlement intégral de sa facture FA2011-0285 d'un montant de 4.238,40 euros,

condamner la SARL Art et image à lui régler la somme de 2.238,40 euros au titre du solde de la facture FA2011-0285,

condamner la SARL Art et image à lui régler 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur l'appel incident,

chiffrer à la somme de 2.202 euros les frais d'intervention sur 3 jours de la SARL Minilab supply sur la machine,

condamner la SARL Art et image à lui régler la somme de 2.202 euros au titre des frais d'intervention sur la machine,

En tout état de cause,

condamner la société Art et image à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté la société appelante puisqu'aucun manquement contractuel qui lui serait imputable n'est démontré. Elle ne peut donc demander remboursement de frais exorbitants engagés de sa propre initiative et en l'absence de toute expertise. Rien ne démontre le caractère défectueux de la machine livrée ni une quelconque faute de sa part.

L'appelante a refusé sa proposition commerciale de règlement amiable consistant en une reprise du matériel avec restitution de l'acompte et, sans nécessité, a eu recours à un nouveau prestataire.

La machine était vendue « en l'état » et pour un prix évidemment bien moindre à la valeur à neuf. Son technicien est qualifié pour ces machines, mais comme toutes les machines d'occasion, celle de marque Noritsu connait des problèmes. Les pièces de remplacement sont coûteuses et la société Art et image n'a pas souhaité investir alors qu'elle n'avait, encore par souci d'économie, pas non plus souhaité souscrire à des garanties. En sa qualité de professionnelle, elle savait nécessairement à quoi s'attendre en achetant une telle machine à ce prix là et si la machine était défectueuse lors de la livraison comme il le prétend, il aurait du le signaler immédiatement, ce qu'il n'a pas fait.

L'installation sur site ne comprend pas le branchement ni la mise en service de la machine et pas davantage une quelconque garantie mais seulement la livraison.

C'est encore à tort qu'il est fait état d'un retard de livraison alors que, intervenue 11 jours après commande, elle est conforme aux délais d'usage, aucune date n'étant spécifiée lors de la commande.

Enfin, le technicien qualifié du vendeur devait intervenir sur site mais le rendez-vous a été annulé par l'appelante et tous les moyens tentés par l'intimée pour apporter satisfaction à sa cliente sont restés vains.

En l'absence d'expertise, rien ne démontre que la défectuosité de la machine lui soit imputable alors qu'elle avait été livrée en bon état de fonctionnement. De même aucun lien n'est établi entre les factures dont il est demandé le remboursement et une quelconque faute de sa part, ni même avec la machine vendue.

Enfin, la demande d'indemnisation du préjudice financier et commercial est arbitraire et totalement injustifiée.

La facture correspondant à la machine livrée n'ayant pas été intégralement acquittée, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Art et image à régler le solde du prix.

En revanche, le technicien de l'intimé a passé trois jours à travailler sur la machine et, sur appel incident, la cour devra condamner l'appelante à payer ces heures de travail à hauteur de 2.202 euros.

***

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

Motivation

DISCUSSION

Sur le fond :

Selon l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend, et cette obligation de garantie comporte deux aspects énumérés à l'article 1625 : la garantie d'éviction et la garantie des vices cachés.

En l'espèce, la société Art et image fonde ses demandes sur les articles 1197, 1217 et 1231-1 du code civil en soutenant donc que la société Minilab supply, vendeur, n'a pas satisfait à son obligation de délivrance.

L'article 1604 définit la délivrance comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Il n'est pas contesté que la société Art et image a acquis le minilab dans le cadre de son activité professionnelle et qu'elle ne peut donc bénéficier des règles protectrices du simple consommateur.

La facture FA2011-0285 établie le 12 novembre 2020 par la société Minilab supply porte sur un «Noritsu D701* minilab d'occasion vendu en l'état » au prix de 3.000 euros HT, avec « emballage et livraison » pour 125 euros HT, et « installation sur site » pour 407 euros.

La formule « en l'état » stipulée au contrat renvoie simplement aux termes de l'article 1614 alinea 1 du code civil selon lequel le vendeur est tenu de délivrer la chose convenue dans l'état où elle se trouve au moment de la vente, mais ne dispense pas ce vendeur de son obligation de délivrance d'une chose conforme à ce que l'acquéreur est en droit d'attendre.

Le défaut de conformité ne couvre que le manquement aux spécifications du contrat, toute non-conformité à l'usage normal de la chose renvoyant en revanche à la garantie des vices cachés. (Com 31 mai 1994 n°91-18.546 notamment).

En l'espèce, le contrat portait sur cette machine minilab, non neuve, mais évidemment en état de fonctionnement.

Les parties s'accordent à retenir que l'appareil a été livré le 23 novembre 2020, et, si la société Art et image soutient que cette livraison était tardive, elle ne justifie aucunement d'un quelconque accord avec le vendeur quant à une date antérieure de livraison, les messages qu'elle aurait envoyés à un tiers non identifié et restés sans réponse, objet de sa pièce 10, étant dépourvus de toute valeur probante.

Contrairement à ce que soutient la société Minilab supply, la vente facturée comportait non seulement la livraison de l'appareil avec son emballage, mais également une prestation d'installation sur site distincte.

Il n'est toutefois pas contesté que cette installation a bien eu lieu le 23 novembre 2020. Il est d'ailleurs fait état de « test de buses » réalisés par la société Minilab supply (en la personne de Monsieur [B] [F]) le 24 novembre 2020 « à l'arrivée de la machine » et « avant qu'elle tombe en panne » dans le courrier du gérant de la société Mont Blanc solutions produit par l'appelante en pièce 8.

Aucune des pièces produites aux débats par l'appelante ne permet de déterminer la date exacte à laquelle les dysfonctionnements qu'elle estime constituer une non-conformité sont apparus.

Si elle affirme dans le courrier de son conseil adressé le 14 décembre 2020 à son vendeur, que « à la livraison du matériel, (le) technicien (du vendeur) n'a pas été en mesure de mettre en état de marche ce matériel » (pièce 11), aucune pièce n'accrédite cette allégation.

Il n'est en effet produit aucun document, message, mail, ni justifié d'aucune démarche de la société Art et image pour formuler des réserves sur la machine livrée ou dénoncer ses dysfonctionnements, au jour de la livraison ou lors de l'installation qui a immédiatement suivi.

La société appelante soutient que « à chaque déplacement du technicien de la SARL Minilab supply, les essais de fonctionnement ont entrainé une surconsommation d'encre » (page 3 de ses conclusions) mais produit pour en justifier, en pièce 5, des factures de juillet et octobre 2020 qui sont nécessairement étrangères à la machine litigieuse, et, en pièce 6, une facture du 30 novembre 2020 qui porte sur l'achat d'une seule cartouche d'encre.

La facture de la société Mont Blanc solutions n°MBS03938, en pièce 3 de l'appelante, permet de retenir que le technicien de cette société est intervenu le 30 novembre 2020 au profit de la société Art et image, mais la facture fait référence à un bon de livraison n°BL03924 du 27 novembre 2020 dont rien ne permet d'affirmer qu'il soit en rapport avec la machine vendue par l'intimée.

La facture n°MBS03939, pièce 4, mentionne une intervention du même technicien le 5 décembre 2020 « sur la tête d'impression de la D701 Noritsu » suite à devis du 3 décembre 2020, dont on peut retenir, par rapprochement avec le courrier du 7 décembre 2020 en pièce 8, qu'il correspond effectivement à la machine litigieuse.

Ainsi, il est au mieux établi que la société Art et image a fait déplacer le 5 décembre 2020, soit douze jours après la livraison et l'installation de la machine par Minilab supply, un technicien d'une société tierce, sur la tête d'impression de cette machine, sans avoir jamais auparavant ni officiellement émis quelque protestation auprès de son vendeur ni mis en demeure celui-ci de procéder à un délivrance enfin conforme.

Il ressort pourtant des pièces produites par l'appelante pour justifier de l'importance de son préjudice que ladite machine conditionnait son exploitation, de sorte qu'elle n'aurait pu rester indifférente à un tel dysfonctionnement persistant depuis l'installation s'il relevait d'une non-conformité de la machine livrée.

La survenance ultérieure d'une panne, telle qu'évoquée par la société tierce, et confirmée par le changement d'une pièce par ses soins début décembre, ne constitue pas un défaut de conformité d'une machine vendue d'occasion, d'autant que les conditions d'utilisation, de conservation et d'entretien de cette machine depuis lors ressortent du seul fait de l'acquéreur.

L'inexécution de l'obligation de délivrance telle qu'alléguée par l'appelante n'est ainsi aucunement démontrée, et c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté la société Art et image de ses demandes.

S'agissant des demandes reconventionnelles, la facture FA2011-0285 stipule un prix total de 4.238,40 euros, à régler « à réception ».

Il n'est justifié par l'appelante que d'un paiement partiel de 2.000 euros le 17 novembre 2020.

Aucune inexécution n'étant démontrée de la part du vendeur, le prix est dû et le jugement déféré qui condamne au paiement du solde est confirmé.

En revanche, l'intimée ne démontre pas qu'elle soit intervenue sur la machine vendue au-delà de la prestation d'installation qui était comprise dans la facture initiale et ne produit à cet égard ni commande de l'acheteur ni devis préalable accepté. Sa demande en paiement d'un temps de travail et déplacement qui repose seulement sur ses propres documents ne peut donc qu'être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

L'appelante, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à l'intimée une somme équitablement arbitrée à 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Dit que la SARL Art et image supportera les dépens d'appel et payera à la SARL Minilab supply une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes.