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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 16 avril 2024, n° 21/02441

CAEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Freard Machines Agricoles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guiguesson

Conseillers :

Mme Delaubier, Mme Velmans

Avocats :

Me Pajeot, Me Piedagnel

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP Cou…

24 juin 2021

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Freard Machines Agricoles (dénommée ci-après la société Freard) a acquis le 17 septembre 2018 auprès de la société Paris une benne agricole BBCI7 de 2002 modèle 'La Campagne', moyennant le prix de 16 500 euros hors taxe. La benne a été livrée à la société Freard le 19 septembre 2018.

Déplorant des désordres, la société Freard a adressé un courrier électronique le 19 septembre 2018 à la société Paris aux fins d'obtenir le remboursement du prix de vente et la restitution de la benne.

Le 20 septembre 2018, la société Freard a adressé une lettre recommandée avec avis de réception à la société Paris aux fins de solliciter la résolution de la vente et la restitution du prix.

Le 7 octobre 2018, la société Paris a indiqué à la société Freard qu'elle refusait l'annulation de la vente.

Par acte du 28 décembre 2018, la société Freard a fait assigner la société Paris devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Coutances aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Suivant ordonnance de référé du 28 février 2019, le président du tribunal de grande instance de Coutances a ordonné une expertise judiciaire et a missionné M. [C] en qualité d'expert.

L'expert a déposé son rapport le 22 octobre 2019.

Par acte du 5 mai 2020, la société Freard Machines Agricoles a fait assigner la société Paris devant le tribunal judiciaire de Coutances aux fins de résolution de la vente.

Par jugement du 24 juin 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Coutances a :

- rejeté la demande de la société Freard Machines Agricoles en résolution de la vente ;

- prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre la société Paris et la société Freard Machines Agricoles le 17 septembre 2018 portant sur une benne BBC 17 modèle 'La Campagne' au prix de 16 500 euros hors taxe ;

- condamné la société Paris à restituer à la société Freard Machines Agricoles la somme de 16 500 euros ;

- condamné la société Freard Machines Agricoles à restituer à la société Paris la benne BBC 17 'La Campagne' ;

- dit que l'enlèvement de la benne BBC 17 'La Campagne' du terrain de la société Freard Machines Agricoles doit être effectué aux frais de la société Paris dans le délai de 3 mois à compter de la signification de la présente décision ;

- débouté la société Freard Machines Agricoles de ses demandes de dommages et intérêts ;

- condamné la société Paris à verser à la société Freard Machines Agricoles la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Paris aux entiers dépens de l'instance en référé et au fond, en ce compris les frais d'expertise, qui seront distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- constaté l'exécution provisoire de droit.

Par déclaration du 23 août 2021, la société Paris a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 2 mai 2022, la société Paris demande à la cour de :

- infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Coutances du 26 août 2021 en ce qu'il :

*a prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre elle et la société Freard Machines Agricoles le 17 septembre 2018 portant sur une benne BBC 17 modèle 'La Campagne' au prix de 16 500 euros HT;

* l'a condamnée à restituer à la société Freard Machines Agricoles la somme de 16 500 euros;

* a condamné la société Freard Machines Agricoles à lui restituer la benne BBC 17 'La Campagne';

* a dit que l'enlèvement de la benne BBC 17 'La Campagne' du terrain de la société Freard Machines Agricoles doit être effectué à ses frais dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision;

* l'a condamnée à verser à la société Freard Machines Agricoles la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance en référé et au fond en ce compris les frais d'expertise qui seront distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

statuant à nouveau,

- débouter la société Freard Machines Agricoles de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

à titre infiniment subsidiaire,

- dire la restitution en nature de la benne BBC 17 'La Campagne' impossible et ordonner la restitution en valeur ;

- condamner la société Freard Machines Agricoles à supporter les dégradations subies par la benne depuis le 19 septembre 2018 ;

- ordonner la compensation entre la restitution du prix de vente et la restitution en valeur de la benne ;

en tout état de cause

- condamner la société Freard Machines Agricoles à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Freard Machines Agricoles aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 février 2022, la société Freard Machines Agricoles demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Coutances du 24 juin 2021 en ce que ce dernier :

* a prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre la société Paris et elle le 17 septembre 2018 portant sur une benne BBC 17 modèle 'La Campagne' au prix de 16 500 euros HT ;

* a condamné la société Paris à lui restituer la somme de 16 500 euros;

* l'a condamnée à restituer à la société Paris la benne BBC17 'La Campagne' ;

* a dit que l'enlèvement de la benne BBC 17 'La Campagne' de son terrain doit être effectué aux frais de la société Paris dans le délai de 3 mois à compter de la signification de la présente décision ;

* a condamné la société Paris à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

*a condamné la société Paris aux entiers dépens de l'instance de référé et au fond, en ce compris les frais d'expertise ;

* a constaté l'exécution provisoire de droit;

formant appel à titre incident,

- infirmer le jugement dont appelé en ce que ce dernier :

* l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts ;

statuant de nouveau,

- condamner la société Paris à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice économique du fait de l'impossible revente de la benne agricole ;

- condamner la société Paris à lui verser la somme de 4 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

- condamner la société Paris à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi par le gardiennage et la garde du véhicule depuis le 19 septembre 2019;

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* rejeté sa demande en résolution de la vente ;

statuant de nouveau,

- juger qu'elle est fondée invoquer la garantie des vices cachés;

en conséquence,

- prononcer la résolution de la vente conclue entre elle et la société Paris;

- ordonner la restitution du prix de vente d'un montant de 16 500 euros HT détenu par la société Paris à elle ;

- dire et juger que la société Paris procédera à ses frais à l'enlèvement de la benne agricole de son terrain après avoir restitué le prix de vente;

- condamner la société Paris à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice économique du fait de l'impossible revente de la benne agricole ;

- condamner la société Paris à lui verser la somme de 4 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

- condamner la société Paris à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi par le gardiennage et la garde du véhicule depuis le 19 septembre 2019;

en tout état de cause,

- condamner la société Paris à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la société Paris aux entiers dépens de l'instance, tant en référé, premier instance et devant la cour, en ce compris les coûts de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Coutances.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 10 janvier 2024.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIFS

- Sur la nullité de la vente sur le fondement de l'erreur :

La société Paris demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente conclu avec la société Freard Machines Agricoles le 17 septembre 2018 portant sur une benne BBC 17 modèle 'La Campagne' et l'a condamnée à lui restituer la somme de 16 500 euros correspondant au prix de vente.

La société Paris fait grief au jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le consentement de la société Freard avait été vicié à raison de l'erreur commise sur les qualités substantielles de la chose vendue notamment en raison de ce que les photographies adressées par elle n'auraient pas mis en évidence l'état du châssis, ces photographies présentant une vue générale de la benne à l'exclusion du détail, et qu'en conséquence la mention 'très bon état' et les photographies adressées à la société Freard auraient vicié son consentement.

La société Paris affirme, contrairement à ce qui a été retenu par le juge de première instance, qu'elle n'a commis aucun manquement à son obligation d'information en sa qualité de vendeur.

Elle soutient qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les désordres allégués relatifs à la benne litigieuse n'ont pu être décelés que lors du nettoyage de la benne et que dès lors il ne saurait lui être reproché d'avoir manqué à son obligation d'information alors qu'elle ignorait elle-même les désordres affectant effectivement la benne.

La société Paris précise avoir communiqué à la société Freard l'ensemble des photographies demandées par cette dernière. Elle rappelle, alors qu'elle exerce une activité agricole d'élevage de vaches laitières, que son cocontractant la société Freard est un professionnel de l'équipement agricole et que l'étendue de l'obligation d'information doit s'apprécier eu égard à la qualité de son créancier. Que dès lors, elle ne pouvait fournir à la société Freard une information déterminante de son consentement alors qu'il résulte des conclusions de l'expert que seule une expertise permettait de déterminer l'existence, l'étendue et la gravité des désordres affectant la benne.

La société Paris ajoute que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a retenu que l'erreur commise par la société Freard était excusable et soutient au contraire que l'erreur commise par la société Freard est inexcusable eu égard à sa qualité de professionnel en matière d'équipement agricole et de son manquement à son obligation précontractuelle de s'informer. La société Paris souligne que les photographies envoyées à la société Freard à sa demande ne mettent pas en évidence l'état du châssis, qu'en sa qualité de professionnel elle aurait dû être vigilante et ainsi demander des photographies du châssis et ajoute que la société Freard n'a pas daigné se déplacer pour constater l'état de la benne.

La société Freard demande au contraire la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente. Elle soutient que la société Paris a effectivement manqué à son obligation d'information en ce qu'elle ne pouvait ignorer l'existence des fissures affectant la benne. La société Freard affirme que les qualités essentielles de la prestation, à savoir l'acquisition d'une benne en très bon état aux fins de la revendre, étaient entrées dans le champ contractuel de la société Paris. La société Freard expose qu'elle avait la conviction de faire l'acquisition d'une benne en très bon état eu égard à l'annonce de vente, des photographies annexées et des photographies complémentaires envoyées à sa demande.

Elle affirme que la société Paris savait qu'elle avait fait l'acquisition de cette benne aux fins de la revendre.

La société Freard affirme que son erreur est excusable au motif que bien qu'elle était informée de l'état du châssis, la société Paris ne l'en a pas informée, qu'elle n'aurait jamais fait l'acquisition de cette benne si elle avait eu connaissance de son état.

L'article 1130 du code civil dispose que l''erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Aux termes de l'article 1132 du code civil, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

L'article 1133 du code civil précise que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.

Il est constant qu'il appartient à la partie qui invoque l'erreur de la prouver. La victime de l'erreur est tenue de rapporter la preuve du caractère substantiel de l'élément sur lequel elle s'est trompée et d'établir que cette qualité substantielle est entrée dans le champ contractuel. La victime devra prouver que la qualité substantielle attendue ne correspond pas à la réalité contractuelle au moment de la conclusion du contrat. L'erreur doit être déterminante du consentement et être excusable. Le caractère inexcusable de l'erreur du cocontractant lui interdit d'obtenir l'annulation de la convention. La seule constatation de la qualité de professionnel du demandeur ne suffit pas à le priver du droit d'invoquer la nullité.

SUR CE :

En l'espèce, il est établi que la société Freard Machines Agricoles, spécialisée dans le domaine de la vente de matériel agricole entre entreprises, a souhaité faire l'acquisition d'une benne agricole aux fins de revente.

La société Paris, exploitation agricole spécialisées dans l'élevage de bovins, a publié sur le site internet 'Agriaffaires' spécialisé dans la vente de matériel agricole entre professionnels une annonce selon laquelle elle proposait à la vente une benne agricole BBC17 modèle 2002 de marque 'La Campagne'.

L'annonce précisait que la benne était d'occasion et en très bon état. Le prix proposé était de 18 000 euros HT.

Sur la base de cette annonce et des photographies annexées à l'annonce ainsi que des photographies supplémentaires envoyées à sa demande, le 12 septembre 2018, la société Freard a fait l'acquisition de la benne pour un prix négocié de 16 500 euros HT.

Le 19 septembre 2018, la société Freard a réceptionné la benne et a alors constaté divers désordres affectant la benne : de multiples fissures au niveau du châssis, une béquille hydraulique hors d'usage, l'absence d'un goujon de roue, un pneu crevé.

Par courriel du 19 septembre 2018, la société Freard a demandé le remboursement du prix de vente au motif que la benne qui lui avait été vendue n'était pas identique à la description faite dans l'annonce.

Par courrier du 20 septembre 2018, la société Freard a mis en demeure la société Paris aux fins de résolution de la vente et de restitution du prix.

Par courrier du 7 octobre 2018, la société Paris a refusé l'annulation de la vente au motif qu'elle avait jugé les photographies reçues suffisantes pour ne pas se déplacer, que la benne était en état d'être utilisée et qu'elle ne démontrait pas l'existence d'un vice caché.

Par ordonnance du 28 février 2019, le tribunal de grande instance de Coutances a ordonné une expertise judiciaire et a désigné M. [C] en qualité d'expert.

L'expert a rendu son rapport le 22 octobre 2019.

Aux termes de son rapport, l'expert a relevé s'agissant de l'état général de la benne que cette dernière avait déjà nécessité un renforcement des montants côté droit et au-dessus de ces renforts et a constaté des corrosions importantes sur la jonction avec le renfort de ceinture. L'expert a également constaté que les jonctions des renforts verticaux avec le châssis présentaient des corrosions perforantes et sur la gauche de la caisse, l'existence de corrosion à la jonction avec le support principal de caisse.

S'agissant de la caisse de la benne, l'expert a indiqué que l'état intérieur était correct, qu'il n'y avait pas de perforations apparentes, sauf pour les trappes de vidange arrière qui étaient inutilisables en raison d'une corrosion importante.

M. [C] a constaté des fissures sur le châssis, plus précisément sur tous les éléments de jonction entre le train roulant et le châssis, à droite comme à gauche. Il a également relevé des fissures sur la jonction de la poutre transversale du châssis ainsi que sur le passage d'axe du vérin.

L'expert a précisé que la benne sur le parc était dans le même état de propreté que lors de sa livraison, sachant que M. Paris avait précisé s'en être servi dans les jours qui ont précédé l'enlèvement, qu'il y a eu nécessairement un lavage de la benne et que la société Paris ne pouvait ignorer ces fissures sur les liaisons châssis/train roulant. L'expert a confirmé qu'un goujon était bien manquant sur la roue du train avant droit, que la béquille n'était pas fonctionnelle, que la société Freard avait réparé la roue crevée, tout en relevant que ces derniers points étaient accessoires dans le cadre de ce litige s'agissant d'aléas courants dans ce type de vente.

S'agissant de la cause des désordres relevés, l'expert a précisé que si 17 ans d'usage pour une benne était normal, l'état actuel de celle-ci n'était pas lié à son âge mais à la façon dont elle avait été utilisée, entretenue et stockée, que la corrosion constatée allait au-delà de la vétusté normale pour ce type de matériel, qu'il était anormal qu'une benne de ce type ait nécessité un renfort des montants surtout sur un seul côté, que cette vétusté importante (corrosion) ne réduisait pas son usage mais justifiait un abattement du prix.

L'expert a considéré que les fissures, du fait de leur importance, faisaient courir un risque de casse du matériel qui se produirait en cas de mise en mouvement.

Suite au dire régularisé le 14 octobre 2019 par le conseil de la société Freard, l'expert a confirmé que la société Paris ne pouvait ignorer l'existence des fissures, qu'elle n'en avait pas fait état, que le bien était donc non-conforme au descriptif mais n'était pas invendable s'il était réparé. L'expert a également souligné que les photographies complémentaires ne reflétaient pas exhaustivement l'état de la benne.

Par ailleurs, l'expert a précisé qu'il n'avait pas noté que la société Paris ait prétendu que la société Freard avait abimé la benne par son utilisation. M. [C] a relevé qu'il serait de la responsabilité d'un professionnel qui revendrait cette benne en l'état, l'utilisation de cette benne en l'état présentant un danger.

L'expert a noté que les atteintes à la benne étaient apparentes sur les photographies, que les travaux de remise en état du châssis ne seraient être considérés comme des travaux courants, qu'il s'agissait de travaux exceptionnels sur une benne de cet âge, qu'il était rare que des atteintes de cette ampleur sur la liaison avec le train roulant soient constatées.

M. [C] a indiqué que la société Paris ne pouvait ignorer l'état réel de la remorque et notamment l'existence de fissures affectant les liaisons châssis/train roulant, que l'annonce publiée sur le site de vente 'Agriaffaires' d'une benne en très bon état était abusif, que les photographies complémentaires adressées par la société Paris à la société Freard n'ont jamais mis en évidence l'état du châssis s'agissant de photos qui présentaient une vue générale mais pas le détail.

L'expert a précisé que si la société Freard avait eu connaissance de ces désordres, elle n'aurait pas acquis cette benne puisqu'elle était achetée en vue d'une revente ce que ne permettait pas son état mais qu'en ne se déplaçant pas sur place, la société Freard avait pris un risque.

Enfin, l'expert a estimé que la benne était réparable.

Sur la base de ce rapport, le juge de première instance a considéré que la société Paris ne pouvait ignorer l'existence des fissures et la non-conformité de la benne avec le descriptif contractuel de l'annonce, que par conséquent la société Freard avait commis une erreur excusable portant sur les qualités essentielles de la benne et déterminante de son consentement, que le consentement de la société Freard avait été vicié et qu'en conséquence, la nullité de la vente devait être prononcée.

Il est constant que la société Paris, en sa qualité de vendeur, avait une obligation d'information à l'égard de son acquéreur, la société Freard.

Il résulte des pièces produites que l'annonce publiée par la société Paris faisait état d'une benne en 'très bon état' et qu'aucune mention relative à l'existence de fissures affectant le châssis n'était évoquée.

Il résulte du rapport de l'expert que les éléments produits par la société Paris dans son annonce, outre les photographies communiquées à la demande de la société Freard, ne permettaient pas de déceler les désordres qui ont été constatés par M. [C], seules les opérations d'expertise ayant permis d'en réveler l'existence, l'étendue et la gravité des désordres affectant le châssis roulant de la benne et que la société Freard n'était pas en capacité de les détecter malgré sa qualité de professionnel.

L'expert a qualifié la description faite par la société Paris dans son annonce comme abusive compte tenu de l'état réel de la benne, des fissures constatées et du risque de casse du matériel que ces fissures faisaient courir en raison de leur importance.

Il résulte ainsi des conclusions de l'expert qui sont compètes étendues et non sérieusement contestées, que la société venderesse ne pouvait ignorer l'existence de ces fissures et du caractère déterminant du consentement de la société Freard d'acquérir une benne en très bon état.

La société Freard persiste à soutenir en cause d'appel que les deux qualités essentielles de la chose déterminante de son consentement étaient l'acquisition d'une benne en très bon état et sa volonté de faire cette acquisition aux fins de la revendre.

S'il résulte de tout ce qui précède que la société Freard a souhaité faire l'acquisition d'une benne en très bon état, elle ne justifie pas suffisamment en l'espèce du deuxième critère essentiel de la chose à savoir la revente de la chose. La société Freard ne rapporte pas la preuve que le critère de la revente soit entré dans le champ contractuel. Cette condition faisant défaut, la vente ne peut être annulée sur le fondement de l'erreur.

Aussi, le jugement sera infirmé de ce chef.

- Sur la garantie des vices cachés :

A titre subsidiaire, la société Paris demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Freard de sa demande de résolution du contrat de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés au motif qu'en ne se déplaçant pas pour examiner la benne, la société Freard avait pris un risque, que le vice n'était pas indécelable pour un professionnel et n'était donc pas caché.

La société Paris soutient que la société Freard ne rapporte pas la preuve du caractère non apparent du vice.

La société Freard sollicite au contraire l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Elle soutient que cette garantie était parfaitement mobilisable en l'espèce aux motifs que les vices existaient au jour de la vente, qu'ils étaient cachés et qu'ils rendaient la chose impropre à sa destination et demande en conséquence la résolution de la vente et de prononcer la restitution du prix de vente d'un montant de 16 500 euros.

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Aux termes de l'article 1642 du code civil, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

L'article 1643 du même code précise que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

L'article 1644 du code civil ajoute que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

L'article 1645 poursuit en indiquant que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il est constant que la mise en oeuvre de la garantie légale des vices cachés suppose l'existence au jour de la vente d'un vice, que celui-ci soit antérieur à la vente, qu'il soit caché lors de celle-ci et qu'il soit inhérent à la chose la rendant impropre à sa destination.

Aux termes de l'article 1146 du code civil, si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.

SUR CE :

En l'espèce, le juge de première instance a débouté la société Freard de sa demande principale en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés au motif que, malgré sa qualité de professionnel, elle ne s'était pas déplacée pour vérifier l'état de la benne, que cette qualité aurait pu lui permettre de déceler les vices non visibles sur les photographies qui lui ont été communiquées à sa demande, que ces vices étaient décelables sur place, qu'en ne se déplaçant pas la société Freard avait pris un risque, que ce vice n'était pas indécelable par un professionnel et que dès lors il ne pouvait être qualifié de caché au sens de l'article 1641 du code civil.

Il résulte des pièces produites que l'expert a révélé l'existence de fissures sur le châssis, plus précisément sur tous les éléments de jonction entre le train roulant et le châssis, à droite comme à gauche mais également sur la jonction de la poutre transversale du châssis ainsi que le passage d'axe du vérin et que ces fissures existaient au moment de la vente.

Il est établi que la benne est affectée de graves fissures sur les liaisons châssis/train.

Il résulte également du rapport de l'expert que les fissures, du fait de leur importance, font courir un risque de casse du matériel qui se produirait lorsque celui-ci est en mouvement. Que dès lors la benne est impropre à toute utilisation.

La société Paris persiste à soutenir en cause d'appel que la garantie des vices n'est pas mobilisable en l'espèce au motif le vice n'était pas occulte conformément à ce qu'il a été retenu par le juge de première instance.

Il résulte des photographies produites et du rapport d'expertise que les photographies communiquées à la demande de la société Freard ne permettaient pas de déceler l'importance et l'étendue des fissures. L'expert a confirmé que ces photographies complémentaires ne reflétaient pas exhaustivement l'état de la benne et que seule l'expertise avait permis de déterminer l'existence, l'étendue et la gravité des désordres affectant le châssis roulant et que ces désordres n'étaient pas décelables par la société Freard même en sa qualité de professionnel.

Il est dès lors établi que dans l'hypothèse où elle se serait déplacée, la société Freard n'aurait pu déceler les fissures affectant le châssis et que dès lors le vice ne peut être considéré comme apparent.

Aussi, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Freard de sa demande en résolution du contrat de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

En conséquence, la société Freard est justifiée à obtenir la résolution de la vente pour vice caché, la benne étant impropre à sa destination ne pouvant pas assurer sa fonction en l'état et présentant un danger de casse en cas d'utilisation en mouvement.

Dans ces conditions, la soiété Paris sera condamnée à verser à la société Freard la somme de 16 500 euros correspondant au prix d'achat de la benne, qui devra être restituée du fait de la résolution;

- Sur les demandes indemnitaires de la société Freard :

La société Paris demande que la société Freard soit déboutée de ses prétentions indemnitaires formulées au titre de la perte de la marge de revente prévue et des frais de gardiennage. La société Paris souligne qu'il ne saurait être fait droit à la demande indemnitaire de la société Freard au titre de la perte de marge de revente prévue, la société Freard ne rapportant pas la preuve de sa volonté de revendre la benne litigieuse.

Elle ajoute que la société Freard n'est pas fondée en sa demande au titre des frais de gardiennage au motif que la benne serait laissée à l'abandon.

La société Freard a formé appel incident en ce que le jugement entrepris l'a déboutée de ses demandes indemnitaires au titre de la perte de marge de revente et demande la condamnation de la société Paris à lui payer la somme de 2 000 euros. En outre, elle demande la condamnation de la société Paris à lui payer la somme de 2 000 euros au titre du prjéudice subi du fait du gardiennage de la benne agricole sur son terrain depuis le 19 septembre 2019. Enfin, elle demande la condamnation de la société Freard à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral et de l'atteinte à son image.

Il résulte des dispositions précitées de l'article 1645 du code civil que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il résulte du rapport d'expertise que la société Paris connaissait les vices de chose, l'expert ayant indiqué qu'elle ne pouvait ignorer les désordres affectant la benne, fissures comprises. Aussi, la société Freard est recevable en sa demande de dommages et intérêts.

S'agissant de l'évaluation des préjudices subis par le société Freard, l'expert a indiqué que si la société Freard faisait état de frais de gardiennage, ils n'ont pas donné lieu à une charge supplémentaire pour la société et que le stockage de cette benne n'avait pas gêné son activité. L'expert a précisé plus loin qu'il ne retiendrait pas de préjudice dû au stockage, la surface du parc de stockage de matériel était suffisante. En l'espèce, il est relevé que la société Freard ne justifie pas de l'existence de son préjudice et du montant de l'indemnisation demandée.

Aussi, le jugement sera confirmé de ce chef en ce qu'il a écarté cette réclamation.

Quant au préjudice moral, l'expert a précisé que ce type d'achat/revente a plus pour objectif de rendre service à un client et de conforter sa relation commerciale plutôt que de dégager de la marge bénéficiaire.

Il est relevé que la société Freard ne justifie pas l'espèce avoir subi un préjudice moral outre le montant de l'indemnisation réclamé. Aussi, le jugement sera confirmé de ce chef en ce qu'il a écarté ce poste de réclamation;

Quant au préjudice économique, la société Freard ne produit en l'espèce aucune pièce qui justifierait de l'existence d'un préjudice économique résultant de l'impossible revente de la benne en litige sachant que le principe de l'achat aux fins de revente n'a pas été caractérisé. Aussi, le jugement sera confirmé de ce chef en ce qu'il a écarté ce poste;

- Sur la restitution :

La société Paris soutient que la restitution en nature de la benne est impossible et qu'en conséquence seule la restitution en valeur doit être ordonnée. Elle souligne qu'elle a fait constater l'état de la benne par un huissier de justice et qu'il résulte de ce constat que la restitution en nature est impossible, la société Freard ayant laissé ce matériel à l'abandon aux proies aux intempéries à l'origine de désordres.

La société Freard demande quant à elle la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Paris a procédé à ses frais à l'enlèvement de la benne agricole de son terrain après restitution du prix de vente.

En l'espèce, il est relevé que la société Paris se fonde sur un constat d'huissier en date du 15 septembre 2021 pour justifier de l'état de la benne. Cependant, ce constat d'huissier n'est pas produit à la présente instance. Aussi, la société Paris n'établit pas suffisamment de l'impossibilité de la restitution de la benne en nature.

En conséquence, la société Paris sera déboutée de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement étant confirmé sur le principal, il sera aussi confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Succombant en appel, la société Paris sera aussi condamné aux dépens d'appel.

En outre, il est équitable de condamner la société Paris à payer à la société Freard la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande présentée par la société appelante de ce chef étant par équité rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

* rejeté la demande de la société Freard Machines Agricoles en résolution de la vente ;

* prononcé l'annulation du contrat de vente conclu entre la société Paris et la société Freard Machines Agricoles le 17 septembre 2018 portant sur une benne BBC 17 modèle La Campagne au prix de 16 500 euros hors taxe ;

- L'infirme de ce seul chef ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Prononce la résolution de la vente conclue entre la société Paris et la société Freard le 17 septembre 2018 portant sur une benne BBC 17 modèle La Campagne au prix de 16 500 euros hors taxe sur le fondement de la garantie des vices

cachés ;

- Déboute la société Freard Machines Agricoles du surplus de ses demandes;

- Déboute la société Paris de toutes ses demandes, en ce compris de celle formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Paris aux entiers dépens comprenant ceux de première instance et d'appel  et qui incluront le coût de l'expertise judiciaire réalisée;

- Condamne la société Paris à payer à la société Freard Machines Agricoles la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.