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Décisions

CA Reims, ch. soc., 17 avril 2024, n° 23/00896

REIMS

Arrêt

Autre

CA Reims n° 23/00896

17 avril 2024

Arrêt n°

du 17/04/2024

N° RG 23/00896

AP/MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 23 mai 2023 par le Conseil de Prud'hommes d'EPERNAY, section Encadrement (n° F 22/00050)

Monsieur [H] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Hélène MELMI, avocat au barreau de l'AUBE

INTIMÉE :

L'ASSOCIATION CONSEIL DEVELOPPEMENT HABITAT URBANISME (CDHU)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par la SELARL DELSOL AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 avril 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

M. [H] [T] a exercé les fonctions de directeur de l'association Conseil Développement Habitat Urbanisme (ci-après le CDHU), de 1979 à 2016.

Le 16 décembre 2015, il a été licencié pour motif économique.

Le 1er juillet 2016, il a liquidé ses droits à la retraite.

Le 1er septembre 2016, il a conclu un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel avec le CDHU, en qualité de délégué général. L'objectif était de permettre une passation de relais avec le nouveau directeur du CDHU, M. [M] [V], engagé en mai 2016 qui, par la suite, a quitté ses fonctions en juin 2019.

Dans le même temps, M. [H] [T] a exercé des activités de directeur et de directeur général, à temps partiel, dans trois autres structures (SICAHR de l'Aube, Soliha 89-58, Soliha 52) qui interagissent avec le CDHU.

Le 1er octobre 2019, un directeur général, M. [U], a été embauché au sein du CDHU et M. [H] [T] a été maintenu dans ses fonctions de délégué général.

Le 25 avril 2022, trois courriers ont été notifiés à M. [H] [T] :

- une demande de restitution d'un véhicule de service,

- une mise en demeure de remise d'un fichier informatique contenant les informations relatives aux immobilisations de l'association,

- une notification du terme de toute délégation de pouvoirs et de signature.

Le 16 mai 2022, il a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mise à la retraite pour un entretien fixé le 24 mai 2022.

Par courrier du 23 mai 2022, M. [H] [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Se prévalant d'un statut de salarié protégé en raison d'un mandat de conseiller prud'homal et estimant avoir été victime de harcèlement moral, M. [H] [T] a saisi, le 3 août 2022, le conseil de prud'hommes d'Epernay de demandes tendant à :

- faire juger que la prise d'acte avait les effets d'un licenciement nul ;

- faire condamner l'association employeur à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance, à capitaliser, les sommes suivantes :

. 55 814,20 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de la violation du statut protecteur,

. 25 760,40 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement nul ;

. 6 440,10 euros d'indemnité légale de licenciement,

. 12 880,20 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

. 1 288,02 euros de congés payés afférents

. 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du harcèlement moral,

. 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

En réplique l'employeur a conclu au débouté, et à titre reconventionnel, a demandé la condamnation du salarié à lui payer la somme de 12 880,20 euros au titre du préavis non effectué outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 23 mai 2023, le conseil de prud'hommes a :

- dit que la prise d'acte produisait les effets d'une démission ;

- dit que M. [H] [T] n'avait pas subi de harcèlement moral ;

- débouté M. [H] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné M. [H] [T] à payer au CDHU les sommes suivantes :

12 880,20 euros à titre d'indemnisation correspondant à la rémunération qui lui aurait été versée s'il avait exécuté son préavis ;

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné M. [H] [T] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 2 juin 2023, Monsieur [T] a interjeté appel de ce jugement dans son intégralité.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Dans ses écritures remises au greffe le 29 août 2023, M. [H] [T] demande à la cour, par infirmation, de faire droit à ses demandes initiales et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses écritures remises au greffe le 21 novembre 2023, le CDHU demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

- juger que le contrat de travail et les conditions de travail de M. [H] [T] n'ont pas été modifiées ;

- juger que M. [H] [T] n'a pas subi de faits de harcèlement moral ;

- juger que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission ;

- débouter M. [H] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre reconventionnel,

- condamner M. [H] [T] à lui verser la somme de 12 880,20 euros à titre d'indemnisation correspondant à la rémunération qui lui aurait été versée s'il avait exécuté son préavis ;

En tout état de cause,

- débouter M. [H] [T] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [H] [T] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [H] [T] aux entiers dépens.

Motifs :

1 - l'exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement moral

Le salarié, qui allègue un harcèlement moral doit, en application des dispositions de l'article L 1154-1 du code du travail, présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, étant rappelé que le harcèlement est défini par l'article L 1152-1 du code précité comme tous agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Au vu de ces éléments, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [H] [T] prétend avoir été victime de faits de harcèlement moral de la part de M. [U], le nouveau directeur général recruté en octobre 2019. Il affirme qu'à compter du deuxième trimestre de 2020, la collaboration avec ce dernier est devenue difficile et qu'à compter du 13 avril 2021, date à laquelle il a alerté la présidente du CDHU du résultat négatif de 2020, le nouveau directeur a voulu l'évincer et qu'à cette fin, il a été victime des faits suivants :

privation des outils de travail notamment après effraction de la bibliothèque et confiscation de toutes les archives et documents administratifs et comptables,

envoi de trois courriers hostiles le même jour,

modification unilatérale du contrat de travail et des conditions de travail alors qu'il était salarié protégé,

accusation mensongère d'abus d'usage du matériel de la structure,

convocation, par courrier du 16 mai 2022, à un entretien préalable à une mise à la retraite, figurant à son dossier,

Au titre de la privation des outils de travail le salarié invoque :

- la suppression de l'accès au réseau informatique. M. [H] [T] verse aux débats des échanges de sms avec le service informatique en date du 30 mai 2021 et du 1er juin 2021 aux termes desquels M. [T] s'étonne de ses difficultés de connexion et a été informé d'une demande, émanant du directeur, de modification de l'accès et du mot de passe administrateur de deux serveurs dont un pour lequel ses droits administrateur ont été supprimés. Ainsi, il lui est indiqué que son poste de travail n'a pas accès au réseau informatique, qu'un autre réseau a été crée auquel il n'a 'absolument pas accès'.

- la suppression de son accès aux comptes bancaires du CDHU, établie par le courrier de notification du terme de la délégation de pouvoir, qui était accompagné d'une demande de restitution d'une carte bancaire et de tout autre moyen de paiement ainsi que par deux mails du mois de mai 2022 dont l'un provient du crédit agricole et qui confirme la suppression de l'accès de M. [H] [T] au compte bancaire du CDHU.

- l'effraction de la bibliothèque et la confiscation des documents comptables. M. [H] [T] explique que le 10 juin 2021, M. [U] a forcé la porte de la bibliothèque où se trouvaient les archives du CDHU et de nombreux documents comptables pour les transférer dans son bureau, le privant ainsi de leur accès. Dans deux courriers adressés, l'un le 30 juin 2021 à M. [U], l'autre le 13 mai 2022 à la présidente, M. [H] [T] a dénoncé ces agissements. Cet événement que le salarié qualifie d'effraction est confirmé par l'ancienne présidente de l'association qui atteste avoir autorisé le forçage des armoires faute pour M. [T] d'avoir remis les clés en sa possession

Au titre des courriers hostiles du 25 avril 2022, produits au dossier, le salarié invoque :

- la mise en demeure de restituer un fichier d'immobilisation, des mails échangés entre le directeur et M. [H] [T], qui expliquent à plusieurs reprises et avant l'envoi de cette mise en demeure, ne pas être en possession du document demandé, en raison de la suppression de son accès informatique et de la confiscation des documents comptables. Dans un mail du 29 juin 2021, la secrétaire explique au directeur que le document est consultable dans une armoire ;

- la notification du terme des délégations de pouvoir qui lui étaient accordées avec retrait de son accès aux comptes bancaires ;

- la demande de restitution du véhicule de service. M. [H] [T] prétend à une mauvaise foi de l'employeur dans la mesure où chaque cadre du CDHU se voyait mettre à sa disposition un tel véhicule, ce que confirment un ancien salarié du CDHU et l'assistante de direction. Toutefois ce courrier ne privait pas le salarié du véhicule de service mais lui demandait de cesser de l'utiliser à des fins personnelles.

D'ailleurs ces courriers du 25 avril 2022 se sont doublés d'un rappel par un courrier du 6 mai 2022.

La modification unilatérale du contrat de travail consisterait selon le salarié en la suppression de l'accès au réseau informatique, la suppression de l'accès aux comptes bancaires, et de l'effraction de la bibliothèque avec confiscation de toutes les archives. Or, ces éléments ne font pas partie des stipulations contractuelles quand bien même le contrat stipule que le salarié doit pouvoir mobiliser tous les moyens de la structure qu'il estimerait utiles. A cet égard, disposer des moyens de la structure ne signifie pas être administrateur exclusif du réseau informatique, avoir disposition du compte bancaire, et s'approprier les éléments comptables sachant que ses fonctions contractuelles ne consistent pas en la gestion et la direction de la structure.

L'usage du véhicule de l'entreprise pour des déplacements concernant d'autres structures est attesté par témoins de sorte que le salarié ne saurait soutenir que l'accusation est mensongère.

M. [H] [T] relève, par ailleurs, que depuis l'arrivée de M. [U], plusieurs salariés ont démissionné dont certains avaient une ancienneté importante. Il produit en ce sens les attestations de deux salariés, qui mettent en cause le management de M. [U].

M. [M] [V], directeur de la SICAHR de l'Aube et subordonné de M. [H] [T], affirme que l'objectif de M. [U] était d'évincer ce dernier.

Pris dans leur ensemble, ces éléments, hormis la modification contractuelle et les accusations mensongères, sont de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de harcèlement à l'égard de M. [H] [T].

Il appartient dès lors à l'employeur d'établir que ses décisions sont étrangères à tout harcèlement.

Celui-ci soutient que M. [H] [T] ne réalisait pas les missions qui lui étaient dévolues et prenait des libertés avec les biens et moyens de l'association, telles que l'utilisation exclusive d'un véhicule de service ou l'utilisation des moyens de paiement du CDHU au profit des autres structures qu'il dirigeait. Il affirme que M. [H] [T] a tenté de discréditer M. [U] car celui-ci menaçait la situation abusive dont il bénéficiait.

Il justifie enfin la remise de trois courriers à la même date par le fait que la présidente de l'association CDHU nouvellement élue a eu pour volonté de limiter les libertés que M. [H] [T] s'était indûment arrogées au sein de l'association.

Sur la suppression de l'accès au réseau, l'employeur conteste et explique avoir souhaité rendre indépendant le réseau informatique du CDHU avec les autres structures dirigées par M. [H] [T]. Des échanges de mails en date du 11 mai 2021 entre M. [U] et le service informatique confirment cette affirmation. Plusieurs attestations mettent, en outre, en exergue une distinction difficile de la gestion des structures. Ainsi, un ancien salarié de la SICAHR atteste qu'il 'existait des vases communiquant entre SICAHR, SILHA 89, et le CDHU.Il explique également que M. [H] [T] 'avait la supervision de toutes les boîtes mails sur son portable' et 'avait toutes les données informatiques en sa possession puisque M. [V] féru d'informatique s'était créé un code super administrateur des serveurs SICAHR et CDHU avec la vision totale de tous les échanges informatiques des deux structures'. La responsable administrative et financière atteste également qu'à son arrivée, en juin 2021, elle a constaté que le logiciel comptable utilisé était commun au CDHU et au SICAHR et qu'avant son arrivée celui-ci était accessible sur seulement deux postes dont celui de M. [H] [T]. Par ailleurs, par mail du 26 janvier 2022, M. [U] a rappelé à M. [H] [T] les motifs de sa demande auprès du service informatique et souligné que le fait de ne plus être administrateur de réseau ne signifie pas qu'il n'avait plus accès à la documentation.

Il s'ensuit que la volonté de dissocier les réseaux avaient pour finalité d'éviter toute confusion entre les structures et qu'en tout état de cause le réseau informatique du CDHU est demeuré accessible à M. [H] [T], qui n'en était plus administrateur.

Sur l'accès aux comptes bancaires, l'employeur fait valoir que M. [H] [T] a disposé des moyens de paiement du CDHU sans que cela ne lui ai jamais été autorisé. Il explique qu'à la faveur du changement de présidence de l'association intervenue le 3 mars 2022, il a été décidé de restreindre l'utilisation des moyens de paiement de l'association et qu'en outre, dans le cadre de ses missions, M. [H] [T] n'avait pas l'utilité des moyens de paiement. Il est également intéressant de relever que par mail du 25 mai 2021, M. [U] a demandé à M. [H] [T] de ne pas utiliser les moyens de paiements de la structure du CDHU (CB, virements, chèques...) pour des achats concernant les structures SOLIHA 52 et SOLIHA 89.

De même, un salarié explique qu'il existait un compte commun pour toutes les structures dirigées par M. [H] [T] et que ce dernier 'selon les chiffres et difficultés des différentes structures, ponctionnait telle ou telle structure selon ses besoins de trésorerie'.

Il est constant que le courrier du 14 avril 2022 de notification du terme de la délégation de pouvoir s'accompagnait d'une suppression pour M. [H] [T] de l'accès aux moyens de paiement du CDHU. Cependant, il résulte d'un mail adressé à la banque par la responsable administrative et financière le 14 avril 2022, que malgré cette suppression, M. [H] [T] bénéficiait néanmoins toujours de la possibilité de consulter les comptes afin de pouvoir poursuivre ses missions.

En outre, selon son contrat de travail, M. [H] [T] bénéficiait des pouvoirs qui lui étaient conférés par délégation du Président. Or, il n'est pas démontré ni soutenu qu'une délégation de pouvoir a été rédigée lors de la conclusion du contrat de travail ni ultérieurement. De plus, la délégation de pouvoir peut être modifiée sans qu'il y ait pour autant modification du contrat de travail ou une modification des conditions de travail.

Par ailleurs, dans le cadre de ses missions, M. [H] [T] avait pour rôle de contrôler la gestion et de superviser la gestion de commande. Or, la consultation des comptes bancaires apparaît seule suffisante pour l'accomplissement de celles-ci. Aucune mission de son contrat de travail requérait l'accès aux moyens de paiement du CDHU.

Enfin, un audit réalisé le 28 octobre 2021 sur la situation juridique et les conditions de fonctionnement du CDHU, a relevé, parmi les actions à mener à court terme, la nécessité de clarifier la situation du délégué général en clarifiant ses habilitations, en mettant fin aux prérogatives non justifiées. Il pointe également le fait que les statuts du CDHU ne prévoit pas de possibilités de déléguer des pouvoirs à d'autres qu'aux membres du bureau ou qu'au directeur général.

Dès lors, l'employeur justifie par des raisons objectives la suppression des moyens de paiement, lesquels au demeurant n'étaient pas nécessaires à la réalisation des missions contractuelles de M. [T].

Sur l'effraction de la bibliothèque et la confiscation de toutes les archives et documents administratifs et comptables, il résulte d'un mail du 25 mai 2021 et d'un courrier du 3 juillet 2021, que M. [U] a demandé à M. [H] [T] de libérer un bureau adjacent au sien pour le 7 juin 2021, en accord avec la présidente ainsi que les armoires fermées à clé ou de lui remettre les clés et ce, pour l'arrivée d'un nouveau salarié.

L'ancienne présidente du CDHU en poste à cette date, atteste avoir autorisé M. [U], le 7 juin 2021 au matin, à forcer les armoires situées dans le bureau appelé 'bureau des présidents' afin de récupérer l'ensemble des documents relatifs à l'association et précise que cette décision était la conséquence de l'absence de coopération de M. [H] [T] qui était le seul a en posséder les clefs.

Sur la confiscation des documents, M. [U] a, par mail du 29 juin 2021, déploré l'absence de documents comptables postérieurs à 2016 lorsqu'à la date du 8 juin 2021 il a repris ledit bureau et demandé à M. [H] [T] de lui communiquer divers documents comptables dont le fichier informatique des immobilisations du CDHU.

Par mail du 5 juillet 2021,M. [U] a également accusé M. [H] [T] de faire blocage et de lui empêcher l'accessibilité aux documents comptables et notamment d'avoir placé un verrou sur la porte du bureau de l'assistante de direction.

Ainsi chacun accuse l'autre de bloquer l'accès aux documents comptables. Cependant, il ressort de l'attestation de la responsable administrative et financière que, selon les dires de l'assistante de direction, le fichier des immobilisations recherché était sur le poste de M. [H] [T] qui seul y avait accès.

Au surplus, les documents comptables doivent nécessairement être à la disposition du directeur général en charge de diriger la structure, ce qui explique qu'il en prenne possession.

En conséquence, ce grief de l'effraction de la bibliothèque et de la confiscation des documents est justifié par la rétention des documents par le délégué général et la nécessité pour le directeur général d'en disposer.

S'agissant des courriers datés du 25 avril 2022 et en particulier du terme de la délégation de pouvoir, outre qu'il n'est pas justifié de la conclusion d'une délégation de pouvoir, un tel transfert de responsabilités, n'est jamais illimité dans le temps. De surcroît, l'audit du CDHU réalisé en octobre 2021 a alerté la structure sur les risques encourus et la nécessité de clarifier la situation, en rappelant que la délégation de pouvoirs au délégué général était illicite. La décision est donc justifiée par les conclusions de l'audit.

Sur la restitution du véhicule de service, il est reproché M. [H] [T] de s'être approprié un véhicule de service et de rendre son utilisation impossible pour les autres salariés.

A la différence d'un véhicule de fonction, un véhicule de service ne peut être utilisé que pour les trajets professionnels en l'occurrence ceux effectués dans le cadre de l'activité du CDHU et par un ou plusieurs salariés. Or, un ancien salarié de la structure SOLIHA 89 qui a rejoint le CDHU atteste que M. [H] [T] se rendait dans les locaux de cette dernière avec le véhicule du CDHU. En outre, il apparaît que M. [H] [T] a fait preuve de réticence à la réception de la mise en demeure de restituer le véhicule puisque si, comme il le soutient, il a effectivement laissé le véhicule sur le parking du CDHU, il n'a ni remis ni les clés ni les papiers du véhicule ainsi qu'il en résulte d'un mail du 4 mai 2022 adressé par la responsable administrative et financière à la présidente du CDHU, ce qui a conduit à un second courrier de demande de restitution en date du 6 mai 2022. Contrairement à ce que soutient le salarié il n'a pas été privé du véhicule mais a été privé de s'en servir en dehors des besoins de la structure qui l'employait.

Sur la mise en demeure de transmettre le document d'immobilisation, M. [H] [T] a indiqué ne pas être en possession du document suite à la coupure de son accès au réseau informatique et à l'effraction de la bibliothèque. Or, il résulte des précédents développements que l'accès informatique aux documents du CDHU n'a jamais été supprimé et que la bibliothèque ne contenait aucun document daté de 2016 et au-delà. En outre, il ressort de l'attestation de la responsable administrative et financière que ce document avait été enregistré sur son poste informatique dont il avait seul l'accès.

S'agissant de la convocation à un entretien préalable à une mise à la retraite, celle-ci est intervenue le lendemain des 70 ans de M. [H] [T].

Enfin, s'agissant des démissions, le directeur général adjoint atteste de façon très circonstanciée que celles-ci ont été nombreuses sur la période de 2012 à 2019 soit avant l'arrivée de M. [U] et que beaucoup sont la cause d'un mode de gestion de M. [T] qui ne convenait pas. D'autres personnes expliquent avoir démissionné pour des raisons indépendantes au CDHU.

En tout état de cause, il résulte de ce qui précède, que l'employeur démontre que les faits susceptibles de caractériser le harcèlement moral sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En conséquence, M. [H] [T] sera débouté de sa demande et le jugement sera confirmé par substitution de motifs dès lors qu'il a fait peser sur le salarié l'intégralité de la charge de la preuve.

2 - la rupture du contrat de travail

- Sur la prise d'acte

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, dans le cas contraire ceux d'une démission.

Les premiers juges ont débouté M. [H] [T] de sa demande de requalification de la prise d'acte en licenciement aux torts de l'employeur en l'absence de manquement de cette nature.

M. [H] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement de ce chef.

Il lui appartient d'apporter la preuve des griefs qu'il oppose à l'employeur pour justifier la rupture du contrat de travail.

Pour cela, il invoque une modification sans son accord de ses conditions de travail caractérisée par la suppression de l'accès aux comptes bancaires, la suppression de l'accès au réseau informatique de l'association et la confiscation de toutes les archives et documents administratifs et comptables ainsi qu'un harcèlement moral.

Cependant, il résulte des précédents développements que M. [H] [T] n'est pas fondé à prétendre à une modification de ses conditions de travail et de son contrat de travail. Par ailleurs, le harcèlement moral a été écarté.

M. [H] [T] ne justifie donc d'aucun manquement grave de l'employeur justifiant que soit prononcée la rupture du contrat de travail aux torts de ce dernier. La prise d'acte du contrat de travail produit donc les effets d'une démission.

En conséquence, M. [H] [T] doit être débouté de sa demande tendant à voir dire que la prise d'acte de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et de ses demandes subséquentes (violation du statut protecteur, dommages-intérêts pour licenciement nul, indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents).

Le jugement est confirmé de ces chefs.

- Sur l'indemnité correspondant au préavis non exécuté

Il n'est pas contesté que M. [H] [T] n'est pas revenu à son poste de travail après qu'il ait notifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à son employeur.

Il résulte de ce qui précède que la prise d'acte produit les effets d'une démission.

M. [H] [T] se trouve donc redevable envers le CDHU d'une indemnité pour non-respect du préavis de démission.

Selon l'article 6 de son contrat de travail, la durée de ce préavis a été fixée à trois mois.

En conséquence, le jugement qui a condamné M. [H] [T] au paiement de la somme de 12 880, 20 euros à titre d'indemnisation correspondant au préavis non exécuté doit être confirmé.

3 - les autres demandes

Succombant au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [H] [T] doit supporter les dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais irrépétibles de sorte que le jugement sera confirmé.

En appel, M. [H] [T] sera débouté de ses demandes à ce titre et condamné à payer à l'employeur la somme de 2 000 euros.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 mai 2023 par le conseil de prud'hommes d'Epernay ;

Y ajoutant,

Déboute M. [H] [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] [T] à payer à l'association Conseil Développement Habitat Urbanisme la somme de 2 000 euros à titre de frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [H] [T] aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT