Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17-22.224
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Huglo
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Monod, Colin et Stoclet
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... épouse N... a été engagée le 17 septembre 2007 par la Fédération française du bâtiment Grand Paris (FFB) en qualité de juriste consultant ; que le 18 septembre 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 25 septembre 2014 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2313-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article 8, § 1, de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ;
Attendu qu'il résulte de l'application combinée de ces textes que l'employeur qui n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ;
Attendu que, pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour absence de mise en place d'institutions représentatives du personnel, l'arrêt retient que la société reconnaît avoir violé ses obligations légales, mais que la salariée ne justifie pas de l'existence d'un préjudice en lien avec ces carences ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 1132-1, dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article L. 1134-1 du code du travail ;
Attendu que pour la débouter de sa demande au titre d'une discrimination à raison de l'origine, l'arrêt retient que si la référence à la culture de la salariée avait pu être mal interprétée par cette dernière, il ne ressortait pas du compte-rendu de l'entretien préalable que ces propos auraient été tenus avec une connotation raciste et en raison de ses origines maghrébines, et ce d'autant plus que l'employeur faisait référence dans la même phrase à la famille de la salariée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le supérieur hiérarchique de la salariée avait, lors de l'entretien préalable, indiqué qu'il se demandait "si culturellement dans la famille de la salariée, la violence n'était pas banale", ce dont elle aurait dû déduire que la salariée présentait des éléments de faits laissant supposer une discrimination en raison de l'origine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatrième et cinquième moyens :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... épouse N... de ses demandes au titre d'un licenciement nul et de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'absence de mise en place d'institutions représentatives du personnel, l'arrêt rendu le 31 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.