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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 11 janvier 2024, n° 22/03747

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Fagerhult France (Sasu)

Défendeur :

S. Industries (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foucher-Gros

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Cote, Me Forveille, Me Tugaut

T. com. Le Havre, du 26 août 2022, n° 20…

26 août 2022

Exposé du litige

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société S. Industries, s'est lancée depuis l'année 2014, dans le remplacement des anciens néons par des LED, moins consommateurs d'énergie.

Dans ce cadre la société S. Industries est entrée en relation commerciale avec la société Fagerhult France (Fagerhult), spécialisée en équipements d'éclairage.

En 2016, la société Fagerhult a ainsi fourni, pour les ateliers S. Industries de [Localité 4] (158 luminaires) et de Tunisie (69 luminaires), des systèmes auto-adaptatifs d'éclairage permettant d'offrir aux opérateurs des usines, un éclairage constant quel que soit l'éc1airage naturel entrant dans les ateliers.

Ces éclairages « Induled l2KLM Wide Beam 4000K référencés 32913-402» ont fait l'objet de deux offres Fagerhult datées du 15 avril 2016, et acceptées par S. Industries.

En 2017, S. Industries, satisfaite de la solution installée, a sollicité de nouveau la société Fagerhult pour la fourniture de 45 luminaires de même référence, destinés à l'éclairage d'une extension de leur atelier. Ces équipements ont fait l'objet d'une offre de la société Fagerhult datée du 20 juillet 2017, acceptée par la société S. Industries.

Le 4 juillet 2018, la société S. Industries a sollicité de nouveau la société Fagerhult en vue d'équiper un nouvel atelier qu'elle envisageait de louer en Tunisie. La société S. Industries a fait état de son projet de déplacer les luminaires précédemment fournis par la société Fagerhult et de son besoin de compléter les luminaires en précisant le référencement « 32913 - 402 indules Wide 1300 1200 LM 4000K Da ». A cette fin, la société S. Industries a demandé à la société Fagerhult de proposer un plan d'implantation et de définir les luminaires manquants.

Le 5 juillet 2018, la société Fagerhult a transmis, par retour mail, l'étude et le plan permettant de déterminer la nouvelle implantation. Le 15 février 2019, la société S. Industries a repris contact par courriel avec la société Fagerhult. La société S. Industries y a rappelé en introduction les commandes du mois d'avril 2014 et de juillet 2017. Ces équipements étaient alors destinés à l'éclairage de la première usine NSI. La société S. Industries a indiqué ensuite que les plans de son nouveau local AMF avaient changé et en a communiqué les nouvelles dimensions. La société S. Industries a demandé ainsi à la société Fagerhult de chiffrer à nouveau une fourniture d'éclairage. La société S. Industries a rappelé enfin que cet appel d'offre était ouvert à la compétition.

Par courriel du 18 février 2019, la société S.Industries a indiqué que la longueur du bâtiment avait changé, suggéré la possibilité de répartir l'éclairage de la travée de 22 mètres en 5 lignes et celle de 18 mètres en 4 lignes.

Par mail du 26 février 2019, la société Fagerhult a proposé la fourniture de 95 luminaires pour la travée de 22 mètres et 44 luminaires pour la travée de 18 mètres, suivant deux solutions techniques différentes.

Le 6 mars 2019, la société S.Industries a transmis par mail le plan d'installation imaginé. Elle y a confirmé attendre un éclairage dynamique de l'atelier tout en précisant son intention de commander les équipements correspondants à la deuxième solution technique proposée.

Par retour de mail, Monsieur [W] (société Fagerhult) a approuvé la configuration du plan établi par S.Industries et a communiqué une durée de garantie des luminaires de 5 ans. La société S.Industries a transmis le 7 mars 2019 la commande des équipements conformément au mail du 6 mars pour un montant de

29 348,18 € HT.

Le 24 avril 2019, la société S.Industries a passé commande d'une seconde télécommande de programmation.

La société S.Industries a réceptionné les équipements sur son site de [Localité 4] et a procédé à une répartition des éclairages entre son site Tunisien et son site Français, afin de pouvoir panacher les luminaires maîtres et esclaves selon le plan précédemment soumis à la société Fagerhult.

Les équipements ont été ensuite transportés en Tunisie et installés au cours du mois de mai 2019 par une société locale.

Le 21 mai 2019, la société S.Industries après avoir tenté de paramétrer les nouveaux luminaires, a écrit à la société Fagerhult pour l'informer de ses doutes sur le fonctionnement des nouveaux luminaires livrés et lui a demandé de confirmer ou infirmer son analyse.

La société S.Industries a exposé que les nouveaux luminaires ne permettaient pas de réglage auto adaptatif à la lumière extérieure.

Le 2 juillet 2019, après échange de courriels, Monsieur [W] a confirmé que les cellules installées ne pouvaient apporter un éclairage graduable en fonction de l'apport de lumière. Elles ne pouvaient que détecter la quantité de lumière et passer en mode allumage (100%) ou en mode extinction (0%). Il a confirmé également qu'i1 était techniquement inenvisageable de modifier le système installé par ajout de cellules supplémentaires, les deux cellules entreraient alors en conflit. Concernant la problématique de la complexité du réglage du seuil de déclenchement, Monsieur [W] a confirmé être toujours en attente de réponses de son usine.

Le 3 juillet 2019, la société S.Industries a rappelé sa mise en demeure du 1er juillet qui fixait au 31 août l'échéance pour que la société Fagerhult mette en 'uvre une solution adaptée au besoin de son client.

Le 4 septembre 2019 la société Fagerhult en la personne de Monsieur [B] a précisé que Monsieur [W], dans son offre du 26 février 2019 avait stipulé, dans le descriptif de la solution E-SENSE, être en mode détection, sans jamais évoquer la possibilité de pouvoir faire varier1'intensité du flux. Il a confirmé qu'il était techniquement impossible de substituer les cellules de détection des luminaires installés par des cellules Helvar. Il a assuré cependant la volonté de la société Fagerhult d'accompagner son client et a transmis de nouvelles questions techniques.

La suite des échanges n'a pas été fructueuse, et par acte du 7 janvier 2021, la société Fagerhult a assigné la société S. Industries devant le tribunal de commerce de Rouen, afin qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 35 296,66 €. Le tribunal de commerce de Rouen a renvoyé l'affaire devant celui du Havre.

Par jugement en date du 26 août 2022, le tribunal de commerce du Havre a :

- reçu la société Fagerhult France en sa demande et l'a déclarée partiellement fondée,

- dit et jugé que la société Fagerhult France a été défaillante dans l'exercice de son devoir de conseil, provoquant ainsi la mauvaise conclusion du contrat,

- dit et jugé que la société S. Industries est fondée, en l'état, à refuser le paiement du prix,

- dit et jugé que la société S. Industries est fondée à obtenir la fourniture d'un produit conforme à ses attentes,

- condamné la société Fagerhult France à fournir à S. Industries 125 luminaires auto-adaptatifs à la lumière de type 32941402 sur son site de [Localité 4], dans les conditions commerciales de février 2019,

- condamné la société Fagerhult France à produire un avoir correspondant à l'écart de prix entre les deux solutions, télécommandes comprises soit la somme HT de :

9 201,40 euros,

- condamné la société S. Industries France à s'acquitter de la facture à réception des nouveaux équipements et de l'avoir,

- condamné la société S. Industries à remettre à disposition de Fagerhult France dans son usine de [Localité 4], les équipements en retour, dans un délai de six mois suivant la fourniture des nouveaux équipements,

- débouté la société S. Industries de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation de dommages directs ou indirects,

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour résistance abusive,

- dit l'exécution provisoire de droit,

- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

- condamné la société Fagerhult France aux entiers dépens de l'instance, ceux visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 69,59 euros,

- dit que chaque partie conservera à sa charge les frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens.

La société SAS S Industrie a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 septembre 2022. L'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/03137.

La société Fagerhult France a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 novembre 2022. L'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/03747.

Les affaires ont été jointes sous le n° RG 22/03747.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 15 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société S. Industries qui demande à la cour de :

 

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de Commerce du Havre le 26 août 2022 en ce qu'il a :

('.)

- condamné la société Fagerhult France à fournir à S. Insdustries les 125 luminaires auto-adaptatifs à la lumière de type 32941402 sur son site de [Localité 4], dans les conditions commerciales de février 2019,

- condamné la société Fagerhult France à produire un avoir correspondant à l'écart de prix entre les deux solutions, télécommandes comprises soit la somme HT de :

9 201,40 euros,

Réformer le jugement rendu par le tribunal de Commerce du Havre le 26 août 2022 en ce qu'il a:

- condamné la société S. Insdustries France à s'acquitter de la facture à réception des nouveaux équipements et de l'avoir,

- condamné la société S. Insdustries à remettre à disposition de Fagerhult France dans son usine de [Localité 4], les équipements en retour, dans un délai de six mois suivant la fourniture des nouveaux équipements,

- débouté la société S. Insdustries de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation de dommages directs ou indirects,

Statuant à nouveau,

- juger que la société Fagerhult est seule et exclusivement responsable de la mauvaise exécution du contrat, non conforme aux demandes de la société S. Insdustries,

- condamner la société Fagerhult France à verser à la société S. Insdustries,

*la somme de 2.000,00 euros au titre des frais d'expédition de douane et de transitaire sur le site tunisien,

*la somme de 11 718,75 euros, selon devis n°22 :2021 du 8 mars 2021 de la société Sogetb à Tunis, au titre des frais de dépose et repose,

*le remboursement des frais d'enlèvement sauf à les considérer comme abandonnés par la société Fagerhult France,

*le remboursement des coûts d'excès de consommation électrique du site tunisien soit 1263,00 euros par année pleine à compter du 1er juin 2019, sur une durée de 24 ans,

*le remboursement du coût inutile du déplacement des luminaires en mai 2019 pour la somme de 1 000,00 euros,

- ce, en réparation des préjudices de la société S. Insdustries,

- juger que les sommes au paiement desquelles la société Fagerhult France est condamnée à titre de dommages et intérêts, seront réglées par compensation avec les sommes dues par la société S. Industries à la société Fagerhult au titre des nouveaux équipements à réception de sa facture et de l'avoir précitée,

- débouter la société Fagerhult de toutes ses demandes et conclusions plus amples contraires devant la Cour d'appel,

- condamner la société Fagerhult France à payer à la société S. Industries la somme de 2 000,00 euros au titre de sa résistance abusive,

- condamner la société Fagerhult France à payer à la société S. Industries la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens de ces instances.

            Vu les conclusions du 17 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Fagerhult France qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce du Havre en ce qu'il a débouté la société S. Industries de ses demandes de condamnation de la société Fagerhult au paiement des sommes suivantes :

*les frais d'expédition et de douane pour 2 000 euros,

*les frais de dépose / repose pour la somme de 11 718,75 euros,

*les frais d'enlèvement sauf à considérer le matériel abandonné par Fagerhult,

*les coûts de surconsommation électrique évalués à 1 263 euros par année pleine à compter du 1er juin 2019,

*le coût du déplacement inutile des luminaires en mai 2019 pour 1 000 euros,

*au titre de la résistance abusive de la société Fagerhult la somme de 2 000 euros.

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre n°2021J00120 du 26 août 2022, en ce qu'il a :

- reçu la société Fagerhult France en sa demande et l'a déclaré partiellement fondée,

(')

- condamné la société Fagerhult France à fournir à S. Insdustries les 125 luminaires auto-adaptatifs à la lumière de type 32941-402 sur son site de [Localité 4], dans les conditions commerciales de février 2019,

- condamné la société Fagerhult France à produire un avoir correspondant à l'écart de prix entre les deux solutions, télécommandes comprises soit la somme HT de :

9 201,40 euros,

- condamné la société S. Industries France à s'acquitter de la facture à réception des nouveaux équipements et de l'avoir,

- condamné la société S. Industries à remettre à disposition de Fagerhult France dans son usine de [Localité 4], les équipements en retour, dans un délai de six mois suivant la fourniture des nouveaux équipements,

- débouté la société S. Insdustries de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation de dommages directs ou indirects,

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour résistance abusive,

- dit l'exécution provisoire de droit,

- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes.

- condamné la société Fagerhult France aux entiers dépens de l'instance, ceux visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 69,59 euros,

- dit que chaque partie conservera à sa charge les frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens,

Statuant à nouveau,

- condamner la société S. Industries à payer à la société Fagerhult France la somme de 35 296,66 euros TTC au titre des factures du 3 avril 2019 et du 7 mai 2019,

- débouter la société S. Industries de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société S. Industries à payer à la société Fagerhult France la somme de 2 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'obligation de délivrance :

La société S. Industrie soutient que :

*elle a commandé des luminaires auto-adaptatifs de référence 32913-402, ceci ressort de son courriel du 15 février 2019 ; la société Fagerhult, qui jusqu'alors avait vendu exclusivement ce produit à la société S. Industrie ne peut soutenir le contraire ;

*la société Fagerhult a vanté dans son offre les qualités d'un autre produit qui sera celui commandé sans que la société S. Industrie soit avisée de ce que ce produit ne permet pas de solution auto adaptative du flux lumineux ;

*les pièces produites à l'email de M. [W] ne sont d'aucune utilité : les fiches sont en anglais, compréhensibles uniquement par des experts du luminaire, il n'est pas établi que l'acheteur s'y soit référé de quelque manière que ce soit lors de la commande, de sorte qu'elles n'ont aucune valeur contractuelle ;

*ce n'est qu'au mois de juillet 2019 que le vendeur comme l'acquéreur apprendront que le produit vendu n'est pas auto-adaptatif ; le jour de la vente, le vendeur ne connaissait pas la différence entre le produit attendu et celui qu'il a conseillé d'acheter ;

*le défaut d'adaptabilité au faisceau lumineux naturel n'était pas décelable à la réception du produit, il ne s'est révélé qu'aux tentatives vaines de les paramétrer.

La société Fagerhult soutient que :

*dans ces courriels des 15 et 18 février 2019, la société S. Industrie a relancé une consultation globale et expressément exprimé que les solutions précédentes étaient trop onéreuses ; la société S. Industrie n'a jamais laissé entendre qu'elle souhaitait des luminaires auto-adaptatifs ; cette condition n'est jamais entrée dans le champ contractuel ;

*le produit livré est totalement conforme aux bons de commande.

Réponse de la cour :

Il résulte des dispositions des article 1603 et 1604 du code civil que le vendeur a l'obligation de délivrer la chose vendue et que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Aux termes de l'article 1610 du même code : « Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur. »

La non-conformité s'entend comme toute différence entre la chose livrée et la chose dont les caractéristiques ont été convenues par les parties.

Le produit qui a donné satisfaction à la société S. Industrie est désigné au devis du 15 avril 2016 « Induled 12KLM Wide Beam 4000K ». Il est référencé « 32913-402» Il est constant que les produits acquis en 2019 désignés « Induled HL Wide Beam 4000K E Sense Move Highba et« Induled HL Wide Beam 4000K Dali CL » référencés « 32941-526» et « 32941-402» ne sont pas les mêmes que celui acquis en 2016.

La société S. Industrie ne soutient pas que le produit livré n'était pas celui correspondant aux bons de commande, mais qu'il était entré dans le champ contractuel que ce produit devait, à l'instar de ceux livrés en 2016, être auto-adaptatif au flux lumineux naturel.

Dans son courriel du 4 juillet 2018, la société S. Industrie a exposé à la société Fagerhult qu'elle souhait « un éclairage de de 500 lux uniforme à 1m du plancher sur la base des luminaires en notre possession :

(32913-402 InduLED1300 12000lm Wide Beam 4000K Da ) ». Elle a demandé à la société Fagerhult de lui faire parvenir un plan d'implantation répondant à son cahier des charges.

La société S. Industrie explique dans ses écritures qu'elle n'a pu obtenir du propriétaire du site la possibilité d'extension qu'elle envisageait, et qu'elle a dû changer de local.

Dans son mèl du 15 février 2019, la société S. Industrie rappelle ses anciennes commandes des mois d'avril 2014 et Juillet 2017 qui portaient la référence 32913-402.

Elle écrit ensuite :

« Ces besoins étaient pour notre première usine NSI.

Les plans de notre nouveau local ont changé. »

Le mèl décrit ensuite le nouveau local et la possibilité des répartir de manière homogène 5 lignes d'éclairage et pas 4.

Puis, la société S. Industrie présente sa demande de devis pour :

« -éclairage d'une travée de (') à 500 lux à 1m du sol avec 5 lignes de montage

-éclairage d'une travée de (') pour zone de stockage ( 250 lux ') en 5 lignes de montage.

-chaque traversée sera pilotée par 8 cellules (soit 16 cellules au total) »

La société S. Industrie termine son mèl ainsi « Compte tenu de l'augmentation importante de vos prix sur dernière commande, je relance une consultation globale auprès de vous et vos compétiteurs.

Tachez de vous placer du premier coup'. Sachant que les prix sont plutôt à la baisse pour ce que j'ai déjà récupéré. »

Le même jour, la société Fagerhult a annoncé faire son possible pour proposer la meilleure offre. Le 18 février suivant, la société S. Industrie a modifié sa demande de devis sans que cette modification ait une incidence sur le produit.

Le 26 février 2019, la société Fagerhult a proposé, après études, deux produits : Roomset de chez Helvar ou E sense Move Highbay développé par Fagerhult.

Après mise au point téléphonique, la société S. Industrie a écrit le 6 mars 2019, à la société Fagerhult : « Vous trouverez en PJ le plan que nous avons imaginé. L'idée est donc d'avoir des grappes de 1,2 ou 3 luminaires de manière à avoir un éclairage dynamique de l'atelier avec votre solution.

De ce fait, compte tenu de ce que nous avons déjà, il nous faudrait les éléments suivants (') » Le choix exprimé est celui du produit développé par la société Fagerhult, commandé les 7 mars et 24 avril 2019.

Il ressort des échanges préalables à la commande que si dans son mèl du 4 juillet 2018, la société S. Industrie a expressément annoncé son souhait d'acquérir des luminaires présentant du même type que ceux qu'elle possédait déjà, son mèl suivant fait état d'un changement des charges d'installation par rapport au local précédent et d'une volonté de donner sa préférence à l'offre la moins onéreuse. Il ne ressort pas sans équivoque de ce mèl qu'elle maintient sa demande de luminaires auto-adaptatif. Dans les échanges suivants, après présentation de deux produits aux références distinctes des luminaires qui lui donnaient satisfaction, la société S. Industrie ne s'est pas enquise de savoir si les nouveaux produits présentaient des qualités similaires à celui qu'elle possédait déjà. Le produit commercialisé par Fagerhult était présenté comme «( gérant) de façon autonome la détection, mais (communiquant) (par bluetooth) avec les autres luminaires les informations de détection ». Ainsi, le produit présente un dynamisme de sorte que la demande d'un «éclairage dynamique » ne se rapporte pas sans équivoque à une capacité auto adaptative au flux lumineux. De même, l'expression « compte tenu de ce que nous avons déjà » peut être entendue comme un souhait de panachage entre des produit déjà acquis et un nouveau produit.

Il résulte de ces éléments que la société S. Industrie ne rapporte pas la preuve qu'il était convenu par les parties que les luminaires cédés devaient être munis de la qualité auto adaptative. Le produit livré étant conforme a celui désigné sur le bon de commande. La société Fagerhult a rempli son obligation de délivrance.

Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de mise en possession et en ses dispositions qui en sont la conséquence ou l'accessoire, soit :

« -dit et juge que la société S. Industries est fondée, en l'état, à refuser le paiement du prix,

-dit et juge que la société S. Industries est fondée à obtenir la fourniture d'un produit conforme à ses attentes,

-condamne la société Fagerhult France à fournir à S. Industries 125 luminaires auto-adaptatifs à la lumière de type 32941402 sur son site de [Localité 4], dans les conditions commerciales de février 2019,

-condamne la société Fagerhult France à produire un avoir correspondant à l'écart de prix entre les deux solutions, télécommandes comprises soit la somme HT de :

9 201,40 euros,

-condamne la société S. Industries France à s'acquitter de la facture à réception des nouveaux équipements et de l'avoir,

-condamne la société S. Industries à remettre à disposition de Fagerhult France dans son usine de [Localité 4], les équipements en retour, dans un délai de six mois suivant la fourniture des nouveaux équipements ».

La société S. Industrie sera déboutée de ses demandes tendant à :

- l'obtention de 125 luminaires auto-adaptatifs à la lumière de type 32941402 sur son site de [Localité 4],

- refuser le paiement du prix ;

- l'obtention d'un avoir de 9 202,40 € HT.

La disposition relative à la remise à la société des équipements en retour est sans objet.

La société S. Industrie sera condamnée au paiement de la somme de 35 296,66€ TTC au titre de ses commandes des 7 mars et 24 avril 2019.

Sur le manquement à l'obligation d'information :

Moyens des parties :

La société S. Industrie soutient que :

*la société Fagerhult, professionnelle du luminaire, ne l'a pas renseignée sur le fait que les deux produits n'avaient les mêmes propriétés, et que seul le produit Helvar permet une solution auto adaptative du flux lumineux ;

*le courriel du 15 février 2019 ne comprend aucune spécificité technique, il ne peut dès lors être qualifié de cahier des charges ;

*la page internet où se trouve vidéo de présentation du produit, comprend des sigles, dont l'un présente un soleil caché derrière un nuage et intitulé « niveau de lux », ce qui laisse entendre une auto adaptation .

La société Fagerhult soutient que :

*la société Fagerhult est spécialisée dans la fabrication et l'incorporation de faisceaux électriques, les courriels des 15 et 18 février 2019, étaient des cahiers des charges pour avoir été ainsi dénommés par la société S. Industrie ; la précision des attentes exprimées par le client montre qu'il avait des compétences dans le domaine de l'éclairage et une idée très précise de ce qu'il souhaitait mettre en 'uvre, il lui appartenait en conséquence de préciser qu'il souhaitait un éclairage auto-adaptatif ;

*alors qu'il lui a été proposé de faire un point sur le dossier, la société S. Industrie n'a jamais précisé qu'elle souhaitait un éclairage auto-adaptatif ;

*le seul visionnage de la vidéo explicative et démonstrative des luminaire E-Sense commandés par la société S. Industrie permettait à un non initié de comprendre que le processus attaché à cette solution est de nature tout ou rien ;

*il est écrit lux sous le logo du nuage et du soleil, lux est une unité de mesure de l'éclairement lumineux, ce logo signifie simplement que le produit permet un réglage pour obtenir une éclairage plus ou moins puissant selon les besoins de l'utilisateur ; il ne laisse aucunement penser à un client averti comme la société S. Industrie que le produit est auto adaptatif, surtout si le client regarde la vidéo de démonstration.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 1112-1 du code civil : « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (')

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

La société S. Industrie ne demande pas l'annulation du contrat de sorte que l'éventuel manquement de la société Fagerhult ne peut être sanctionner que par la réparation du préjudice résultant de ce manquement.

S'il est constant que le vendeur professionnel est tenu à une obligation d'information et de conseil qui lui impose d'informer l'acheteur sur l'adéquation du matériel proposé à l'utilisation qui en est prévue et à la réglementation, l'obligation d'information du fabricant ou du revendeur spécialisé n'existe que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés.

La société S. Industrie ne produit aucun élément sur son activité et c'est sans être contredite sur ce point que la société Fagerhult précise que sa cliente est spécialisée dans la fabrication et l'incorporation de faisceaux électriques. En tout état de cause, le plan qu'elle a joint à son courriel du 6 mars 2019 « Vous trouverez en PJ le plan que nous avons imaginé » démontre que la société S. Industrie n'est aucunement profane en matière d'électricité.

Par voie de conséquence, le logo d'un soleil et d'un nuage intitulé niveau de lux, qui induit la possibilité d'un réglage, n'était pas de nature à entrainer chez cet acquéreur initié une confusion entre réglage et auto adaptation. Par ailleurs, ses connaissances en matière d'éclairage lui permettent d'exposer clairement dans sa commande :

« nous avons la possibilité de répartir de manière homogène des lignes d'éclairage selon la qté suivante :

Travée de 22m de large : 5 lignes d'éclairage Eclairage demandé 500 lux à 1m du sol

Travée de 18m de large : 4 lignes d'éclairage Eclairage demandé 250 lux (zone de stockage) » et de préciser que « chaque travée sera pilotée par 8 cellule ».

Ainsi, la société S. Industrie avait les connaissances nécessaires pour savoir que l'auto adaptation n'était pas une propriété de tous les éclairages LED. En présence de deux produits distincts entre eux et différents de celui qu'elle avait déjà acquis, et d'une vidéo de démonstration de celui développé par la société Fagerhult, elle était en mesure de se faire une idée précise du produit qu'elle envisageait d'acquérir et le cas échéant, de s'assurer de la présence d'une qualité qui ne lui avait pas été expressément précisée. Par voie de conséquence, elle ne démontre pas que la société Fagerhult a manqué à son obligation d'information.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a jugé que la société Fagerhult France a été défaillante dans l'exercice de son devoir de conseil, provoquant ainsi la mauvaise conclusion du contrat, mais ce jugement qui a débouté la société S. Industrie de ses demandes indemnitaires dont celle présentée au titre de la résistance abusive sera confirmé sur ce point.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société S. Industries de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation de dommages directs ou indirects,

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour résistance abusive,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Déboute la société S. Industrie de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la société S. Industrie à payer à la société Fagerhult la somme de 35 296,66€ TTC au titre de ses commandes des 7 mars et 24 avril 2019.

Y ajoutant :

Condamne la société S. Industrie aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société S. Industrie à payer à la société Fagerhult la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.