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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 17 avril 2024, n° 23/02813

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 23/02813

17 avril 2024

N° RG 23/02813 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JOCZ

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 17 AVRIL 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00917

Président du tribunal judiciaire de Rouen du 6 juin 2023

APPELANTE :

SARL VILL'APPARTS MEUBLES

SIRET 387 607 799

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Yannick ENAULT de la Selarl YANNICK ENAULT-GREGOIRE LECLERC, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

Syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] situé entre la [Adresse 6] et la [Adresse 7] à [Localité 5] représenté par la Selarl AJAssociés agissant par Mes [J] [W] et [C] [H], administrateurs judiciaires

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Jean-Baptiste LELANDAIS de la SELARL JBL AVOCAT, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me DELHOUME de la Scp BOUYERE-BAUDOUIN-DAUMAS-CHAMARD-BENSAHEL-GOMEZ-REY, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 février 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 21 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 avril 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

L'ensemble immobilier dénommé [Adresse 3] situé entre la [Adresse 6] et la [Adresse 7] à [Localité 5] est organisé en copropriété horizontale, notamment à usage de résidence services, avec un syndicat principal (Colline Sainte Catherine) et trois syndicats secondaires (Arc IV, [Adresse 3], et Arc V).

Par ordonnance sur requête du 23 mars 2011, le président du tribunal de grande instance de Rouen a désigné Me [J] [W] à titre individuel en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 3] rencontrant des difficultés financières.

Cette mission a ensuite été confiée à la Selarl AJAssociés à compter de 2016.

Par ordonnance du 2 juin 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a notamment fait droit à la demande du syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] de condamnation de la Sarl Vill'Apparts Meublés, propriétaire des lots n°216 et 242, à lui payer des provisions de 9 388 euros au titre d'un arriéré de charges de copropriété et de

281 euros au titre des frais de recouvrement.

Par jugement du 28 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Rouen a notamment condamné en deniers ou quittances la Sarl Vill'Apparts Meublés à payer au même syndicat secondaire des copropriétaires la somme de 11 499,39 euros au titre d'un arriéré de charges de copropriété dues au 31 août 2016.

Suivant acte de commissaire de justice du 26 décembre 2022, le même syndicat secondaire des copropriétaires, représenté par la Selarl AJAssociés, a fait assigner la Sarl Vill'Apparts Meublés devant le président du tribunal judiciaire de Rouen, statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins de paiement de provisions des charges de copropriété arrêtées au 8 novembre 2022, de frais de recouvrement, et de dommages et intérêts pour défaillance fautive.

Par jugement du 6 juin 2023, le président du tribunal a :

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,

mais, à titre provisoire,

- condamné la Sarl Vill'Apparts Meublés à payer au syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] la somme de

20 000 euros, à titre de provisions sur les charges de copropriété et frais de poursuite,

- condamné la Sarl Vill'Apparts Meublés à payer au syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] la somme de

1 000 euros, à titre de provisions sur l'indemnisation de son préjudice pour résistance abusive,

- condamné la Sarl Vill'Apparts Meublés à payer au syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] la somme de

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Vill'Apparts Meublés aux entiers dépens.

Par déclaration du 10 août 2023, la Sarl Vill'Apparts Meublés a formé un appel contre le jugement.

Par décision du président de chambre du 18 septembre 2023, l'affaire a été fixée, suivant les modalités des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à l'audience du 21 février 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 15 février 2024, la Sarl Vill'Apparts Meublés demande de voir :

- réformer le jugement rendu le 6 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Rouen en vertu des articles 834 et 835 du code de procédure civile et 10 de la loi du 10 juillet 1965,

- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale qu'elle a initiée contre le syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] (Tj de Rouen, cabinet du juge d'instruction n°2, n° d'instruction 15-56, n°parquet 14/328-202),

en tout état de cause,

- débouter l'intimé de l'intégralité de ses demandes,

- condamner celui-ci au paiement des sommes de 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle expose que Me [J] [W] n'a pas transmis les grands livres 2010, 2011 et 2012 et les comptes bancaires du syndicat des copropriétaires [Adresse 3] ; qu'entre le 1er janvier et le 11 juillet 2013, il a effectué des mouvements comptables entre les quatre syndicats indépendants en utilisant les fonds du syndicat des copropriétaires [Adresse 3] alors que sa mission n'était pas renouvelée depuis le 31 décembre 2012, de sorte qu'il a agi sans droit ni titre ; qu'il n'a pas davantage convoqué d'assemblée générale en 2014 ; qu'entre 2008 et 2014, il a appliqué les tantièmes de répartition des charges d'une union fictive entre les syndicats Arc IV et [Adresse 3] pour apurer irrégulièrement leurs comptes annuels, ce qu'a également pratiqué la Selarl AJAssociés de 2015 à 2019 ; qu'il n'a pas restitué au syndicat des copropriétaires [Adresse 3] les sommes indûment perçues par les anciens syndics.

Elle indique qu'en 2018, son gérant M. [I] [B], également gérant d'autres sociétés, a dénoncé auprès du tribunal de grande instance de Rouen les abus de fonction et de confiance de Me [J] [W] et de la Selarl AJAssociés, administrateurs judiciaires successifs, vis-à-vis des syndicats des copropriétaires principal et secondaires, ainsi que le défaut de notification aux copropriétaires des rapports de gestion intermédiaires en 2017 et 2018 et des ordonnances de prolongation de leur mission entre le 11 juillet 2013 et le 26 mai 2018 ; qu'en 2020, M. [I] [B] a porté plainte auprès du procureur de la République contre la Selarl AJAssociés notamment pour abus de confiance et escroquerie ; qu'il est nécessaire de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'instruction pénale en cours initiée contre l'intimé notamment sur la sincérité des comptes qu'il a produits, que l'expertise diligentée dans ce cadre pointe des erreurs dans les comptes qui sont opaques et génèrent des appels de charges incohérents et injustifiés.

Elle précise encore que l'union des syndicats Arc IV et [Adresse 3] n'a jamais été constituée ; que dès lors, la répartition particulière de ses charges individuelles prévue dans le règlement de copropriété du syndicat des copropriétaires [Adresse 3], uniquement en cas d'union, mais n'existant pas dans le règlement du syndicat des copropriétaires Arc IV, est irrecevable depuis 2006 ; que le calcul de l'apurement des charges 2017 et 2018 est erroné de 4178 tantièmes ; que les appels de fonds de 2019 et de 2020 ont été effectués sur un budget prévisionnel erroné de 15 200 euros, et non pas de 10 000 euros ; que, pour les exercices 2017 à 2019, le montant des émoluments et débours de la Selarl AJAssociés a été supérieur aux montants autorisés par les trois ordonnances de taxe rendues par le tribunal judiciaire ; que la Selarl AJAssociés a appelé irrégulièrement les quatre appels de fonds 2021 sans motif légitime.

Elle ajoute que n'ont pas été notifiés aux copropriétaires les procès-verbaux de décisions de la Selarl AJAssociés validant les comptes annuels de 2017 à 2021 et fixant les budgets prévisionnels pour 2020, 2021, et 2022, ni le procès-verbal de décisions du 4 mars 2021 ; que la mission de la Selarl AJAssociés se terminant le 25 mai 2022, celle-ci n'a pas convoqué une assemblée générale des trois syndicats comme spécifié dans l'ordonnance de prolongation ; que cette dernière n'a pas davantage corrigé les irrégularités comptables, les décisions qui n'ont pas fait l'objet d'une consultation préalable du conseil syndical, et la comptabilité des tableaux individuels des copropriétaires non conformes aux procès-verbaux de décisions notifiés.

Par dernières conclusions notifiées le 16 février 2024, le syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 3] situé entre la [Adresse 6] et la [Adresse 7] à [Localité 5], représenté par la Selarl AJAssociés, administrateurs judiciaires, sollicite de voir sur la base des articles 834 et 835 du code de procédure civile, 4 alinéa 3 et 11 alinéa 2 du code de procédure pénale, 10, 14-1, 14-2, 10-1 et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, 35 du décret du 17 mars 1967, 1240 et 1256 alinéa 2 du code civil :

- confirmer le jugement rendu le 6 juin 2023 en ce qu'il a condamné la Sarl Vill'Apparts Meublés à lui payer les sommes provisionnelles suivantes :

. 20 000 euros à titre de provision sur les charges de copropriété et frais de poursuite,

. 1 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice pour résistance abusive,

. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation à hauteur de 3 867,22 euros au titre des charges de copropriété restant dues au 20 mars 2023,

- condamner la Sarl Vill'Apparts Meublés à lui payer la somme complémentaire provisionnelle de 3 867,22 euros, soit une condamnation totale de 23 867,22 euros au titre des charges de copropriété arrêtées au 20 mars 2023,

y ajoutant,

- débouter la Sarl Vill'Apparts Meublés e l'ensemble de ses demandes,

- condamner à titre provisionnel la Sarl Vill'Apparts Meublés à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.

Il précise que, depuis plusieurs années, la Sarl Vill'Apparts Meublés est défaillante dans le règlement de ses provisions et charges de copropriété ; qu'à l'instar de trois autres sociétés ayant toutes pour représentant légal M. [I] [B], elle est à l'origine de multiples procédures ayant conduit à l'annulation des assemblées générales ayant approuvé les comptes des exercices 2007 à 2012 et de procédures tendant à s'opposer à la mission confiée à l'administrateur.

Il conclut à la confirmation du rejet de la demande de sursis à statuer, aux motifs que ce n'est pas lui qui est visé par la procédure pénale initiée par les sociétés appartenant à M. [I] [B], mais Me [J] [W] ès qualités d'administrateur judiciaire ; qu'en application de l'article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, l'information judiciaire en cours n'impose pas la suspension de la présente instance ; que, loin de mettre en cause la responsabilité de la Selarl AJAssociés, le rapport d'expertise comptable établi dans le cadre de l'information judiciaire en cours stigmatise, d'une part, les copropriétaires qui rendent la gestion impossible par défaut de paiement des charges de copropriété et, d'autre part, M. [I] [B] et ses sociétés qui ont pu profiter de la situation obérée du syndicat pour racheter à bas pris des lots de copropriété ; que ce moyen aux fins de sursis à statuer opposé par l'appelante vise uniquement à retarder l'issue de la procédure en cours et éviter une condamnation au paiement des charges dues ; que les griefs reprochés par la Sarl Vill'Apparts Meublés ne sont pas justifiés.

Il soutient que sa créance de 23 867,22 euros arrêtée au 20 mars 2023 a un caractère certain, liquide, et exigible, qu'elle est dûment établie pour chaque exercice par les appels de fonds provisionnels, les comptes de régularisation des charges, et les relevés généraux des dépenses ; que les budgets prévisionnels et les comptes de copropriété ont été régulièrement approuvés par les procès-verbaux de prises de décisions.

Il indique que, le mandat de la Selarl AJAssociés ayant été prorogé jusqu'au 25 mai 2024, elle a qualité pour le représenter ; que les procès-verbaux de prises de décisions d'un administrateur provisoire sont insusceptibles de recours et ont été communiqués dans le cadre de la présente procédure en première instance et en appel de sorte que la Sarl Vill'Apparts Meublés ne peut sérieusement contester en avoir eu connaissance et qu'ils lui sont opposables ; qu'aucun texte n'impose de notifier aux copropriétaires les rapports de mission de l'administrateur provisoire et, en tout état de cause, cette absence de notification ne justifie pas le non-paiement des charges de copropriété.

Il sollicite la confirmation de la condamnation de la Sarl Vill'Apparts Meublés à lui payer une provision de 1 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, aux motifs que la défaillance de celle-ci depuis plus d'un an et demi dans le paiement de sa quote-part de charges de copropriété a créé un déséquilibre certain dans la trésorerie de la copropriété, contrainte de faire l'avance des sommes dues à ses créanciers ; que son préjudice est distinct de celui consistant en un simple retard de paiement compensé par les intérêts alloués en cas de condamnation.

Il demande le rejet de la demande indemnitaire de l'appelante qu'elle n'a pas motivée et qui n'est pas fondée en ses principe et quantum ; qu'il subit cette procédure d'appel qu'il n'a pas initiée.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 21 février 2024.

MOTIFS

Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes de l'article 4 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

En l'espèce, pour justifier sa demande de sursis à statuer, la Sarl Vill'Apparts Meublés verse aux débats le rapport d'expertise comptable établi le 28 novembre 2023 par MM. [G] et [F], experts respectivement comptable et immobilier désignés par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Rouen, pour examiner les comptes des exercices 2011 à 2015 des copropriétés. Il y est précisé que cette mesure est intervenue dans le cadre de l'information ouverte contre X pour tentative d'escroquerie et abus de confiance du 17 mars 2011 au 15 février 2015 à [Localité 5] et en Seine-Maritime et pour abus de confiance du 4 mars au 15 octobre 2015 à [Localité 5]. Il y est également indiqué que cette instruction a été ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile notamment déposée par la Sarl Vill'Apparts Meublés le 17 novembre 2014 contre Me [W] et la Selarl AJAssociés, administrateurs judiciaires de copropriété.

La demande de paiement présentée par le syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] porte sur un arriéré de charges de copropriété né depuis le jugement du 28 novembre 2016 par lequel la Sarl Vill'Apparts Meublés a été condamnée au paiement d'un arriéré de charges de copropriété dues au 31 août 2016.

L'instruction pénale en cours porte sur des faits antérieurs à cette date. Il n'y a donc aucun intérêt à surseoir à statuer jusqu'à la solution de celle-ci.

La décision du tribunal ayant rejeté cette demande sera confirmée.

Sur la demande de paiement

L'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au présent litige, dispose que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.

Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.

L'article 10-1 de la même loi précise que, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné notamment :

a) les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ;

b) les frais et honoraires du syndic afférents aux prestations effectuées au profit de ce copropriétaire. Les honoraires et frais perçus par le syndic au titre des prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot, ou de plusieurs lots objets de la même mutation, ne peuvent excéder un montant fixé par décret.

L'article 14-1 de la même loi prévoit que, pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et équipements communs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel. L'assemblée générale des copropriétaires appelée à voter le budget prévisionnel est réunie dans un délai de six mois à compter du dernier jour de l'exercice comptable précédent.

Les copropriétaires versent au syndicat des provisions égales au quart du budget voté. Toutefois, l'assemblée générale peut fixer des modalités différentes.

La provision est exigible le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l'assemblée générale.

L'article 14-2 II de la même loi, dans sa version applicable au présent litige, dispose que, dans les immeubles à destination partielle ou totale d'habitation soumis à la présente loi, le syndicat des copropriétaires constitue un fonds de travaux à l'issue d'une période de cinq ans suivant la date de la réception des travaux pour faire face aux dépenses résultant :

1° des travaux prescrits par les lois et règlements ;

2° des travaux décidés par l'assemblée générale des copropriétaires au titre du I du présent article.

Ce fonds de travaux est alimenté par une cotisation annuelle obligatoire versée par les copropriétaires selon les mêmes modalités que celles décidées par l'assemblée générale pour le versement des provisions du budget prévisionnel.

Selon l'article 19-2 de la même loi, dans sa version applicable au présent litige, à défaut du versement à sa date d'exigibilité d'une provision due au titre de l'article 14-1 ou du I de l'article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles.

Le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles.

Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l'article 14-2.

L'article 35 du décret du 17 mars 1967 prévoit que le syndic peut exiger le versement :

1° de l'avance constituant la réserve prévue au règlement de copropriété, laquelle ne peut excéder 1/6 du montant du budget prévisionnel,

2° des provisions du budget prévisionnel prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965,

3° des provisions pour les dépenses non comprises dans le budget prévisionnel prévues au I de l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 et énoncées à l'article 44 du présent décret,

4° des avances correspondant à l'échéancier prévu dans le plan pluriannuel de travaux adopté par l'assemblée générale,

5° des cotisations au fonds de travaux prévues au II de l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965.

En l'espèce, seront examinés uniquement les griefs opposés par la Sarl Vill'Apparts Meublés prenant date postérieurement au jugement du 28 novembre 2016 et relatifs aux charges de copropriété réclamées après le 31 août 2016.

1) Sur le défaut de notification aux copropriétaires des décisions de validation des comptes annuels de 2017 à 2021 et du budget prévisionnel pour 2021

L'article 62-9 du décret du 17 mars 1967 énonce que l'administrateur provisoire adresse copie aux copropriétaires de la ou des décisions prises et joint, s'il y a lieu, l'appel de fonds correspondant.

En l'espèce, aux termes des procès-verbaux des décisions prises par les administrateurs provisoires des 18 mai 2020 et 4 mars 2022, ont été approuvés les comptes de la copropriété au titre des exercices respectivement de 2017, 2018, 2019 et 2020.

L'intimé ne produit pas les avis de réception des courriers recommandés contenant ces procès-verbaux adressés aux copropriétaires.

Toutefois, comme l'a justement retenu le premier juge, ces pièces ont été communiquées lors des débats de première instance, ce qui les rend opposables à la Sarl Vill'Apparts Meublés.

En revanche, n'est produit aucun procès-verbal de décision de validation du budget prévisionnel et des comptes pour 2021, hormis :

- le procès-verbal des décisions prises le 4 mars 2021 ayant trait à la remise en état du pignon de l'immeuble et de la courette du logement de la gardienne, à l'élagage des cerisiers sur le parking de la résidence, et à la réparation de la Vmc,

- le procès-verbal de prise de décisions du 19 novembre 2021 relatives aux réparations et aux gros entretiens urgents de l'ascenseur, aux réparations des tuyauteries et de la pompe de charge en chaufferie, au contrôle et à la maintenance des blocs secours et extincteurs, à la réparation de la porte d'entrée, et à l'installation d'un système de contrôle d'accès.

Le paiement des appels de fonds au titre de l'exercice 2021 n'incluant pas ces dépenses ne peut donc pas être sollicité.

2) Sur le défaut de notification aux copropriétaires du budget prévisionnel pour 2020 et 2022

Il ressort de la décision n°4 du procès-verbal des décisions prises par les administrateurs provisoires le 18 mai 2020 qu'ils ont fixé le budget prévisionnel pour l'exercice comptable 2020 à 87 760 euros. La décision n°3 du procès-verbal de prise de décisions du 4 mars 2022 précise que les administrateurs provisoires ont approuvé le montant du budget prévisionnel pour l'exercice comptable 2022 à 91 300 euros.

Si les avis de réception des courriers recommandés contenant ces procès-verbaux adressés à la Sarl Vill'Apparts Meublés ne sont pas produits, ces procès-verbaux lui ont été communiqués lors des débats de première instance.

Ce moyen sera donc rejeté.

3) Sur le défaut de notification aux copropriétaires du procès-verbal de décisions du 4 mars 2021

Ce procès-verbal constitue la pièce n°20 de l'intimé.

La Sarl Vill'Apparts Meublés en ayant eu connaissance, son grief est inopérant.

4) Sur le défaut de notification aux copropriétaires des rapports de gestion intermédiaires de l'administrateur provisoire en 2017, 2018, et pour la période du 25 janvier au 25 mai 2021, et des ordonnances de prolongation de sa mission après le 31 août 2016 jusqu'au 26 mai 2018

Selon l'article 29-2 de la loi du 10 juillet 1965, une copie de l'ordonnance de désignation de l'administrateur provisoire ainsi que les rapports établis par celui-ci sont portés à la connaissance des copropriétaires.

L'article 62-5 du décret du 17 mars 1967 précise que la décision qui désigne l'administrateur provisoire fixe la durée et l'étendue de sa mission. Elle est portée à la connaissance des copropriétaires dans le mois de son prononcé, à l'initiative de l'administrateur provisoire, soit par remise contre émargement, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit par voie électronique après accord du copropriétaire préalablement informé de cette possibilité.

En l'espèce, les rapports de mission de l'administrateur provisoire antérieurs au 25 mai 2017 ne sont pas versés aux débats, ni leur notification aux copropriétaires.

Néanmoins, comme l'a exactement souligné le premier juge, leur défaut de notification n'a pas d'incidence sur la détermination de la quote-part des charges de copropriété dont est redevable chaque copropriétaire qui n'est pas, de ce fait, exonéré de son obligation à ce titre.

Par ailleurs, l'absence de notification à un copropriétaire de l'ordonnance de prolongation de la mission d'un administrateur provisoire n'est pas sanctionnée par l'inopposabilité à son égard des actes qu'il effectue, notamment les appels de fond et les décisions d'approbation des comptes et du budget. Mais, elle a pour conséquence de ne pas faire courir le délai de recours à l'égard de ce copropriétaire.

Le moyen ainsi avancé par la Sarl Vill'Apparts Meublés ne peut pas prospérer et sera rejeté.

5) Sur l'absence de convocation d'une assemblée des trois syndicats et le défaut de consultation préalable du conseil syndical avant la prise de décisions

Contrairement à ce qu'avance la Sarl Vill'Apparts Meublés, la mission de l'administrateur provisoire ne s'est pas terminée le 25 mai 2022. Elle a été renouvelée par ordonnances successives des 2 juin 2022 et 1er juin 2023 jusqu'au 25 mai 2024.

La Sarl Vill'Apparts Meublés ne démontre pas que, dans le cadre de l'exécution de son mandat judiciaire, notamment consistant à assurer la gestion quotidienne du syndicat et à prendre toutes mesures nécessaires pour assurer son fonctionnement, en ce compris les appels de fonds auprès des copropriétaires pour permettre le règlement des facture courantes et des frais de fonctionnement du syndicat, l'administrateur provisoire avait l'obligation de requérir l'avis préalable du conseil syndical.

Elle n'établit pas davantage la réalité de l'absence de convocation d'une assemblée générale avant le terme de la mission de l'administrateur provisoire.

Les manquements reprochés ne sont donc pas fondés.

6) Sur les erreurs affectant des décisions de l'administrateur provisoire

La Sarl Vill'Apparts Meublés avance qu'il n'existe pas d'union entre les syndicats secondaires Arc IV et [Adresse 3] de sorte que la répartition des charges entre eux n'a pas de valeur juridique ; que les appels de fonds de 2019 et de 2020 sont erronés car ils ont été effectués sur un budget prévisionnel erroné de

15 200 euros, et non pas de 10 000 euros ; que le calcul de l'apurement des charges 2017 et 2018 est affecté d'une erreur de 4178 tantièmes ; que, pour les exercices 2017 à 2019, le montant des émoluments et débours de la Selarl AJAssociés a été supérieur aux montants autorisés par les trois ordonnances de taxe rendues par le tribunal judiciaire ; que cette dernière n'a pas corrigé la comptabilité des tableaux individuels des copropriétaires non conformes aux procès-verbaux de décisions notifiés.

Cependant, les décisions de l'administrateur provisoire ayant approuvé les comptes des années 2017, 2018, 2019 et 2020, et les budgets prévisionnels sont définitives et exécutoires de plein droit. La Sarl Vill'Apparts Meublés ne peut donc pas remettre en cause ces décisions prises par l'administrateur provisoire en exécution des mandats judiciaires qui lui ont été conférés.

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En définitive, au vu de l'extrait de compte arrêté au 20 mars 2023, de l'appel de provisions du 1er avril 2023 adressé à la Sarl Vill'Apparts Meublés, et des décisions d'approbation des comptes de la copropriété au titre des exercices 2017, 2018, 2019, 2020, 2022, et 2023, la Sarl Vill'Apparts Meublés sera condamnée à payer à l'intimé la somme de 19 585,98 euros au titre des charges de copropriété arrêtées au 20 mars 2023, déduction faite des appels de fonds au titre de l'exercice 2021 d'un montant total de 4 315,24 euros n'incluant pas ceux justifiés par les procès-verbaux précités des 4 mars et 19 novembre 2021, et au titre des frais nécessaires exposés pour recouvrer sa créance (charges de copropriété réclamées de 23 867,22 euros + frais de recouvrement de 34 euros ' 4 315,24 euros).

La décision du premier juge sera infirmée uniquement en son montant.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

1) Sur la demande de l'appelante pour procédure abusive

Celle-ci ne développe aucun moyen au soutien de sa prétention. Elle en sera donc déboutée.

2) Sur la demande de l'intimé pour résistance abusive

La Sarl Vill'Apparts Meublés a procédé à un dernier règlement significatif de sa dette envers la copropriété le 23 août 2021, son dernier virement d'un montant de

5,24 euros datant du 3 février 2022. Elle a déjà été condamnée à deux reprises pour non-paiement de ses charges de copropriété. Le manquement à cette obligation essentielle qu'elle conteste pour partie de manière abusive est fautif. Il contribue au maintien de la dégradation financière de la copropriété, privée de sommes importantes nécessaires à la gestion et à l'entretien de l'immeuble. Ce préjudice financier, direct et certain, est distinct de celui compensé par les intérêts moratoires. La responsabilité délictuelle de la Sarl Vill'Apparts Meublés est engagée.

Le jugement aux termes duquel celle-ci a été condamnée à indemniser le syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] à hauteur de 1 000 euros pour résistance abusive sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.

Partie perdante, la Sarl Vill'Apparts Meublés sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de la condamner aussi au paiement à l'intimé de la somme provisionnelle de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la Sarl Vill'Apparts Meublés à payer au syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] la somme de 20 000 euros, à titre de provisions sur les charges de copropriété et frais de poursuite,

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la Sarl Vill'Apparts Meublés à payer au syndicat secondaire des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 3] situé entre la [Adresse 6] et la [Adresse 7] à [Localité 5] les sommes provisionnelles suivantes :

- 19 585,98 euros au titre des charges de copropriété arrêtées au 20 mars 2023 et des frais de recouvrement,

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Vill'Apparts Meublés aux dépens d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,