CA Douai, 8e ch. sect. 1, 18 avril 2024, n° 22/01038
DOUAI
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Eco Environnement (Sasu), Cofidis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Benhamou
Vice-président :
M. Vitse
Conseiller :
Mme Ménegaire
Avocats :
Me Ghestem, Me Vennin, Me Desmon, Me Zeitoun, Me Hélain
EXPOSE DU LITIGE
Le 8 mars 2016, M. [C] [P] a contracté auprès de la société Eco environnement une prestation relative à la fourniture et l'installation d'un système photovoltaïque et d'un kit Mylight d'un montant de 23'900 euros TTC, dans le cadre d'un démarchage à domicile, suivant bon de commande n° 180182.
Le même jour, afin de financer cette opération, M. [P] et Mme [U] [K] épouse [P] ont accepté une offre préalable de crédit affecté auprès de la société Cofidis exerçant sous l'enseigne « Sofemo financement » d'un montant de 23'900 euros, remboursable en 180 mensualités, précédées d'un différé de paiement de 11 mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 4,64 %.
Par acte d'huissier du 4 mars 2021, M. [P] et Mme [K] ont fait assigner en justice les sociétés Eco environnement et Cofidis aux fins de voir prononcer notamment la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement contradictoire du 3 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
- déclaré le juge des contentieux de la protection de Lille compétent pour connaître des demandes incidentes de la société Cofidis à l'encontre de la société Eco environnement,
- débouté M. [P] et Mme [K] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné in solidum M. [P] et Mme [K] à payer à la société Eco environnement la somme de 850 euros, ainsi que la somme de 850 euros à la société Cofidis au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [P] et Mme [K] aux entiers dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 2 mars 2022, M. [P] et Mme [K] ont relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré le juge des contentieux de la protection compétent pour connaître des demandes incidentes de la sociétés Cofidis à l'encontre de la société Eco environnement.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 1er juin 2022, les appelants demandent à la cour de :
Vu les articles L. 111-1 et suivants, L. 121-17, L. 121-18, L. 121-21-1, L. 311-1 et L. 311-38, L. 311- 32 anciens du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date des contrats litigieux,
Vu les articles 1116, 1147, 1338 anciens du code civil dans leur rédaction applicable à la date des contrats litigieux,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille en date du 3 janvier 2022 en ce qu'il a :
- débouté M. [P] et Mme [K] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné in solidum M. [P] et Mme [K] à payer à la société Eco environnement la somme de 850 euros, ainsi que la somme de 850 euros à la société Cofidis au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [P] et Mme [K] aux entiers dépens de l'instance,
Statuer à nouveau :
- prononcer l'annulation du contrat conclu entre M. [P] et la société Eco environnement le 8 mars 2016,
- prononcer l'annulation de plein droit du contrat conclu entre les époux [P] et la société Cofidis le 8 mars 2016,
- juger qu'en conséquence de l'annulation du bon de commande, la société Eco environnement est condamnée à déposer les matériels installés au titre de l'exécution de ce contrat, à remettre en l'état l'habitation des époux [P], et à restituer à M. [P] le montant de sa commande soit la somme de 23'900 euros,
- juger qu'en conséquence de l'annulation du contrat de crédit affecté, la société Cofidis est déchue de son droit aux intérêts contractuels et la condamner à rembourser aux époux [P] le montant des mensualités du prêt remboursées par eux,
- juger que la société Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds,
- juger que la faute de la société Cofidis a causé un préjudice de 22'705 euros aux époux [P] et juger que la réparation du préjudice montant de 22'705 euros est déduit de la créance de la société Cofidis de restitution du capital de 23'900 euros, si bien que les époux [P] ne sont redevables à ce titre que de la somme de 1 195 euros,
- condamner solidairement la société Cofidis et la société Eco environnement à payer aux époux [P] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement solidaire des entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 24 août 2022, la société Cofidis demande à la cour de :
- infirmer le jugement sur la nullité encourue du bon de commande,
- confirmer le bon de commande sur la réitération du consentement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] et Mme [K] de l'intégralité de leurs demandes, qu'il s'agisse de la nullité sur le fondement des dispositions du code de la consommation ou sur le fondement du prétendu dol,
- déclarer M. [P] et Mme [K] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions,
- déclarer la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
y faisant droit,
- condamner M. [P] et Mme [K] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement,
à titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité des conventions sous quelque forme que ce soit,
- condamner solidairement M. [P] et Mme [K] à rembourser la société Cofidis le capital emprunté d'un montant de 23'900 euros au taux légal à compter l'arrêt à intervenir déduction à faire des échéances payées, en l'absence de faute de la société Cofidis et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,
à titre plus subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité des conventions et à dispenser M. [P] et Mme [K] du remboursement du capital,
- condamner la société Eco environnement à payer à la société Cofidis la somme de 35'235 euros au taux légal à compter l'arrêt à intervenir,
à titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société Eco environnement à payer à la société Cofidis la somme de 23'900 euros au taux légal à compter l'arrêt à intervenir,
en tout état de cause,
- condamner la société Eco environnement à relever et garantir la société Cofidis de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. [P] et Mme [K],
- condamner solidairement M. [P] et Mme [K] à payer à la société Cofidis une indemnité d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2022, la société Eco environnement demande à la cour de :
Vu les anciens articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation,
vu les articles 1338 et suivants et 1303-1 et suivants et 1231-1 du code civil
vu les articles L. 442-6 du code de commerce, 1171 et 1353 du code civil,
vu les anciens articles 1109, 1116 et 1138 du code civil,
vu l'article L. 312-56 du code de la consommation,
vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
- déclarer la société Eco environnement recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
- rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par les époux [P], et par la société Cofidis,
à titre principal,
* sur la réformation du jugement rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille en ce que le bon de commande conclu le 8 mars 2016 encourait la nullité,
- déclarer que le bon de commande du 8 mars 2016 est conforme aux dispositions du code de la consommation,
* sur la confirmation du jugement rendu le 3 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a débouté les époux [P] de leurs demandes de nullité du contrat,
- déclarer que les époux [P] ne pouvaient ignorer les prétendus vices de forme affectant le contrat,
- déclarer que par leurs actes volontaires d'exécution accomplis postérieurement à leur signature, les époux [P] ont manifesté leur volonté de confirmer les actes prétendument nuls,
- déclarer que la société Eco environnement n'a commis aucun dol à l'égard des époux [P],
En conséquence,
- débouter les époux [P] de leurs demandes tendant à voir prononcer l'annulation du contrat de vente conclu "le 26 septembre 2016",
à titre subsidiaire,
* sur les demandes indemnitaires formulées par la banque Cofidis à l'encontre de la société Eco environnement,
- déclarer que la société Eco environnement n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat conclu,
- déclarer que la société Cofidis a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnelle du crédit,
- réputée non écrite la clause de responsabilité du vendeur invoquée par la société Cofidis en raison de son caractère manifestement abusif,
- déclarer que les contestations relatives à la convention de crédit vendeur du 1er décembre 2015 est de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Lille,
- déclarer que la société Eco environnement n'est pas tenue de restituer à la société Cofidis les fonds empruntés par les époux [P] augmentés des intérêts,
- déclarer que la société Eco environnement ne sera pas tenue de restituer à la société Cofidis les fonds perçus,
- déclarer que la société Eco environnement ne sera pas tenue de garantir la société Cofidis,
- juger que la société Cofidis est mal fondée à invoquer la responsabilité délictuelle de la société Eco environnement,
- juger que la relation entre la société Eco environnement et la société Cofidis est causée nonobstant l'anéantissement du contrat conclu avec le consommateur,
en conséquence,
- débouter la banque Cofidis de toutes ses demandes formulées à l'encontre de la société Eco environnement,
en tout état de cause,
- débouter les époux [P] de l'intégralité leurs demandes indemnitaires,
- condamner solidairement les époux [P] à payer à la société Eco environnement la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l'action initiée par ces derniers,
- condamner solidairement les époux [P] à payer à la société Eco environnement la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner in solidum aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
La clôture de l'affaire a été rendue le 25 janvier 2024 et l'affaire plaidée à l'audience de la cour du 7 février 2024.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « constater, dire et juger » ne sont pas en l'espèce des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais le rappel des moyens.
Sur la nullité du contrat de vente
Les dispositions du code de la consommation sont celles issues de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.
En vertu des articles L. 121-18-1 du code de la consommation, les contrats conclus hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend, à peine de nullité, toutes les informations prévues au I de l'article L. 121-17, dont les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation, et lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 121-17.
Selon l'article L. 111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° le prix du bien ou du service en application de l'article L. 113-3 et L. 113-3-1,
3° en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que s'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son intéropérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles. La liste et le contenu de ces informations sont fixées par décret en conseil d'Etat ; (...)'
Aux termes de l'article L. 121-21 dans sa version applicable du 8 août 2015 au 1er juillet 2016, soit à la date du contrat de vente, issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 : « Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle.
Le délai mentionné au premier alinéa du présent article court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 121-16-2 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d'une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d'une commande d'un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien. »
M. [P] fait valoir que le contrat de vente est nul en ce qu'il comporte un bordereau de rétractation qui n'est pas conforme aux exigences légales au motif qu'il mentionne le point de départ du délai de rétractation de 14 jours à compter de la conclusion du contrat seulement, alors que l'article L. 121-21 précise que ce délai court à compter de la livraison des biens. Il ajoute que les caractéristiques essentielles des démarches administratives à la charge du vendeur ne sont pas précisées.
La société Cofidis et la société Eco environnement font valoir que le délai de rétractation court à non pas à compter de la livraison des biens, mais à compter de la conclusion du contrat en vertu de l'article L. 121-21 du code de la consommation, en sorte que le bordereau de rétractation est parfaitement régulier. La société Cofidis soutient que les dispositions en vigueur de l'article L. 121-21 avaient été reproduites dans les conditions générales de sorte que l'acheteur avait été correctement informé des modalités d'exercice de ce droit, cependant que la venderesse soutient que la loi ne prévoit pas de délai de rétractation pour la livraison de panneaux photovoltaïques et que l'acheteur a bénéficié d'un délai de rétractation suite à la conclusion du contrat le 8 mars 2016, la pose n'ayant eu lieu que le 5 avril 2016.
Cependant, c'est à juste titre que les appelants invoquent l'irrégularité du bordereau de rétractation qui ne visait que la date de conclusion du contrat de vente comme point de départ du délai de rétractation, alors que l'article L. 121-21 fixait le point de départ du délai de rétractation à la date de réception du bien pour les contrats de vente de biens et de prestations de service incluant la livraison du bien comme en l'espèce, le consommateur pouvant exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat pour les contrats conclus hors établissement, mais ne perdant pas la faculté de rétractation offerte dans le délai de livraison du bien.
De plus, la cour constate la reproduction de l'article L. 121-21 du code de la consommation dans les conditions générales est tronquée, elle ne reprend pas la phrase « Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat. »
Dès lors, il est manifeste que M. [P] n'a pas reçu une information correcte et complète quant à sa faculté de rétractation sur le bordereau de rétractation, ni aux termes des conditions générales de vente.
Le bon de commande litigieux est donc irrégulier au regard des dispositions du code de la consommation, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, ce qui entraîne sa nullité sans que le consommateur ait à démontrer le caractère déterminant pour son consentement des informations manquantes, s'agissant d'une nullité d'ordre public.
Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article 1338 du code civil dans sa version antérieure à de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable à la date de conclusion du contrat que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.
La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.
Il ne ressort d'aucun des éléments aux débats que M. [P] ait eu conscience du vice affectant le bordereau de rétractation au moment de la souscription du contrat ou de son exécution, et ce d'autant plus que la reproduction de l'article L. 121-21 aux conditions générales était tronquée, de telle manière qu'aucun de ses agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité.
En conséquence, réformant le jugement entrepris, aucune confirmation de la nullité ne saurait être caractérisée, et le contrat de vente du 8 mars 2016 sera annulé pour irrégularité formelles, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la demande de nullité formée sur le fondement du dol
La société Eco environnement est donc condamnée à restituer à M. [P] le prix de vente de 23 900 euros, ainsi qu'à procéder, à ses frais, à la dépose du matériel installé au domicile de M. [P] et Mme [K] et à la remise en état de leur habitation.
Sur la nullité du contrat de crédit,
En application du principe de l'interdépendance des contrats consacré par l'article L.311-32 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il convient en conséquence de réformer le jugement et de constater l'annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 8 mars 2016 entre M. [P], Mme [K] et la société Cofidis.
Sur les conséquences de l'annulation du contrat de crédit,
Il est rappelé que les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats.
Il résulte des articles 1147 du code civil devenu 1231-1, L. 311-31 et L. 311-32 devenus L. 312-48 et L. 312-55 du code de la consommation que l'annulation du contrat de vente ou de prestation de services emporte celle du contrat et que l'emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute.
L'annulation du contrat de crédit emporte également pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.
Il est constant que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur prouve avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
Dès lors, en versant les fonds au vendeur sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal, alors que l'irrégularité du bordereau de rétractation et partant, du contrat de vente était manifeste et que les vérifications qui lui incombent lui auraient permis de constater que le contrat principal était entaché de nullité, la société Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds.
M. [P] et Mme [K] font valoir qu’ils subissent un préjudice dans la mesure où ils ont perdu une chance de se rétracter. Toutefois, ils ne démontrent pas qu'ils avaient l'intention d'user de cette faculté dans le délai légal et qu'ils en ont été empêchés à raison de l'information incomplète qu'ils ont reçu.
Par ailleurs, il ressort des justificatifs produits, notamment du contrat d'achat d'énergie signé par M. [P] et la société Electricité de France le 17 juin 2017, et des factures d'achat d'électricité que l'installation en cause a été dûment et effectivement mise en service et produit de l'énergie, et que M. [P] sur lequel repose le fardeau de la preuve, ne prouve nullement que l'installation de panneaux photovoltaïques a connu ou connaîtrait des dysfonctionnements (notamment en produisant un procès-verbal de constat d'huissier).
Enfin, de par l'effet de plein droit de l'annulation du contrat de vente prononcée, la société Eco environnement qui ne fait l'objet d'aucune procédure collective et est in bonis, doit restituer le prix de vente à M. [P], lequel correspond au capital emprunté devant être restitué à la banque.
Par suite, il ne résulte d'aucun élément objectif du dossier que M. [P] auquel incombe la charge de la preuve, aurait subi un préjudice corrélé aux fautes imputables à la société Cofidis de telle manière que celle-ci ne peut être privée, même partiellement, de sa créance de restitution.
Dès lors, réformant le jugement, M. [P] et Mme [K] seront solidairement condamnés à restituer à la société Cofidis la somme de 23 900 euros, avec intérêts au taux légal compter de l'arrêt, sous déduction de l'ensemble des sommes versées par eux quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit.
Sur les demandes de la société Cofidis à l'encontre de la société Eco environnement,
Il est rappelé que la société Cofidis demande à titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité des conventions et à dispenser M. [P] et Mme [K] du remboursement du capital, de condamner la société Eco environnement à payer à lui payer la somme de 35'235 euros au taux légal à compter l'arrêt à intervenir, et à titre infiniment subsidiaire, de la condamner à verser la somme de 23'900 euros au taux légal à compter l'arrêt à intervenir, et ce, sur le fondement d'une convention de crédit vendeur signée entre la banque et la société venderesse le 1er décembre 2015, à défaut sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou encore de l'enrichissement sans cause.
Toutefois, les emprunteurs n'ayant pas été dispensés de restituer le capital emprunté à la société Cofidis, les demandes de cette dernière formées à subsidiaire sont sans objet.
La banque sollicite, "en tout état de cause", à être garantie par la société Eco environnement de toute condamnation qui serait éventuellement mises à sa charge.
Mais la banque ayant elle-même commis des fautes lors du déblocage des fonds, elle sera déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de la société Eco environnement.
Sur la demande de la société Eco environnement de dommages et intérêts pour procédure abusive
En application de l'article 1240 du code civil et de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice du droit d'agir en justice ne dégénère en abus susceptible ouvrir droit à des dommages et intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, une malveillance manifeste ou une légèreté blâmable.
La société Eco environnement ne rapporte pas la preuve de ce que M. [P] et Mme [K], dont l'action prospère à son encontre, ont commis une faute en engageant la procédure. La demande indemnitaire de la société Eco environnement est par conséquent rejetée.
Sur les demandes accessoires,
Le jugement entrepris est réformé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
La société Eco environnement, qui succombe principalement, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de condamner la société Eco environnement à payer à M. [P] et Mme [K] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La société Cofidis est déboutée de sa demande à ce titre formée contre M. [P] et Mme [K].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Réforme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Annule le contrat de vente n° 180182 conclu le 8 mars 2016 entre M. [P] et la société Eco environnement ;
Constate la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté n° 185200042100054147801 conclu le 8 mars 2016 entre M. [P] et Mme [K] d'une part, et la société Cofidis, d'autre part ;
Condamne la société Eco environnement à restituer à M. [P] la somme de
23 900 euros correspondant au prix de vente de l'installation photovoltaïque, objet du contrat de vente conclu le 8 mars 2016 ;
Condamne la société Eco environnement à procéder, à ses frais, à la dépose des matériels installés objet du contrat de vente du 8 mars 2016 et à remettre dans son état initial l'habitation des M. [P] et Mme [K] ;
Condamne M. [P] et Mme [K] à restituer à la société Cofidis le capital emprunté d'un montant de 23 900 euros, augmenté des intérêts légaux à compter de l'arrêt, sous déduction de l'ensemble des sommes versées par M. [P] et Mme [K] à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit ;
Rejette les demandes en paiement et en garantie formées par la société Cofidis à l'encontre de la société Eco environnement ;
Déboute la société Eco environnement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la société Eco environnement à payer à M. [P] et Mme [K] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par la société Cofidis contre M. [P] et Mme [K] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Eco environnement aux dépens de première instance et d'appel.