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Décisions

CA Papeete, cabinet b, 11 avril 2024, n° 23/00201

PAPEETE

Arrêt

Autre

CA Papeete n° 23/00201

11 avril 2024

N° 122

SE

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Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Guédikian,

le 17.04.2024.

Copie authentique délivrée à :

- Me Canevet,

le 17.04.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 11 avril 2024

RG 23/00201 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 135, rg n° 23/00086 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 5 juin 2023 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 21 juin 2023 ;

Appelants :

Mme [I] [O], demeurant à [Adresse 2] ;

La Sarl Temae, société à responsabilité limitée, immatriculée au Rcs sous le n° 21127 B dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la peronne de sa gérante : Mme [I] [O] ;

Représentées par Me Mikaël CANEVET, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

La Sci Linda, n° Tahiti 014274 dont le siège social et sis [Adresse 1], prise en la personne de son gérant ;

Représentée par Me Gilles GUEDIKIAN, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 15 décembre 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 14 mars 2024, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de président, M. RIPOLL et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Faits :

Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 30 avril 2021, la SARL Temae s'est vue céder un fonds de commerce de soins et esthétique corps et visage à l'enseigne 'No comment esthétique', ledit fonds comprenant notamment un droit au bail portant sur un local commercial situé à [Adresse 3], d'une surface de 43 m2.

En vertu d'un acte reçu le 6 juillet 2021, la SCI Linda, bailleresse, a consenti à la SARL Temae un renouvellement du bail commercial pour une durée de 9 années à compter rétroactivement du 9 mai 2021, moyennant le paiement d'un loyer de 120 000 F CFP.

Mme [I] [O] déclarait se porter caution personnelle et solidaire de la SARL Temae.

A la suite d'un incident de paiement, et aux termes d'un exploit d'huissier reçu le 8 mars 2022 par Mme [I] [O], la SCI Linda a fait délivrer à la SARL Temae un commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée au bail pour paiement de la somme de 360 000 F CFP au titre des loyers impayés.

S'il était procédé au règlement de cette somme dans le délai imparti, la société bailleresse se voyait à nouveau contrainte de délivrer à la société preneuse un commandement de payer en date du 23 février 2023 pour paiement de la somme en principale de 238 429 F CFP au titre des loyers impayés.

Procédure :

Par requête enregistrée au greffe le 03 avril 2023 et suivant acte d'huissier du 31 mars 2023, puis conclusions ultérieures, la SARL Linda a fait assigner la SARL Temae et Mme [I] [O] devant le tribunal civil de première instance de Papeete aux fins de voir constater la résiliation du contrat de bail par acquisition de la clause résolutoire.

Par ordonnance de référé n° RG 23/00086 en date du 05 juin 2023, le juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete a :

- Constaté, à compter du 24 mars 2023, l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial en date du 6 juillet 2021;

- Ordonné l'expulsion de la SARL Temae ainsi que celle de tout occupant de son chef, du local commercial, situé à [Adresse 3], 1er étage à droite, en tant que de besoin avec le concours de la force publique et sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard passé le délai de huit jours suivant la signification de la présente décision, l'astreinte courant pendant 3 mois;

- Condamné solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O] à payer à la SCI Linda, une provision de 335 026 F CFP à valoir sur le montant des loyers impayés arrêtés au 31 mars 2023 ;

- Condamné solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O] au paiement d'une indemnité d'occupation de 120 000 F CFP par mois au bénéfice de la SCI Linda, à compter du 1er avril 2023 et jusqu'à complète libération des lieux ;

- Rappelé que l'ordonnance est exécutoire par provision ;

- Condamné solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O] à payer à la SCI Linda, la somme de 50 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de commandement du 23 février 2023.

La SARL Temae et Mme [I] [O] ont relevé appel de cette ordonnance par requête enregistrée au greffe le 21 juin 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2023, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 08 février 2024, renvoyée à l'audience du 14 mars 2024 pour cause de fermture du palais de Justice en raison du risque cyclonique.

A l'issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 11 avril 2024 par mise à disposition au greffe.

Prétentions et moyens des parties :

La SARL Temae et Mme [I] [O], appelants, demandent à la Cour au terme de sa requête d'appel, de :

- Infirmer l'ordonnance de référé n°139 en date du 5 juin 2023 en toutes ses dispositions,

- Accorder à la société SARL Temae un rééchelonnement, sur une période de 24 mois, de sa dette à l'égard de la société SCI Linda,

- Dépens comme de droit.

La SCI Linda, intimé, par dernières conclusions régulièrement transmises le 11 décembre 2023 demande à la Cour de :

- Débouter la SARL Temae et Mme [I] [O], de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Confirmer l'ordonnance de référé du 05 juin 2023 en ce qu'elle a :

- condamné solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O], au paiement d'une indemnité d'occupation de 120 000 F CFP par mois au bénéfice de la SCI Linda à compter du 1er avril 2023 jusqu'à sa complète libération des lieux, et a constaté à compter du 24 mars 2023, l'admission de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial en date du 06 juillet 2021,

- ordonné l'expulsion de la SARL Temae ou celle de tout occupant de son chef de son local commercial situé à [Adresse 3], 1er étage, à droite, et ce sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard, dès la signification de la décision à intervenir, courant pendant trois mois et, passé ce délai, au besoin avec le concours de la force publique,

- L'infirmer sur le montant des condamnations,

Statuant à nouveau,

- Condamner solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O] à payer à la SCI Linda la somme provisionnelle de 1 476 035 F CFP, au titre des arriérés sur charges, loyers et indemnité d'occupation provisoirement arrêtée au mois de décembre 2023,

- Condamner solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O] au paiement d'une somme de 200 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. L'exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l'effet d'y répondre.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance attaquée

La SARL Temae et Mme [I] [O] souhaitent voir infirmer l'ordonnance de référé du 5 juin 2023 en totalité, mais en fait de moyens ne met en avant que les dispositions lui permettant de bénéficier d'un échelonnement de sa dette.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation du caractère non sérieusement contestable des obligations résultant du contrat devant conduire à sa résiliation, faute pour la locataire d'avoir acquitté les sommes dues au titres des loyers impayés après commandant de payer régulièrement délivré, et à l'octroi d'une provision au titre des sommes dues en exécution du contrat de bail par la SARL Temae et de la caution consentie par Mme [I] [O] ; il convient en conséquence de confirmer la décision sur la résilitation du bail, l'astreinte, les provisions pour loyers impayés et la condamnation à l'indemnité d'occupation.

Sur la demande d'actualisation du montant de la provision :

Le premier juge avait condamné solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O] à payer à la SCI Linda, une provision de 335 026 F CFP à valoir sur le montant des loyers impayés arrêtés au 31 mars 2023 et au paiement d'une indemnité d'occupation de 120 000 F CFP par mois au bénéfice de la SCI Linda, à compter du 1er avril 2023 et jusqu'à complète libération des lieux.

La SCI Linda soutient que les loyers de juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2023 n'ont pas été réglé, alors même que la SARL Temae se maintient dans les lieux loués en dépit de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé.

Au total, les arriérés des charges et loyers s'élèvent à la somme de 1 075 606 F CFP. La SCi Linda demande donc à la cour de réactualiser le montant de la provision mise à la charge de la SARL Temae et Mme [I] [O].

Sur ce :

En vertu de l'article 433 du code de procédure civile de la Polynésie française, dans le cas où l'existence d'une obligation n'est pas contestable, le président peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La demande de la SCI Linda doit s'analyser en une demande de provision en ce qu'elle sollicite une réactualisation de la première provision accordée par le premier juge.

Cependant, l'ordonnance dont appel a bien prévu le paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2023 de 120 000 F CFP par mois, de sorte qu'il nepeut être réclamé, alors que la résiliation du bail est constatée judiciairement, l'application du contrat. La demande de réactualisation en appel doit donc être rejetée, la SCI Linda disposant par l'effet du présent arrêt confirmatif et de l'ordonnance confirmée d'un titre exécutoire pour récouvrer les sommes résultant de ces décisions.

Sur la demande d'octroi de délais de paiement :

Le 06 juillet 2021 la SCI Linda a consenti un renouvellement de bail commercial pour une durée de 9 années à la SARL Temae, moyennant un loyer de 120 000 F CFP hors charges et hors TVA.

Mme [I] [O] déclarait se porter caution personnelle et solidaire de la SARL Temae.

Le 23 février 2023, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré pour paiement de la somme de 238 429 F CFP au titre des loyers impayés pour la période des mois de janvier et février 2023.

La clause résolutoire a été acquise le 24 mars 2023 suite au défaut de paiement.

Le premier juge a condamné solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O] à payer à la SCI Linda, une provision de 335 026 F CFP à valoir sur le montant des loyers impayés arrêtés au 31 mars 2023.

La SARL Temae et Mme [I] [O] sollicitent un rééchelonnement de paiement sur une période de 24 mois en vertu de l'article L. 145-41 du code de commerce tel qu'applicable en Polynésie française. La SARL Temae soutient que le bailleur, la SCI Linda, n'est pas dans une situation financière qui lui impose de recouvrer les sommes réclamées immédiatement puisqu'elle fait partie du groupe Brasserie de Tahiti. La SARL Temae soutient également qu'elle est dans une situation financière difficile du fait de la crise covid et qu'elle n'est débitrice que de deux mois de loyers au moment de la signification du commandement de payer, ce qui correspond à la période de confinement d'août à septembre 2021.

La SCI Linda soutient que la SARL Temae fait preuve de mauvaise foi car l'épidémie du covid n'a rien à voir avec les difficultés du locataire à payer le loyer. En effet, deux ans après la fin du covid, le locataire n'est pas en mesure de s'acquitter de la somme de 120 000 F CFP au titre de son occupation des lieux, ni de payer les loyers courants.

Sur ce :

En vertu de l'article L. 145-41 du code de commerce tel qu'applicable en Polynésie française, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, peut en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Aux termes de l'article 1244-1 du code civil tel qu'applicable en Polynésie française, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

La bonne foi est la condition première et indispensable à l'application des articles précités. (Com. 30 avr. 1963 : Bull. civ. III, no 213.)

En l'espèce, les décomptes des sommes dues fournis par le bailleur permettent de constater que la SARL n'a pas payé les loyers de janvier à septembre 2023, ni les charges y afférentes correspondant à un montant total de 1 075 606 F CFP.

La SARL Temae invoque au soutien de sa demande que le covid est à l'origine de ses difficultés financières. Or, le commandement de payer du 23 février 2023 visait les mois de janvier et février 2023 alors que le confinement auquel elle fait référence dans ses conclusions concerne la période d'août à septembre 2021. La cour ne peut que constater la mauvaise foi du débiteur sur ce point.

De plus, la cour constate que la situation financière du débiteur et l'état de ses dettes locatives ne peuvent lui permettre de tenir les délais de paiement sollicités sur 24 mois puisqu'elle continue de ne pas régler les loyers depuis l'ordonnance attaquée en date du 05 juin 2023.

La demande de la SARL Temae concernant le rééchelonnement de sa dette sur une période de 24 mois sera donc rejetée.

Sur les frais et dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI Linda les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent de confirmer la décision du tribunal qui a condamné solidairement la SARL Temae et Mme [I] [O] à lui payer la somme de 50 000 F CFP, de condamner in solidum la SARL Temae et Mme [I] [O] à lui payer 200 000 F CFP au titre des frais d'appel non compris dans les dépens et de débouter la SARL Temae et Mme [I] [O] de leur demande au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Les dépens de première instance ont été justement mis à la charge solidairement de la SARL Temae et Mme [I] [O] et la décision enin solidum par la SARL Temae et Mme [I] [O] qui succombent conformément aux dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

CONFIRME l'ordonnance de référé n° RG 23/00086 en date du 05 juin 2023 du juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande de la SCI Linda de condamnation à une provision réactualisée ;

REJETTE la demande de rééchelonnement de sa dette de la SARL Temae ;

CONDAMNE in solidum la SARL Temae et Mme [I] [O] à payer à la S

CI Linda la somme de 200 000 F CFP (deux cent mille francs pacifique) au titre des frais d'appel non compris dans les dépens par application de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française ;

DEBOUTE la SARL Temae et Mme [I] [O] de leurs demandes au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

CONDAMNE in solidum la SARL Temae et Mme [I] [O] aux dépens.

Prononcé à Papeete, le 11 avril 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SEKKAKI