Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 18 avril 2024, n° 23/09102

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Gasel (SARL)

Défendeur :

Odalys Résidences (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pacaud

Conseillers :

Mme Leydier, Mme Neto

Avocats :

Me Badie, Me Morabito, Me Merger, Me Baboin

TJ Aix-en-Provence, du 13 juin 2023, n° …

13 juin 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

La société par actions simplifiée (SAS) Odalys Résidences a pour activité principale l'exploitation de résidences de tourisme.

Elle exploite notamment une résidence dénommée '[Adresse 10]' sise [Adresse 4].

Les lots de celle-ci appartiennent à des investisseurs privés qui les ont donnés à bail soit à la SAS Odalys Résidences soit à la société Odalys Groupe.

Les baux commerciaux ainsi conclus incluent un article 6 qui stipule que de convention expresse entre les parties, le loyer sera suspendu en cas de force majeure interrompant l'activité économique du lieu de situation des biens loués (tels que tremblement de terre, pollution de toute nature, catastrophe naturelle, entrave administrative ou autre au libre accès aux lieux loués ou à la circulation des personnes ou des biens' ) ou d'événement amenant un dysfonctionnement dans l'activité du preneur notamment une quelconque modification dans la destination ou l'accès des parties communes ou encore leur mauvais entretien ou fonctionnement, étant entendu que cette disposition ne saurait s'appliquer dans l'éventualité où le preneur aurait le contrôle de l'entretien ou du fonctionnement desdites parties communes.

Par courrier en date du 23 mars 2020, la société Odalys Résidences a informé ses bailleurs qu'en raison de la pandémie de Covid 19, l'obligeant à fermer l'ensemble de ses établissements, elle cessait d'honorer le paiement de ses loyers à compter du 14 mars précédent et jusqu'à ce que les conditions normales de marché soient pleinement rétablies.

Le 12 juin 2020, elle sollicitait l'application d'une franchise de 30 % (correspondant à la période ayant couru du 14 mars au 1er juin 2020), imputée sur les 1er et 2ème trimestres 2020.

Le 20 janvier 2021, suite à la seconde période de fermeture administrative, elle proposait une nouvelle franchise, appliquée au prorata temporis des jours de fermeture (du 31 octobre au 14 décembre 2020), à hauteur de 12,23 %.

Estimant à 42,23 % pour l'année 2020 leur perte de loyers commerciaux, monsieur [A] [X] et madame [V] [X], monsieur [B] [Y], monsieur [G] [E] et madame [U] [E], la société à responsabilité limitée (SARL) [W] et la SARL Gasel ont fait assigner la SAS Odalys Résidences devant le président du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, statuant en référé, aux fins de l'entendre condamner à leur verser une provision à valoir sur les loyers impayés, comptes arrêtés au 31 décembre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2022 et leur capitalisation ainsi qu'une somme provisionnelle de 1 000 euros, chacun, à valoir sur leur préjudice moral et financier, outre la résistance abusive, et 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 13 juin 2023, ce magistrat a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SAS Odalys Résidences ;

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Odalys Résidences, tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [B] [Y], de la SARL [W] et de la SARL Gasel ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par les requérants ;

- renvoyé, en conséquence, ces derniers à saisir le juge du fond ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Il a notamment considéré :

- que l'action engagée devant lui portait sur une demande provisionnelle en paiement de loyers commerciaux, laquelle ne met en oeuvre aucune règle touchant le statut des baux commerciaux, en sorte qu'elle devait être tranchée par le tribunal judiciaire, lequel pouvait être, au choix des réquérants, celui du ressort où demeure la défenderesse ;

- que la clause attributive de compétence à la juridiction du lieu de situation de l'immeuble loué, insérée aux conditions générales des baux liant les parties, devait être réputée non écrite, les requérants n'ayant pas la qualité de commerçants ;

- que si M. [B] [Y] et la SARL Gasel avaient bien conclu leur bail commercial avec la SAS Odalys Groupe et la SARL [W] avec la SA Odalys, toutes deux immatriculées au régistre du commerce et des sociétés sous un numéro différent de la SAS Odalys Résidences, ces trois parties justifiaient d'un droit d'agir l'encontre de cette dernière dès lors que :

' le siège social de ces trois sociétés était situé au même endroit, soit [Adresse 6] ;

' les courriers des 23 mars, 12 juin et 28 juin 2021, émanaient de la société Odalys Groupe mais que la SAS Odalys Résidences y était mentionnée en bas de page ;

' la facture du 4 juin 2020 à l'attention de la SARL Gasel était établie par la SAS Odalys Résidences selon les règles de l'autofacturation ;

' la SARL [W] s'était vue signifier un congé, le 17 septembre 2021, à la requête de la SAS Odalys Résidences ;

- qu'il ne trouvait toutefois dans les éléments soumis à son appréciation, aucune pièce confirmant, avec l'évidence requise en référé, le montant de la créance locative de chaque requérant-bailleur, qui était non ventilée ni détaillée.

Selon déclaration reçue au greffe le 7 juillet 2023, M. [A] [X] et Mme [V] [X], M. [B] [Y], M. [G] [E] et Mme [U] [E], la SARL [W] et la SARL Gasel ont interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises, à l'exclusion du rejet de l'exception d'incompétence et des fins de non-recevoir.

Par dernières conclusions transmises le 18 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu'elle :

- confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

' rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la Odalys Résidences ;

' déclaré compétent territorialement le juge des référés du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence ;

' rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Odalys Résidences tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [B] [Y], la SARL [W] et la SARL Gasel ;

- l'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau, déclare leurs demandes recevables et bien fondées, et en conséquence :

' déboute la société Odalys Résidences de l'ensemble de ses demandes ;

' condamne la société Odalys Résidences à payer à titre de provision sur les loyers échus et dus les sommes suivantes, comptes arrêtés au 31 décembre 2021, avec les intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2022 et leur capitalisation :

' [X] : 2 430,75 euros ;

' [Y] : 12 094 euros ;

' [E] : 1 622,45 euros ;

' SARL [W] : 12 612,12 euros ;

' SARL Gasel : 7 502,76 euros ;

' condamne la société Odalys Résidences à payer à chaque appelant la somme de 1 000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts, correspondant au préjudice moral et financier, ainsi qu'à la résistance abusive subie, illustrée par le jusqu'au-boutisme du preneur malgré les arrêts rendus de la Cour de cassation du 30 juin 2022 et du 23 novembre 2022, faisant ainsi l'obligation aux bailleurs d'ester en justice ;

' condamne la société Odalys Résidences à payer à chaque appelant la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

' condamne la société Odalys Résidences aux dépens.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 19 mars 2023, conformément à l'avis de fixation envoyé aux conseils des parties le 5 septembre 2023.

Par dernières conclusions transmises le 27 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Odalys Résidences sollicite de la cour qu'elle :

- ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et accueille ses conclusions d'intimée numéro 2 ;

- statue ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par les requérants/bailleurs ;

- confirme l'ordonnance entreprise en ce que le premier juge a :

' dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision formées par les requérants/bailleurs ;

' renvoyé, en conséquence, les requérants/bailleurs à saisir le juge du fond ;

' débouté les requérants/bailleurs du surplus de leurs demandes ;

' laissé aux requérants/bailleurs la charge de leurs propres dépens ;

- juge qu'il existe des contestations sérieuses quant à l'existence de son obligation de payer aux requérants/bailleurs les arriérés de loyers afférents à la période allant du 14 mars au 1er juin 2020, du 31 octobre au 14 décembre 2020 (périodes de confinement ordonnées par le gouvernement et de fermeture de la résidence) ;

- juge que la demande des requérants/bailleurs n'est ni fondée, ni justifiée tenant

son argumentation juridique tant sur le fondement de l'article 6 des baux que sur la bonne foi et la possibilité de réduire le prix en cas d'exécution imparfaite ;

- juge que cinq des sept appelants ont accepté la première franchise de loyer à hauteur de 21,9 % et ne peuvent donc en solliciter le paiement ;

- juge que le défaut de paiement desdits loyers ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie du Covid 19 ;

- dise, en conséquence, n'y avoir lieu à référé sur les demandes provisionnelles des requérants/bailleurs ;

- les renvoie à mieux se pourvoir devant le juge du fond ;

- déboute les requérants/bailleurs de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamne chacun des requérants/bailleurs à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne in solidum les requérants/bailleurs aux entiers dépens d'instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de souligner, à titre liminaire, que la SAS Odalys Résidences n'a pas formé d'appel incident sur le rejet de son exception d'incompétence territoriale et des fins de non-recevoir soulevée en première instance pour dénier l'intérêt à agir, à son encontre, de M. [Y] et des SARL Gasel et [W].

La cour n'est donc pas saisie de ces moyens de défense.

1. Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l'ordonnance de clôture.

Par application des dispositions de ce texte, rapprochées de celles des articles 15 et 16 du même code, doivent également être considérées comme comme tardives les conclusions déposées le jour ou la veille de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l'avance.

L'article 803 du même code dispose : l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ... (elle) peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l'espèce, les appelants ont conclu le 18 mars 2024, veille de l'ordonnance de clôture dont la date avait été communiquée le 5 septembre 2023, et versé aux débats une pièce n° 38 correspondant a un arrêt rendu le 2 novembre 2023 par la juridiction de céans. Les intimés ont répliqué le 27 mars 2024.

A l'audience, avant l'ouverture des débats, les avocats de chacune des parties ont indiqué qu'ayant conclu la veille et postérieurement à l'ordonnance de clôture, ils sollicitaient sa révocation. La cour a donc, de l'accord général, révoqué ladite ordonnance puis clôturé à nouveau l'instruction de l'affaire, celle-ci étant en état d'être jugée.

2. Sur les demandes provisionnelles en paiement des loyers

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiales ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

En l'espèce, soutenant que son obligation de régler les loyers revendiqués par les intimés se heurte à des contestations sérieuses, la SAS Odalys Résidences se prévaut, pour justifier leur non-paiement entre les mois d'avril 2020 et décembre 2020, des conséquences, sur son activité de sous-location d'appartements et résidences de tourismes, des mesures prises par les pouvoirs publics pour limiter la propagation de la pandémie de Covid19.

Elle oppose plusieurs contestations sérieuses se rapportant mesures gouvernementales prises pendant ces périodes et à l'exécution de chaque contrat concerné.

1.1 Sur les contestations tenant à l'application des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus Covid-19

En application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 visant à faire face à l'épidémie de Covid 19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national.

En application de l'article 3, I, 2 , du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid 19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité.

Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résultait du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou services fournis.

Ces décrets ainsi que les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé ont précisé que l'interdiction de recevoir du public s'appliquait aux commerces dont l'activité n'était pas indispensable à la vie de la Nation et dont l'offre de biens ou services n'était pas de première nécessité.

Le I bis de l'article 10 du décret numéro 2020-548 du 11 mai 2020, a prévu que, sauf lorsqu'elles constituaient pour les personnes qui y vivaient un domicile régulier, les résidences de tourisme ne pouvaient accueillir du public.

Il en fût de même du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant de nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid 19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire qui, dans son article 41- I-2, a interdit aux résidences de tourisme d'accueillir du public, sauf lorsqu'ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier.

Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

La SAS Odalys Résidences fait valoir qu'étant exclusivement une société exploitant des résidences de tourisme, elle a été contrainte de fermer sa résidence 'Les Hauts de Balaruc', pendant les deux périodes dites de confinement, soit du 14 mars au 2 juin 2020, puis du 30 octobre au 15 décembre 2020, ne pouvant bénéficier de la dérogation des établissements de catégorie M selon les dispositions susvisées.

La SAS Odalys Résidences est effectivement une société exploitant des résidences de tourisme. En vertu de l'article D 321-1 du code du tourisme, la résidence de tourisme est un établissement commercial d'hébergement classé, faisant l'objet d'une exploitation permanente ou saisonnière. Elle est constituée d'un ou plusieurs bâtiments d'habitation individuels ou collectifs regroupant, en un ensemble homogène, des locaux d'habitation meublés et des locaux à usage collectif. Les locaux d'habitation meublés sont proposés à une clientèle touristique qui n'y élit pas domicile, pour une occupation à la journée, à la semaine ou au mois. Elle est dotée d'un minimum d'équipements et de services communs. Elle est gérée, dans tous les cas, par une seule personne physique ou morale.

Les baux commerciaux signés par les appelants stipulent que les locaux sont loués à usage de résidence de tourisme, devant faire l'objet d'une exploitation de nature para-hôtelière.

En vertu de ces éléments, la résidence 'Les Hauts de Balaruc', gérée par la SAS Odalys Résidences, n'avait pas vocation à accueillir une clientèle pouvant y élire un domicile régulier, de sorte qu'elle ne pouvait déroger aux mesures gouvernementales de fermeture pendant les deux périodes de confinement de l'année 2020. La fermeture de l'établissement à l'automne 2020, comme au printemps 2020, ne peut donc être imputée à un choix d'exploitation propre à la société.

S'agissant de l'année 2021, les mesures de confinement ont été remplacées par des restrictions ponctuelles de circulation dont il n'est pas contestable qu'elles ont impacté, sans l'empêcher, l'exploitation de ses résidences de tourisme par la société Odalys Résidences. C'est ainsi que :

- le décret n° 2021-296 du 19 mars 2021 a interdit les déplacements de personnes en dehors de leur lieu de résidence entre 19 heures et 6 heures du matin, sauf exception parmi lesquelles ne figuraient pas les déplacements touristiques ;

- le décret n° 2021-308 du 23 mars 2021 a interdit en outre, dans 19 départements, tout déplacement de personnes les conduisant à la fois à sortir d'un périmètre défini par un rayon de 30 kilomètres autour de leur lieu de résidence et de leur département, sauf exceptions parmi lesquelles ne figuraient pas les déplacements touristiques ;

- le décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 a interdit tout déplacement hors de son lieu de résidence, entre 19 heures et 6 heures, sauf exceptions parmi lesquelles ne figuraient pas les déplacements touristiques ;

- le décret n° 2021-606 du 18 mai 2021 a interdit tout déplacement hors de son lieu de résidence, entre 21 heures et 6 heures, sauf exceptions parmi lesquelles ne figuraient pas les déplacements touristiques.

Il convient néanmoins de rappeler que des dispositions ont été prises pendant la période d'urgence sanitaire afin de proroger des délais échus et adapter les procédures, et en particulier l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, portant sur les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles avaient pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité était affectée par la propagation de l'épidémie de Covid 19 et l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 réglementant les conséquences d'un défaut de paiement des loyers et charges par des entreprises éligibles à un dispositif et dont l'activité était affectée par une mesure de police administrative (réglementation de l'ouverture au public d'établissements recevant du public et des lieux de réunion, d'une part, fermeture provisoire de ces mêmes établissements et lieux, d'autre part).

Or, aucune de ces dispositions n'effaçait ou n'ouvrait la voie à une réduction des loyers échus, ni n'interdisait au bailleur de faire délivrer à son locataire un commandement de payer pendant la période juridiquement protégée. Elles suspendaient seulement les effets dudit acte pendant une durée qui était différente selon que le locataire remplissait ou non les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides financières financées par le fonds de solidarité.

Ainsi, s'il apparaît que les loyers, non réglés par la SAS Odalys Résidences, portent sur des périodes judiquement protégées, les dispositions susvisées ne l'ont pas dispensée de son obligation contractuelle de les payer, pas plus qu'elles n'ont eu pour effet et/ou conséquence d'ouvrir une quelconque possibilité d'en suspendre le paiement ou de les affecter unilatéralement d'un coefficient de minoration.

De jurisprudence constante, fixée par trois arrêts de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 30 juin 2022 (pourvois n° 21-19.889, 21-20.127 et 21-20.190), les mesures de confinement et restriction de circulation précitées ne sont, en matière de baux commerciaux, susceptibles de caractariser :

- ni un manquement à l'obligation de délivrance du bailleur sur le fondement des dispositions de l'article 1719 du code civil susceptible d'engendrer un trouble de jouissance ou de permettre la mise en jeu de l'exception d'inexécution prévue par l'article 1219 du même code ;

- ni un cas de force majeure opposable dès lors qu'elles ne caractérisent aucune impossibilité de payer les loyers et que le créancier, qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit, ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant cette notion (article 1218 du code civil) ;

- ni une perte partielle ou totale de la chose louée, susceptible de fonder une diminution du loyer au sens de l'article 1722 du code civil, dès lors que ces interdictions étaient générales, temporaires, avaient pour seul objectif de préserver la santé publique et étaient sans lien avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.

Au demeurant, après avoir soulevé ces moyens dans plusieurs procédures, dont deux conclues par des arrêts de la cour de céans en date des 27 octobre 2022 et 2 novembre 2023, la société Odalyse Résidences recentre son argumentation sur l'exigence d'une bonne foi contractuelle, l'application des dispositions de l'article 1223 du code civil et les stipulations propres aux baux litigieux.

1.2 Sur le moyen tiré de la bonne foi contractuelle

Aux termes de l'article 1104 du code civil, anciennement 1134, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Sur le fondement des dispositions de ce texte, les parties doivent rechercher si une adaptation des modalités d'exécution de leurs obligations respectives est nécessaire en cas de circonstances particulières.

Il reste que le fait de demander à son cocontractant une modification de ses obligations contractuelles ne dispense pas la partie qui en a pris l'initiative de les exécuter, tant que la négociation du contrat n'a pas abouti, et, en particulier pour un preneur, de continuer à régler ses loyers.

Or, en appliquant une franchises de loyers de 42,23 % au titre de l'année 2020, la SAS Odalys Résidences a, de toute évidence, entendu modifier unilatéralement les stipulations contractuelles.

Au demeurant, le courrier qu'elle a envoyés à ses bailleurs, le 12 juin 2020, ne laissaient guère le choix à ces derniers puisqu'il leur était expressément signifié qu'en cas de non accord formel de (leur) part, (elle se résevait) le droit d'adapter le loyer ... en fonction du chiffre d'affaire réalisé et constaté ...

En outre, la bonne foi contractuelle de la SAS Odalys Résidence peut, elle-même, être questionnée puisqu'elle reconnaît avoir bénéficié d'un prêt garanti par l'Etat correspondant au maximum autorisé, à savoir 25 % du CA 2019 (soit 57 millions d'euros). Elle a également perçu d'autres aides étatiques que, les responsables politiques, au premier rang desquels le Ministre de l'économie et des finances, entendaient voir en partie orientées vers le paiement des loyers des petits propriétaires bailleurs, comme en attestent les nombreuses communications versées aux débats.

Il résulte enfin des comptes publiés de la SAS Odalys Résidences, intégrés dans les conclusions des appelants (page 37) et non contestés par l'intimée, qu'elle a quand-même réalisé un chiffre d'affaire de 175 millions d'euros en 2020 et 154 millions en 2021, soit seulement 23,2 % puis 32,4 % de moins qu'en 2019.

Enfin, la résidence 'Les Hauts de Balaruc' apparaît comme étant fermée entre le 31 octobre et 1er avril de chaque année, sur le site internet d'Atout France, en sorte que la retenue de loyer opérée en considération du second confinement de l'année 2020 (31 octobre au 14 décembre 2020), apparaît pour le moins contestable.

Dans ces conditions, en imposant à ses bailleurs la suspension du paiement de ses loyers, sans solliciter du juge l'autorisation de ne pas respecter son obligation première consistant à régler ses loyers, la SAS Odalys Résidences ne peut sérieusement opposer aux intimés un manquement à leur obligation d'exécuter les contrats de bonne foi.

Le moyen tiré d'un manquement à la bonne foi contractuelle ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

1.3 Sur la possibilité de réduire le 'prix'

L'article 1223 du code civil dispose : En cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix.

La SAS Odalys Résidences rappelle qu'aux termes des baux commerciaux signés par les parties, les bailleurs avaient l'obligation de délivrer des locaux permettant l'exploitation de l'activité prévue au bail et donc une jouissance paisible des lieux. Or, les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 ainsi que le décret du 28 octobre 2020 ont, selon elle, rendu impossible l'exploitation des biens donnés à bail conformément à leur destination commerciale en sorte que ces fermetures administratives ont engendré un manquement ou une exécution imparfaite de l'obligation de délivrance des bailleurs justifiant la mise en oeuvre de franchises de loyers.

Néanmoins, l'effet des mesures générales et temporaires concernant la fermeture au public de certains établissements, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché une 'exécution imparfaite de la prestation'. En effet, pendant la crise sanitaire, ils ont continué à laisser les locaux loués à la disposition de leur locataire, satisfaisant ainsi à leur obligation de délivrance et de jouissance paisible de la chose louée.

En outre, comme indiqué supra, la résidence 'Les Hauts de Balaruc' apparaît comme étant fermée entre le 31 octobre et 1er avril de chaque année, sur le site internet d'Atout France, en sorte que la retenue de loyer opérée en considération du second confinement de l'année 2020 (31 octobre au 14 décembre 2020), apparaît pour le moins contestable.

La SAS Odalys, n'était donc pas fondée à leur notifier une réduction du prix, entendu ici comme le loyer, sur le fondement des dispositions de l'article 1223, précité, du code civil.

Le moyen tiré de 'l'exécution imparfaite de la prestation'ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

1.4 Sur le moyen tiré de l'application des stipulations contractuelles

Les baux commerciaux conclus par les appelants avec les sociétés du groupe Odalys incluent un article 6 qui stipule que de convention expresse entre les parties, le loyer sera suspendu en cas de force majeure interrompant l'activité économique du lieu de situation des biens loués (tels que tremblement de terre, pollution de toute nature, catastrophe naturelle, entrave administrative ou autre au libre accès aux lieux loués ou à la circulation des personnes ou des biens' ) ou d'événement amenant un dysfonctionnement dans l'activité du preneur notamment une quelconque modification dans la destination ou l'accès des parties communes ou encore leur mauvais entretien ou fonctionnement, étant entendu que cette disposition ne saurait s'appliquer dans l'éventualité où le preneur aurait le contrôle de l'entretien ou du fonctionnement desdites parties communes.

L'application de cette clause suppose donc, pour le preneur, de démontrer soit un cas de force majeure interrompant l'activité touristique du lieu de situation des biens loués soit un évènement amenant un dysfonctionnement dans l'activité du preneur.

Concernant la force majeure, l'article 1148 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable aux baux litigieux conclus avant le 1er octobre 2016, dispose qu'il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

La société Odalys Résidences soutient que la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid 19 remplit les conditions pour être qualifiée d'événement de force majeure, les trois conditions d'extériorité, d'irrésistibilité et d'imprévisibilité étant réunies. Elle en déduit qu'elle est fondée à opposer aux bailleurs une suspension de son obligation de paiement des loyers et charges.

Il est néanmoins acquis que le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. En effet, celle-ci se caractérise par la survenance d'un événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, de sorte qu'il rende impossible l'exécution de l'obligation. Or, l'obligation de paiement d'une somme d'argent est toujours susceptible d'exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur. Elle n'est, par nature, pas impossible mais seulement plus difficile ou plus onéreuse.

Par ailleurs comme développé supra, la SAS Odalys Résidences a bénéficié d'un prêt garanti par l'Etat correspondant au maximum autorisé, à savoir 25 % du CA 2019 (soit 57 millions d'euros) alors qu'elle ne produit aucune pièce permettant d'évaluer sa perte de chiffre d'affaire et bénéfice. Elle a également perçu d'autres aides étatiques, parmi lesquelles un prêt de 1,2 million d'euros et une aide coût fixe de 10 millions d'euros, mesures que divers responsables politiques, au premier rang desquels le Ministre de l'économie et des finances, entendaient voir en partie orientées vers le paiement des loyers aux petits propriétaires bailleurs de résidence touristiques considérés comme 'captifs'. Elle a enfin réalisé un chiffre d'affaire de 175 millions d'euros en 2020 et 154 millions en 2021, soit en baisse de seulement 23,2 % puis 32,4 % par rapport à 2019. Elle ne soutient d'ailleurs pas s'être trouvée en situation de cessation de paiement, entendue comme l'impossibilité de faire face au passif exigible, incluant ses loyers, avec l'actif disponible au cours des quatre dernières années.

Il en résulte que les critères de caractérisation de la force majeure, citée par l'article 6 de contrats de baux des appelants, n'ayant pas été réunis, la société Odalys Résidences ne pouvait s'exonérer du paiement des loyers échus pendant le premier et deuxième confinement de 2020.

Au demeurant dans une affaire similaire où la SAS Odalys Résidences avait, au soutien de son pourvoi, invoqué une stipulation contractuelle similaire à l'article 6 précité, visant la force majeure interrompant l'activité touristique, la 3ème chambre civile de la cour de cassation a, par un arrêt en date du 30 juin 2022 (n° 21-20.127), dit n'y avoir lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'était manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Concernant l'application de la clause de supsension en raison de l'existence d'un 'évènement amenant un dysfonctionnement dans l'activité du preneur', il convient de relever qu'un tel évènement implique, sans qu'il soit nécessaire d'interpréter ladite clause, que le dysfonctionnement dans l'activité du preneur affecte matériellement les biens en eux-mêmes, qu'il s'agisse d'une modification dans la destination ou l'accès des parties communes voire de leur mauvais entretien ou fonctionnement.

En l'occurrence, même si les mesures décidées par les pouvoirs publics de fermeture et restrictions auxquelles se réfère l'appelante, notamment la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public et limitant la libre circulation des personnes, ont impacté les conditions d'exploitation de la résidence 'Les Hauts de Balaruc', il ne s'agit pas, de toute évidence, de dysfonctionnements ayant affecté les biens loués eux-mêmes.

En effet, la baisse de recettes qu'elles ont induite ne résulte pas de circonstances intrinsèques aux biens eux-mêmes dès lors qu'aucune mesure n'a été prise pour en interdire la jouissance effective et normale conformément à la destination auxquels ils étaient destinés. De même, aucune mesure n'a entraîné une modification des parties communes, leur mauvais entretien ou leur fonctionnement.

Enfin la clause de suspension de loyer dont s'agit (article 6) stipule elle-même qu'elle ne saurait trouver à s'appliquer, à tout le moins dans sa seconde alternative, liée à la survenance d'un événement amenant un dysfonctionnement dans l'activité du preneur, ... dans l'éventualité où le preneur aurait le contrôle de l'entretien ou du fonctionnement desdites parties communes. Or, la SAS Odalys Résidences n'a jamais cessé d'entretenir et de jouir de ces dernières.

Il en résulte que les moyens tirés des stipulations contractuelles ne constituent pas une contestation sérieuse à l'obligation de l'appelante de régler ses loyers.

1.5 Sur le montant des provisions à valoir sur la dette locative

Les appelants versent aux débats leurs extraits de compte bailleur, tenus par la société Odalys, mettant en exergue les 'montant facturés' et 'payés', HT et TTC, sur les périodes considérées. Ils récapitulent ensuite, dans un tableau nominatif, les 'montants annuels', attendus et versés, ainsi que 'leur perte de loyer', sur les années 2020 et 2021.

Ces sommes ne sont pas contestées, dans leur détail, par l'intimée qui se contente de préciser que M. et Mme [X], M. [Z] pour la SARL Gasel ainsi que M. et Mme [C] avaient accepté, par coupons-réponse des 16, 20 et 21 juin 2020, une réduction de 21,9 % des loyers dus au titre du premier semestre 2020.

Il n'appartient pas au juge des référé de se prononcer sur la valeur de cette acceptation en sorte que la constestation tirée de l'acceptation des bailleurs précités doit être considérée comme sérieuse. Elle a néanmoins déjà été prise en considération par les appelants qui soutiennent, sans être démentis, que le tableau qu'ils versent aux débats récapitule, pour chacun d'entre eux, les loyers impayés en tenant compte de ceux abandonnés.

Il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions formées par les requérants et de condamner l'intimée à payer, à titre provisionnel, les sommes suivantes :

- 2 430,75 euros à M. [A] [X] et Mme [V] [X], ensemble ;

- 12 094 euros à M. [B] [Y] ;

- 1 622,45 euros à M. [G] [E] et Mme [U] [E], ensemble ;

- 12 612,12 euros à la SARL [W] ;

- 7 502,76 euros à la SARL Gasel ;

De simples courriels ne pouvant valoir mise en demeure, ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2023, date de l'assignation. Lesdits intérêts seront capitalisés par année entière par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

3. Sur les demandes de provisions à valoir sur les préjudices subis et pour résistance abusive

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui a causé à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

En application des dispositions de ces textes, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette en dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Les intimés reprennent en appel les demandes de dommages intérêts formées devant le premier juge à titre de réparation de leur préjudice résultant du caractère abusif des moyens de défense de la société Odalys Résidences et de sa volonté manifeste de ne pas payer, constitutive d'une faute, celle-ci ayant, sans aucune décision de justice l'y autorisant, suspendu son obligation de paiement du loyer puis maintenu sa position nonobstant la jurisprudence majoritaire concernant ce type de contentieux.

Or, la simple résistance à une action en justice ne peut constituer un abus de droit, qui requiert que des circonstances particulières soient démontrées. Celles-ci ne saurait s'induire d'un désaccord avec la jurisprudence dominante de cours d'appel, voire même de la Cour de cassation, à laquelle un plaideur est en droit de résister en assumant néanmoins des risques financiers sur le terrain des frais irrépétibles et des dépens.

De plus, l'appréciation d'une faute commise par la société Odalys Résidences excède les pouvoirs du juge des référés et relève du juge du fond.

Enfin le préjudice financier allégué par les intimés est réparé par l'allocation d'intérêts moratoires alors que le préjudice moral, dont il est fait état, est invoqué de manière générique alors qu'il aurait mérité d'être développé et individualisé. Il est, de ce fait, insuffisamment caractérisé.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de provisions à valoir sur les préjudices subis et pour résistance abusive formulées par les intimés.

4. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Dès lors que la société Odalys Résidences succombe en cause d'appel et qu'elle n'a manifestement pas tenu compte des arrêts rendus par la 3ème chambre civile de la cour de cassation, le 30 juin 2022, sur les conséquences juridiques des mesures de confinement sur les baux commerciaux et de ceux précédemment rendus, les 27 octobre 2022 et 7 septembre 2023, par la cour de céans, dont un ayant statué sur la même clause contractuelle, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté les demandeurs initiaux de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens.

La société Odalys Résidences sera dès lors condamnée à verser à chaque bailleur, ainsi que précisé dans le dispositif de la présente décision, la somme de 1 200 euros pour les frais exposés en première instance et appel, non compris dans les dépens.

En tant que partie perdante, elle sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement.

Elle supportera enfin les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Rappelle qu'à l'audience, avant l'ouverture des débats, elle a, de l'accord général, révoqué l'ordonnance de clôture puis clôturé à nouveau l'instruction de l'affaire, celle-ci étant en état d'être jugée ;

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions déférées sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes de provisions à valoir sur les préjudices subis et pour résistance abusive formées par les intimés ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS Odalys résidence à payer, à titre provisionnel, les sommes suivantes :

- 2 430,75 euros à M. [A] [X] et Mme [V] [X], ensemble ;

- 12 094 euros à M. [B] [Y] ;

- 1 622,45 euros à M. [G] [E] et Mme [U] [E], ensemble ;

- 12 612,12 euros à la SARL [W] ;

- 7 502,76 euros à la SARL Gasel ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2023, lesquels seront capitalisés par année entière ;

Condamne la SAS Odalys Résidences à payer sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

- 1 200 euros à M. [A] [X] et Mme [V] [X], ensemble ;

- 1 200 euros à M. [B] [Y] ;

- 1 200 euros à M. [G] [E] et Mme [U] [E], ensemble ;

- 1 200 euros à la SARL [W] ;

- 1 200 euros à la SARL Gasel ;

Condamne la SAS Odalys Résidences aux dépens de première instance et d'appel.