CA Orléans, ch. com., 18 avril 2024, n° 22/00173
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
L'Ecureuil (Sasu)
Défendeur :
Société d’Exploitation des Anciens Etablissements Branger (AEB) (SAS), Socotec Equipements (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chegaray
Conseillers :
Mme Chenot, M. Desforges
Avocats :
Me Bourillon, Me Boidin, Me Cousseau, Me Rodier
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Pour les besoins de son activité d'élagage, la société L'Ecureuil a acquis auprès de la société d'exploitation des Anciens Etablissements Branger (ci-après AEB) une nacelle élévatrice sur plateau d'occasion, suivant bon de commande en date du 19 janvier 2015.
Le prix d'acquisition était de 38 440 euros TTC, mais il n'a été versé que 22 800 euros TTC du fait de la reprise d'une ancienne nacelle pour la somme de 15 600 euros TTC.
Ce véhicule, préalablement acheté neuf par la société AEB le 12 décembre 2005, a été vendu en l'état avec une garantie contractuelle de 6 mois après avoir été révisé et contrôlé, le 19 février 2015, par la société Socotec, organisme agréé.
Le 20 octobre 2015, alors que M. [X], gérant de la société L'Ecureuil, effectuait des opérations d'élagage dans la nacelle, celle-ci s'est écrasée au sol à la suite d'une rupture de l'ensemble de la base du bras.
Ce dernier a été conduit à l'hôpital, alors qu'il présentait une perforation de la joue, ainsi que des déchirures du muscle du bas du dos.
Une enquête pénale a été ouverte, laquelle a été classée sans suite.
Une expertise amiable a été diligentée par l'assureur de protection juridique de la société L'Ecureuil, conduisant à l'établissement d'un rapport en date du 21 juin 2016 par le cabinet Ader.
Cet expert a relevé, outre l'absence d'assurance du véhicule, le non-respect de la législation sécuritaire en ce que la vérification périodique de six mois était dépassée de deux mois, concluant que dans ces conditions, un recours à l'encontre des sociétés AEB, vendeur, et Nacelles Services, importateur de l'engin, apparaissait difficilement envisageable.
Par acte du 30 avril 2019, la société L'Ecureuil et son gérant, M. [J] [X], ont fait assigner devant le tribunal de commerce d'Orléans statuant en référés la société AEB et la société Socotec aux fins de voir ordonner une expertise matérielle et médicale et d'obtenir le versement d'une provision de 38 400 euros correspondant du prix d'acquisition du véhicule.
Par ordonnance en date du 20 juin 2019, le juge des référés du tribunal de commerce d'Orléans a rejeté la demande de provision mais a en revanche fait droit aux demandes d'expertises judiciaires tant matérielle que médicale.
M. [U] [K] a été désigné en qualité d'expert technique afin de procéder à l'examen du véhicule litigieux tandis que le Docteur [Y] était désigné en qualité d'expert médical afin de procéder à l'examen de M. [J] [X].
Dans son rapport remis le 4 décembre 2019, M. [K] a conclu à une rupture faisant suite à une « fissuration progressive liée à des contraintes cycliques liées à l'utilisation dans des positions variables », à une vétusté de la structure au moment de la vente au vu des fissures constatées, dont l'une réparée avant la vente, ainsi qu'à une « faiblesse conceptuelle au niveau de la virole qui n'a pas été prise en compte lors du dimensionnemment de celle-ci par le constructeur ». Il a indiqué en outre que « 91 à 94 % de la fatigue de la structure de la plate-forme élévatrice est liée à l'utilisation avant la vente » mais précisé qu' « un contrôle par un organisme agréé aurait très probablement permis de découvrir la fissuration de la virole et d'éviter l'accident si la périodicité réglementaire de 6 mois avait été respectée ».
Dans son rapport remis le 25 novembre 2019, le Docteur [Y] a conclu comme suit:
« - période de déficit fonctionnel total : 5 novembre 2015 et 16 novembre 2015,
- période de déficit fonctionnel partiel à 50 % : du 20 octobre 2015 jusqu'au 31 décembre 2015,
- période de déficit fonctionnel partiel à 10 % : du 1er janvier 2016 jusqu'à la consolidation, le 21 décembre 2017,
- période d'arrêt temporaire des activités professionnelles : du 20 octobre 2015 au 31 décembre 2015,
- souffrances endurées : 3,5 / 7
- déficit fonctionnel permanent : 3 %,
- préjudice esthétique temporaire : 2,5 / 7, puis 1,5 / 7 jusqu'à la consolidation,
- préjudice esthétique définitif : 1 / 7,
- pas d'incidence professionnelle,
- pas d'incidence sur les activités de loisir directement imputable,
- pas de frais futurs à la consolidation ».
Par acte du 23 mars 2020, la société L'Ecureuil et M. [J] [X] ont fait assigner les sociétés AEB et Socotec devant le tribunal de commerce d'Orléans aux fins principalement de les voir condamner in solidum à payer d'une part, à la société L'Ecureuil, la somme de 63 911,87 euros au titre de son préjudice matériel et financier, d'autre part, à M. [J] [X], la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par jugement du 18 novembre 2021, le tribunal de commerce d'Orléans a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société L'Ecureuil et de M. [J] [X] à l'encontre des sociétés AEB et Socotec,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société L'Ecureuil et M. [J] [X] à payer la somme de 1 500 euros à la société AEB et 1 500 euros à la société Socotec, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société L'Ecureuil et M. [J] [X] par moitié en tous les dépens, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 106,92 euros.
La société L'Ecureuil et M. [J] [X] ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 18 janvier 2022 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2022, la société L'Ecureuil et M. [J] [X] demandent à la cour de :
Vu les articles 1604 et suivants du code civil,
Vu les articles 1240 du code civil,
Subsidiairement, vu les articles 1625 et 1641 du code civil,
- déclarer recevables la société L'Ecureuil et M. [J] [X] en leur appel,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Orléans en date du 18 novembre 2021, en ce qu'il a :
' déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société L'Ecureuil et de M. [J] [X] à l'encontre des sociétés AEB et Socotec,
' débouté la société L'Ecureuil et M. [J] [X] de leurs demandes plus amples ou contraires,
' condamné la société L'Ecureuil et M. [J] [X] à payer la somme de 1 500 euros à la société AEB et 1 500 euros à la société Socotec au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la société L'Ecureuil et M. [J] [X] par moitié en tous les dépens y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 106,92 euros,
Statuant à nouveau :
- déclarer recevable et bien fondés les demandeurs en toutes leurs demandes,
Y faisant droit,
- condamner in solidum la SAS AEB Anciens Etablissements Branger SAS et la SA Socotec à payer à la SASU L'Ecureuil la somme de 63 911,87 euros au titre de son préjudice matériel et financier, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- condamner in solidum la SAS AEB Anciens Etablissements Branger SAS et la SA Socotec à payer à M. [J] [X] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SAS AEB Anciens Etablissements Branger et la Socotec aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SAS AEB Anciens Etablissements Branger et la Socotec à payer à chacun des requérants la somme de 3 000 euros,
- débouter la SAS AEB Anciens Etablissements Branger et la Socotec de leurs éventuels appels incidents, et en tout état de cause de toutes leurs demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires.
Dans ses conclusions notifiées le 6 juillet 2022, la Société d'Exploitation des Anciens Etablissements Branger demande à la cour de :
Vu les articles 1604 et suivants du code civil,
Vu les articles 1625 et 1626 du code civil,
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu l'article 1231-1 du code civil,
Vu les pièces,
À titre principal,
- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
À titre subsidiaire, si la cour devait déclarer recevable l'action de la société L'Ecureuil et de M. [X],
- juger mal fondée l'action de la société L'Ecureuil et de M. [X] fondée sur les articles 1641 et suivants du code civil,
- juger mal fondée l'action de la société L'Ecureuil et de M. [X] fondée sur les articles 1604 et suivants du code civil,
- juger mal fondée l'action de la société L'Ecureuil et de M. [X] fondée sur les articles 1625 et 1626 du code civil,
En conséquence,
- débouter la société L'Ecureuil et M. [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société AEB,
À titre infiniment subsidiaire :
- condamner la société Socotec à garantir et relever indemne la société AEB de toutes les condamnations qui seraient le cas échéant prononcées à son encontre,
- limiter la demande de la société L'Ecureuil à la somme maximale de 23 705,83 euros HT au titre du préjudice matériel,
- débouter M. [X] de sa demande au titre du préjudice moral et, à tout le moins, la réduire à de plus justes proportions,
En tout état de cause :
- condamner les succombants à l'instance à verser à la société AEB une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 6 juillet 2022, la société Socotec Equipements venant aux droits de la société Socotec France demande à la cour de :
- recevoir Socotec Equipements, venant au droit de Socotec France, en ses conclusions d'appel et l'y déclarer bien fondée,
Vu le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal de commerce d'Orléans,
Vu la mission de vérification technique des équipements confiée à Socotec Equipements aux termes d'une convention en date du 23 mars 2004,
Vu le rapport d'expertise de M. [U] [K],
Vu l'article 1240 du code civil,
- juger qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un manquement fautif de Socotec Equipements dans l'exercice de sa mission en lien avec la survenance du sinistre,
- relever que la périodicité réglementaire de 6 mois n'a pas été respectée par la société L'Ecureuil et M. [X],
- débouter en conséquence la société L'Ecureuil et M. [X] de l'ensemble de leurs demandes,
- ordonner la mise hors de cause de Socotec Equipements,
À titre subsidiaire,
- condamner la société AEB à garantir et relever indemne Socotec Equipements de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
- condamner tout succombant à verser à Socotec Equipements la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 janvier 2024. L'affaire a été plaidée le 8 février suivant et mise en délibéré à ce jour.
Motivation
MOTIFS :
En déclarant irrecevable comme prescrite l'action de la société L'Ecureuil et de M. [J] [X], les premiers juges n'ont statué que sur leur demande formée subsidiairement au titre des vices cachés, sans se prononcer sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme qu'ils invoquaient pourtant à titre principal.
Devant la cour et de la même manière que devant le tribunal, les appelants fondent leur demande principalement sur l'obligation de délivrance conforme de la société AEB, n'invoquant les garanties dues par le vendeur qu'à titre subsidiaire. Or seule la prescription de la demande fondée sur la garantie des vices cachés est soulevée par la société AEB, de sorte qu'un tel moyen d'irrecevabilité ne sera examiné, s'il y a lieu, qu'au stade de l'examen de cette demande subsidiaire.
Sur la conformité du véhicule vendu :
Si la non-conformité de la chose aux spécifications convenues par les parties est une inexécution de l'obligation de délivrance, en revanche la non-conformité de la chose à sa destination normale relève de la garantie des vices cachés prévue par l'article 1641 du code civil, suivant lequel « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Au cas présent, il n'est pas discuté par M. [J] [X] et sa société L'Ecureuil que la société AEB leur a livré un véhicule conforme aux spécifications convenues en amont. Les demandeurs n'ont d'ailleurs pas estimé nécessaire de produire le bon de commande du 19 janvier 2015.
Dès lors qu'il n'est pas prétendu par ces derniers que le véhicule livré ne correspond pas au véhicule commandé, leur demande indemnitaire ne peut prospérer sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance conforme découlant des articles 1604 et suivants du code civil.
Sur la garantie due par la société AEB en qualité de vendeur :
M. [J] [X] et la société L'Ecureuil recherchent subsidiairement la garantie de la société AEB en tant que vendeur, reproduisant dans leurs écritures l'article 1625 du même code suivant lequel cette garantie à deux objets : la possession paisible de la chose vendue d'une part, et les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires d'autre part.
Il n'y a pas lieu ici de s'attarder sur le premier aspect de cette garantie qui vise à assurer la possession paisible de la chose vendue, la société L'Ecureuil n'ayant pas souffert d'une éviction au sens de l'article 1626 du même code.
S'agissant en revanche de la garantie due au titre des défauts cachés de la chose vendue, celle-ci implique la démonstration, selon les précisions apportées par l'article 1641 du code civil :
- de l'existence d'un défaut rendant le véhicule acquis impropre à l'usage auquel il est destiné, ou diminuant cet usage de manière particulièrement significative,
- de son caractère non apparent,
- de son antériorité à la vente ou à la livraison du véhicule.
Par ailleurs l'article 1648 contraint l'action en garantie des vices cachés dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Pour conclure à la prescription de cette action, la société AEB soutient que la cause du sinistre était connue de façon certaine dès les conclusions du rapport d'expertise amiable du 21 juin 2016, ce qu'a d'ailleurs jugé le tribunal de commerce.
Toutefois ce rapport d'expertise privé n'a pas mis en évidence l'existence d'un défaut caché au sens de l'article 1641 précité, l'expert amiable n'ayant retenu, comme origine du sinistre, que le desserrage des écrous maintenant la nacelle sur le fût, mis en lien avec l'absence de contrôle du matériel dans le délai réglementaire de 6 mois.
Seul l'expert judiciaire, en concluant à une vétusté de la structure au moment de la vente et surtout à une faiblesse au niveau de la virole non prise en compte lors du dimensionnement de celle-ci par le constructeur, a pointé l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 susvisé.
Aussi il sera retenu que les requérants n'ont eu connaissance d'un tel vice qu'au jour de la notification de son rapport par l'expert judiciaire, soit le 5 novembre 2019.
Le délai de prescription de deux ans avait dès lors toujours cours au 23 mars 2020, date de l'acte introductif d'instance. Il s'ensuite que le moyen d'irrecevabilité soutenu par la société AEB devra être écarté, et le jugement entrepris infirmé.
Sur le fond, l'expert judiciaire retient que la rupture fait suite à une fissuration progressive de la structure, sans pouvoir affirmer que cette fissuration était visible au moment de la vente. Surtout, son analyse de la résistance des matériaux à l'aide d'une modélisation lui permet de conclure à « une faiblesse au niveau de la virole qui n'a pas été prise en compte lors du dimensionnement de celle-ci par le constructeur », étant au besoin rappelé que c'est bien la virole qui a rompu après avoir fissuré, entraînant la chute de la nacelle.
Si l'expert écrit plus loin qu'un contrôle par un organisme agréé dans les délais réglementaires aurait très probablement permis de découvrir la fissuration en cours de la virole et d'éviter l'accident, il n'en demeure pas moins que cet élément central de la structure du véhicule souffrait d'un vice de résistance dès sa conception.
Un tel vice, non décelable à la vente, et affectant un élément essentiel de la structure permettant l'arrimage au véhicule de la plate-forme élévatrice, présente tous les critères requis par l'article 1641 du code civil tels que rappelés plus haut.
Par ailleurs la société AEB, en sa qualité de vendeur professionnel, était tenue de connaître ce vice qui affectait le véhicule vendu à la société L'Ecureuil.
Dès lors, et en application de l'article 1645 du code civil, la première se voit tenue de garantir la seconde de son préjudice.
Sur la responsabilité de la société Socotec :
La société Socotec rappelle que la vérification biannuelle du véhicule en cause qui lui était auparavant confiée par la société AEB s'inscrivait dans le cadre de l'article R 4323-23 du code du travail et de l'arrêté du 1er mars 2004 relatif aux vérifications des appareils et accessoires de levage.
Il résulte de l'article 22 de cet arrêté que la vérification générale périodique à laquelle est soumise une nacelle de ce type comporte deux aspects :
*l'examen de conservation de l'appareil, défini ainsi par l'article 9 :
« On entend par " examen de l'état de conservation d'un appareil de levage " l'examen qui a pour objet de vérifier le bon état de conservation de l'appareil de levage et de ses supports, et de déceler toute détérioration susceptible d'être à l'origine de situations dangereuses intéressant notamment les éléments essentiels suivants :
a) Dispositifs de calage, amarrage et freinage, destinés à immobiliser dans la position de repos les appareils de levage mobiles ;
b) Freins ou dispositifs équivalents destinés à arrêter, puis à maintenir, dans toutes leurs positions, la charge ou l'appareil ;
c) Dispositifs contrôlant la descente des charges ;
d) Poulies de mouflage, poulies à empreintes ;
e) Limiteurs de charge et de moment de renversement ;
f) Dispositifs limitant les mouvements de l'appareil de levage et de la charge tels que limiteurs de course, limiteurs de relevage, limiteurs d'orientation, dispositifs anticollision, dispositifs parachutes ;
g) Crochets et appareils de préhension mécanique, électromagnétique ou pneumatique;
h) Câbles et chaînes de charge.
Cet examen comprend un examen visuel détaillé, complété en tant que de besoin d'essais de fonctionnement. »,
* les essais consistant à s'assurer de l'efficacité de fonctionnement des freins, des dispositifs contrôlant la descente des charges, et de ceux limitant les mouvements de l'appareil de levage - article 6 a) et b).
Les dispositifs de fonctionnement des freins ou autres dispositifs de contrôle des charges et des mouvements tels que définis par l'article 6 de l'arrêté précité ne sont pas en cause dans la situation de l'espèce. S'agissant des autres éléments de la nacelle, la société Socotec n'était réglementairement tenue qu'à « un examen visuel détaillé ».
Or l'expert judiciaire indique dans son rapport qu'il est très difficile de savoir si la fissuration à l'origine de la rupture et de la chute de la nacelle, qui se situait au niveau de la virole du socle sous la couronne d'orientation, était visible lors de la vente ou lors du dernier contrôle de l'organisme Socotec le 19 février 2015.
En l'état, il n'est donc pas avéré de manquement de la part de société Socotec dans le cadre de la mission de contrôle qui lui était confiée.
Par suite la responsabilité de cette dernière doit être écartée, et les demandes dirigées à son encontre, aussi bien par les requérants à titre principal que par la société AEB à titre subsidiaire, ne pourront qu'être rejetées.
Sur la responsabilité de la société L'Ecureuil :
La société AEB se prévaut de ce que le délai de vérification périodique de six mois était dépassé de deux mois au moment de l'accident du 20 octobre 2015 pour en conclure que « la société L'Ecureuil est donc responsable de son propre dommage causé par sa faute, laquelle est exonératoire de toute responsabilité de la société AEB ».
Il est constant qu'à la date de l'accident le 20 octobre 2015, la société L'Ecureuil n'avait pas fait procéder à un tel contrôle, lequel aurait dû intervenir le 19 août 2015 au plus tard compte tenu de la date du précédent contrôle, le 19 février 2015.
Parallèlement, il vient d'être vu que ce contrôle périodique résidait essentiellement en un examen visuel détaillé, et que l'expert écrit en page 21 de son rapport qu'il est très difficile de savoir si la fissuration était visible lors de la vente ou lors du dernier contrôle Socotec. Pour autant, le même expert a pu préalablement observer l'aspect progressif de l'évolution de la fissuration, sur « au minimum plusieurs jours, voire plusieurs mois », pour en déduire que celle-ci « devait donc être visible lors de la dernière intervention d'AEB en septembre 2015 » (rapport p 12/24), et plus loin qu' « un contrôle par un organisme agréé (Socotec par exemple) aurait très probablement permis de découvrir la fissuration de la virole et d'éviter l'accident si la périodicité réglementaire avait été respectée (responsabilité L'Ecureuil) ».
Il convient de relever au passage que la société L'Ecureuil ne démontre aucune intervention de la société AEB sur le véhicule au mois de septembre 2015 comme elle a pu l'affirmer devant l'expert, ce que la société AEB conteste. En l'état il ne saurait donc être retenu de manquement de cette dernière au motif qu'elle n'aurait pas mis en oeuvre à une époque proche de l'accident des solutions techniques pour éviter le dommage.
Cette observation étant faite, les constats de l'expert sur la progressivité de l'évolution de la fissuration doivent conduire à retenir qu'en ne soumettant pas le véhicule au contrôle périodique dans le délai de 6 mois conformément à la réglementation, et en ne permettant donc pas son examen visuel par un organisme compétent avant le 19 août 2015, la société L'Ecureuil a perdu une chance de découvrir la fissuration probablement à l'oeuvre selon l'expert, avant la survenue de l'accident qui a blessé M. [J] [X] et entraîné une destruction majeure du véhicule.
Compte tenu de l'absence de certitude quant à l'effectivité et à la visibilité de cette fissuration dès avant le 19 août 2015, outre le caractère peu accessible visuellement de la zone de fissuration puis de rupture située sous la bride recevant la couronne d'orientation, il y a lieu d'évaluer cette perte de chance, imputable à la société L'Ecureuil, à 20 %, et de limiter d'autant l'indemnisation du préjudice de cette dernière.
Sur les prétentions indemnitaires de la société L'Ecureuil :
Le préjudice financier de la société L'Ecureuil réside principalement dans le prix d'achat de la première nacelle viciée, laquelle est non réparable selon l'expert. Ce prix a ainsi été investi à perte par la requérante qui justifie avoir acheté une nouvelle nacelle en remplacement. En revanche le coût de cette dernière nacelle, moindre que celui de la nacelle initiale, ne saurait venir s'additionner au préjudice financier subi par la société L'Ecureuil sauf à créer une situation d'enrichissement sans cause, étant précisé que celle-ci ne conteste pas être toujours en possession de cette nouvelle nacelle
La société L'Ecureuil ne discute pas être assujettie à la TVA et dès lors récupérer cette taxe, comme le fait valoir la société AEB. Par suite son préjudice financier sera évalué en tenant compte du seul montant hors-taxes exposé pour l'achat de la première nacelle. Ce montant s'établit à la somme de 32'000 euros, comprenant la valorisation à hauteur de 13'000 euros d'une ancienne nacelle de la société L'Ecureuil reprise par la société AEB et qui doit être prise en compte contrairement à ce que soutient l'intimée, s'agissant en effet d'un élément de patrimoine de la société L'Ecureuil réalisé à perte à l'occasion de l'achat de la nacelle viciée.
S'agissant des factures réglées par la société L'Ecureuil pour la location de nacelles, celle-ci ne démontre pas le lien entre les locations antérieures à l'accident du 20 octobre 2015 et le vice caché affectant la nacelle acquise auprès de la société AEB. Seules les factures de location postérieures à cette date seront donc prises en compte, pour un montant total de 1487 euros HT (pièces 19 à 22 L'Ecureuil).
Enfin, la société L'Ecureuil justifie de frais de dépannage et de gardiennage du véhicule accidenté en produisant une facture de 3487 euros HT. Les deux lignes de facturation concernant le gardiennage du véhicule utilitaire d'une part, et celui du bras accidenté d'autre part, peuvent s'expliquer par le volume important des deux éléments distincts à stocker pour le garage gardien. En l'état il n'y a pas lieu de retrancher l'une de ces deux lignes du montant à prendre en compte au titre du préjudice subi par l'appelante.
Au total, le préjudice matériel de la société L'Ecureuil s'établit donc à 36'974 euros HT.
Après application du coefficient de 20 % correspondant à la part de responsabilité de la société L'Ecureuil liée à sa propre carence dans le contrôle de son véhicule, telle que fixée plus haut, il sera fait droit à sa demande indemnitaire dirigée contre la société AEB pour un montant de 29'579 euros.
Sur la demande indemnitaire de M. [J] [X] :
La garantie légale de l'article 1641 du code civil ne bénéficiant qu'à l'acquéreur et aux propriétaires successifs de la chose, la société AEB ne saurait sur un tel fondement se voir condamnée à verser à l'associé gérant de la société acquéreur des dommages et intérêts en réparation de son préjudice personnel.
Parallèlement, il n'est pas démontré que la société AEB soit intervenue sur le véhicule au-delà du mois d'avril 2015 à l'occasion d'un changement de batterie (facture du 30 avril 2015- pièce n°16 L'Ecureuil). Or rien ne permet d'affirmer que la fissuration de la virole était à l''uvre et visible dès cette époque. L'on ajoutera encore, compte tenu des extraits de l'expertise judiciaire cités par les appelants en page 7 de leurs écritures, qu'aucun lien n'a été établi entre la réparation à laquelle avait procédé la société AEB au mois de décembre 2014, avant la vente, et la fissuration de la virole.
Ainsi M. [J] [X] n'établit l'existence d'aucune faute de la part de la société AEB susceptible d'engager la responsabilité de celle-ci à son égard, indépendamment des garanties de vendeur qu'elle doit à sa société. Dès lors sa demande indemnitaire formée au titre de son préjudice moral ne pourra qu'être rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré sera infirmé en ses chefs relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société AEB, qui succombe au principal, sera condamnée à payer à la société L'Ecureuil la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles par elle exposés pour les besoins de la procédure, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Socotec et de M. [J] [X] les frais irrépétibles exposés par l'un et l'autre à l'occasion de la procédure. Les demandes formées par chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action de M. [J] [X] et de la société L'Ecureuil,
Condamne la société d'exploitation des Anciens Etablissements Branger à payer à la société L'Ecureuil la somme de 29'579 euros en indemnisation de son préjudice, au titre de la garantie des vices cachés,
Condamne la société d'exploitation des Anciens Etablissements Branger à payer à la société L'Ecureuil la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute demande plus ample ou contraire, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société d'exploitation des Anciens Etablissements Branger aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.