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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 18 avril 2024, n° 20/03856

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lily Rose (Sasu)

Défendeur :

Enjoy (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gérard

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Vincent

Avocats :

Me Desombre, Me De Saint-Pol, Me Badie, Me Feschet, Me Moutin

T. com. Nice, du 3 févr. 2020, n° 19/001…

3 février 2020

EXPOSE DU LITIGE

La société Enjoy, spécialisée dans le domaine esthétique, exploite la marque « Le bar à ongles...by V » dont elle est licenciée à titre exclusif, et a développé pour ce faire un réseau de franchises.

Dans ce cadre, la société Lily Rose a signé le 10 janvier 2017 un contrat de franchise avec la société Enjoy en vue de l'ouverture d'un fonds de commerce au sein du centre commercial [5] à [Localité 4].

Par courrier daté du 11 décembre 2018 la société Lily Rose a informé le franchiseur de ce qu'elle mettait fin au contrat à compter de la date du 7 janvier 2019.

Par assignation en date du 27 février 2019 la société Lily Rose a assigné la société Enjoy devant le tribunal de commerce de Nice pour voir prononcer la nullité du contrat de franchise et la condamnation de la société Enjoy à lui payer à titre principal la somme de 265 426,94 euros outre 60 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le 20 mars 2019 un jugement d'ouverture de procédure collective a été prononcé à l'égard de la société Lily Rose et le 23 avril 2019 la Selarl Ekip a été désignée en la personne de maître [J] [L] en qualité de liquidateur judiciaire.

Selon un jugement en date du 3 février 2020 le tribunal de commerce de Nice a :

- débouté la société Lily Rose de l'intégralité de ses demandes, 

- condamné la société Lily Rose à payer à la société Enjoy la somme de 40 300,00 euros se décomposant de la manière suivante : 24 mois de redevance à 1250,00 euros et 10 300,00 euros de droit d'entrée,

- dit que cette condamnation est assortie de l'exécution provisoire,

- condamné la société Lily Rose à payer à la société Enjoy la somme de 2 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

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Par acte du 12 mars 2020 la société Lily Rose a interjeté appel du jugement.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 23 mars 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Lily Rose (SASU), représentée par son liquidateur judiciaire la Selarl Ekip, demande à la cour de :

Vu les articles 1112-1, 1128, 1130, 1131, 1132, 1136, 1137, 1169 et 1240 du Code Civil ;

Vu l'article L. 330-3 du Code de Commerce ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Déclarer la SASU Lily Rose et la SELARL Ekip' es qualité de liquidateur de la SASU Lily Rose recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, conclusions ;

Annuler le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 3 février 2020 ;

Reformer le jugement entrepris en ce qu'il a : Déboute la société Lily Rose de ses demandes ; Condamne la société Lily Rose à payer : 21 la SAS Enjoy la somme de 40300 € se décomposant de la manière suivante : 24 mois de redevances a 1 250 € et 10300 € de droit d'entrée ; Dit que la condamnation était assortie de l'exécution provisoire ; Condamne la société Lily Rose à payer à la société Enjoy la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Lily Rose aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

Constater l'intervention volontaire de la SELARL Ekip ;

Rejeter les demandes de la société Enjoy ;

Prononcer la nullité du contrat de franchise signé par la SASU Lily Rose, date du 10 janvier 2017

En conséquence, condamner la SASU Enjoy SAS à verser à la SASU Lily Rose représentée par la SELARL Ekip' es qualité de liquidateur de la SASU Lily Rose, la somme de 265 426, 94 €;

Condamner la SASU Enjoy SAS à verser à la SASU Lily Rose représentée par la SELARL Ekip' es qualité de liquidateur de la SASU Lily Rose, la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Condamner la SASU Enjoy SAS à verser à la SASU Lily Rose représentée par la SELARL Ekip' es qualité de liquidateur de la SASU Lily Rose, la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens de l'instance ;

La société Lily Rose fait valoir à titre liminaire que seul le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur l'absence d'effet dévolutif invoquée par l'intimée, et qu'en tout état de cause, la déclaration d'appel a repris les chefs du jugement critiqués.

Sur le fond, la société Lily Rose invoque la nullité du contrat de franchise pour erreur et pour dol, ainsi que pour défaut d'objet, en exposant que son consentement a été vicié du fait des agissements du franchiseur qui l'a trompée à divers titres : qualité de l'emplacement, rentabilité de l'activité et formation, assistance et savoir-faire fournis par le franchiseur.

La société appelante ajoute que dès lors, eu égard à l'anéantissement du contrat, elle est bien-fondé à solliciter le remboursement de l'intégralité des sommes versées au franchiseur et déboursées pour la réalisation du projet. Elle souligne enfin le préjudice découlant des manœuvres frauduleuses de la société Enjoy.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 30 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Enjoy (SASU) demande à la cour de :

Vu les articles 562 et 901 du CPC,

Vu l'article 1103 du Code Civil,

Vu l'article 1231-1 du Code Civil,

Vu l'ensemble des pièces du dossier,

Vu la jurisprudence,

A titre principal :

- Constater l'absence dévolutif de l'appel en ce qu'elle n'est saisie d'aucune demande de la société Lily Rose tendant à voir reformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement entrepris,

En conséquence,

- Juger nul et de nul effet l'appel de la société Ekip es qualités

- Dire et juger n'y voir lieu à statuer sur l'appel principal,

- Débouter les sociétés Ekip et Lily Rose de l'ensemble de leurs demandes,

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nice du 3 février 2020 en toutes ses dispositions,

- Inscrire au passif de la société Lily Rose au profit de la société Enjoy la somme de 4.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A titre subsidiaire sur le fond :

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nice du 3 février 2020 en toutes ses dispositions et statuant ainsi :

- Juger que la société Enjoy a respecté les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,

- Juger que la société Enjoy n'a pas trompé la société Lily Rose, ni eu la volonté de la tromper,

- Juger que la société Enjoy n'a pas communiqué de prévisionnel à la société Lily Rose et, a tout le moins, que ledit prévisionnel n'a pas pu vicier le consentement de la société Lily Rose

- Juger que la société Enjoy possède un véritable savoir-faire,

- Juger que le contrat de franchise n'est pas nul,

- Juger que le contrat de franchise a une cause et un objet,

- Juger que la société Enjoy n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité notamment au titre de l'assistance et de la formation

- Juger que la société Lily Rose n'a envoyé aucune mise en demeure à la société Enjoy au titre de la prétendue mauvaise exécution du contrat,

- Juger que la société Lily Rose ne démontre pas un préjudice imputable a la société Enjoy,

- Débouter les sociétés Ekip et Lily Rose de l'ensemble de leurs demandes,

En conséquence,

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nice du 3 février 2020,

Inscrire au passif de la société Lily Rose au profit de la société Enjoy la somme de 46.300 euros,

Rejeter toutes les demandes des sociétés Ekip et Lily Rose,

Débouter les sociétés Ekip et Lily Rose de l'ensemble de leurs demandes,

Inscrire au passif de la société Lily Rose au profit de la société Enjoy la somme de 4.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société Enjoy réplique, in limine litis, que l'acte d'appel n'opère pas effet dévolutif dès lors que la cour n'est saisie d'aucune demande tendant à voir réformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement.

Sur le fond, la société Enjoy rappelle que la société Lily Rose ne peut se prévaloir de la situation d'autres franchisés et qu'elle n'a pas elle-même respecté les dispositions contractuelles en résiliant unilatéralement le contrat de franchise, invoquant des difficultés financières.

Elle conteste par ailleurs tout manquement de sa part de nature à vicier le consentement du franchisé et estime tout autant infondées les affirmations de la société Lily Rose invoquant avoir été trompée sur les services et obligations qui seraient fournis par le franchiseur.

MOTIFS

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

Au visa de l'article 914 du code de procédure civile les contestations relatives à l'effet dévolutif de l'appel, tel que défini par l'article 562 du code de procédure civile, en ce qu'elles ne constituent pas des causes d'irrecevabilité ou de caducité de la déclaration d'appel mais tendent à une absence de saisine de la cour, ne relèvent pas de la compétence du conseiller de la mise en état.

En l'espèce, la déclaration d'appel formalisée le 12 mars 2020 par la société Lily Rose tend à « l'annulation, à l'infirmation ou, à tout le moins, à la réformation de la décision déférée à la cour en ce qu'elle a débouté la société Lily Rose de l'intégralité de ses demandes, condamné la société Lily Rose à payer à la société Enjoy la somme de 40 300,00 euros se décomposant de la manière suivante : 24 mois de redevance à 1250,00 euros et 10 300,00 euros de droit d'entrée, dit que cette condamnation est assortie de l'exécution provisoire, condamné la société Lily Rose à payer à la société Enjoy la somme de 2 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ».

Se fondant sur les articles 562 et 901 du code de procédure civile la société Enjoy soulève l'absence d'effet dévolutif de l'appel en faisant valoir que la société Lily Rose ne précise pas quelles sont les dispositions du jugement entrepris qui sont critiquées.

Pour autant, après avoir relevé que la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs du jugement tels que ressortant du dispositif de la décision, la cour constate qu'elle est valablement saisie en application de l'article 562 du code de procédure civile.

Sur la nullité du contrat de franchise :

La société Lily Rose soutient la nullité du contrat de franchise conclu le 10 janvier 2017 avec la société Enjoy en invoquant d'une part, l'erreur et le dol, et en invoquant d'autre part, le défaut d'objet.

Sur l'erreur et le dol,

En application de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En outre, aux termes de l'article 1137 du code civil le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté, en application des articles 1132 et 1133 du même code.

En l'espèce, la société Lily Rose fait valoir qu'elle a été trompée, à l'occasion de la signature du contrat de franchise, sur la qualité de l'emplacement choisi par le franchiseur pour l'exercice de son activité et sur la rentabilité de l'activité relativement à cet emplacement.

Le caractère déterminant et substantiel de l'emplacement proposé à la société Lily Rose pour l'exercice de son activité esthétique n'est pas contesté en ce qu'il constitue un élément essentiel de l'attractivité commerciale du fonds de commerce et ce faisant, de sa rentabilité, et est expressément mentionné à l'article 1 du contrat de franchise au titre de l'« Objet du contrat ».

Il ressort du document d'information précontractuelle établi le 25 novembre 2016 par le réseau « Le bar à ongles..by V » ainsi que du contrat de franchise du 10 janvier 2017 que l'emplacement de [5], qui correspond à un centre commercial situé dans le centre-ville de [Localité 4], est mentionné aux-dits documents dès 2016, sans qu'il soit possible d'établir si cet emplacement a été imposé à Mme [I], franchisée, comme elle le soutient, ou s'il a été choisi à l'issue d'un travail de collaboration, sauf à relever que le franchiseur met en avant « un excellent relationnel avec de nombreux bailleurs qui permet d'obtenir les meilleurs emplacements en centres commerciaux » (p 6 pièce 2 de la société Lily Rose) et que la présentation du réseau ne fait référence qu'à des succursales et affiliés situés en centres commerciaux (pièce 1 de la société Lily Rose).

Pour autant, si Mme [I] affirme s'être rapidement rendu compte que l'emplacement choisi par la société Enjoy n'avait rien de stratégique et qu'il ne permettrait aucunement de développer une activité viable, il apparaît que l'absence d'évolution économique conforme aux prévisions de croissance espérées par le franchisé n'est pas constitutive d'une erreur sur l'emplacement.

En effet, d'une part, Mme [I] avait parfaitement connaissance de l'emplacement qui lui était proposé et qu'en signant le contrat de franchise, puis ensuite le contrat de bail commercial le 27 juillet 2018, elle n'ignorait pas que cet emplacement constituait une condition déterminante de son engagement, à laquelle elle était libre de ne pas adhérer, sans qu'aucune manœuvre ou dissimulation ne puisse être relevée à l'encontre de la société Enjoy sur le choix de cet emplacement.

D'autre part, si Mme [I] a pu déplorer, à l'usage, la désaffection du centre-commercial, un défaut de signalétique et la charge trop importante de son loyer, il apparaît que cet élément ressort de circonstances essentiellement postérieures à la signature du contrat de franchise et indépendantes du franchiseur, étant relevé que celle-ci, dans un mail du 13 novembre 2018, en faisait part au franchiseur, en la personne de Mme [H] [B], en déplorant le « manque d'honnêteté » du bailleur (pièce 28 de la société Enjoy).

En outre, la société Lily Rose produit aux débats le témoignage de M. [X] [F], en date du 9 juillet 2019, qui atteste qu'il était intéressé par le concept du Bar à ongles et a visité le site de [5], avant de décliner l'offre, estimant que « ce cadre n'était pas en mesure de permettre un développement intéressant pour cette activité » (pièce 30 de la société Lily Rose). Ainsi, Mme [I], qui ne conteste pas avoir eu de précédentes activités professionnelles et notamment au travers d'une franchise (enseigne Vita Sport) était également à-même d'apprécier la qualité de l'emplacement, le surplus résultant des aléas de la vie économique.

Par ailleurs, s'agissant de la rentabilité de l'activité, l'appréciation erronée de la rentabilité économique d'une activité ne constitue pas une erreur sur la substance au sens des articles 1132 et 1133 susvisés.

Néanmoins, la fourniture d'informations tronquées ou erronées, en ce qu'elles conduisent le franchisé à prendre une décision qui n'aurait pas été identique dans l'hypothèse d'une information complète et sincère, sont susceptibles de constituer des manœuvres dolosives et d'induire une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité entreprise.

Il apparaît également que la circonstance que le franchisé, en sa qualité de professionnel, se trouve investi d'un devoir d'étude de son projet, ne saurait dispenser le franchiseur de fournir une information fiable et loyale sur ce projet.

Au cas particulier, la société Lily Rose, si elle reconnaît que la transmission d'un prévisionnel d'exploitation au franchisé ne constitue pas une formalité obligatoire, fait grief à la société Enjoy de lui avoir communiqué deux prévisionnels annonçant des chiffres d'affaires qui se sont avérés très supérieurs aux chiffres réalisés, de sorte qu'elle a été destinataire d'informations tronquées ne lui ayant pas permis d'apprécier la réalité de la rentabilité de son projet et les risques encourus.

La société Enjoy conteste être à l'origine de la communication de ces deux prévisionnels et rappelle les mentions du document d'information précontractuelle et du contrat de franchise aux termes desquelles l'établissement d'un prévisionnel incombe au seul franchisé. Elle ajoute en outre que les prévisionnels produits aux débats ne sont pas incohérents et que les écarts entre les chiffres ne résultent que de facteurs intrinsèques et/ ou extrinsèques au franchisé.

Ainsi, la société Lily Rose produit aux débats une pièce numérotée 21 correspondant en réalité à deux prévisionnels. Le premier daté du 30 août 2016 correspond à un « business plan type » (p 3) établi au nom de la société Le Bar à ongles...by V dans la perspective de la création de nouvelles franchises « puisqu'une vingtaine d'ouvertures sont déjà programmées » après la création de quatre « bars à ongles » en propre et onze franchises.

Le second correspond à un prévisionnel daté du 23 décembre 2016 mais visant expressément la « création de l'entreprise SASU Lily Rose », bien que les deux documents aient la même présentation et émanent manifestement du même auteur.

Néanmoins, aucun élément ne permet d'attester que ces prévisionnels ont été communiqués par la société Enjoy à son franchisé, le premier prévisionnel constituant un document type commun aux franchises de la marque, et le second étant accompagné d'une note d'honoraires de l'expert-comptable au seul nom de Mme [I], de sorte qu'il ne peut en être déduit que ce prévisionnel a été effectué à la demande du franchiseur (pièces 95 et 94 de la société Enjoy).

Dès lors, la société Lily Rose, qui ne justifie par aucune pièce avoir été destinataire de ces prévisionnels à initiative de la société Enjoy, ne peut valablement arguer avoir été sciemment trompée par le franchiseur sur la rentabilité du projet au regard de la production de ces documents.

En tout état de cause, et à supposer même que la société Lily Rose ait été destinataire du premier prévisionnel « type », la seule circonstance qu'un différentiel existe entre les prévisions de chiffres d'affaires et la réalité des chiffres effectués, si elle constitue un commencement de preuve, est insuffisante à établir le caractère erroné ou tronqué des informations communiquées, au regard des facteurs multiples pouvant expliquer le défaut de rentabilité constaté par le franchisé.

Sur le défaut d'objet,

La société Lily Rose fait valoir en outre qu'elle a été trompée sur les services et obligations qui seraient fournis par la société Enjoy, en ce qu'elle n'a pas bénéficié d'une formation suffisante, n'a pas bénéficié d'une assistance et n'a profité que faiblement de la transmission du savoir-faire du franchiseur. Elle soutient dès lors que les prestations annoncées en contrepartie du paiement des frais afférents à l'exécution du contrat de franchise n'ayant pas été fournies, le contrat est privé d'objet.

A cet égard, il résulte de l'article 1169 du code civil qu'un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

En l'espèce, la société Lily Rose dénonce les carences et insuffisances du franchiseur dans les obligations lui incombant au titre du contrat de franchise, notamment au titre des clauses 8 (formation initiale), 9 et 10 (assistance lors de l'ouverture), ou encore au titre du règlement européen n° 330/210 du 20 avril 2020 dans la transmission du savoir-faire.

Pour autant, il apparaît que ces manquements relèvent, non pas de la formation du contrat, mais de son exécution de sorte qu'ils ne sont pas de nature à entraîner la nullité du contrat de franchise.

Ainsi, les obligations du franchiseur, telles que listées aux articles 7 à 10 du contrat de franchise consistent dans les obligations suivantes (pièce 5 de la société Lily Rose, pages 13 à 15) :

article 7 : communication du savoir-faire,

article 8 : formation initiale,

article 9 : assistance à l'ouverture,

article 10 : assistance après l'ouverture (dont séminaire annuel, assistance à la demande et assistance continue),

En dépit des insuffisances qui lui sont reprochées et qui ont été rappelées dans le courrier de résiliation émis par le franchisé le 11 décembre 2018, la société Enjoy justifie, au moyen de nombreuses pièces, que son rôle s'est exercé au travers notamment de plusieurs actions : mise en relation avec le bailleur, échanges de mails et de sms entre Mme [I] et Mme [B] sur la situation du bail et sur l'ouverture de l'enseigne, échanges entre Mme [B] et M. [Y] concernant le loyer et la signalétique, transmission de documentation et d'actions commerciales (manuel du savoir-faire, charte graphique, newsletters, offres commerciales et actions de presses), organisation d'un séminaire, formation sur six jours, notamment.

En conséquence, le caractère illusoire ou dérisoire des prestations proposées par la société Enjoy en contrepartie des frais engagés par la société Lily Rose n'est pas caractérisé au cas d'espèce, étant rappelé que le demandeur à une action en nullité doit établir in concreto les faits nécessaires au succès de ses prétentions sans pouvoir déduire de généralités d'autres situations d'espèce.

En conséquence, après avoir relevé que la demande de dommages et intérêts formée par la société Lily Rose ne l'est que sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'article 1240 du code civil, et ce, en complément de la demande d'annulation du contrat de franchise et en compensation du préjudice invoqué par la société Lily Rose au titre des manœuvres frauduleuses reprochées à la société Enjoy, il y a lieu de juger qu'aucun élément ne justifie que soit prononcée la nullité du contrat de franchise, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Lily Rose de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du contrat de franchise, condamner la société Enjoy à verser à la société Lily Rose la somme de 265 426, 94 euros outre la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal.

La demande d'annulation du jugement, qui n'est pas motivée aux termes des conclusions de l'appelant, sera rejetée.

Sur les frais et dépens :

La société Lily Rose, représentée par la Selarl Ekip, liquidateur judiciaire, sera tenue aux dépens, et sera tenue au paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3 500 euros, étant précisé que ces frais seront fixés au passif de la procédure collective de la société Lily Rose.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit qu'elle est valablement saisie de l'ensemble des chefs du jugement contesté par l'effet dévolutif de l'appel interjeté par la société Lily Rose,

Rejette la demande d'annulation du jugement déféré,

Confirme le jugement rendu le 3 février 2020 par le tribunal de commerce de Nice sauf à préciser que la créance de la société Enjoy sera fixée au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Lily Rose,

Y ajoutant,

Fixe au passif de la procédure collective de la société Lily Rose les dépens de la procédure d'appel,

Fixe au passif de la procédure collective de la société Lily Rose la créance de la société Enjoy au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 3 500 euros.