Cass. com., 22 novembre 2023, n° 22-13.299
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
M. Bedouet
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 janvier 2022), le 27 mai 2019, la société Vortex a été mise en sauvegarde, procédure convertie en redressement judiciaire le 7 février 2020, puis en liquidation judiciaire le 29 avril 2020.
2. Elle a signé quatre ordres de réparation avec la société Garage prépa vo, les 10 décembre 2019 et 14 mai 2020 pour le remorquage et le gardiennage de quatre véhicules qui ont été entreposés dans les locaux de cette dernière.
3. Suivant ordonnance du juge-commissaire du 16 juin 2020, les quatre véhicules concernés ont été cédés à la société ACA.
4. La société ACA refusant de payer les frais de gardiennage facturés par la société Garage prépa vo, cette dernière, se prévalant d'un droit de rétention, a refusé de restituer les véhicules.
5. Par ordonnance du 18 mars 2021, le président d'un tribunal de commerce, statuant en référé, a ordonné à la société Garage prépa vo de restituer à la société ACA les quatre véhicules, et a condamné la société Garage prépa vo à payer à cette dernière la somme de 10 000 euros à titre de provision sur le préjudice subi.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Garage prépa vo fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté que la dite société ne justifie pas d'une créance à l'égard de la société ACA, d'avoir en conséquence, ordonné à la société Garage prépa vo de restituer sans délai à la société ACA les quatre véhicules immatriculés [Immatriculation 3], [Immatriculation 4], [Immatriculation 5] et [Immatriculation 6], dit que cette décision est assortie d'une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard et par véhicule à compter du 8e jour suivant la signification de l'ordonnance, condamné la société Garage prépa vo à payer à la société ACA une provision de 10 000 euros à titre de provision sur le préjudice subi, et d'avoir rejeté les demandes formées par la société Garage prépa vo aux fins de restitution des véhicules et d'allocation d'une provision, alors « que les créances postérieures nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur ne sont pas soumises à l'obligation de déclaration sous peine de forclusion ; qu'en jugeant que la créance de la société Garage prépa vo était inopposable à la procédure collective, au seul motif qu'elle était "née après le jugement d'ouverture de la procédure collective", sans rechercher, comme elle y était invitée, si elle n'était pas la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou née de l'exécution d'un contrat en cours, régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, s'il y a lieu, et après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, de sorte qu'elle échappait à l'exigence de déclaration dans un délai de deux mois à compter de l'exigibilité de la créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 641-3 et L. 641-13 du code de commerce. »
Vu les articles L. 622-17, L. 641-3 et L. 641-13 du code de commerce :
7. Il résulte de ces textes que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective, pour les besoins de son déroulement, en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation de la sauvegarde ou du redressement judiciaire ou pendant le maintien de l'activité pendant la liquidation judiciaire, sont payées à leur échéance et ne sont pas soumises à l'obligation de déclaration sous peine de forclusion édictée à l'article L. 622-24 du code de commerce.
8. Pour confirmer l'ordonnance, l'arrêt après avoir relevé que la créance de la société Garage prépa vo était née après le jugement d'ouverture de la procédure collective, retient qu'elle devait la déclarer dans un délai de deux mois de l'exigibilité de sa créance, soit au plus tard les 16 février et 16 juillet 2020, et en déduit que la déclaration de créance n'ayant été faite que par lettre recommandée du 2 octobre 2020, elle était tardive, de sorte que la créance est inopposable à la procédure collective et que la société Garage prépa vo a perdu le bénéfice de son droit de rétention qu'elle ne peut opposer à l'acquéreur des véhicules.
9. En se déterminant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si la créance n'était pas la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant la période d'observation de la sauvegarde ou du redressement judiciaire ou pendant le maintien de l'activité en liquidation judiciaire, auquel cas elle aurait échappé à l'exigence d'une déclaration dans le délai de deux mois de son exigibilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.