Cass. soc., 21 septembre 2016, n° 15-19.003
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Rapporteur :
Mme Salomon
Avocat général :
M. Weissmann
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 13 avril 2015), qu'un projet concernant le rachat par la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence-Alpes-Corse (CEPAC) des titres de la Banque des Antilles Françaises (BDAF), de la Banque de Saint-Pierre et Miquelon (BDSPM) et de la Banque de la Réunion (BR), détenus actuellement par la BPCE international Outre-Mer, et la fusion juridique des entités BDAF, BDSPM et BR au sein de la CEPAC, a été soumis au comité central d'entreprise de la BDAF ; que ce comité a été réuni le 1er octobre 2014 pour évoquer ce projet et qu'un document d'information lui a été remis ; que le comité a souhaité se faire assister d'un expert-comptable et le cabinet Sacef a été désigné au cours de cette même réunion ; que, soutenant que les informations remises seraient manifestement insuffisantes pour pouvoir rendre un avis éclairé et motivé sur le projet, le comité central d'entreprise de la BDAF a saisi les 15 et 18 décembre 2014 le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés aux fins qu'il ordonne à la BDAF de lui communiquer des informations et documents individualisés et précis quant au projet, en détaillant les documents dont la communication était sollicitée ; que le syndicat SNB/CFE-CGC et le syndicat unitaire Banque des Antilles Françaises Guadeloupe sont intervenus à l'instance ;
Attendu que le comité central d'entreprise de la BDAF, le syndicat SNB/CFE-CGC et le syndicat unitaire Banque des Antilles françaises Guadeloupe/Iles du Nord font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à la communication des informations visées au dispositif de leurs dernières écritures et à ce que soit en conséquence ordonnée la prolongation de la procédure de consultation du comité central d'entreprise ainsi que l'interdiction sous astreinte de toute mise en oeuvre du projet de rachat de titres et de fusion litigieux, alors, selon le moyen :
1°/ que si, à l'expiration des délais mentionnés par les articles L. 2323-3 et R. 2323-1-1 du code du travail, le comité d'entreprise est réputé avoir rendu un avis négatif sur le projet qui lui est soumis, il résulte par ailleurs du second de ces textes que le délai de consultation du comité court à compter de la communication par l'employeur des informations prévues pour sa consultation ; qu'il s'en évince que le comité d'entreprise ne peut se voir opposer les délais précités que s'il a disposé d'une information complète et loyale sur le projet qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, s'il était constant que le comité central d'entreprise de la BDAF s'était vu remettre, lors de sa réunion du 1er octobre 2014, un document comportant une présentation globale de l'opération de fusion-absorption soumise à sa consultation, il soutenait toutefois ne disposer d'aucune information relative aux conséquences, notamment sociales et organisationnelles, de ce projet ; qu'en jugeant dès lors que le point de départ du délai de deux mois imparti au comité central d'entreprise pour donner son avis avait bien commencé à courir le 1er octobre 2014, sans vérifier si le document d'information remis à cette date était suffisamment précis pour lui permettre de formuler un avis motivé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 2323-3, L. 2323-4, R. 2323-1 et R. 2323-1-1 du code du travail ;
2°/ que le juge peut toujours, en application de l'article L. 2323-4 du code du travail, décider de la prolongation des délais fixés à l'article R. 2323-1-1 du même code en cas de difficulté particulière d'accès aux informations nécessaires à la formulation d'un avis motivé ; qu'il appartient en conséquence au juge saisi d'une demande en ce sens d'apprécier l'utilité et la loyauté des informations fournies au comité au regard de la nature et des implications du projet en cause ; qu'en se bornant dès lors, pour débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes, à retenir que le litige avait été engagé le 15 décembre 2014, soit postérieurement au 1er décembre 2014, date d'expiration théorique du délai de deux mois fixé par les dispositions législatives et réglementaires applicables, sans cependant vérifier si le comité central d'entreprise de la BDAF avait disposé d'une information suffisante sur les conséquences, notamment sociales, du projet de fusion qui lui était soumis, la cour d'appel a méconnu son office au regard de l'article L. 2323-4 du code du travail, ainsi violé ;
3°/ qu'en énonçant en outre que le juge ne disposait pas du pouvoir d'accorder un nouveau délai de consultation après l'expiration du délai initial prévu par les dispositions législatives et réglementaires, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, en violation des articles L. 2323-3 et L. 2323-4 du code du travail ;
4°/ que les délais fixés par les articles L. 2323-3 et R. 2323-1-1 du code du travail peuvent être prolongés par voie d'accord ou par décision unilatérale du chef d'entreprise ; qu'en l'espèce, il ressortait des énonciations de l'arrêt attaqué que, postérieurement au 1er décembre 2014, la société BDAF avait convoqué son comité central d'entreprise à deux nouvelles réunions, dont la seconde, fixée au 16 décembre, avait pour objet de recueillir l'avis de l'instance représentative sur le projet de rachat de titres et de fusion litigieux ; qu'en déboutant dès lors les requérants de leurs demandes au motif que cette initiative n'était pas de nature à modifier le délai préfix de la loi, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, au regard des articles L. 2323-3 et L. 2323-4 du code du travail, ainsi violé ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé que le comité central d'entreprise a été réuni pour la première fois sur le projet le 1er octobre 2014, qu'au cours de cette réunion extraordinaire, un document intitulé « Information/consultation du comité d'entreprise portant sur le projet de rachat par CEPAC des titres BDAF, BR et BDSPM détenus par BPCE IOM et de fusion juridique des entités BDAF, BR et BDSPM au sein de la CEPAC » rappelant notamment en introduction les finalités et les deux phases envisagées de l'opération, avec un nouveau processus de consultation à mettre en oeuvre au terme de la fusion juridique, lui a été remis par l'employeur, que cette remise a été précédée d'une présentation globale de l'opération de fusion-absorption et que, conformément au souhait du comité central d'entreprise, un cabinet d'expert-comptable a été désigné lors de cette même réunion, la cour d'appel en a exactement déduit que, le comité étant, dès cette date, en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estimait que l'information communiquée était insuffisante, le délai de deux mois résultant des articles L. 2323-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, et R. 2323-1-1 du même code, à l'expiration duquel le comité d'entreprise est réputé avoir été consulté et avoir donné son avis, expirait le 1er décembre 2014 de sorte que l'action engagée le 15 décembre 2014 était tardive ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a exactement décidé que si, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité d'entreprise, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l'article L. 2323-3 du code du travail, aucune disposition légale ne l'autorise à accorder un nouveau délai après l'expiration du délai initial ;
Attendu, enfin, qu'il résulte des articles L. 2323-3 et R. 2323-1 du code du travail qu'un accord conclu entre l'employeur et le comité d'entreprise ou, le cas échéant, le comité central d'entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, peut allonger le délai à l'expiration duquel le comité d'entreprise est réputé avoir rendu son avis ; que la cour d'appel en a exactement déduit qu'en l'absence de vote dans les conditions de ces articles, le comité central d'entreprise ne pouvait se prévaloir de la tenue d'une réunion le 16 décembre 2014 pour établir que le délai de deux mois aurait été prolongé jusqu'à cette date ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.