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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 14 septembre 2023, n° 16/25948

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Siemens Gamesa Renewable Energy (SAS), Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica SL (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Monfort, Me Guerre, Me Henry, Me Bouyssou

T. com. Paris, 1re ch., du 13 déc. 2016,…

13 décembre 2016

EXPOSE DU LITIGE

La société [Adresse 11] (société PEH) est une société spécialisée dans la gestion de parcs éoliens.

La société Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica (société SGRE Eolica), anciennement la SLU Gamesa Eolica, est une société de droit espagnol spécialisée dans la construction et l'installation d'éoliennes.

Elle fait partie, avec la société Siemens Gamesa Renewable Energy (société SGRE), anciennement la SARL Gamesa Eolica, de droit français, du groupe Gamesa repris par la société Siemens.

Par contrats du 27 décembre 2013, la société PEH a confié aux sociétés du groupe Gamesa la fourniture et l'installation d'un parc de 23 éoliennes à [Localité 12] et [Localité 8] dans l'[Localité 5].

La société PEH n'a pas payé le solde du marché, invoquant des non-conformités.

Par acte du 3 mars 2016, la société PEH a assigné les sociétés SGRE Eolica et SGRE devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation.

Par acte du 25 mars 2016, les sociétés SGRE Eolica et SGRE ont assigné la société PEH devant le président du tribunal de commerce de Paris statuant en référé en règlement du solde du prix par provision.

Par ordonnance de référé du 18 mai 2016, le président du tribunal de commerce de Paris a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé l'affaire au fond.

Un rapport a été établi non contradictoirement le 7 octobre 2016 par la société DNV GL à la demande de la société PEH.

Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- joint les deux causes ;

- débouté les sociétés Gamesa Eolica France et Gamesa Eolica de leur demande de paiement ;

- condamné solidairement les sociétés Gamesa Eolica France et Gamesa Eolica à mettre en 'uvre les mesures recommandées par la société DNV GL dans son rapport du 7 octobre 2016 afin de lever les non-conformités des barres anti-panique, des ascenseurs, des nacelles, leur a enjoint de présenter un projet pour les peintures des tours, les pales, les bruits des éoliennes 9 et 11, dit que les mesures devraient être mises en 'uvre dans le délai de 30 jours de la date de signification du présent jugement, qu'à défaut il serait appliqué une astreinte de 5 000 euros par jour de retard jusqu'au démarrage effectif et constaté contradictoirement en présence d'un huissier de justice, des travaux visés, déboutant pour le surplus ;

- condamné solidairement les sociétés Gamesa Eolica France et Gamesa Eolica à payer la somme de 20 000 euros à la société PEH au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Par déclaration du 22 décembre 2016, les sociétés SGRE Eolica et SGRE ont interjeté appel de tous les chefs du jugement.

Par ordonnance sur incident du 26 octobre 2017, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire.

Par ordonnance sur incident du 18 février 2021, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté la demande de la société PEH tendant à l'extension de la mission de l'expert, et a condamné la société PEH à payer aux sociétés Gamesa une provision de 3 000 000 euros au titre du solde du prix sur le contrat de fourniture des 23 éoliennes, soit 2 millions d'euros à la société SGRE et 1 million d'euros à la société SGRE Eolica.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 6 avril 2021.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2023, les sociétés SGRE Eolica et SGRE demandent, au visa des articles 1134 et 1184 du code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, 1224, 1352-1, 1352-3 et 2224 du code civil, ainsi que des articles 32, 122, 146, 564 et 566 du code de procédure civile, de :

- Infirmer tous les chefs de jugement, et, statuant à nouveau,

- Recevoir les appels, demandes, fins, moyens et conclusions des sociétés Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica (SGRE Eolica) et Siemens Gamesa Renewable Energy (SGRE Energy),

- Déclarer irrecevables les demandes formées par la société [Adresse 11] dans ses conclusions notifiées le 7 novembre 2022 tendant à :

- Solliciter la résolution des contrats signés en 2013 ;

- Ordonner la désignation d'un expert judiciaire ;

En tout état de cause,

- Rejetter l'ensemble des demandes, fins, moyens, conclusions et appels de la société [Adresse 11]

En conséquence,

I - sur la demande en paiement des factures émises :

- Condamner la société [Adresse 11] à régler :

* à la société de droit espagnol Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica :

° 1 355 146,28 euros d'intérêts contractuels dus au 11 octobre 2021 ;

° 7 249 140 euros HT sans TVA s'agissant d'une livraison communautaire ;

° les intérêts contractuels dus sur 7 249 140 euros au taux de 5,95% à partir du 12 octobre 2021 ;

* à la société Siemens Gamesa Renewable Energy :

° 186 260,62 euros TTC au titre du principal restant dû ;

° les intérêts contractuels dûs sur 6 186 260,62 euros au taux de 5,95% à partir du 12 octobre 2021 ;

II. Sur les demandes de la société PEH :

- Rejeter toute demande formulée par la société [Adresse 10] tendant notamment à la condamnation des sociétés Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica (SGRE Eolica) et Siemens Gamesa Renewable Energy (SGRE Energy) à obtenir la résolution des contrats de 2013, ou à obtenir leur résiliation, tendant à réaliser des travaux, tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise judiciaire ou encore à l'indemniser ou à lui rembourser de quelque manière que ce soit ;

III. Sur la demande d'indemnisation au titre de la maintenance réalisée :

- Recevoir la demande d'indemnisation faite, au titre de la maintenance réalisée du début 2015 au 21 mars 2020, par la société Siemens Gamesa Renewable Energy,

- Condamner la société [Adresse 11] à régler une indemnité de 4 563 375 euros à la société Siemens Gamesa Renewable Energy, à titre de dommages-intérêts qui seront porteurs d'un intérêt contractuel de retard 5,95% à compter du 5 juillet 2022, ;

IV. Sur les frais et dépens :

- Condamner la société [Adresse 11] aux entiers dépens, à rembourser aux sociétés Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica (SGRE Eolica) et Siemens Gamesa Renewable Energy (SGRE Energy) l'intégralité des honoraires versés à l'expert judiciaire, ainsi qu'à verser 250 000 euros à la société Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica Sl et 250 000 euros à la société Siemens Gamesa Renewable Energy au titre des frais irrépétibles.

Par ses dernières conclusions notifiées le 24 février 2023, la société PEH demande, au visa des articles 1184 ancien, 1229, 1603, 1610, 1611 du code civil, de :

A titre principal,

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné aux sociétés Gamesa l'exécution en nature pour réparer le défaut de délivrance conforme, en raison de l'exception d'inexécution opposée par la société PEH ;

- Débouter les sociétés Siemens Gamesa de l'intégralité de leurs demandes,

- Statuant de nouveau,

- Juger que le contrat de fourniture dans son article 4.2 prévoit un blocage de la livraison en cas de défauts majeurs,

- Juger que les défauts relevés par les différentes expertises et notamment l'expert judiciaire sont partiellement des défauts majeurs,

- Juger que puisqu'elle invoque des défauts mineurs et le fait d'avoir réalisé la procédure des tests d'acceptation, la société Gamesa ne rapporte pas la preuve d'avoir respecté l'article 4.2 du contrat de fourniture, en ce qu'il l'obligeait à réparer les défauts mineurs, avant le terme de la procédure des tests d'acceptation,

- Juger qu'en outre, le contrat de services dans son article 4.4 prévoit un blocage de l'acceptation de la délivrance des éoliennes, si le coût des réserves par éolienne dépasse 10 000 euros,

- Juger que la société PEH apporte des éléments de preuve des défauts invoqués,

- Juger que le coût de reprise des défauts identifiés, majeurs et mineurs, partiellement reconnus par Gamesa, justifiés par la société PEH, les expertises techniques et l'expertise judiciaire, dépasse en toute hypothèse 10 000 euros par éolienne,

- Juger que l'exception d'inexécution soulevée par la société PEH, en 2014 et confirmée plusieurs fois en 2015, était fondée,

- Juger que le refus de poursuivre la procédure contractuelle de réception du parc éolien était fondé,

- Juger que la décision des sociétés Gamesa, le 20 mars 2020, de résilier unilatéralement l'ensemble contractuel qui les liait à la société PEH, au milieu de l'expertise judiciaire qu'elles avaient demandée, au milieu de la procédure judiciaire d'appel qu'elles avaient initiée, sans autorisation du juge, sans se préoccuper de la situation du chantier et plus largement de la survie du parc éolien, est constitutive d'une faute intentionnelle d'une extrême gravité,

- Juger à titre complémentaire, que le défaut des "arbres lents" est constitutif d'un vice caché de nature à rendre la chose impropre à son usage,

- Juger que la demande de résolution judiciaire du contrat complexe est légitime et doit être accueillie,

- Juger que le prix déjà payé, savoir 25 494 460,00 euros sur le contrat de fourniture à la société Gamesa Eolica Slu, y compris la provision ordonnée par le conseiller de la mise en état, et 5 660 300 euros HT sur le contrat de Montage, plus la TVA, à la société Gamesa Eolica France Sarl, doit être remboursé à la société PEH,

- Juger que ces sommes seront assorties d'un intérêt de retard au taux légal ayant commencé à courir depuis le paiement initial par la société PEH,

- Juger que le solde de la somme séquestrée auprès de la Caisse des dépôts et consignations, doit être intégralement libéré et remis à la société PEH, que les intérêts du placement en séquestre seront également intégralement remis à la société PEH,

- Juger que les pénalités bancaires pour remboursement anticipé du crédit ayant financé la construction du parc éolien seront remboursées solidairement par les sociétés Gamesa sur présentation du justificatif par la société PEH ou directement la banque,

- Juger que les autres travaux de construction et charges engagées en vue de réaliser la construction du parc éolien, soit 60 256 736 euros, moins 39 652 000 euros déjà remboursés au titre du prix, représentant 20 604 736 euros perdus, doivent être remboursés à la société PEH,

- Juger que ces sommes seront assorties d'un intérêt de retard au taux légal ayant commencé à courir depuis le paiement initial par la société PEH,

- Juger au titre des restitutions que la société PEH a subi un préjudice représentant son résultat d'exploitation sur les 15 années de contrat convenues avec les sociétés Gamesa, que ce préjudice est certain en considération du fait que le prix de vente de l'électricité à EDF est connu, que le vent moyen des 7 dernières années est connus et que la puissance de production du parc éolien, garantie par le contrat est connue ; qu'en conséquence, il est possible à un expert judiciaire d'estimer d'une façon précise le montant de la perte de chiffre d'affaires sur les 15 années du contrat,

- Et en conséquence, avant dire droit sur cette partie du préjudice,

- Ordonner une expertise judiciaire à tel expert qu'il plaira à la cour, spécialisé dans les évaluations de préjudices économiques, avec pour mission de :

* Déterminer le chiffre d'affaires que la société PEH aurait réalisé sur les 15 années du contrat, en considération du fait que le prix de vente de l'électricité à Edf est connu, que le vent moyen des 7 dernières années est connus et que la puissance de production du parc éolien, garantie par le contrat est connue,

* Déterminer les charges d'exploitation de la société PEH en considération de son historique comptable et notamment des charges financières et des charges contractuellement prévues avec Gamesa,

* Déterminer le résultat d'exploitation sur la période contractuelle,

* Tenir compte de l'activité effectivement réalisée de 2015 à ce jour,

* Tenir compte des frais effectivement payés dans le suivi du litige,

* Arrêter les comptes entre les parties sur la base de l'arrêt d'appel ayant statué définitivement et avant dire droit sur les restitutions liées aux préjudices d'exploitation,

- Dire que l'expert exécutera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants, 264 et suivants du code de procédure civile, devra prendre connaissance des éléments contractuels, comptables et d'exploitation de la société PEH et se faire communiquer tous les documents comptables et techniques utile à son expertise, convoquer les parties à une réunion d'expertise et se rendre sur les lieux du litige, [Adresse 7], recevoir les dire des parties et y répondre conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, déposera un pré-rapport et laissera aux parties et à leurs conseils un délai suffisant pour communiquer un dire récapitulatif, auquel il sera précisément répondu dans le cadre de son rapport définitif,

- Rouvrir les débats sur la base du rapport de l'expert désigné avant de statuer sur cette partie du préjudice ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement et

- Condamner les sociétés Siemens Gamesa à procéder aux livraisons et réparations conformes aux règles de l'art pour lever les défauts listés dans le jugement de première instance,

- Débouter les sociétés Siemens Gamesa de l'intégralité de leurs demandes,

- Réformer partiellement et

- Juger, que les techniciens expert mandatés par la société PEH seront informés, préalablement, des solutions techniques prévues pour la reprise du montage et la livraison conforme, qu'ils pourront assister aux opérations, comme prévu par le contrat,

- Fixer l'astreinte à 20 000 euros par jour de retard jusqu'au démarrage, effectif et constaté contradictoirement en présence d'un huissier de justice, des travaux de livraison conforme et de reprise des défauts listés dans la correspondance du 16 décembre 2015 de Gamesa,

- Puis, plus précisément,

- Juger, que les sociétés Siemens Gamesa devront communiquer et réaliser :

* un planning d'intervention avec des délais raisonnables de mise en oeuvre pour le changement des deux boites de vitesse des éoliennes 9 et 11 ou de toute autre diligence nécessaire à la disparition pérenne des bruits et la livraison en état neuf et conforme de ces éoliennes,

* un plan de levée des 417 réserves résiduelles listées par Natural Power avec des délais raisonnables de mise en oeuvre,

* un ordre de mission ferme pour la mise en peinture totale et à neuf des 23 éoliennes, mâts et nacelles,

- Juger que les sociétés Siemens Gamesa devront procéder à un changement pur et simple des pales du parc,

- Juger que les sociétés Siemens Gamesa devront procéder faire réaliser d'une manière contradictoire une mission de contrôle non destructif confiée à une société tierce pour le contrôle des nacelles réparées par Gamesa,

- Juger que si des défauts de non-conformité sont relevés, les nacelles concernées seront changées et remplacées à neuf,

- Juger que les sociétés Siemens Gamesa devront procéder au changement des ascenseurs,

- Juger que le point de départ de l'astreinte sera 10 jours après la notification de la décision à intervenir,

- Juger, si les travaux sont démarrés puis suspendus durant plus de 10 jours ouvrables, que l'astreinte courra pour tous les jours de suspension des travaux,

- Juger que la suspension des travaux sera constatée par huissier de justice à la demande de la société PEH, les sociétés Gamesa ayant été dument informées par voie de courriel adressé par l'huissier la veille du constat, conformément aux dispositions contractuelles qui régissent la relation des parties,

- Juger la réserve de la société PEH sur la détermination des pénalités de retard contractuelles et sur la détermination des dommages et intérêts supportés par elle ;

En tout état de cause et d'ores et déjà, condamner solidairement les sociétés Gamesa, en considération de leurs propres demandes, au paiement de la somme de 400 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mars 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motivation

MOTIFS

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à "juger" en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens.

- Sur la recevabilité de la demande de la société PEH en résolution :

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En première instance, la société PEH sollicitait la livraison et la réparation des éoliennes, demandant ainsi une réparation en nature des défauts de conformité.

Sa demande en résolution des contrats est dès lors nouvelle en appel.

La société PEH prétend que la résiliation des contrats le 22 janvier 2020 par les sociétés SGRE Eolica et SGRE constitue la survenance d'un fait rendant impossible le maintien de sa demande en exécution en nature.

La société PEH a cependant, par lettre du 4 février 2020, demandé "de réaliser une exécution en nature de l'ensemble contractuel".

Alors qu'elle critique cette résiliation, invoquant une "faute intentionnelle d'une extrême gravité", elle ne justifie pas qu'elle rendrait impossible le maintien de sa demande en exécution en nature et imposerait une demande en résolution qui vise, quant à elle, l'anéantissement rétroactif des contrats, étant relevé que les sociétés SGRE Eolica et SGRE réclament le paiement du solde des factures de fourniture et d'installation des éoliennes.

Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

La demande en résolution, qui vise à mettre à néant le contrat, ne tend pas aux mêmes fins que la demande d'exécution de travaux qui le laisse subsister.

L'article 567 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La société PEH a substitué sa demande en résolution des contrats à celle de mise en conformité.

La demande en résolution, qui vise à mettre à néant les contrats, ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande d'exécution de travaux en conformité aux stipulations contractuelles.

Selon l'article 70, alinéa 1, du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Aux termes de l'article 567 du même code, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Les demandes reconventionnelles sont donc recevables en appel lorsqu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, la demande en résolution de la société PEH, substituée à la demande en exécution dont le tribunal a été saisi par acte d'assignation délivré par la société PEH, n'est pas une demande formée reconventionnellement.

En conséquence, la demande principale de la société PEH en résolution des contrats est irrecevable, ainsi que celles subséquentes en restitution du prix partiellement payé et du solde du prix séquestré, en paiement de pénalités bancaires, de remboursement de travaux de construction et de charges.

Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen des sociétés SGRE Eolica et SGRE tiré de la prescription.

- Sur la recevabilité de la demande de la société PEH en expertise :

La société PEH sollicite une expertise pour déterminer le préjudice d'exploitation qu'elle allègue au titre des "15 années du contrat".

Cependant, cette demande est formée principalement "au titre des restitutions" en conséquence de la demande en résolution des contrats.

La demande en résolution étant irrecevable, la demande en expertise est par conséquent irrecevable.

- Sur les demandes en paiement des factures au titre des contrats de fourniture et de services :

En application de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès.

Le 27 décembre 2013, un "accord cadre" a été conclu entre la société PEH en qualité d'"acheteur/propriétaire", la société Gamesa Eolica en qualité de "vendeur" et la société Gamesa Eolica France en qualité d'"entrepreneur et/ou agent de maintenance".

Cet "accord cadre" rappelle que l'acheteur a conclu le 27 décembre 2013 :

- le contrat de fourniture pour le parc éolien avec le vendeur,

- le contrat de services avec l'entrepreneur,

- le contrat de maintenance avec l'agent de maintenance.

Le contrat de fourniture des 23 éoliennes prévoit un prix de 31 096 000 euros HT, payable par échéances correspondant à l'entrée en vigueur du contrat, la livraison des éoliennes, la fin du montage, l'acceptation provisoire des éoliennes puis du parc éolien, et l'acceptation du parc éolien :

* 15% à la date d'entrée en vigueur du contrat

* 55% au certificat de livraison de l'éolienne

* 7% au procès-verbal de livraison de chaque éolienne sur le site

* 4% à la date du certificat de fin de montage de chaque éolienne

* 5% à la date de signature du certificat d'acceptation provisoire de chaque éolienne

* 5% à la date de signature du certificat d'acceptation provisoire du parc éolien

* 5% à la date de signature du certificat d'acceptation du parc éolien.

Le contrat de services porte sur le transport, le montage, l'installation et la mise en service, pour un prix de 8 556 000 euros HT, payable selon les mêmes échéances :

* 15% à la date d'entrée en vigueur du contrat

* 10% au certificat de livraison de l'éolienne

* 20% au procès-verbal de livraison de chaque éolienne sur le site

* 30% à la date du certificat de fin de montage de chaque éolienne

* 15% à la date de signature du certificat d'acceptation provisoire de chaque éolienne

* 5% à la date de signature du certificat d'acceptation provisoire du parc éolien

* 5% à la date de signature du certificat d'acceptation du parc éolien.

Le contrat de maintenance était prévu pour une durée de 15 années.

Il résulte des pièces du dossier que les 23 éoliennes ont été livrées et montées.

La société PEH, invoquant des non-conformités, n'a pas signé les certificats de fin de montage et a suspendu les paiements.

L'article 4.1 du contrat de fourniture stipule que l'équipement sera fabriqué conformément aux bonnes pratiques du marché et aux règles de l'art.

L'article 4.4 du contrat de services stipule que l'acceptation de chaque éolienne intervient si la liste des réserves représente un montant inférieur à 10 000 euros.

La société PEH explique qu'elle a refusé d'accepter le montage en raison de plusieurs défauts : état déplorable de la peinture des éléments, livraison et montage des pales abîmées, nacelles réparées sur place, ascenseurs dangereux et inutilisables.

Elle a refusé de signer le certificat de livraison et le certificat de fin de montage du 15 janvier 2015.

Il n'est pas contesté que les éoliennes ont été mises en service début 2015 et ont produit de l'énergie.

La société PEH a confié une expertise à la société DNVGL qui a relevé, aux termes de son rapport du 17 octobre 2016, que :

"La revue des rapports de NATURAL POWER/PEH présentant les résultats des inspections effectuées à la livraison et la mise en service des éoliennes du parc de l'Herbissonne montre que le parc éolien a été livré en février 2015 dans un état de qualité générale anormalement en dessous des standards de l'industrie.

Si de nombreux défauts ont été réparés entre février et août 2015, l'inspection effectuée en août 2016 a montré que, outre les problèmes majeurs des ascenseurs, des portes et des bruits provenant des moteurs qui doivent être réparés sans délai, les pales et les tours sont toujours dans un état anormal de dégradation pour un parc éolien en exploitation depuis 18 mois."

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire déposé le 6 avril 2021 l'existence de "défauts mineurs", "mauvais entretien des machines entraînant des fuites d'huile, matériels dégradés, boulons mal vissés et/ou dévissés, peintures dégradées, mauvais choix dans la fixation des matériels (tels que les lampes ou les portes)", qui, "bien que récurrents dans les différentes éoliennes visitées, n'affectent pas le bon fonctionnement des machines et ne nuisent pas à la production électrique".

L'expert judiaire a relevé des défauts affectant les éoliennes, portant sur la fixation de la gâche de la serrure d'ouverture, les joints des portes, l'intérieur des tours, de la nacelle, le transformateur.

Il ressort de ces constatations que les défauts portant sur les serrures des portes, le système de barre anti-panique, les joints des portes, les marques de corrosion, le tuyau d'évacuation de la nacelle, le connecteur électrique sur la "multiplicatrice", les fissurations dans le "gelcoat" du toit de la nacelle, la fixation des clefs d'interverrouillage, les visseries desserrées, les rayures, sont des défauts mineurs.

L'expert judiciaire a retenu que les défauts de peinture des futs et des pales constituaient un défaut esthétique sans être majeur, tout en préconisant la reprise complète des peintures concernant 4 éoliennes et des réparations de peinture et de corrosion pour les 19 autres machines.

L'expertise judiciaire a permis de constater des anomalies affectant les ascenseurs des 23 éoliennes ne permettant pas leur mise en service en l'état, relatives au frottement des câbles de suspension et de sécurité, à une mauvaise mise en oeuvre du matériel et une absence de soin, des pièces étant coupées, tordues, mal implantées, voire détournées de leur usage d'origine. Il a retenu que le "nombre important de désordres, de malfaçons, voire de défauts de conception" rendait "l'utilisation des élévateurs inexploitable".

L'expert judiciaire a retenu que les fissures des pales étaient constitutives d'un défaut majeur. Il a considéré qu'elles étaient récurrentes et se développaient peu à peu sur les différentes machines, justifiant des mesures de réparation concernant cinq éoliennes et des inspections annuelles régulières pour les 69 pales.

Il n'a pas pu donner un avis technique sur les bruits identifiés lors de la rotation du rotor, considérant que des investigations complémentaires étaient à envisager pour déceler leur origine.

Il a confirmé la réussite des tests d'acceptation.

La société PEH a mis en service le parc éolien et l'expert judiciaire a relevé que "les défauts mineurs ou majeurs constatés au sens des contrats de décembre 2013 n'ont pas empêché la mise en production des 23 éoliennes".

Elle ne justifie pas que les défauts, notamment ceux qualifiés de majeurs par l'expert portant sur les fissures des pales et les ascenseurs, aient entravé ou diminué la production d'énergie.

L'article 4.2 du contrat de services stipule :

"L'installation et le montage de chaque EOL seront considérés comme achevés dès l'instant où l'EOL est prête pour son fonctionnement et sa mise en service (ci-après désignée la "Fin du montage"). Pour cela, le montage électromécanique de chaque EOL, qui permet sa mise sous tension, devra être achevé. En cas de défaillances mineures ou dernières mises au point qui n'empêchent pas la mise en service de chaque EOL dans des conditions conformes aux spécifications de l'EOL et aux normes CEI, l'acheteur ne pourra pas s'opposer à l'émission et à la signature du certificat de fin de montage, même si l'entrepreneur est obligé de remédier à ces défaillances ou d'effectuer les dernières mises au point pendant la période de tests d'acceptation."

L'article 1 définit la "mise en service" comme étant le "moment où l'éolienne commence à injecter de l'énergie électrique dans le réseau".

L'article 4.4 du contrat de services stipule :

"L'acceptation de chaque EOL / sous-parc aura lieu une fois que : (i) la fin du montage de chaque EOL / sous-parc aura été atteinte ; (ii) la mise en service de chaque EOL /sous-parc aura été réalisée ; et (iii) une fois passés avec succès les tests d'acceptation de chaque EOL /sous-parc (le cas échéant, avec une liste de réserves relative à cette EOL / ce sous-parc, validées par l'acheteur, dont le montant sera inférieur à dix mille euros (10 000 €) par EOL).

L'entrepreneur demandera à l'acheteur de signer le certificat d'acceptation de l'EOL puis du sous-parc.

Dans les 5 jours ouvrés suivant la demande de l'entrepreneur décrite au paragraphe précédent, l'acheteur :

a) signera le certificat d'acceptation de l'EOL et l'enverra à l'entrepreneur, ou

b) refusera la demande en informant l'entrepreneur par écrit des motifs qui justifient ce refus au vu du contrat afin qu'il y remédie au plus vite.

Ce délai sera porté à 10 jours ouvrés s'agissant du certificat d'acceptation du sous-parc.

Si les conditions de l'acceptation de l'EOL ou du sous-parc sont remplies et que l'acheteur refuse de signer le certificat d'acceptation de l'EOL ou du sous-parc sans raison valable dans le délai précité, l'EOL ou le sous-parc sera réputé accepté à l'expiration d'un délai de 20 jours à compter de la réception d'une mise en demeure adressée par l'entrepreneur à l'acheteur et restée infructueuse ; dans ce cas, le certificat d'acceptation de l'EOL ou du sous-parc sera signé exclusivement par l'entrepreneur.

L'acceptation du parc éolien, laquelle vaut réception de l'équipement au sens du droit français, aura lieu une fois que : (i) la fin de montage de toutes les EOL sera atteinte ; (ii) la mise en service de toutes les EOL sera réalisée ; (iii) les tests d'acceptation de toutes les EOL auront été réalisés avec succès (le cas échéant avec une liste de réserve à effectuer sur les EOL ou toute partie de l'équipement) ; (iv) le système de contrôle à distance fonctionnera correctement conformément aux spécifications techniques, afin, notamment, d'enregistrer les alarmes, les avertissements et les état de fonctionnement de charque EOL".

Les éoliennes ont été mises sous tension. La société PEH n'établit pas que les fissures et les désordres affectant les ascenseurs, qualifés de défauts majeurs, ni les autres défauts, et notamment le bruit anormal dont la cause est inconnue, auraient empêché la mise en service de chaque éolienne.

Dès lors, les défauts constatés n'étaient pas de nature à justifier le refus des certificats de fin de montage et de livraison.

Les sociétés SGRE Eolica et SGRE ont procédé à des tests acceptation le 19 décembre 2014, avant la mise en service des éoliennes, dont la réussite a été confirmée par l'expert judiciaire.

Pour autant, il ressort des devis de remise en état des 23 éoliennes que la reprise des désordres s'élève à plus de 10'000 euros par éolienne.

Les sociétés SGRE Eolica et SGRE ne soutiennent pas que les éoliennes, le sous-parc et le parc seraient réputés acceptés en application de l'article 4.4 du contrat de services.

Elles n'établissent pas une renonciation non équivoque de la société PEH à se prévaloir des défauts pour s'opposer à l'acceptation des éoliennes et du parc éolien, alors que celle-ci a émis des réserves sur la qualité des équipements, a refusé de signer les certificats, et a soumis le différend à un expert indépendant conformément à l'article 4.5 du contrat de services.

Ainsi, la société PEH était fondée, compte tenu des défauts affectant les éoliennes, à ne pas signer les certificats d'acceptation provisoire de chaque éolienne et du parc éolien, et le certificat d'acceptation du parc éolien, et donc à ne pas régler 15 % du prix au titre du contrat de fourniture et 25 % du contrat de service.

Par lettre datée du 20 janvier 2020, les sociétés SGRE Eolica et SGRE ont notifié à la société PEH "la résiliation de plein droit" des trois contrats et de l'accord cadre au 20 mars 2020, avec paiement des factures et du coût de la maintenance jusqu'à fin 2020, invoquant des manquements graves et persistants résultant, pour l'essentiel, du non-paiement des factures émises.

Cette résiliation n'est pas rétroactive, et n'est pas de nature à faire obstacle au paiement des factures émises au titre des contrats de fourniture et de services pour les échéances exigibles.

Il résulte du décompte produit que la société PEH a réglé au 4 mars 2016 la somme de 24 494 460 euros au titre du contrat de fourniture et celle de 4 392 360 euros TTC au titre du contrat de services.

La société PEH est redevable de 85 % du prix au titre du contrat de fourniture (100 % -15 %), soit 26'431'600 euros, et 75 % du prix au titre du contrat de services (100 % - 25 %), soit 6'417'000 euros HT, soit 7 700 400 euros TTC.

Elle restait redevable des sommes de 1'937'140 euros (26 431 600 - 24 494 460) au titre du contrat de fourniture et de 3 308 040 euros TTC (7 700 400 - 4 392 360) au titre du contrat de services.

Ces sommes produisent intérêts contractuels au taux de 5,95 % à compter du 28 avril 2016, date de la mise en demeure.

Il n'est pas contesté que la société PEH a réglé en octobre 2021 les deux provisions de 1 000 000 euros et de 2 000 000 euros dont le paiement a été ordonné par le magistrat chargé de la mise en état le 18 février 2021.

En conséquence, la société PEH sera condamnée à payer à la société SGRE Eolica la somme de 1'937'140 euros au titre du contrat de fourniture avec intérêts contractuels au taux de 5,95 % à compter du 28 avril 2016, dont à déduire, en priorité sur les intérêts échus, la somme de 1 000 000 euros payée à titre provisionnel, et à la société SGRE la somme de 3 308 040 euros TTC au titre du contrat de services avec intérêts contractuels au taux de 5,95 % à compter du 28 avril 2016, dont à déduire, en priorité sur les intérêts échus, la somme de 2 000 000 euros payée à titre provisionnel.

- Sur les demandes en paiement des factures au titre de la maintenance :

Le contrat de maintenance porte sur des prestations de télésurveillance, maintenance préventive, maintenance prédictive, maintenance corrective, maintenance et nettoyage des pales, maintenance des logiciels.

L'article 7 stipule que :

* au cours des deux premières années, les prestations sont inclues dans le prix de vente, au titre de la garantie de livraison,

* de la 3ème année à la 10ème année, le prix est de 43 300 euros HT par EOL et par an,

* de la 11ème année à la 15ème année, le prix est de 50 000 euros HT par EOL et par an.

La société PEH prétend que la délivrance du parc n'ayant pas eu lieu, le contrat de maintenance n'a pas été "activé".

Les sociétés SGRE Eolica et SGRE font valoir que le démarrage du contrat de maintenance a été suspendu et qu'elles sont intervenues "à minima" au titre de la réparation et de la maintenance.

Par lettre recommandée du 20 octobre 2015, la société PEH a déclaré qu'elle paierait "une somme équivalente à la maintenance de l'année 3, c'est à dire 43 300 euros par machine et par an, à compter de la nomination de l'expert et jusqu'à la date de notre accord", et que "cette somme viendra en déduction des sommes dues au titre du contrat de services lors de la résolution de notre différend".

Elle ne s'est donc pas engagée à rémunérer une maintenance en sus des échéances du contrat de services.

Il ressort de l'économie des contrats que le contrat de maintenance entrait en vigueur une fois la fourniture, la livraison et le montage du parc éolien achevé.

Cependant, il ressort des constatations de l'expert judiciaire que les sociétés SGRE Eolica et SGRE ont peu remédié aux défauts relevés en octobre 2016 par la société DNV GL, à l'exception de deux éoliennes.

Elles ne produisent aucun élément établissant les travaux de maintenance qui auraient été effectués sur le parc éolien et permettant d'évaluer la maintenance "à minima" alléguée, et dont l'expert judiciaire ne donne aucune précision.

En conséquence, les sociétés SGRE Eolica et SGRE ne sont pas fondées à réclamer le paiement de sommes au titre de la maintenance du parc éolien.

- Sur l'exécution en nature :

A titre subsidiaire, la société PEH demande la condamnation des sociétés SGRE Eolica et SGRE à procéder aux livraisons et réparations conformes aux règles de l'art pour lever les défauts listés dans le jugement de première instance.

Elle sollicite donc subsidiairement la réparation en nature des défauts.

Les sociétés SGRE Eolica et SGRE s'y opposent et invoquent une limitation de responsabilité aux dommages et intérêts directs et à un montant n'excédant pas 15 % du montant total des contrats, soit 5 947 800 euros.

En application de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible.

Une obligation contractuelle peut faire l'objet d'une exécution forcée indépendamment de la gravité du manquement contractuel.

Par lettre datée du 20 janvier 2020, les sociétés SGRE Eolica et SGRE ont notifié à la société PEH "la résiliation de plein droit" des trois contrats et de l'accord cadre au 20 mars 2020, tout en réclamant le paiement des factures et du coût de la maintenance jusqu'à fin 2020.

Entre la mise en service des éoliennes et cette lettre de résiliation, elles n'ont pas exécuté toutes leurs obligations contractuelles de fourniture et de montage d'un parc éolien.

Dès lors, cette résiliation unilatérale ne fait pas obstacle à l'exécution en nature des travaux propres à remédier aux défauts affectant le parc éolien et constatés par l'expert judiciaire.

La société PEH demande la condamnation des sociétés SGRE et SGRE Eolica à procéder aux livraisons et réparations conformes aux règles de l'art pour lever les défauts listés dans le jugement de première instance, qui a retenu les mesures recommandées par la société DNV GL dans son rapport du 7 octobre 2016.

Il convient cependant de prendre en considération les constatations de l'expert désigné postérieurement au jugement.

Celui-ci a relevé que seules deux éoliennes avaient fait l'objet de réparation.

Il a relevé que "l'ensemble des défauts avait déjà été constaté dans le rapport DNV-GL de 2016".

L'expertise judiciaire a révélé une incompatibilité entre la position des réservations et les élévateurs des éoliennes E3, E11 et E19, que les autres types de désordres relevés sur l'ensemble des élévateurs étaient liés "à une mauvaise mise en oeuvre du matériel et l'absence de soin apporté à l'implantation", que "beaucoup de pièces ont été coupées, tordues, mal implantées, voire détournées de leur usage afin de compenser une mauvaise mise en oeuvre", que "les composants modifiés sont considérés comme n'étant plus d'origine et ne correspondent plus au certificat CE de type des installations", que les composants modifiés doivent être remplacés, et que la résistance mécanique des planchers découpés ou percés doit être reconstituée.

Il résulte des constatations de l'expert judiciaire et de son sapiteur que la mise en place des ascenseurs doit être revue complètement, que la compatibilité du matériel élévateur choisi et mis en place dans les 23 éoliennes doit être étudiée "sérieusement" par "un organisme indépendant".

La remise en état des ascenseurs, et non leur remplacement, est préconisée.

L'expert judiciaire n'a pas été en mesure de donner un avis technique sur l'origine des bruits aléatoires identifiés lors de la rotation du rotor.

Il n'est pas établi que le bon fonctionnement des éoliennes en soit affecté et aucune mesure de réparation n'est préconisée.

Les sociétés SGRE Eolica et SGRE n'établissent pas une renonciation non équivoque de la société PEH à réclamer la reprise des défauts constatés.

Elles ne sont pas fondées à opposer une "suspension de leur obligation", alors que les défauts portent sur les prestations déjà effectuées et doivent être réparés.

Les sociétés SGRE Eolica et SGRE seront dès lors condamnées à réparer les serrures des portes, le système de barre anti-panique, les joints des portes, les marques de corrosion, le tuyau d'évacuation de la nacelle, le connecteur électrique sur la "multiplicatrice", les fissurations dans le "gelcoat" du toit de la nacelle, la fixation des clefs d'interverrouillage, les visseries desserrées, les rayures, les fissures des pales, les peintures des éoliennes, et à procéder à la reprise complète de la mise en place des ascenseurs après et selon les préconisations d'une étude réalisée par un organisme indépendant, en tenant compte des préconisations de l'expert judiciaire qui a retenu que les peintures de quatre éoliennes devaient être reprises entièrement.

Compte de l'ancienneté du litige et des désordres constatés, il convient d'ordonner une astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt jusqu'au constat par huissier de justice de l'exécution de tous ces travaux.

En l'état du litige et des non-conformités auxquelles il n'a pas été remédié, les sociétés SGRE Eolica et SGRE ne sont pas fondées à réclamer à la société PEH le solde du prix au titre des contrats de fourniture et de services, soit 4 664 400 euros (15 % de 31 096 000 euros HT) et 2 566 800 euros TTC (25 % de 10 267 200 euros TTC).

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les sociétés SGRE Eolica et SGRE succombent partiellement.

En conséquence, elles seront tenues aux entiers dépens, de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise.

Le jugement sera ainsi confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.

Il apparaît équitable de condamner les sociétés SGRE Eolica et SGRE à payer à la société PEH la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel et de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles exposés en première instance.

La demande des sociétés SGRE Eolica et SGRE au titre des frais irrépétibles exposés en appel sera rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables les demandes principales de la société [Adresse 11] en résolution des contrats, restitution du prix partiellement payé et du solde du prix séquestré, paiement de pénalités bancaires, remboursement de travaux de construction et de charges, et expertise.

INFIRME le jugement du 13 décembre 2016 du tribunal de commerce de Paris sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société [Adresse 11] à payer à la société Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica la somme de 1'937'140 euros au titre du contrat de fourniture avec intérêts contractuels au taux de 5,95 % à compter du 28 avril 2016, dont à déduire, en priorité sur les intérêts échus, la somme de 1 000 000 euros payée à titre provisionnel, et à la société SGRE la somme de 3 308 040 euros TTC au titre du contrat de services avec intérêts contractuels au taux de 5,95 % à compter du 28 avril 2016, dont à déduire, en priorité sur les intérêts échus, la somme de 2 000 000 euros payée à titre provisionnel;

Rejette les autres demandes des sociétés Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica et Siemens Gamesa Renewable Energy au titre des contrats de fourniture et de services ;

Rejette la demande de la société Siemens Gamesa Renewable Energy au titre d'une maintenance ;

Condamne la société Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica et la société Siemens Gamesa Renewable Energy à réparer les serrures des portes, le système de barre anti-panique, les joints des portes, les marques de corrosion, le tuyau d'évacuation de la nacelle, le connecteur électrique sur la "multiplicatrice", les fissurations dans le "gelcoat" du toit de la nacelle, la fixation des clefs d'interverrouillage, les visseries desserrées, les rayures, les fissures des pales, les peintures des éoliennes, avec reprise complète pour quatre éoliennes, et à procéder à la reprise complète de la mise en place des ascenseurs après et selon les préconisations d'une étude réalisée par un organisme indépendant, selon les préconisations de l'expert judiciaire, aux termes de son rapport du 6 avril 2021, et ce, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt jusqu'au constat par huissier de justice de l'exécution de tous ces travaux ;

Condamne les sociétés Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica et Siemens Gamesa Renewable Energy à payer à la société [Adresse 11] la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Rejette la demande des sociétés Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica et Siemens Gamesa Renewable Energy au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne les sociétés Siemens Gamesa Renewable Energy Eolica et Siemens Gamesa Renewable Energy aux dépens de la procédure d'appel comprenant les frais d'expertise.