CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 23 février 2024, n° 22/01451
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Locam - Location Automobiles Materiels (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme L'eleu de la Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Jamet, Me Migaud
FAITS ET PROCEDURE
Selon un bon de commande daté du 30 juin 2015, la SARL Agence Française des Energies Nouvelles (la société AFDEN) a fourni à M. [D] [L], exerçant sous l'enseigne Boulangerie [L], du matériel destiné à réaliser des économies d'énergie électrique, incluant la prise en charge de l'installation et de la maintenance.
Le même jour, M. [D] [L] a souscrit auprès de la société Locam - Location Automobiles Matériels (la société Locam) un contrat de location portant sur l'équipement fourni par la société AFDEN, moyennant le paiement de soixante loyers d'un montant de 196 € HT.
Un procès-verbal de livraison et de conformité a été établi, le 15 juillet suivant, signé par M. [L].
Par courrier du 20 novembre 2015, la société Locam a adressé à M. [L] une mise en demeure de régler un arriéré des loyers, lui notifiant que, passé un délai de huit jours, à défaut de paiement, il serait procédé à la déchéance du terme.
Soutenant que son consentement avait été vicié, M. [L] a fait assigner, suivant exploits des 17 et 18 février 2020, la société AFDEN et la société Locam devant le tribunal de commerce de Créteil, à l'effet de voir prononcer la nullité du contrat conclu avec la société AFDEN, et subsidiairement sa résolution, ainsi que la caducité de la convention de location financière conclue avec la société LOCAM.
La société AFDEN ayant été placée en liquidation judiciaire, le 25 novembre 2020, M. [L] a délivré une assignation à maître [H] ès qualités de liquidateur judiciaire, ce qui a donné lieu à une jonction des deux affaires, suivant décision du 4 mai 2021.
Par jugement en date du 30 novembre 2021, le tribunal de commerce de Créteil a :
- Dit M. [D] [L] irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la société AFDEN et l'en a débouté,
- Débouté M. [D] [L] de l'ensemble de ses autres demandes,
- Condamné M. [D] [L], au titre de la résiliation du contrat n° 1201195/066271, à payer à la société Locam la somme de 15.523,20 € avec intérêts au taux égal au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de dix points de pourcentage, et ce à compter de la date d'échéance de chacune des soixante mensualités, et débouté la société Locam du surplus de sa demande au titre des intérêts,
- Condamné M. [D] [L] à restituer le matériel Kit Led TJ36 loué à la société Locam au titre du contrat n° 1201195/066271 et débouté celle-ci de sa demande d'astreinte,
- Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 30 novembre 2021, pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,
- Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelé que l'exécution provisoire était de droit,
- Mis les dépens à la charge de la partie demanderesse,
- Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 188,21 € (dont 20 % de TVA).
M. [D] [L] a formé appel du jugement par déclaration du 13 janvier 2022, signifiée à maître [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL AFDEN, le 17 mars 2022.
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 3 octobre 2022, et régulièrement signifiées, le 12 avril 2022, à maître [H] ès qualités, M. [D] [L] demande à la cour, au visa des articles 1109, 1110, 1116, 1134, 1147, 1184, 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, des actuels articles 1603 et 1604 du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile, de :
« - Débouter la société Locam ' Location Automobiles Matériels de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Dire et juger Monsieur [L] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et
conclusions ;
- Infirmer le jugement querellé en ce qu'il a :
o « Dit M. [D] [L] irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la société AFDEN (Agence Française des énergies nouvelles) et l'en déboute ;
o Déboute M. [D] [L] de l'ensemble de ses autres demandes ;
o Condamne M. [D] [L], au titre de la résiliation du contrat No 1211195/066271, à payer à la société LOCAM ' Location automobile matériels la somme de 15.523,20 euros, avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récents, majoré de 10 points de pourcentage et ce à compter de la date d'échéance de chacune des 60 mensualités ;
o Condamne M. [D] [L] à restituer le matériel Kit Led TJ36 loué à la société LOCAM ' Location automobile matériels au titre du contrat No 1211195/066271 ;
o Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 30 novembre 2021, pour que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière ;
o Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du CPC. »
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- CONSTATER que le consentement de Monsieur [L] a été vicié ;
- PRONONCER, par conséquent, la nullité du contrat conclu avec la société Afden ;
A titre subsidiaire,
- CONSTATER que la société Afden n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme ;
- PRONONCER, par conséquent, la résolution du contrat conclu entre Monsieur [L] et la société Afden ;
En tout état de cause,
- PRONONCER la caducité du contrat conclu entre Monsieur [L] et la société
Locam ;
- CONDAMNER la société Afden, représentée par Monsieur [B] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Afden, à procéder au démontage de la batterie de condensateur et du kit LED installé dans la boulangerie de Monsieur [L] ainsi qu'à la remise en état de l'installation initiale et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- FIXER au passif de la société Afden la somme de 5.000 euros à titre de dommages
et intérêts en réparation du préjudice moral subi par Monsieur [L] ;
- CONDAMNER la société Locam à payer à Monsieur [L] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- FIXER au passif de la société Afden la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société Locam à supporter les entiers dépens d'instance. »
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 6 juillet 2022, et régulièrement signifiées à maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL AFDEN, le 8 juillet 2022, la SAS Locam- Location Automobiles Matériels demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil dans leur version applicable aux présentes, et subsidiairement des articles 1147 ancien et 1343-2 nouveau du code civil de :
« - JUGER la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
EN CONSEQUENCE
- DEBOUTER Monsieur [D] [L] exerçant sous l'enseigne « BOULANGERIE [L] » de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- A TITRE PRINCIPAL :
- CONFRIMER le Jugement déféré en toutes ses dispositions,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- CONDAMNER Monsieur [D] [L] exerçant sous l'enseigne « BOULANGERIE [L] » au paiement de la somme de 15.523,20 € et ce avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L 441-6 du code de commerce) à compter de la faute commise par celui-ci, soit le 15.07.2015, date de signature du procès-verbal de livraison et de conformité.
- ORDONNER l'anatocisme des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil.
- ORDONNER la restitution par Monsieur [D] [L] exerçant sous l'enseigne « BOULANGERIE [L] » du matériel objet du contrat et ce, sous astreinte par 100 euros par jour de retard à compter de la date de la signification de l'arrêt à intervenir.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- CONDAMNER Monsieur [D] [L] exerçant sous l'enseigne « BOULANGERIE [L] » au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- CONDAMNER Monsieur [D] [L] exerçant sous l'enseigne « BOULANGERIE [L] » aux entiers dépens de la présente instance. »
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
Maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL AFDEN n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais la cour ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien-fondés. Ainsi, la cour examine, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le tribunal s'est déterminé.
Sur la recevabilité des demandes à l'encontre de la société AFDEN
Les demandes de M. [L] formées à l'encontre de la société AFDEN sont recevables, dès lors qu'elles sont dirigées, en appel, à l'encontre de la société AFDEN représentée par maître [H] ès qualités de liquidateur et qu'elles visent à fixer les créances de l'appelant au passif de la procédure collective, et non plus, comme en première instance, à prononcer des condamnations à l'encontre de l'intimée.
Sur la nullité du contrat conclu avec la société AFDEN
Enoncé des moyens
M. [L] prétend que la société AFDEN a eu recours à des man'uvres dolosives afin de l'inciter à commander une batterie de condensateur ainsi qu'un Kit Led, en lui promettant de réaliser des économies d'énergie significatives, de l'ordre de 20 % à 30 %, et qu'il s'est aperçu rapidement que cette installation, qui n'était pas adaptée, ne permettait pas de réduire le montant de ses factures d'électricité. Il explique, plus précisément, que le commercial qui s'est rendu dans la boulangerie, afin d'effectuer une étude de faisabilité, était vêtu d'une tenue de travail avec le sigle EDF, qui figurait également sur son véhicule utilitaire, laissant suggérer un partenariat avec cette société, tout en soulignant que la société AFDEN a déjà été condamnée pour des faits similaires. Il ajoute que, selon les conclusions de l'expert, mandaté par son assureur de protection juridique, l'installation ne permet pas de réaliser d'économie substantielle supérieure à l'investissement, mais que la boulangerie subit au contraire, en période d'activité creuse ou pleine, une perte financière. Il fait valoir que de nombreux internautes ont dénoncé les pratiques commerciales de la société AFDEN, à l'encontre de laquelle il s'est constitué partie civile, dans le cadre d'une enquête préliminaire.
La société Locam réplique que la preuve d'un dol n'est pas rapportée. Selon elle, M. [L] n'est pas fondé à se prévaloir d'une erreur relative à la personne de la société AFDEN, qui ne représentait pas la cause principale du contrat de fourniture. Elle prétend, ensuite, que l'attestation du propre fils de M. [L] n'a aucune de valeur probante, qu'aucune batterie de condensateur n'a été commandée ni installée et que le contenu de l'expertise, au demeurant non contradictoire, produite par l'appelant, suggère que la hausse de la consommation d'énergie est due à une augmentation de l'activité de la boulangerie.
Réponse de la cour
L'article 1116 du code civil, dans sa version antérieure 1er octobre 2016, applicable au jour de la signature du bon de commande en date du 30 juin 2015, dispose : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
Il résulte des explications de M. [L] que ce dernier ne se prévaut pas d'une erreur se rapportant à la qualité de la société AFDEN, mais de man'uvres pratiquées par le fournisseur l'ayant induit en erreur sur les qualités substantielles, les propriétés et le résultat attendu de l'utilisation matériel, sans lesquelles il n'aurait pas contracté.
Pour ce qui concerne le matériel fourni, le procès-verbal de livraison, le contrat de location financière, de même que la facture du 24 juillet 2015 de la société AFDEN réglée par la société Locam, portent uniquement sur un « Kit Led ». Néanmoins, même si les cases correspondantes n'ont pas été cochées, le bon de commande précise qu'il s'agit à la fois d'un Kit Led et d'une batterie de condensateur. En outre, ce bon de commande indique que l'installation et la maintenance sont prises en charge par la société AFDEN, dont le prix facturé à la société Locam, à savoir 9.749,30 € TTC, n'est pas en adéquation avec la valeur d'un Kit Led, vendu à part. Il est ainsi établi, contrairement à ce que soutient la société Locam, que le matériel fourni incluait non seulement un Kit Led mais aussi une batterie de condensateur.
L'examen du bon de commande, bien qu'il comprenne le logo de l'entreprise Legrand, ne comprend, pour autant, aucune précision concernant la marque du matériel vendu. Et le sigle « Electricité de France » (EDF) n'apparaît pas sur ce document, pas plus que sur la brochure commerciale de la société AFDEN.
Pour justifier que la tenue de travail et le véhicule du commercial de la société AFDEN, s'étant déplacé dans les locaux de la boulangerie, afin de procéder à une étude de faisabilité, portaient l'une et l'autre le sigle de la société EDF, M. [L] produit uniquement une attestation de son fils, par ailleurs, employé comme pâtissier, insuffisante à établir la preuve des faits allégués, en raison du lien de parenté et de dépendance économique, avec le témoin. Les avis d'internaute, dénonçant les pratiques commerciales de la société AFDEN, qui n'ont pas la valeur d'attestations, au sens de l'article 202 du code de procédure civile, ne permettent pas, quant à elles, de corroborer cet unique témoignage.
Enfin, bien que M. [L] justifie qu'il s'est constitué partie civile dans le cadre de poursuites pénales dirigées à l'encontre de la société AFDEN, il ne produit pas le jugement du tribunal correctionnel de Créteil, saisi de l'affaire, alors qu'il indique que cette décision devait être rendue le 14 septembre 2022.
Dans ces conditions, il y a lieu d'estimer que la preuve d'un dol commis par la société AFDEN n'est pas rapportée et de confirmer le jugement, en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande d'annulation du contrat conclu avec celle-ci.
Sur la demande de résolution judiciaire du contrat conclu avec la société AFDEN
Enoncé des moyens
L'appelant rappelle qu'il s'est rapidement aperçu que l'installation du matériel fourni par la société AFDEN ne permettait pas de diminuer ses dépenses d'énergie, ce que l'expert a confirmé. Il estime, en conséquence, que la société AFDEN a manqué à son obligation de délivrance conforme, et que le prononcé de la résolution du contrat est justifié.
Pour sa part, la société Locam prétend que, selon les stipulations du contrat de location financière, la livraison du bien et son installation sont faites aux frais et risques du locataire sous sa responsabilité. Elle ajoute que M. [L] n'est pas fondé à invoquer un manquement à l'obligation de délivrance conforme, dès lors qu'il a signé un procès-verbal de livraison et de conformité. Par ailleurs, selon elle, l'appelant ne peut se prévaloir de l'inefficience des batteries, seul un ensemble de luminaires de type Led ayant été commandé et livré. Enfin, elle soutient que la rentabilité économique ne constituait pas un engagement contractuel de la société AFDEN.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. La délivrance est, selon l'article 1604 du même code, le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
L'article 1184 dudit code, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable aux faits de la cause, dispose :
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »
Ainsi qu'il a été exposé, la société Locam n'est pas fondée à prétendre que le matériel commandé et livré portait uniquement sur un Kit Led, l'examen des pièces versées aux débats permettant de vérifier que les contrats avaient également pour objet la fourniture et la location d'une batterie de condensateur.
Le moyen tiré de la clause du contrat, figurant à l'article 2, qui stipule que la livraison du bien et son installation sont faites aux frais et risques du locataire sous sa responsabilité, est lui-même inopérant, une telle clause, inhérente au transfert des risques, signifiant uniquement que le locataire doit veiller à la bonne conservation du matériel, dont la société Locam demeure propriétaire.
Par ailleurs, s'agissant d'un matériel complexe et sophistiqué, l'obligation de délivrance ne peut s'entendre, dans le cas présent, de la simple remise matérielle du bien et de son installation, mais recouvre l'obligation pour le vendeur de délivrer une chose correspondant aux caractéristiques convenues entre les parties, quant à ses propriétés techniques.
La société Locam ne peut ainsi opposer à M. [L] la signature du procès-verbal de réception et de conformité, signé concomitamment à la mise en location, alors que ce dernier n'était pas en mesure de vérifier, avant une mise en route prolongée, si le matériel répondait aux caractéristiques d'efficacité promises. L'objet de ce document était ainsi de permettre la mise en place du contrat de location financière, après acquisition du matériel par la société Locam, sans préjuger de l'exécution de l'obligation de délivrance de la société AFDEN.
Les conditions générales de vente ne sont pas versées aux débats, le bon de commande produit par M. [L] ne comportant aucun verso. Néanmoins, il résulte explicitement des termes de la brochure de la société AFDEN que le matériel vendu était destiné à permettre un gain de dépenses d'énergie, ce qui lui conférait son intérêt.
M. [L] produit un rapport d'expert, missionné par son assureur de protection juridique, ayant conclu, après avoir procédé à une vérification des consommations d'électricité durant les années 2015 et 2016, qu'il n'existait pas d'économie substantielle supérieure à l'investissement et que la boulangerie subissait, au contraire, en période d'activité creuse ou pleine, une perte financière. L'expert a, plus précisément, réalisé une comparaison entre la période des mois d'octobre 2014 à mars 2015 et la période des mois d'octobre 2015 à mars 2016, et relevé que la boulangerie subissait une perte financière globale de 304,11 €, à raison d'une diminution du montant des factures de 401,49 €, inférieure au coût de la location de 705,60 €. Le matériel ayant été installé le 15 juillet 2015, la société Locam n'est donc pas fondée à prétendre que les points de comparaison utilisés ne seraient pas probants, le bien-fondé de l'analyse de l'expert n'étant pas sérieusement remis en cause, à défaut notamment, pour l'appelante, d'établir que la hausse constatée serait due à une augmentation de l'activité de la boulangerie.
Ce rapport d'expertise, quoique non contradictoire, a été régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties.
Il est, par ailleurs, corroboré par une note technique de la Chambre des Métiers et de l'Artisanat de Champagne-Ardenne relative aux « éco-boîtiers », similaire à l'appareil vendu par la société AFDEN, dont les conclusions sont les suivantes :
« L'appareil « économisateur d'énergie » souvent proposé n'apparaît pas approprié pour la plupart des petites entreprises artisanales. En effet, son intérêt ne serait réel que pour des entreprises qui ont un parc d'équipements important et qui ont donc des facturations d'énergie réactive conséquentes.
En boulangerie, lorsque la puissance souscrite est importante, c'est toujours en raison de la présence d'un ou plusieurs fours électriques. Dans ce cas, l'intérêt de cet appareil est également inexistant puisque qu'un four électrique ne consomme pas d'énergie réactive.
Dans le cas peu probable où une entreprise artisanale devrait payer des pénalités imputées à une énergie réactive trop importante, l'intervention d'un électricien peut suffire. En effet il peut procéder à l'installation de condensateurs si l'installation le nécessite, sans pour autant qu'il soit nécessaire d'investir dans des appareils coûteux proposés par ces entreprises commerciales ».
La preuve est ainsi rapportée que le matériel ne générait pas des économies d'énergie, de sorte qu'il ne présentait pas les caractéristiques conventionnellement prévues.
Il est, dès lors, établi que la société AFDEN a manqué à son obligation de délivrance conforme aux stipulations du contrat du 30 juin 2015.
Le matériel ne présente aucune utilité en termes de gain d'énergie attendus et il génère, au contraire, un coût financier plus important. Le manquement de la société AFDEN présente ainsi un caractère de gravité suffisant pour justifier la résolution du contrat à la date du 30 juin 2015, soit au jour de sa conclusion.
Le jugement sera, par suite, infirmé en ce que les premiers juges ont estimé que la société AFDEN avait satisfait à son obligation de délivrance conforme, étant souligné que les premiers juges ont débouté en suivant M. [L] d'une demande d'annulation du bon de commande, alors qu'il sollicitait la résolution du contrat.
Sur la caducité du contrat conclu avec la société Locam
Enoncé des moyens
Se prévalant de l'interdépendance des contrats litigieux, M. [L] fait valoir que la résolution du contrat conclu avec la société AFDEN entraîne la caducité du contrat de location.
La société Locam estime être fondée, pour le cas où la résolution du contrat, serait prononcée, à obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle subit, au motif que M. [L] a commis une faute contractuelle en signant le procès-verbal de livraison et de conformité du matériel.
Réponse de la cour
En application de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable avant le 1er octobre 2016, les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, et l'anéantissement de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres.
Il est de principe que, du fait de l'interdépendance des contrats dits de partenariat et de location financière en cause, sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance, telles les clauses dites « de non-recours » stipulées dans le contrat de location, dès lors que le locataire a la faculté de demander, par voie d'action comme par voie d'exception, en défense à une assignation du bailleur, la résiliation préalable du contrat de fourniture ou de prestation, à condition d'avoir mis en cause le fournisseur ou le prestataire, ou leur liquidateur, puis la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location, peu important que le bailleur ait fait application, au préalable, de la clause résolutoire stipulée dans ce dernier contrat (par ex., Ch. mixte., 17 mai 2013, n° 11-22.768, publié au Bulletin ; Com., 13 décembre 2017, n° 16-21.362, inédit.
En l'occurrence, le contrat de fourniture du matériel et le contrat de location financière, conclus par M. [L], procèdent d'une opération financière unique. Il convient ainsi de constater la caducité du contrat de location conclu avec la société Locam à compter du 30 juin 2015, par suite de la résolution du contrat principal conclu avec la société AFDEN, prononcée ce même jour. Le jugement sera donc également infirmé des chefs de rejet de la demande de M. [L] et de sa condamnation au paiement des sommes dues au titre du contrat de location, au bénéfice de la société Locam.
Par suite des développements précédents, la société Locam n'est pas fondée à reprocher à M. [L] d'avoir commis une quelconque faute contractuelle en signant le procès-verbal de livraison et de conformité. Elle sera donc déboutée de sa demande subsidiaire en paiement des sommes restant dues au titre du contrat de location financière.
Sur la restitution du matériel
La société Locam ayant acquis le matériel donné en location à M. [L], ainsi qu'il résulte de la facture du 24 juillet 2015, ce dernier ne pourra être que débouté de sa demande visant à voir condamner la société AFDEN à procéder au démontage de la batterie de condensateur et à remettre l'installation en état.
Le jugement sera corrélativement confirmé, en ce qu'il a condamné M. [L] à restituer le matériel à la société Locam, et déboutée celle-ci de sa demande d'astreinte, dont aucune circonstance ne fait apparaître la nécessité.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [L]
L'article 1382, devenu 1240, du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'existence de man'uvres dolosives imputables à la société AFDEN n'ayant pas été démontrée, et tandis que M. [L] ne caractérise pas le préjudice moral qui serait résulté de l'inefficience de la location financière, il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur les autres demandes
Les intimées succombant essentiellement au recours, le jugement sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens.
Il y a lieu par conséquent de fixer au passif de la procédure collective de la société AFDEN la moitié des dépens de première instance et d'appel et de condamner la société Locam à payer l'autre moitié desdits dépens.
Il apparaît également équitable de fixer au passif de la procédure collective de la société AFDEN la créance de M. [L] à la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner, en application de ce texte, la société Locam à payer à M. [L] une somme équivalente de 2.500 €.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :
- condamné M. [D] [L] à restituer à la société Locam le matériel Kit Led TJ36 loué au titre du contrat n° 1201195/066271 et débouté celle-ci de sa demande d'astreinte,
- débouté M. [D] [L] de sa demande d'annulation du contrat conclu avec la SARL Agence Française des Energies Nouvelles,
Statuant à nouveau,
Y ajoutant,
DÉCLARE recevables les demandes de M. [D] [L] dirigées à l'encontre de la SARL Agence Française des Energies Nouvelles représentée par maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur,
PRONONCE, à la date du 30 juin 2015, la résolution du contrat de fourniture du matériel conclu entre M. [D] [L] et la SARL Agence Française des Energies Nouvelles,
CONSTATE, à compter du 30 juin 2015, la caducité du contrat de location financière liant M. [D] [L] et la SAS Locam - Location Automobiles Matériels,
REJETTE les demandes de la SAS Locam - Location Automobiles Matériels en paiement des sommes restant dues au titre du contrat de location financière,
REJETTE la demande de M. [D] [L] visant à condamner la SARL Agence Française des Energies Nouvelles représentée par maître [H] ès qualités de mandataire liquidateur à procéder au démontage du matériel et à remettre l'installation dans son état initial,
REJETTE la demande de M. [D] [L] en fixation d'une créance de dommages et intérêts au passif de la SARL Agence Française des Energies Nouvelles,
FIXE au passif de la procédure collective de la SARL Agence Française des Energies Nouvelles la moitié des dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE la SAS Locam - Location Automobiles Matériels à payer l'autre moitié des dépens de première instance et d'appel,
FIXE au passif de la procédure collective de la SARL Agence Française des Energies Nouvelles la créance de M. [D] [L] à la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Locam - Location Automobiles Matériels à payer à M. [D] [L] une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.