Livv
Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 23 avril 2024, n° 21/01102

CHAMBÉRY

Autre

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pirat

Conseillers :

Mme Reaidy, Mme Real del Sarte

Avocats :

Selarl Bollonjeon, Selarl Malesherbes Avocats

T. com. Thonon-Les-Bains, du 28 avr. 202…

28 avril 2021

Faits et Procédure

M. [M] [W] est décédé le [Date décès 2] 2018, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [K] [Z] et ses cinq enfants, [V], [C], [H], [A] et [E] [W]. Son épouse est décédée à son tour le 21 mars 2020, laissant pour lui succéder sa fille unique, Mme [D] [P].

M. [M] [W] était associé majoritaire des sociétés Hôtel [13], détenant 400 parts sociales sur 500, et [23], détenant 640 parts sur 800, ces deux hôtels étant sur les rives du lac Léman. La gérante des sociétés est la petite nièce du défunt, Mme [B] [W], également associée.

Les héritiers de M. [M] [W] sollicitaient de la gérante de voir retranscrire les parts sociales de leur père à leurs noms, puis l'agrément de l'indivision successorale en tant qu'associée des deux sociétés hôtelières. Leurs demandes successives étaient rejetées, des assemblées générales extraordinaires du 4 janvier 2018 ayant imposé l'agrément de tout héritier d'un associé par les associés survivants, lesquels, lors des assemblées générales en date du 3 janvier 2020 refusaient cet agrément, décision notifiée le 4 janvier 2020.

Le délai de trois mois imparti aux associés pour acquérir les parts était prorogé de six mois par ordonnance de la présidente du tribunal de commerce et prenait fin le 4 octobre 2020.

Les deux sociétés et leurs associés, Mme [B] [W], M. [U] [W], M. [Y] [O], M. [S] [W] ont fait assigné en procédure accélérée au fond les héritiers de M. [M] [W] devant la présidente du tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains afn de voir ordonner une expertise pour évaluer les droits sociaux de ces derniers.

Par jugement contradictoire en date du 28 avril 2021, sur assignation délivré par les héritiers [W] en date du 21 octobre 2020, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a :

- constaté que [V], [C], [H], [A] et [E] [W] et Mme [D] [P] sont devenus de plein droit associés indivis des sociétés Hôtel [13] et [23] à compter du 4 octobre 2020,

- ordonné à Mme [B] [W], gérante de la société Hôtel [13], de transcrire dans le registre des mouvements de titres la transmission des 400 parts sociales qui appartenaient à feu [M] [W] au bénéfice des héritiers, à savoir [V], [C], [H], [A] et [E] [W] et Mme [D] [P], cette dernière venant aux droits de feu [K] [Z], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification du jugement,

- ordonné à Mme [B] [W], gérante de la société [23], de transcrire dans le registre des mouvements de titres la transmission des 640 parts sociales qui appartenaient à feu [M] [W] au bénéfice des héritiers, à savoir [V], [C], [H], [A] et [E] [W] et Mme [D] [P], cette dernière venant aux droits de feu [K] [Z], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification du jugement,

- débouté Mme [B] [W] et les Sociétés Hotel [13] et [23] de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions, et notamment celle relative à l'octroi de dommages-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné in solidum Mme [B] [W] et les sociétés Hotel [13] et [23] à verser aux demandeurs la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les mêmes aux entiers dépens de l'instance.

Le tribunal a considéré que le délai de 9 mois pour le rachat des droits sociaux ne pouvait pas être prorogé et ne pouvait pas être suspendu, de sorte que les héritiers de M. [M] [W] étaient devenus associés de plein de droit des deux sociétés hôtelières.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 26 mai 2021, la société Hôtel [13], la société [23] et Mme [B] [W] ont interjeté appel de cette décision.

Prétentions des parties

Par dernières écritures en date du 1er octobre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Hôtel [13], la société [23] et Mme [B] [W] sollicitent de la cour de déclarer leur appel recevable et de :

A titre principal,

- Annuler le jugement entrepris en ce qu'il a statué à l'encontre de Mme [D] [P], non partie à l'instance,

A titre subsidiaire,

- Réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Déclarer que la saisine du président du tribunal de commerce de Thonon les Bains, en procédure accélérée au fond aux fins de désignation d'un expert, permet de suspendre le délai prévu par l'article L 223-14 du code de commerce,

- Constater que la procédure de non-agrément est toujours en cours et que dès que l'expert évaluera les parts sociales des sociétés défenderesses, les consorts [W] n'auront d'autres choix que de céder leurs parts à la valeur exprimée par ce dernier,

- Déclarer que les consorts [W] ne sont aucunement agréés de plein droit,

- Débouter les consorts [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire,

- Déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée par les consorts [W] s'agissant de la publication au Tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains du jugement entrepris et de l'arrêt de la Cour,

- Constater que l'exécution des condamnations prononcées par le Tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains est impossible et que le montant de l'astreinte est excessif et sans nécessité,

- Dire et juger ni avoir lieu à soumettre l'obligation d'agrément à une astreinte,

- Réduire, à défaut, l'astreinte à de plus justes proportions soit à la somme de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

En état de cause,

- Condamner in solidum les consorts [W] à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure dilatoire et abusive,

- Condamner in solidum les consorts [W] à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures en date du 17 octobre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les consorts [V], [C], [H], [A] et [E] [W] et Mme [D] [P] demandent à la cour de :

- Déclarer Mme [D] [P] recevable en son intervention volontaire en cause d'appel,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Ordonner à Mme [B] [W], ès qualité de gérante de la société Hôtel [13], de convoquer une assemblée générale mixte chargée de statuer (i) sur l'adoption de nouveaux statuts tenant compte de la nouvelle répartition du capital et des droits de vote par la transmission à cause de mort des 400 parts sociales de cette société qui appartenaient à M. [M] [W] au bénéfice indivis de ses héritiers, à savoir MM. [H] [W], [V] [W], [A] [W], [E] [W], Mme [C] [W] et Mme [D] [P], cette dernière venant elle-même aux droits de Mme [K] [Z], et (ii) sur la révocation de la gérante et la nomination d'un nouveau gérant, et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonner à Mme [B] [W], ès qualité de gérante de la société [23], de convoquer une assemblée générale mixte chargée de statuer sur l'adoption de nouveaux statuts tenant compte de la nouvelle répartition du capital et des droits de vote par la transmission à cause de mort des 640 parts sociales de cette société qui appartenaient à M. [M] [W] au bénéfice indivis de ses héritiers, à savoir MM. [H] [W], [V] [W], [A] [W], [E] [W], Mme [C] [W] et Mme [D] [P], cette dernière venant elle-même aux droits de Mme [K] [Z], et sur la révocation de la gérante et la nomination d'un nouveau gérant, et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonner la publication au greffe du tribunal de commerce de Thonon-les-Bains du jugement de ce tribunal en date du 28 avril 2021 ainsi que de l'arrêt à intervenir,

- Débouter les appelantes de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions,

- Condamner in solidum les sociétés Hôtel [13] et [23] et Mme [B] [W] à verser aux intimés une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

L'ordonnance de clôture était rendue le 30 octobre 2023 et l'affaire était appelée à l'audience du 4 décembre 2023.

MOTIFS ET DÉCISION

I - Sur la procédure

A - Sur la nullité du jugement

Les appelantes font valoir que le tribunal de commerce a constaté que Mme [D] [P] était associée indivis de plein droit des sociétés Hôtel [13] et [23] et a ordonné à la gérante des deux sociétés de transcrire dans le registre des mouvements de titres des sociétés la transmission des parts de feu [M] [W] au bénéfice indivis des héritiers de ce dernier dont Mme [D] [P] alors que cette dernière n'était pas partie à l'instance.

Mme [D] [P] soutient qu'elle seule pourrait avoir intérêt à faire juger cette décision inopposable par la voie de la tierce opposition, les intimés faisant valoir que les appelantes ne s'étaient pas opposées de voir Mme [D] [P] incluse dans l'indivision.

Le jugement entrepris expose précisément les prétentions des autres héritiers [W], demandeurs à l'instance, lesquelles concernaient Mme [D] [P], également héritière de M. [M] [W]. Le jugement expose par ailleurs également précisément les prétentions des défenderesses en première instance, appelantes, lesquelles n'ont pas émises de prétentions tendant à voir exclure Mme [D] [P] de la décision susceptible d'être prise. En outre, Mme [D] [P] n'a pas fait de tierce opposition alors qu'elle était directement concernée et est même intervenue à l'instance d'appel aux côtés des autres héritiers pour solliciter la confirmation de la décision de première instance, de sorte que la cour considère qu'il n'existe aucun motif d'annulation, sachant qu'au surplus, la cour aurait évoqué.

B - Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [D] [P]

Les intimés sollicitent que l'intervention volontaire de Mme [D] [P] soit déclarée recevable. Les appelantes s'y opposent.

Conformément aux articles 325 et suivants du code de procédure civile, l'intervention de Mme [D] [P] est recevable car celle-ci, héritière de M. [M] [W] a un intérêt à agir et ses prétentions sont identiques à celles des intimés.

C - Sur l'irrecevabilité de la demande de publication des décisions judiciaires

Seule la demande de publication de la décision à intervenir est arguée d'irrecevabilité, étant considérée par les appelantes comme une demande nouvelle.

La demande tendant à voir ordonner la publication du jugement et du présent arrêt ne tend ni aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et elle ne constitue ni l'accessoire, ni le complément nécessaire, ni la conséquence des prétentions soumises au premier juge au sens des articles 565 et 566 du code de procédure civile.

Elle constitue une demande nouvelle au sens de l'article 564 dudit code et comme telle sera déclarée irrecevable, étant au demeurant ajouter que une publication des décisions au greffe du tribunal de commerce n'aurait aucun intérêt à supposer cette publication possible.

II - Sur le fond

1 - Sur les prétentions des appelantes

A - Sur l'agrément en qualité d'associée de l'indivision successorale de M. [M] [W]

Aux termes de l'article L223-13 du code de commerce : 'Les parts sociales sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants.

Toutefois, les statuts peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant ne peut devenir associé qu'après avoir été agréé dans les conditions prévues à l'article L. 223-14. A peine de nullité de la clause, les délais accordés à la société pour statuer sur l'agrément ne peuvent être plus longs que ceux prévus à l'article L. 223-14, et la majorité exigée ne peut être plus forte que celle prévue audit article. En cas de refus d'agrément, il est fait application des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 223-14.

Si aucune des solutions prévues à ces alinéas n'intervient dans les délais impartis, l'agrément est réputé acquis.

Les statuts peuvent stipuler qu'en cas de décès de l'un des associés la société continuera avec son héritier ou seulement avec les associés survivants. Lorsque la société continue avec les seuls associés survivants, ou lorsque l'agrément a été refusé à l'héritier, celui-ci a droit à la valeur des droits sociaux de son auteur.

Il peut aussi être stipulé que la société continuera, soit avec le conjoint survivant, soit avec un ou plusieurs des héritiers, soit avec toute autre personne désignée par les statuts ou, si ceux-ci l'autorisent, par dispositions testamentaires.

Dans les cas prévus au présent article, la valeur des droits sociaux est déterminée au jour du décès conformément à l'article 1843-4 du code civil'.

L'article L223-14 dans ses alinés 3 et 4 prévoient que : ' Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d'expertise sont à la charge de la société. A la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois.

La société peut également, avec le consentement de l'associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues ci-dessus. Un délai de paiement qui ne saurait excéder deux ans peut, sur justification, être accordé à la société par décision de justice. Les sommes dues portent intérêt au taux légal en matière commerciale'.

Enfin, l'article 1843-4 I du code civil énonce que 'I. ' Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.

L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties'.

Selon le premier de ces textes, les statuts d'une société à responsabilité limitée peuvent stipuler qu'un héritier ne peut devenir associé qu'après avoir été agréé dans les conditions prévues à l'article L. 223-14 du code de commerce. En cas de refus d'agrément, il est fait application des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 223-14. Si aucune des solutions prévues à ces alinéas n'intervient dans les délais impartis, l'agrément est réputé acquis. Lorsque l'agrément a été refusé à l'héritier, celui-ci a droit à la valeur des droits sociaux de son auteur.

En l'espèce, les statuts modifiés de chacune des deux sociétés, la sarl Hôtel [13] et la sarl [23] par assemblées générales extraordinaires en date du 4 janvier 2018 prévoyaient une clause d'agrément des héritiers à l'article 12 s'agissant des statuts de la première société, à l'article 11 s'agissant des statuts de la seconde ' toute transmission de parts sociales par voie de succession ne pourra avoir lieu qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins les trois quarts des parts sociales étant précisé que pour le calcul de cette majorité, les héritiers et représentants du défunt n'auront pas le droit au vote et que le nombre de parts détenues par le défunt se sera pas comptabilisé pour le quorum ou la majorité requise', outre la mention ' si à l'expiration du délai imparti, aucune des solutions de rachat prévues au présent paragraphe n'est intervenue, la mutation des parts de l'associété défunt pourra s'effectuer librement au profit de ses héritiers et représentants, lesquels devront produire à la société dans les plus courts délais, les pièces justifiant la dévolution ou l'attibution desdites parts à leur profit'.

Les héritiers de M. [M] [W], décédé le [Date décès 2] 2018 ont, par courriels des 30 octobre 2018 et 13 novembre 2018, demandé à la gérante de deux sociétés de transcrire les parts sociales du défunt au bénéfice de leur indivision et ont réitéré par courrier recommandé de leur conseil en date du 9 octobre 2019, leur agrément, mais par assemblées générales du 3 janvier 2020, les associés des deux sociétés ont refusé d'agréer 'l'indivision [W]'. Une proposition de rachat de toutes les parts du défunt a été effectuée par courrier de l'avocat des sociétés en date du 3 avril 2020 sur la base d'une valorisation effectuée par le cabinet comptable Figes, réitérée les 17 juin et 24 septembre 2020. Ces propositions n'ont pas été acceptées.

Le délai de trois mois renouvelé pour six mois par ordonnance de la présidente du tribunal de commerce de Thonon les Bains en date du 11 mai 2020 expirait le 3 octobre 2020 conformément à l'article 641 du code de procédure civile (il convient d'indiquer que l'ordonnance indiquait 'jusqu'au 4 octobre').

' sur l'interruption du délai de l'article L 223-14 du code de commerce

Les appelantes soutiennent que l'assignation délivrée aux intimés aux fins de voir désigner un expert pour valoriser les parts en application de l'article 1843-4 du code civil précité a interrompu valablement le délai imposé par l'article L 223-14 du code commerce précité.

Cependant, le délai imposé par l'article 223-14 précité est un délai fixe non susceptible d'interruption, quand bien même une demande d'expertise aurait été sollicitée dans le délai et la sanction du non respect de l'obligation de rachat qui pèse sur la société est que l'agrément est considéré comme donné au profit de l'acquéreur initial ou en l'espèce des héritiers. Dès lors, il il suffit de constater que le rachat dans les conditions légales par une société des parts d'un associé à la suite d'un refus d'agrément, n'a pas été réalisé à l'expiration du délai impératif de trois mois, ou du délai prorogé. La jurisprudence a même décidé que la demande de désignation d'expert, tardivement formée à quelques jours de l'expiration du délai de rachat des parts sociales caractérise une manoeuvre dilatoire destinée à obtenir artificiellement une prorogation illicite de ce délai. (cass 4 juillet 2006 pourvoi 03-16.698).

De façon surabondante, les demanderesses n'ont pas délivré d'assignation aux intimés le 1er octobre 2020 mais à une société d'avocat à [Localité 11], non partie à la procédure et auprès de laquelle manifestement les intimés n'avaient pas élu domicile ce que disent les appelantes elles-même se plaignant, en l'absence d'élection de domicile des intimés, de la nécessité de faire traduire les actes et de les faire signifier à l'étranger, indiquant même que l'assignation est toujours en cours de signification pour certains d'entre eux. En outre, l'assignation en date du 6 octobre 2020, versée aux débats, ne porte aucune mention de délivrance.

' sur l'existence d'un cas de force majeure

Les appelantes font état d'une situation de force majeure qui les aurait empêchées de racheter les parts des héritiers dans un délai aussi court, alors même qu'elles se sont heurtées à la crise sanitaire de la covid-19 et au fait que les héritiers se trouvaient pour la plupart domiciliés aux Etats-Unis.

Cependant, les démarches pouvaient quand même être effectuées sur la période considérée (entre le 4 janvier 2020 et le 4 octobre 2020) et il n'était nul besoin d'attendre l'expiration du délai fixe imposé par la loi pour délivrer une assignation aux fins d'expertise, le service de la justice n'ayant pas été interrompu pendant la crise sanitaire laquelle n'a fait l'objet de décisions gouvernementales de lutte qu'à partir au demeurant du 17 mars 2020 pour le confinement et ont été allégées à partir de mi mai 2020 et, comme l'ont souligné les intimés, pendant cette période, les appelantes ont obtenu une décision de prorogation du délai sans difficulté.

' sur la mésentente entre les parties et l'intention malveillante des héritiers

Les appelantes partent du principe selon lequel il n'y aura pas d'entente entre les futurs actionnaires. Toutefois, il ne s'agit que d'une hypothèse puisque les héritiers, actionnaires indivis, n'ont encore participé à aucune assemblée générale. En outre, l'indivision [T] sera associée majoritaire à 80 % et pourra décider si tel est son souhait de vendre les biens immobiliers ou de les valoriser alors même que ces deux sociétés sont en déshérence depuis de nombreuses années.

En conséquence, il résulte de l'ensemble de ces éléments, que c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté que tous les héritiers de M. [M] [W] étaient devenus de plein droit associés indivis des sociétés Hôtel [13] et [23] à compter du 4 octobre 2020.

B - Sur la retranscription des parts sociales sur le registre des mouvements de titre des sociétés

Les appelantes font valoir qu'il n'existe pas de registre de mouvement de titres pour des sociétés à responsabilité limitée et que les deux sociétés ne pourraient régler les astreintes au risque d'être en état de cessation des paiements.

L'article L228-1 du code de commerce qui prévoit notamment que : 'Les valeurs mobilières sont des titres financiers au sens de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, qui confèrent des droits identiques par catégorie. Les valeurs mobilières émises par les sociétés par actions revêtent la forme de titres au porteur ou de titres nominatifs, sauf pour les sociétés pour lesquelles la loi ou les statuts imposent la seule forme nominative, pour tout ou partie du capital......Ces valeurs mobilières, quelle que soit leur forme, doivent être inscrites en compte ou dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé au nom de leur propriétaire, dans les conditions prévues aux articles L. 211-3 et L. 211-4 du code monétaire et financier' constitue une obligation pour les sociétés par action en principe mais pas pour les sociétés à responsabilité limitée. Pour ces dernières, la modification du nom des associés et du nombre de parts sociales nécessite la modification des statuts qui doit faire l'objet d'un avis dans un support d'annonces légales dans un délai d'un mois après la modification et au guichet des formalités des entreprises. De plus, non seulement la tenue d'un tel registre n'est pas imposé par la loi, mais encore il n'est pas démontré l'existence d'un tel registre au sein des deux sociétés concernées qui permettrait d'imposer à la gérante d'y transcrire la transmission des parts sociales de M. [M] [W] à ses héritiers indivis et imposer à la gérante de procéder à l'acquisition d'un tel registre n'aurait aucun intérêt légal.

Dès lors la demande des héritiers de voir ordonner à la gérante de transcrire dans le registre des titres des sociétés la transmission des parts sociales de M. [M] [W], sous astreinte, sera rejetée. En revanche, conformément aux prétentions des intimés qui se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, il sera ordonné à Mme [B] [W], ès qualités de gérante des deux sociétés de convoquer une assemblée générale mixte pour chacune des sociétés chargée de statuer sur l'adoption de nouveaux statuts tenant compte de la nouvelle répartition du capital social, sous astreinte d'une durée maximum de six mois à hauteur de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt. Il appartiendra aux intimés, en application de l'article L223-27 de solliciter l'inscription à l'ordre du jour des assemblées ordonnées toute autre question utile comme la révocation de la gérante, la nomination d'un nouveau gérant, demandes présentées par les intimés sans lien avec le présent litige.

C - Sur la demande de dommages-intérêts

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

Leur décision sera confirmée de ce chef.

III - Sur les demandes accessoires

Les mesures accessoires de la décision entreprise seront confirmées.

Succombant, les appelantes seront condamnées in solidum aux dépens d'appel distraits au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la selurl Bollonjeon, sur son affirmation de droit.

L'équité commande de faire droit à la demande d'indemnité procédurale des intimés pris indivisément à hauteur de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute la société Hôtel [13], la société [23] et Mme [B] [W] de leur demande tendant à l'annulation du jugement entrepris,

Déclare recevable Mme [D] [P] en son intervention volontaire en cause d'appel,

Déclare irrecevable la demande des consorts [W] tendant à la publication du jugement entrepris et de l'arrêt au greffe du tribunal de commerce de Thonon les Bains,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné à Mme [B] [W], gérante de la société Hôtel [13] et de la société [23] de transcrire dans le registre des mouvements de titre de chacune des sociétés de la transmission des parts sociales de M. [M] [W] au bénéfice indivis de ses héritiers à savoir MM. [H] [W], [V] [W], [A] [W], [E] [W], Mme [C] [W] et Mme [D] [P], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification du jugement,

Statuant à nouveau de ce chef,

Déboute MM. [H] [W], [V] [W], [A] [W], [E] [W], Mme [C] [W] et Mme [D] [P] de leur demande tendant à voir ordonner à Mme [B] [W], gérante de la société Hôtel [13] et de la société [23] de transcrire dans le registre des mouvements de titre de chacune des sociétés de la transmission des parts sociales de M. [M] [W] au bénéfice indivis de ses héritiers, sous astreinte,

Y ajoutant,

Ordonne à Mme [B] [W], ès qualités de gérante de la société Hôtel [13] et de la société [23] de convoquer une assemblée générale mixte pour chacune des sociétés chargée de statuer sur l'adoption de nouveaux statuts tenant compte de la nouvelle répartition du capital social, sous astreinte, par société, d'une durée maximum de six mois à hauteur de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Déboute MM. [H] [W], [V] [W], [A] [W], [E] [W], Mme [C] [W] et Mme [D] [P] de leur demande supplémentaire relatif à l'ordre du jour,

Condamne la société Hôtel [13], la société [23] et Mme [B] [W] in solidum aux dépens d'appel distraits au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocate associée de la selurl Bollonjeon, sur son affirmation de droit,

Condamne la société Hôtel [13], la société [23] et Mme [B] [W] in solidum à payer une indemnité procédurale de 5 000 euros en cause d'appel à MM. [H] [W], [V] [W], [A] [W], [E] [W], Mme [C] [W] et Mme [D] [P], pris indivisément.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.