Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 19 avril 2024, n° 20/06813
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 19 AVRIL 2024
N° 2024/ 152
Rôle N° RG 20/06813 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGCBK
S.A.S. SAP SAINT VINCENT
C/
[R] [M] épouse [V]
Copie exécutoire délivrée
le :19/04/2024
à :
Me Cécilia MERCURIO avocat au barreau de TOULON
Me Séverine PENE, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de toulon en date du 02 Juillet 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00515.
APPELANTE
S.A.S. SAP SAINT VINCENT sise [Adresse 1]
représentée par Me Cécilia MERCURIO de la SCP CASTAGNON MERCURIO, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [R] [M] épouse [V]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/8546 du 20/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Séverine PENE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024
Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Mme [R] [M] épouse [V] a été embauchée par la société SAP Saint-Vincent par contrat à durée indéterminée à temps partiel (18 heures par mois) en date du 23 février 2015 en qualité d'aide à domicile.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne.
Un accord d'entreprise a été conclu le 12 juin 2017 prévoyant un aménagement du temps de travail sur l'année applicable à compter du 1er juillet 2017.
Par avenant de contrat à temps partiel au contrat de travail du 28 décembre 2017, la durée de travail mensuel de Mme [M] épouse [V] a été portée à compter du 1er février 2018 à 1377 heures par an (moyenne de travail de référence de 130 heures par mois).
Le 16 avril 2018, Mme [M] épouse [V] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement et mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 avril 2018, elle a été licenciée pour faute grave.
Mme [M] épouse [V] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 19 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Toulon pour contester son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix, par procès-verbal du 12 février 2020.
Par jugement du 2 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Toulon, en sa formation de départage, a ainsi statué :
- considère que le licenciement de Mme [M] épouse [V] prononcé par la société SAP Saint-Vincent le 23 avril 2018 est sans cause réelle et sérieuse,
- condamne la SAP Saint-Vincent, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [M] épouse [V] avec exécution provisoire les sommes suivantes outre les intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2013 :
- 954,69 euros au titre du rappel de salaires sur mise à pied,
- 2 603,70 euros au titre du préavis et 260,37 euros pour les congés payés sur préavis,
- 500,00 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- condamne la SAP Saint-Vincent, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [M] épouse [V] la somme de 5 193,08 euros outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement au titre de l'indemnité de rupture sans cause réelle et sérieuse,
- enjoint la SAP Saint-Vincent en la personne de son représentant légal de remettre à Mme [M] épouse [V] les documents de rupture et les fiches de paie régularisés conformément à la présente décision,
- déboute Mme [M] épouse [V] de ses autres demandes,
- condamne la SAP Saint-Vincent, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [M] épouse [V] 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la SAP Saint-Vincent, en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.
Par déclaration du 23 juillet 2020 notifiée par voie électronique, la société SAP Saint-Vincent a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 18 mai 2021 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société SAP Saint-Vincent, appelante, demande à la cour de :
- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement de départage rendu le 2 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes excepté sur le rejet de la demande de Mme [V] relative à l'indemnité compensatrice de congés payés de 500,00 euros,
statuant à nouveau,
à titre principal,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de Mme [R] [V] est légitime et parfaitement régulier,
en conséquence,
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans venait à considérer que le licenciement de Mme [V] n'est pas régulier,
- constater que l'indemnité de préavis ne pourra pas être supérieure à la somme de 2 574,00 euros bruts et 257,40 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- dire et juger que le paiement de la mise à pied à titre conservatoire du 4 avril 2018 au 25 avril 2018 ne pourra pas dépasser la somme de 891,00 euros brut,
en tout état de cause,
- débouter Mme [V] de sa demande de reliquat de congés payés à hauteur de 500,00 euros,
- débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif pour un montant de 7 200,00 euros au regard à son absence de préjudice,
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- condamner Mme [V] à la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
A l'appui de son recours, l'appelante fait valoir en substance le licenciement est justifié non par le refus de la salariée de signer l'avenant proposé mais par le refus de celle-ci d'exécuter le précédent contrat de travail en modifiant de manière intempestive ses horaires de travail, par le port de signe religieux durant l'exécution du contrat de travail en méconnaissance du règlement intérieur applicable à l'entreprise ainsi que par le non-respect de la mise à pied conservatoire.
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 14 décembre 2020 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [M] épouse [V] demande à la cour de :
- dire et juger que son licenciement a fait l'objet est abusif,
- condamner la société SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 954,69 euros correspondant à l'annulation de la mise à pied à titre conservatoire du 4 avril 2018 au 25 avril 2018,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 500,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 2 603,70 euros au titre préavis, outre 260, 30 euros de congés payés sur préavis,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de 500,00 euros au titre du reliquat des congés payés,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 7 200,00 euros correspondant aux dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- ordonner la remise des documents sociaux modifiés selon la décision à intervenir,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.
L'intimée expose en substance que l'employeur ne rapporte pas la preuve des faits pouvant justifier un licenciement pour faute grave. Elle ajoute que la mise à pied lui a été notifiée le 3 avril 2018 par SMS de manière peu explicite.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2024, renvoyant la cause et les parties à l'audience des plaidoiries du 27 février suivant.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement pour faute grave :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement est rédigée dans ces termes :
" Madame,
Nous vous avons convoquée à un entretien préalable à votre éventuel licenciement pour faute grave fixé au 16 avril 2018 avec mise à pied conservatoire et auquel vous vous êtes présentée assistée par une des représentantes du personnel.
Vos explications et vos confirmations recueillies au cours de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Par conséquent nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, pour les motifs évoqués ci-après.
Vous occupez au sein de l'entreprise le poste d'aide à domicile depuis le 20 février 2015 essentiellement auprès de public fragile et vulnérable.
Depuis le 1er février 2018, vous avez un avenant à temps partiel à 130 heures par mois avec aménagement du temps de travail conformément aussi à notre accord d'entreprise du 12 juin 2017.
Depuis la première quinzaine du mois de mars, nous avons reçu plusieurs plaintes vous concernant.
Vous avez modifié unilatéralement la quasi-totalité de vos plannings en particulier celui de Madame [I] 85 ans en effectuant des prestations de 11h00 à 13h00 au lieu de 14h00 à 16h00 et celui de Madame [T], en arrivant à son domicile à partir de 8h10 au lieu de 9h.
Même après notre mise en demeure datée du 16 mars 2018 vous demandant de vous conformer à vos plannings, vous avez réitérer votre insubordination avec celui de Madame [T], en arrivant le 22 mars 2018 à 08h25. Vous aviez par ailleurs proposé à Madame [T] d'intervenir en fin d'après-midi, mais là encore vous avez changé d'avis et refusé votre propre proposition.
En ne respectant pas sciemment votre contrat de travail et vos plannings que vous signez pourtant à réception, vous avez engendré de très graves perturbations près de nos bénéficiaires et de leurs familles mais aussi dans l'organisation du travail. Votre comportement et ses conséquences sont intolérables.
D'autre part depuis le 15 mars 2018, vous n'avez eu cesse de modifier vos indisponibilités sans respecter aucun délai de prévenance obligatoire en nous annonçant dans un premier temps que vous n'étiez plus disponible, d'une part tous les samedis, jours habituels de travail, et d'autre part tous les dimanches.
A votre demande et afin de vous témoigner notre écoute, nous vous avons alors transmis les deux exemplaires d'un avenant à votre contrat de travail notifiant 105 heures par mois correspondant bien à vos heures de travail habituelles et non celles que vous ne pouviez plus effectuer.
Puis dans un second temps fin mars, nous apprenons par la famille de Madame [T], ce que vous confirmez également de votre côté après vous avoir questionnée, que vous n'étiez pas non plus disponible de 08h00 à 09h00 et/ou de 16h00 à 19h00. De plus la famille de Madame [T] se plaint de vos manières et démarches répétées pour modifier unilatéralement vos plannings et les " assimile à du chantage ".
Ainsi, vous agissez en toute méconnaissance de la Convention Collective, de votre contrat de travail, de notre déontologie et de votre dernier avenant et vous perturbez encore plus gravement la bonne marche de l'Entreprise.
Par ailleurs, nous avions également appris par nos patients que vous portiez un voile religieux en méconnaissance de notre règlement intérieur ; nous vous avons alors immédiatement demandé de l'ôter lors de ces interventions chez nos bénéficiaires, ce que vous avez refusé. Vous nous avez également affirmé durant notre entretien ne pas souhaiter ne pas souhaiter du tout, au contact de ceux-ci, vous séparer de ce voile qui se remarque et que vous qualifiez vous-même de religieux.
A cette tenue religieuse se rajoute aussi votre sonnerie de téléphone portable qui se fait entendre lors des interventions chez les patients et pour laquelle ils se sont plaints car il s'agit d'une musique religieuse "d'appel à la prière", nous écrit une patiente ; sonnerie que l'on a aussi entendu lors de notre entretien. Nous vous avons demandé aussi de cesser ce comportemet ce que vous n'avez donc pas respecté, c'est regretable. En somme vous ne souhaitez pas respecter le Règlement Intérieur validé par l'Inspection du Travail et ce n'est pas tolérable car des clients s'en plaignent.
Ensuite, alors que nous vous avions écrit à plusieurs reprises pour vous rappeler qu'il fallait que vous vous conformiez à vos engagements et à nos directives, qui sont aussi celles de nos patients et de leurs familles, ainsi qu'à celles du Conseil Général du Var, vous avez consciemment communiquez que partiellement le contenu de ces écrits à vos bénéficiaires (Famille [I], Mr [K], Mr [X]), écrits qui vous étaient de surcroit seulement destinés. Cette communication a engendrer une perte de clientèle, Mr [K] et Mr [X] (soit 36h/mois), qui aspirent à de la tranquillité dans la gestion de leur prise en charge, ce qui est parfaitenmet légitime, et de fait, nous avons dû effectuer un signalement au Conseil Général.
Le non respect de votre devoir de confidentialité et de notre déontologie nous a donc été aussi extremement préjudiciable.
Enfin, et alors que c'est à votre propre demande, vous vous rétractez en ne voulant plus signer votre nouvel avenant prévoyant la baisse de vos heures mensuelles au regard de vos indisponibilités. Vous écrivez le 23 mars : " au sujet de l'avenant à la baisse (13h baissé à 105h) je me suis pas contre signer celui-ci à conditions qu'en cas d'absence d'un de mes bénéficiaires vous me trouviez des remplacements car je ne veut pas me trouver dans une situation ou je vous devrais de l'argents on des heures".
Et au cours de notre entretien vous ajoutez que vous souhaitez une modification substantiel de votre contrat de travail, à savoir, la suppression de l'application de l'aménagement du temps de travail annualisé (en opposition avec le sens de notre accord d'Entreprise).
Dans les deux cas, avec tous vos changements d'indisponibilités, nous pouvons évidemment pas du tout accepter que vous nous imposiez d'être rémunérée 130h/mois, ou même 105h, sans devoir nécessairement les travailler.
Vous avez finalement aussi refusé de respecter à la foi la mise à pied conservatoire prononcée téléphoniquement le 3 avril 2018 à 13h38 et confirmer par SMS à 15h54 puis par courrier et ce malgré l'explication du texte de loi de l'éventuelle sanction que vous encourez pour cette insubordination. Vous êtes retournée chez deux de nos patients le lendemain ; et le 18 avril 2018 vous êtes installée au bureau en présence d'autres salariés, parce que " votre masseuse n'(était) pas encore ouverte ". Nous vous avons alors demandé de l'attendre à l'extérieur. Nous déplorons votre comportement intolérable.
En somme, vous étiez normalement tenue d'exécuter votre contrat de travail mais vous avez reconnu durant l'entretien ne pas respecter notre règlement intérieur validé par l'inspection du travail et à ce titre ne pas vous conformer à vos obligations contractuelles, conventionnelles, réglementaires et légales, ainsi que l'accord d'Entreprise du 12 juin 2017 ainsi qu'aux directives et instructions qui vous étaient données par la direction de l'entreprise.
Votre attitude et votre insubordination sont totalement incompatibles dans le cadre de notre activité de service à la personne et à notre relation professionnelle quelle qu'elle soit. Elles ont engendré de très graves perturbations préjudiciables pour notre Entreprise, mais aussi auprès de nos patients et leurs familles.
Compte tenu de la gravité des fautes commises et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Nous vous rappelons que nous intervenons auprès d'un public fragile et vulnérable.
Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 3 avril 2018. Le licenciement prend effet immédiatement, dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement ".
La salariée a donc été licenciée pour faute grave pour :
- avoir modifié unilatéralement ses plannings en dépit d'une mise en demeure de les respecter;
- avoir modifié, depuis le 15 mars 2018, de manière incessante ses indisponibilités sans respect d'un délai de prévenance ;
- avoir porté un voile religieux en méconnaissance du règlement intérieur et avoir un téléphone pendant ses interventions avec une sonnerie " appel à la prière " ;
- s'être rétractée en ne voulant plus signer le nouvel avenant prévoyant la baisse de ses heures mensuelles établi au regard de ses indisponibilités ;
- avoir fait preuve d'insubordination en se rendant chez deux patients le lendemain de la notification verbale et par SMS de sa mise à pied conservatoire.
Pour justifier de ces griefs, la société SAP Saint-Vincent verse aux débats les pièces suivantes :
- une fiche d'indisponibilité du 15 mars 2018 de Mme [M] épouse [V] dans laquelle la salariée dit être " dans l'incapacité d'accepter la proposition ci-dessous pour faire face à ses contraintes personnelles " (" mes enfants ") s'agissant des interventions chez " Mme [H] " les samedi et dimanche ;
- une lettre du 16 mars 2018 aux termes de laquelle l'employeur indique adresser à la salariée ses plannings de mars à mai 2018 établis à compter du 15 mars 2018 sur la base de 105 heures (et non plus 130 heures par mois) en raison de ses indisponibilités et précise à la fin du courrier : " la famille de Madame [I] a constaté que vous modifiez unilatéralement à tort votre planning. La famille nous a averti que si cela se reproduisait elle ne ferait plus appel à vos services ainsi qu'à ceux de SAP Saint-Vincent. Je vous demande donc d'autre part de bien vouloir vous conformez au planning que je vous joints en annexe et vous rappelle, parce que vous savez que vous n'en respectez pas plusieurs clauses, l'extrait de notre règlement intérieur validé par l'inspection du travail : Rappels pour les intervenant(e)s (') " ;
- un courriel du 19 mars 2018 émanant de Mme [O] [T] adressé à la société SAP Saint-Vincent : " Bonjour Monsieur, Je fais suite à nos différents entretiens téléphoniques concernant l'intervention de [R] chez ma mère et notamment les horaires du jeudi que vous m'aviez proposés soit 11h30 à 14h. Ces horaires n'étant pas à sa convenance, vous m'aviez indiqué qu'elle devait intervenir de 16H à 18H, ce qui lui convenait parfaitement. [R] a téléphoné à ma mère ce matin en lui indiquant qu'elle ne pouvait intervenir de 16H à 18H et qu'elle pouvait intervertir ses horaires avec l'autre cliente du matin, c'est à dire débuter son intervention à 8h30 et finir à 11 H. Faute de quoi, elle ne pourrait pas faire d'intervention du tout chez maman le jeudi. Ma mère ne souhaitant pas d'autre intervenant que [R], n'a pas eu d'autre choix que d'accepter ces horaires du jeudi. Ces changements d'horaires incessants sont tout à fait désagréables et je les assimilerais à du chantage. Je vous remercie de me confirmer qu'elle sera l'heure d'intervention de votre salarié Jeudi et ce avant demain, puisqu'elle interviendra demain chez maman et ne manquera pas encore de la relancer. J'ai pu rencontrer cette personne pour la première fois lors de ma visite chez ma mère pendant les dernières vacances scolaires et j'ai noté que lors de son intervention, outre le port du foulard, son téléphone n'était pas en silencieux, mais sur sonnerie (appel à la prière). Je pensais que vos intervenants devaient avoir leur téléphone sur silencieux ' " ;
- un courrier du 23 mars 2018 de la salariée adressé à la société SAP Saint-Vincent indiquant: " Monsieur, Suite à votre courrier du 16 mars 2018, je vous informe que je ne modifie jamais mes horaires sans l'accord de mes bénéficiaires préalablement. De plus la fille de Madame [I] ne se rappel absolument pas vous avoir dit " qu'elle ne voulait plus de moi, ni de la structure sap saint vincent. " Au sujet de l'avenant à la baisse (l30h baissé à 105h) je ne suis pas contre signer celui-ci à conditions qu'en cas d'absence d'un de mes bénéficiaires vous me trouviez des remplacements car je ne veut pas me trouver dans une situation ou je vous devrez de l'argents ou des heures. Lors de mon entretient d'embauche en février 2015 moment ou j'ai signé mon contrat vous m'avez accepté avec mon foulard ainsi que mes clients anciens et actuels " ;
- une attestation du 27 mars 2018 de Mme [D] [N], salariée de l'entreprise, qui indique avoir été contactée début mars par la fille de Mme [I], mécontente de la modification par Mme [M] épouse [V] de ses horaires et ne souhaitant pas que l'intervention se déroule le matin en raison du passage de l'infirmière. Elle précise que celle-ci a indiqué accepter éventuellement l'intervention d'une autre personne que Mme [M] épouse [V] ;
- une photographie non datée présentant la salariée au sein de l'accueil de l'entreprise portant un voile religieux noir ;
- un SMS du 3 avril 2018 à 15h54 du président de la société à Mme [M] épouse [V] lui rappelant l'importance de respecter la mise à pied notifiée en début d'après-midi.
Mme [M] épouse [V], qui conteste les faits qui lui sont reprochés, communique les pièces suivantes :
- une attestation dactylographiée en date du 24 septembre 2019 (copie de la pièce d'identité jointe) émanant de Mme [O] [T], fille de Mme [U] [T], qui " certifie que ma mère ne m'a jamais demandé d'informer la SAP ST VINCENT d'un problème survenu avec Mme [V] [R], ni concernant ses horaires d'intervention, ni concernant la qualité de son travail ou le port du voile. Ma mère a toujours été satisfaite de ses services " ;
- un courrier dactylographié du 3 mai 2018 de Mme [Y] [I] adressé à Mme [M] épouse [V] dans lequel la bénéficiaire des soins expose avoir téléphoné à la société Saint-Vincent en raison d'un changement d'horaires de celle-ci en mars et précise que le problème a été réglé immédiatement, Mme [M] épouse [V] s'étant présentée en début d'après-midi. Elle ajoute : " Personnellement, nous trouvons donc que votre licenciement, s'il est dû à ce " problème ", est très regrettable et nous trouvons anormal que notre nom y soit associé car nous ne vous reprochons rien " ;
- deux photographies la présentant avec un foulard de couleur clair.
Il résulte de ces éléments que la modification unilatérale par Mme [M] épouse [V] de " la quasi-totalité " de ses plannings n'est pas justifiée par l'employeur ni la modification incessante de " ses indisponibilités sans respect d'un délai de prévenance ". Il est observé à cet égard que la société SAP Saint-Vincent, qui applique un accord d'entreprise du 12 juin 2017 prévoyant l'annualisation du temps de travail, ne produit pas les plannings initiaux de la salariée de février et mars 2018 ni ne justifie des modalités et dates de transmission des plannings.
De même, l'employeur ne justifie pas, par la production d'une photographie de la salariée au sein de l'accueil de l'entreprise, que celle-ci portait un " voile religieux " et non un foulard en situation de travail. Il n'est ensuite pas démontré de faute en lien avec la sonnerie du téléphone de la salariée. Le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse proscrit pas le règlement intérieur n'est donc pas établi.
Il n'est pas non plus justifié d'une insubordination de la salariée suite à la notification de la mise à pied le 3 avril 2018 verbalement, puis par SMS à 15h55, consistant selon l'employeur à se rendre le lendemain chez deux clients et s'être rendue à une reprise au bureau de l'entreprise.
Enfin, le refus de Mme [M] épouse [V] de signer l'avenant du 15 mars 2018 qui lui est proposé ramenant le temps de travail de référence à 105 heures par mois ne saurait comporter un caractère fautif. Or, il résulte des éléments du débat que le litige entre les parties porte principalement sur l'absence de signature par la salariée de cet avenant.
Il y a lieu en conséquence de dire, par confirmation du jugement déféré, le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :
La salariée est en droit de prétendre aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité de licenciement), mais également à des dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Aux termes de l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice, l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraînant aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
Au vu de l'attestation Pôle emploi, devenu France Travail (le seul bulletin de salaire produit étant celui d'avril couvrant essentiellement la période de mise à pied conservatoire), le salaire brut qu'aurait perçu Mme [M] épouse [V], pendant le préavis doit être fixé à la somme de 1 298,27 euros (moyenne des trois derniers mois).
La société SAP Saint-Vincent sera en conséquence condamnée à verser à Mme [M] épouse [V] la somme de 2 596,54 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 259,65 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement déféré est infirmé s'agissant du quantum octroyé.
Sur l'indemnité de licenciement :
L'employeur ne conteste pas le quantum de l'indemnité de licenciement octroyée et fixée par le conseil de prud'homme à la somme de 500,00 euros.
Le jugement déféré est confirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Compte-tenu de la date de la rupture du contrat de travail sont applicables les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable depuis le 1er avril 2018.
Selon ces dispositions si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de 1'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.
Pour une ancienneté de trois années (qui s'entendent en années complètes) et dans une entreprise de 11 salariés ou plus (79 au moment du licenciement selon l'attestation Pôle emploi), l'article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 3 mois de salaire et 4 mois de salaire.
Compte tenu notamment de l'effectif de la société, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [M] épouse [V], de son ancienneté, de son âge (50 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies (attestation du 10 avril 2018 émanant d'un autre employeur), il convient de confirmer la somme allouée par le conseil de prud'hommes de 5 193,08' euros, sur la base d'une rémunération brute de référence de 1 298,27 euros, cette somme offrant une indemnisation adéquate du préjudice.
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied injustifiée :
En outre, il est fait droit à la demande de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée du 4 au 25 avril 2018 à hauteur de 952,06 euros calculé sur la base d'un salaire fixé à 1 298,27 euros.
Le jugement déféré est infirmé s'agissant du quantum.
Sur la demande au titre d'un reliquat de congés payés :
Cette demande n'est pas développée par la salariée aux termes de ses écritures.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef.
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Il convient d'ordonner d'office, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société SAP Saint-Vincent à Pôle emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur les intérêts :
Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 et de l'article L 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 23 juillet 2018, et à compter du jugement pour la partie confirmée et à compter de l'arrêt pour le surplus.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société SAP Saint-Vincent succombant il y a lieu de la condamner aux dépens de la procédure d'appel.
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur depuis le 27 février 2022, 'le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.'
Le jugement est infirmé s'agissant de l'article 700, Mme [M] épouse [V] bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale (décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 novembre 2020 maintenant la décision le 25/05/2018 au taux de 100%).
En application de l'article 700 du code de procédure civile, Mme [M] épouse [V] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, il y a donc lieu de condamner la société SAP Saint-Vincent à payer à Maître Séverine Pène la somme de 2 000,00 euros, à charge pour le conseil, en cas de recouvrement de cette somme à renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
La société SAP Saint-Vincent est déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf s'agissant du quantum de l'indemnité compensatrice de préavis, du rappel de salaire au titre de la mise à pied injustifiée et s'agissant l'article 700 du code de procédure civile,
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société SAP Saint-Vincent à payer à Mme [R] [M] épouse [V] les sommes suivantes :
- 2 596,54 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 259,65 euros au titre des congés payés afférents
- 952,06 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied injustifiée,
DIT que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 23 juillet 2018, et à compter du jugement pour la partie confirmée et à compter de l'arrêt pour le surplus,
ORDONNE d'office, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société SAP Saint-Vincent à Pôle emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités,
CONDAMNE la société SAP Saint-Vincent à payer à Maître Séverine PENE la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour le conseil, en cas de recouvrement de cette somme à renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DEBOUTE la société SAP Saint-Vincent de sa demande au titre des frais de procédure.
Le Greffier Le Président
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 19 AVRIL 2024
N° 2024/ 152
Rôle N° RG 20/06813 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGCBK
S.A.S. SAP SAINT VINCENT
C/
[R] [M] épouse [V]
Copie exécutoire délivrée
le :19/04/2024
à :
Me Cécilia MERCURIO avocat au barreau de TOULON
Me Séverine PENE, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de toulon en date du 02 Juillet 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00515.
APPELANTE
S.A.S. SAP SAINT VINCENT sise [Adresse 1]
représentée par Me Cécilia MERCURIO de la SCP CASTAGNON MERCURIO, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [R] [M] épouse [V]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/8546 du 20/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Séverine PENE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024
Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Mme [R] [M] épouse [V] a été embauchée par la société SAP Saint-Vincent par contrat à durée indéterminée à temps partiel (18 heures par mois) en date du 23 février 2015 en qualité d'aide à domicile.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne.
Un accord d'entreprise a été conclu le 12 juin 2017 prévoyant un aménagement du temps de travail sur l'année applicable à compter du 1er juillet 2017.
Par avenant de contrat à temps partiel au contrat de travail du 28 décembre 2017, la durée de travail mensuel de Mme [M] épouse [V] a été portée à compter du 1er février 2018 à 1377 heures par an (moyenne de travail de référence de 130 heures par mois).
Le 16 avril 2018, Mme [M] épouse [V] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement et mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 avril 2018, elle a été licenciée pour faute grave.
Mme [M] épouse [V] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 19 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Toulon pour contester son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix, par procès-verbal du 12 février 2020.
Par jugement du 2 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Toulon, en sa formation de départage, a ainsi statué :
- considère que le licenciement de Mme [M] épouse [V] prononcé par la société SAP Saint-Vincent le 23 avril 2018 est sans cause réelle et sérieuse,
- condamne la SAP Saint-Vincent, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [M] épouse [V] avec exécution provisoire les sommes suivantes outre les intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2013 :
- 954,69 euros au titre du rappel de salaires sur mise à pied,
- 2 603,70 euros au titre du préavis et 260,37 euros pour les congés payés sur préavis,
- 500,00 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- condamne la SAP Saint-Vincent, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [M] épouse [V] la somme de 5 193,08 euros outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement au titre de l'indemnité de rupture sans cause réelle et sérieuse,
- enjoint la SAP Saint-Vincent en la personne de son représentant légal de remettre à Mme [M] épouse [V] les documents de rupture et les fiches de paie régularisés conformément à la présente décision,
- déboute Mme [M] épouse [V] de ses autres demandes,
- condamne la SAP Saint-Vincent, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [M] épouse [V] 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la SAP Saint-Vincent, en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens.
Par déclaration du 23 juillet 2020 notifiée par voie électronique, la société SAP Saint-Vincent a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 18 mai 2021 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société SAP Saint-Vincent, appelante, demande à la cour de :
- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement de départage rendu le 2 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes excepté sur le rejet de la demande de Mme [V] relative à l'indemnité compensatrice de congés payés de 500,00 euros,
statuant à nouveau,
à titre principal,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de Mme [R] [V] est légitime et parfaitement régulier,
en conséquence,
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans venait à considérer que le licenciement de Mme [V] n'est pas régulier,
- constater que l'indemnité de préavis ne pourra pas être supérieure à la somme de 2 574,00 euros bruts et 257,40 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- dire et juger que le paiement de la mise à pied à titre conservatoire du 4 avril 2018 au 25 avril 2018 ne pourra pas dépasser la somme de 891,00 euros brut,
en tout état de cause,
- débouter Mme [V] de sa demande de reliquat de congés payés à hauteur de 500,00 euros,
- débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif pour un montant de 7 200,00 euros au regard à son absence de préjudice,
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- condamner Mme [V] à la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
A l'appui de son recours, l'appelante fait valoir en substance le licenciement est justifié non par le refus de la salariée de signer l'avenant proposé mais par le refus de celle-ci d'exécuter le précédent contrat de travail en modifiant de manière intempestive ses horaires de travail, par le port de signe religieux durant l'exécution du contrat de travail en méconnaissance du règlement intérieur applicable à l'entreprise ainsi que par le non-respect de la mise à pied conservatoire.
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 14 décembre 2020 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [M] épouse [V] demande à la cour de :
- dire et juger que son licenciement a fait l'objet est abusif,
- condamner la société SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 954,69 euros correspondant à l'annulation de la mise à pied à titre conservatoire du 4 avril 2018 au 25 avril 2018,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 500,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 2 603,70 euros au titre préavis, outre 260, 30 euros de congés payés sur préavis,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de 500,00 euros au titre du reliquat des congés payés,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 7 200,00 euros correspondant aux dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- ordonner la remise des documents sociaux modifiés selon la décision à intervenir,
- condamner la SAP Saint-Vincent au paiement de la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.
L'intimée expose en substance que l'employeur ne rapporte pas la preuve des faits pouvant justifier un licenciement pour faute grave. Elle ajoute que la mise à pied lui a été notifiée le 3 avril 2018 par SMS de manière peu explicite.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2024, renvoyant la cause et les parties à l'audience des plaidoiries du 27 février suivant.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement pour faute grave :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement est rédigée dans ces termes :
" Madame,
Nous vous avons convoquée à un entretien préalable à votre éventuel licenciement pour faute grave fixé au 16 avril 2018 avec mise à pied conservatoire et auquel vous vous êtes présentée assistée par une des représentantes du personnel.
Vos explications et vos confirmations recueillies au cours de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Par conséquent nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, pour les motifs évoqués ci-après.
Vous occupez au sein de l'entreprise le poste d'aide à domicile depuis le 20 février 2015 essentiellement auprès de public fragile et vulnérable.
Depuis le 1er février 2018, vous avez un avenant à temps partiel à 130 heures par mois avec aménagement du temps de travail conformément aussi à notre accord d'entreprise du 12 juin 2017.
Depuis la première quinzaine du mois de mars, nous avons reçu plusieurs plaintes vous concernant.
Vous avez modifié unilatéralement la quasi-totalité de vos plannings en particulier celui de Madame [I] 85 ans en effectuant des prestations de 11h00 à 13h00 au lieu de 14h00 à 16h00 et celui de Madame [T], en arrivant à son domicile à partir de 8h10 au lieu de 9h.
Même après notre mise en demeure datée du 16 mars 2018 vous demandant de vous conformer à vos plannings, vous avez réitérer votre insubordination avec celui de Madame [T], en arrivant le 22 mars 2018 à 08h25. Vous aviez par ailleurs proposé à Madame [T] d'intervenir en fin d'après-midi, mais là encore vous avez changé d'avis et refusé votre propre proposition.
En ne respectant pas sciemment votre contrat de travail et vos plannings que vous signez pourtant à réception, vous avez engendré de très graves perturbations près de nos bénéficiaires et de leurs familles mais aussi dans l'organisation du travail. Votre comportement et ses conséquences sont intolérables.
D'autre part depuis le 15 mars 2018, vous n'avez eu cesse de modifier vos indisponibilités sans respecter aucun délai de prévenance obligatoire en nous annonçant dans un premier temps que vous n'étiez plus disponible, d'une part tous les samedis, jours habituels de travail, et d'autre part tous les dimanches.
A votre demande et afin de vous témoigner notre écoute, nous vous avons alors transmis les deux exemplaires d'un avenant à votre contrat de travail notifiant 105 heures par mois correspondant bien à vos heures de travail habituelles et non celles que vous ne pouviez plus effectuer.
Puis dans un second temps fin mars, nous apprenons par la famille de Madame [T], ce que vous confirmez également de votre côté après vous avoir questionnée, que vous n'étiez pas non plus disponible de 08h00 à 09h00 et/ou de 16h00 à 19h00. De plus la famille de Madame [T] se plaint de vos manières et démarches répétées pour modifier unilatéralement vos plannings et les " assimile à du chantage ".
Ainsi, vous agissez en toute méconnaissance de la Convention Collective, de votre contrat de travail, de notre déontologie et de votre dernier avenant et vous perturbez encore plus gravement la bonne marche de l'Entreprise.
Par ailleurs, nous avions également appris par nos patients que vous portiez un voile religieux en méconnaissance de notre règlement intérieur ; nous vous avons alors immédiatement demandé de l'ôter lors de ces interventions chez nos bénéficiaires, ce que vous avez refusé. Vous nous avez également affirmé durant notre entretien ne pas souhaiter ne pas souhaiter du tout, au contact de ceux-ci, vous séparer de ce voile qui se remarque et que vous qualifiez vous-même de religieux.
A cette tenue religieuse se rajoute aussi votre sonnerie de téléphone portable qui se fait entendre lors des interventions chez les patients et pour laquelle ils se sont plaints car il s'agit d'une musique religieuse "d'appel à la prière", nous écrit une patiente ; sonnerie que l'on a aussi entendu lors de notre entretien. Nous vous avons demandé aussi de cesser ce comportemet ce que vous n'avez donc pas respecté, c'est regretable. En somme vous ne souhaitez pas respecter le Règlement Intérieur validé par l'Inspection du Travail et ce n'est pas tolérable car des clients s'en plaignent.
Ensuite, alors que nous vous avions écrit à plusieurs reprises pour vous rappeler qu'il fallait que vous vous conformiez à vos engagements et à nos directives, qui sont aussi celles de nos patients et de leurs familles, ainsi qu'à celles du Conseil Général du Var, vous avez consciemment communiquez que partiellement le contenu de ces écrits à vos bénéficiaires (Famille [I], Mr [K], Mr [X]), écrits qui vous étaient de surcroit seulement destinés. Cette communication a engendrer une perte de clientèle, Mr [K] et Mr [X] (soit 36h/mois), qui aspirent à de la tranquillité dans la gestion de leur prise en charge, ce qui est parfaitenmet légitime, et de fait, nous avons dû effectuer un signalement au Conseil Général.
Le non respect de votre devoir de confidentialité et de notre déontologie nous a donc été aussi extremement préjudiciable.
Enfin, et alors que c'est à votre propre demande, vous vous rétractez en ne voulant plus signer votre nouvel avenant prévoyant la baisse de vos heures mensuelles au regard de vos indisponibilités. Vous écrivez le 23 mars : " au sujet de l'avenant à la baisse (13h baissé à 105h) je me suis pas contre signer celui-ci à conditions qu'en cas d'absence d'un de mes bénéficiaires vous me trouviez des remplacements car je ne veut pas me trouver dans une situation ou je vous devrais de l'argents on des heures".
Et au cours de notre entretien vous ajoutez que vous souhaitez une modification substantiel de votre contrat de travail, à savoir, la suppression de l'application de l'aménagement du temps de travail annualisé (en opposition avec le sens de notre accord d'Entreprise).
Dans les deux cas, avec tous vos changements d'indisponibilités, nous pouvons évidemment pas du tout accepter que vous nous imposiez d'être rémunérée 130h/mois, ou même 105h, sans devoir nécessairement les travailler.
Vous avez finalement aussi refusé de respecter à la foi la mise à pied conservatoire prononcée téléphoniquement le 3 avril 2018 à 13h38 et confirmer par SMS à 15h54 puis par courrier et ce malgré l'explication du texte de loi de l'éventuelle sanction que vous encourez pour cette insubordination. Vous êtes retournée chez deux de nos patients le lendemain ; et le 18 avril 2018 vous êtes installée au bureau en présence d'autres salariés, parce que " votre masseuse n'(était) pas encore ouverte ". Nous vous avons alors demandé de l'attendre à l'extérieur. Nous déplorons votre comportement intolérable.
En somme, vous étiez normalement tenue d'exécuter votre contrat de travail mais vous avez reconnu durant l'entretien ne pas respecter notre règlement intérieur validé par l'inspection du travail et à ce titre ne pas vous conformer à vos obligations contractuelles, conventionnelles, réglementaires et légales, ainsi que l'accord d'Entreprise du 12 juin 2017 ainsi qu'aux directives et instructions qui vous étaient données par la direction de l'entreprise.
Votre attitude et votre insubordination sont totalement incompatibles dans le cadre de notre activité de service à la personne et à notre relation professionnelle quelle qu'elle soit. Elles ont engendré de très graves perturbations préjudiciables pour notre Entreprise, mais aussi auprès de nos patients et leurs familles.
Compte tenu de la gravité des fautes commises et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Nous vous rappelons que nous intervenons auprès d'un public fragile et vulnérable.
Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 3 avril 2018. Le licenciement prend effet immédiatement, dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni de licenciement ".
La salariée a donc été licenciée pour faute grave pour :
- avoir modifié unilatéralement ses plannings en dépit d'une mise en demeure de les respecter;
- avoir modifié, depuis le 15 mars 2018, de manière incessante ses indisponibilités sans respect d'un délai de prévenance ;
- avoir porté un voile religieux en méconnaissance du règlement intérieur et avoir un téléphone pendant ses interventions avec une sonnerie " appel à la prière " ;
- s'être rétractée en ne voulant plus signer le nouvel avenant prévoyant la baisse de ses heures mensuelles établi au regard de ses indisponibilités ;
- avoir fait preuve d'insubordination en se rendant chez deux patients le lendemain de la notification verbale et par SMS de sa mise à pied conservatoire.
Pour justifier de ces griefs, la société SAP Saint-Vincent verse aux débats les pièces suivantes :
- une fiche d'indisponibilité du 15 mars 2018 de Mme [M] épouse [V] dans laquelle la salariée dit être " dans l'incapacité d'accepter la proposition ci-dessous pour faire face à ses contraintes personnelles " (" mes enfants ") s'agissant des interventions chez " Mme [H] " les samedi et dimanche ;
- une lettre du 16 mars 2018 aux termes de laquelle l'employeur indique adresser à la salariée ses plannings de mars à mai 2018 établis à compter du 15 mars 2018 sur la base de 105 heures (et non plus 130 heures par mois) en raison de ses indisponibilités et précise à la fin du courrier : " la famille de Madame [I] a constaté que vous modifiez unilatéralement à tort votre planning. La famille nous a averti que si cela se reproduisait elle ne ferait plus appel à vos services ainsi qu'à ceux de SAP Saint-Vincent. Je vous demande donc d'autre part de bien vouloir vous conformez au planning que je vous joints en annexe et vous rappelle, parce que vous savez que vous n'en respectez pas plusieurs clauses, l'extrait de notre règlement intérieur validé par l'inspection du travail : Rappels pour les intervenant(e)s (') " ;
- un courriel du 19 mars 2018 émanant de Mme [O] [T] adressé à la société SAP Saint-Vincent : " Bonjour Monsieur, Je fais suite à nos différents entretiens téléphoniques concernant l'intervention de [R] chez ma mère et notamment les horaires du jeudi que vous m'aviez proposés soit 11h30 à 14h. Ces horaires n'étant pas à sa convenance, vous m'aviez indiqué qu'elle devait intervenir de 16H à 18H, ce qui lui convenait parfaitement. [R] a téléphoné à ma mère ce matin en lui indiquant qu'elle ne pouvait intervenir de 16H à 18H et qu'elle pouvait intervertir ses horaires avec l'autre cliente du matin, c'est à dire débuter son intervention à 8h30 et finir à 11 H. Faute de quoi, elle ne pourrait pas faire d'intervention du tout chez maman le jeudi. Ma mère ne souhaitant pas d'autre intervenant que [R], n'a pas eu d'autre choix que d'accepter ces horaires du jeudi. Ces changements d'horaires incessants sont tout à fait désagréables et je les assimilerais à du chantage. Je vous remercie de me confirmer qu'elle sera l'heure d'intervention de votre salarié Jeudi et ce avant demain, puisqu'elle interviendra demain chez maman et ne manquera pas encore de la relancer. J'ai pu rencontrer cette personne pour la première fois lors de ma visite chez ma mère pendant les dernières vacances scolaires et j'ai noté que lors de son intervention, outre le port du foulard, son téléphone n'était pas en silencieux, mais sur sonnerie (appel à la prière). Je pensais que vos intervenants devaient avoir leur téléphone sur silencieux ' " ;
- un courrier du 23 mars 2018 de la salariée adressé à la société SAP Saint-Vincent indiquant: " Monsieur, Suite à votre courrier du 16 mars 2018, je vous informe que je ne modifie jamais mes horaires sans l'accord de mes bénéficiaires préalablement. De plus la fille de Madame [I] ne se rappel absolument pas vous avoir dit " qu'elle ne voulait plus de moi, ni de la structure sap saint vincent. " Au sujet de l'avenant à la baisse (l30h baissé à 105h) je ne suis pas contre signer celui-ci à conditions qu'en cas d'absence d'un de mes bénéficiaires vous me trouviez des remplacements car je ne veut pas me trouver dans une situation ou je vous devrez de l'argents ou des heures. Lors de mon entretient d'embauche en février 2015 moment ou j'ai signé mon contrat vous m'avez accepté avec mon foulard ainsi que mes clients anciens et actuels " ;
- une attestation du 27 mars 2018 de Mme [D] [N], salariée de l'entreprise, qui indique avoir été contactée début mars par la fille de Mme [I], mécontente de la modification par Mme [M] épouse [V] de ses horaires et ne souhaitant pas que l'intervention se déroule le matin en raison du passage de l'infirmière. Elle précise que celle-ci a indiqué accepter éventuellement l'intervention d'une autre personne que Mme [M] épouse [V] ;
- une photographie non datée présentant la salariée au sein de l'accueil de l'entreprise portant un voile religieux noir ;
- un SMS du 3 avril 2018 à 15h54 du président de la société à Mme [M] épouse [V] lui rappelant l'importance de respecter la mise à pied notifiée en début d'après-midi.
Mme [M] épouse [V], qui conteste les faits qui lui sont reprochés, communique les pièces suivantes :
- une attestation dactylographiée en date du 24 septembre 2019 (copie de la pièce d'identité jointe) émanant de Mme [O] [T], fille de Mme [U] [T], qui " certifie que ma mère ne m'a jamais demandé d'informer la SAP ST VINCENT d'un problème survenu avec Mme [V] [R], ni concernant ses horaires d'intervention, ni concernant la qualité de son travail ou le port du voile. Ma mère a toujours été satisfaite de ses services " ;
- un courrier dactylographié du 3 mai 2018 de Mme [Y] [I] adressé à Mme [M] épouse [V] dans lequel la bénéficiaire des soins expose avoir téléphoné à la société Saint-Vincent en raison d'un changement d'horaires de celle-ci en mars et précise que le problème a été réglé immédiatement, Mme [M] épouse [V] s'étant présentée en début d'après-midi. Elle ajoute : " Personnellement, nous trouvons donc que votre licenciement, s'il est dû à ce " problème ", est très regrettable et nous trouvons anormal que notre nom y soit associé car nous ne vous reprochons rien " ;
- deux photographies la présentant avec un foulard de couleur clair.
Il résulte de ces éléments que la modification unilatérale par Mme [M] épouse [V] de " la quasi-totalité " de ses plannings n'est pas justifiée par l'employeur ni la modification incessante de " ses indisponibilités sans respect d'un délai de prévenance ". Il est observé à cet égard que la société SAP Saint-Vincent, qui applique un accord d'entreprise du 12 juin 2017 prévoyant l'annualisation du temps de travail, ne produit pas les plannings initiaux de la salariée de février et mars 2018 ni ne justifie des modalités et dates de transmission des plannings.
De même, l'employeur ne justifie pas, par la production d'une photographie de la salariée au sein de l'accueil de l'entreprise, que celle-ci portait un " voile religieux " et non un foulard en situation de travail. Il n'est ensuite pas démontré de faute en lien avec la sonnerie du téléphone de la salariée. Le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse proscrit pas le règlement intérieur n'est donc pas établi.
Il n'est pas non plus justifié d'une insubordination de la salariée suite à la notification de la mise à pied le 3 avril 2018 verbalement, puis par SMS à 15h55, consistant selon l'employeur à se rendre le lendemain chez deux clients et s'être rendue à une reprise au bureau de l'entreprise.
Enfin, le refus de Mme [M] épouse [V] de signer l'avenant du 15 mars 2018 qui lui est proposé ramenant le temps de travail de référence à 105 heures par mois ne saurait comporter un caractère fautif. Or, il résulte des éléments du débat que le litige entre les parties porte principalement sur l'absence de signature par la salariée de cet avenant.
Il y a lieu en conséquence de dire, par confirmation du jugement déféré, le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :
La salariée est en droit de prétendre aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité de licenciement), mais également à des dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Aux termes de l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice, l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraînant aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
Au vu de l'attestation Pôle emploi, devenu France Travail (le seul bulletin de salaire produit étant celui d'avril couvrant essentiellement la période de mise à pied conservatoire), le salaire brut qu'aurait perçu Mme [M] épouse [V], pendant le préavis doit être fixé à la somme de 1 298,27 euros (moyenne des trois derniers mois).
La société SAP Saint-Vincent sera en conséquence condamnée à verser à Mme [M] épouse [V] la somme de 2 596,54 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 259,65 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement déféré est infirmé s'agissant du quantum octroyé.
Sur l'indemnité de licenciement :
L'employeur ne conteste pas le quantum de l'indemnité de licenciement octroyée et fixée par le conseil de prud'homme à la somme de 500,00 euros.
Le jugement déféré est confirmé en ce sens.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Compte-tenu de la date de la rupture du contrat de travail sont applicables les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable depuis le 1er avril 2018.
Selon ces dispositions si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de 1'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.
Pour une ancienneté de trois années (qui s'entendent en années complètes) et dans une entreprise de 11 salariés ou plus (79 au moment du licenciement selon l'attestation Pôle emploi), l'article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 3 mois de salaire et 4 mois de salaire.
Compte tenu notamment de l'effectif de la société, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [M] épouse [V], de son ancienneté, de son âge (50 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies (attestation du 10 avril 2018 émanant d'un autre employeur), il convient de confirmer la somme allouée par le conseil de prud'hommes de 5 193,08' euros, sur la base d'une rémunération brute de référence de 1 298,27 euros, cette somme offrant une indemnisation adéquate du préjudice.
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied injustifiée :
En outre, il est fait droit à la demande de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée du 4 au 25 avril 2018 à hauteur de 952,06 euros calculé sur la base d'un salaire fixé à 1 298,27 euros.
Le jugement déféré est infirmé s'agissant du quantum.
Sur la demande au titre d'un reliquat de congés payés :
Cette demande n'est pas développée par la salariée aux termes de ses écritures.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef.
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Il convient d'ordonner d'office, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société SAP Saint-Vincent à Pôle emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur les intérêts :
Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 et de l'article L 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 23 juillet 2018, et à compter du jugement pour la partie confirmée et à compter de l'arrêt pour le surplus.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société SAP Saint-Vincent succombant il y a lieu de la condamner aux dépens de la procédure d'appel.
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur depuis le 27 février 2022, 'le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.'
Le jugement est infirmé s'agissant de l'article 700, Mme [M] épouse [V] bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale (décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 novembre 2020 maintenant la décision le 25/05/2018 au taux de 100%).
En application de l'article 700 du code de procédure civile, Mme [M] épouse [V] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, il y a donc lieu de condamner la société SAP Saint-Vincent à payer à Maître Séverine Pène la somme de 2 000,00 euros, à charge pour le conseil, en cas de recouvrement de cette somme à renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
La société SAP Saint-Vincent est déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf s'agissant du quantum de l'indemnité compensatrice de préavis, du rappel de salaire au titre de la mise à pied injustifiée et s'agissant l'article 700 du code de procédure civile,
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société SAP Saint-Vincent à payer à Mme [R] [M] épouse [V] les sommes suivantes :
- 2 596,54 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 259,65 euros au titre des congés payés afférents
- 952,06 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied injustifiée,
DIT que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 23 juillet 2018, et à compter du jugement pour la partie confirmée et à compter de l'arrêt pour le surplus,
ORDONNE d'office, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société SAP Saint-Vincent à Pôle emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités,
CONDAMNE la société SAP Saint-Vincent à payer à Maître Séverine PENE la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour le conseil, en cas de recouvrement de cette somme à renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DEBOUTE la société SAP Saint-Vincent de sa demande au titre des frais de procédure.
Le Greffier Le Président