Décisions
CA Dijon, ch. soc., 18 avril 2024, n° 22/00611
DIJON
Arrêt
Autre
S.A. GAN ASSURANCES
C/
[J] [I]
C.C.C le 18/04/24 à
- Me BRAYE
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 18/04/24 à:
- Me BORDIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 18 AVRIL 2024
MINUTE N°
N° RG 22/00611 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GAYU
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du 26 Août 2022, enregistrée sous le n° F19/00767
APPELANTE :
S.A. GAN ASSURANCES
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMÉ :
[J] [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE - BRAYE, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2024 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, président de chambre,
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [J] [I] a été embauché par la société GAN ASSURANCES (ci-après société GAN) le 20 janvier 2009 par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de chargé de missions dédié et affecté au centre d'inspection de [Localité 5].
Titularisé le 1er novembre 2010, il a été promu inspecteur chargé de missions dédié 1er échelon le 1er janvier 2016.
A l'occasion d'une visite de reprise du 12 avril 2019, il a été déclaré inapte à son poste de travail, le médecin du travail excluant tout maintien dans un emploi dans l'entreprise.
Le 26 avril 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 mai 2019 puis reporté au 17 suivant.
Le 23 mai 2019, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête du 5 décembre 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de juger son licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre un rappel de salaire, des dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité, outre une indemnité pour travail dissimulé.
Par jugement du 26 août 2022, le conseil de prud'hommes de Dijon a partiellement accueilli les demandes du salarié.
Par déclaration formée le 9 septembre 2022, la société GAN a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 6 juin 2023, l'appelante demande de:
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
* l'a condamnée à payer à M. [I] :
- 10 000 euros au titre du harcèlement moral, manquement à son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
- 26 874,99 euros à titre de rappel de salaire, outre 2 687,50 euros au titre des congés payés afférents,
- 35 504,31 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* a ordonné la remise des bulletins de salaire et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés,
- le confirmer pour le surplus,
à titre principal,
- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes,
subsidiairement, en cas de condamnation de la société GAN,
- limiter le quantum de la condamnation à verser à M. [I] des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 17 753,49 euros bruts,
- limiter le quantum de la condamnation à verser à M. [I] des dommages-intérêts pour licenciement nul à 35 506,98 euros bruts,
en tout état de cause,
- le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 4 février 2024, M. [I] demande de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il :
* a condamné la société GAN à lui payer les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
- 26 874,99 euros à titre de rappel de salaire, outre 2 687,50 euros au titre des congés payés afférents,
- 35 504,31 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* a débouté la société GAN de ses demandes,
* l'a condamné aux dépens,
- l'infirmer en ce qu'il :
* a jugé que son inaptitude n'est pas d'origine professionnelle,
* l'a débouté du surplus de ses demandes,
- juger nul, à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse, son licenciement,
- condamner la société GAN à lui payer les sommes suivantes :
* 24 880,53 euros nets à titre d'indemnité spéciale de licenciement, subsidiairement 21 286,75 euros et à tout le moins 15 637,23 euros ou très subsidiairement 4 621,65 euros nets à titre d'indemnité de licenciement, à tout le moins 2 824,76 euros,
* 15 517,44 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice visée à l'article L.1226-14 du code du travail, outre 1 551,74 euros au titre des congés payés afférents, à tout le moins 14 141,10 euros outre 1 414,11 euros au titre des congés payés afférents, ou très subsidiairement 15 517,44 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 551,74 euros au titre des congés payés afférents, à tout le moins 11 835,18 euros, outre 1 183,52 euros au titre des congés payés afférents,
* 184 399,92 euros nets à titre de dommages intérêts,
- ordonner à la société GAN de lui remettre un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés, établis conformément aux dispositions légales et à celles de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société GAN à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter la société GAN de ses demandes, fins et prétentions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2024.
Par voie de conclusions 13 février 2014, la société GAN a réitéré ses demandes initiales.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour relève que si, par message RPVA du 8 février 2024, jour de la clôture, la société GAN a sollicité le rabat de celle-ci afin de lui permettre de répondre aux dernières conclusions et pièces du salarié transmises le 4 février précédent, ce message ne saisit la cour d'aucune demande en ce sens.
Par ailleurs, dès lors que ses conclusions transmises le 13 février 2024 se bornent à réitérer ses demandes initiales figurant dans ses conclusions du 6 juin 2023, sans formuler de demande de rabat de clôture ni même de demande visant à ce que les dernières conclusions et pièces du salarié soient écartées, celles-ci sont nécessairement irrecevables en application des dispositions de l'article 802 du code de procédure civile.
I - Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures supplémentaires, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui des sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Ce même mode de raisonnement se poursuit pour les demandes de rappel d'heures supplémentaires datées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016.
M. [I] soutient que son temps de travail, a minima de 50 heures hebdomadaires, a très largement dépassé la durée légale, l'employeur n'ayant jamais contrôlé son temps de travail.
A l'appui de son affirmation, il produit :
- plusieurs décomptes portant sur certaines semaines en 2016, 2017 et 2018 (pièce n° 5),
- une attestation de Mme [P], conseillère, indiquant qu'il 'venait de très bonne heure tous les jours, avant 8 heures, pendant ses vacances et était disponible au téléphone' (pièce n°40),
- une attestation de Mme [H], gérante de la boulangerie près de son agence, indiquant que depuis 2014 elle a 'vu au magasin [J] [I] pendant des années quasi quotidiennement' et que 'il passait à la boulangerie faire ses achats aussi bien tôt le matin qu'à des heures avancées pour venir chercher son déjeuner, souvent sur le pouce, qu'à des heures tardives' (pièce n° 42).
Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a alloué la somme de 26 874,99 euros à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires sur la période de mai 2016 au 5 octobre 2018, outre 2 687,50 euros bruts au titre des congés payés afférents sur la base de 50 heures hebdomadaires
La cour considère que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Pour sa part, la société GAN oppose que :
- M. [I] n'était pas soumis à un dispositif d'organisation du temps de travail en heures puisqu'en tant que chargé de missions relevant de la convention collective des échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurance du 13 novembre 1967, son temps de travail en clientèle ne peut être prédéterminé et il dispose d'une totale autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, de sorte que la convention collective l'assimile à un VRP. Or, il est de jurisprudence constante que la réglementation de la durée du travail, notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires, n'est pas applicable aux VRP, sauf dans les cas exceptionnels où ils seraient soumis à un horaire contrôlable, ce qui n'est pas le cas lorsqu'ils exercent normalement leur activité hors du contrôle de leur employeur, s'ils organisent librement leurs tournées, sans contrôle a priori de celui-ci. Elle conclut que M. [I] n'est pas éligible à un quelconque versement d'heures supplémentaires,
- les heures supplémentaires prétendument effectuées ne sont nullement justifiées et en l'absence d'accord, au moins implicite, de l'employeur, le salarié ne peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires que s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées,
- s'agissant de la charge de la preuve, il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties et si le salarié n'a pas à rapporter la preuve des heures supplémentaires, il lui appartient d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments,
- la nullité de la convention de forfait ne dispense pas le salarié d'apporter des éléments pour étayer sa demande d'heures supplémentaires, lesquelles ne se présument pas. Il en irait de même pour un échelon intermédiaire qui remettrait en cause son statut conventionnel. Il appartient donc au salarié de rapporter la preuve de la réalité de chacune des heures de travail effectif dont il réclame le paiement. Or, en l'espèce M. [I] ne produit que trois feuilles de notes manuscrites indiquant sa prétendue durée de travail au cours de 5 semaines en 2016, dont 3 seulement sur la période non prescrite, 6 semaines en 2017 et 7 semaines en 2018. Outre le fait qu'il ne peut évidemment pas solliciter un rappel d'heures supplémentaires sur 103 semaines en fournissant des éléments justificatifs sur 16 d'entre elles seulement, force est de constater que ces éléments sont très insuffisants et insuffisamment précis pour étayer la réalité des heures prétendument effectuées, y compris sur les semaines concernées,
- ces trois pages manuscrites (une page par année) sont toutes écrites et présentées de la même façon, avec le même stylo. Alors que les quelques semaines prises pour exemples ne sont absolument pas consécutives, ces pages ont manifestement été constituées a posteriori pour les besoins de la cause, ce qui leur retire tout crédit,
- pour seules indications factuelles, M. [I] mentionne (sauf en 2018) le nom des clients ou prospects visités et l'heure du rendez-vous, ainsi que, le cas échéant, ses périodes de travail administratif ou de réunions internes pour en déduire une amplitude journalière correspondant selon lui à sa durée de travail effectif. A le lire et à suivre ses calculs, il n'a ainsi jamais pris aucune pause ni déjeuné une seule fois en trois ans, ce qui n'est évidemment pas sérieux. Il ne peut non plus se contenter d'indiquer un rendez-vous à 8h, un autre à 11h et un dernier à 15h pour justifier de manière suffisamment précise qu'il aurait travaillé 10 heures sur la journée. Il se contente d'autres fois d'indiquer '8h ' 20h' sans la moindre indication du contenu de ses journées. Et pour 2018, il ne se donne pas non plus la peine d'indiquer les numéros des semaines au cours desquelles il aurait prétendument travaillé 52 et 50 heures,
- la comparaison de son décompte avec les rapports d'activités réalisés par le salarié chaque semaine sur l'outil informatique idoine démontre que M. [I] rajoute opportunément sur le décompte de ses heures de travail des rendez-vous non déclarés et il apparaît très clairement que les quelques semaines retenues en échantillon font état d'un nombre de rendez-vous très supérieur à la moyenne annuelle de ses rendez-vous commerciaux par jour travaillé (pièce n°14),
- jamais au cours de l'exécution de son contrat de travail M. [I] n'a indiqué à son employeur qu'il aurait accompli des heures supplémentaires ni n'en a sollicité le paiement,
- les deux attestations produites ne permettent pas d'établir la réalité de ses horaires de travail,
- dans l'hypothèse où ces éléments seraient jugés suffisants, dès lors que M. [I] ne produit des éléments que pour 16 semaines sur un total de 3 ans, le rappel d'heures supplémentaires ne peut en tout état de cause porter que sur ces 16 semaines, soit pour 2016: trois semaines à 45 heures, étant précisé que les semaines 3 et 12 sont prescrites; pour 2017: cinq semaines à 45 heures, étant précisé que la semaine 23 comptant le lundi de pentecôte n'a pas donné lieu au dépassement de la durée légale du travail; et pour 2018: sept semaines à 45 heures, soit un total brut qui ne saurait excéder 2 429,47 euros, outre 242,95 euros au titre des congés payés afférents.
a) - Sur le temps de travail du salarié échelon intermédiaire :
Au soutien de l'affirmation que M. [I] ne serait pas fondé à réclamer le paiement d'heures supplémentaires du fait de son statut d'échelon intermédiaire, l'employeur invoque l'annexe I de la convention collective des personnels appartenant aux échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurances du 13 novembre 1967, laquelle définit la qualité d'échelon intermédiaire au sens de la convention comme étant 'la personne, de l'un ou l'autre sexe qui, liée par un contrat de louage de services à l'employeur à qui elle est tenue de consacrer l'exclusivité de son temps et placée sous l'autorité d'un inspecteur du cadre dont la fonction s'exerce principalement à l'égard d'agents généraux, est essentiellement chargée d'assister directement ledit inspecteur du cadre dans la mission de réalisation de production de celui-ci. Elle peut être chargée, dans le cadre de cette fonction, de tâches subsidiaires', ajoutant que 'la notion de durée légale du travail ne pouvant être retenue pour l'échelon intermédiaire puisque son activité s'exerce en dehors de tout horaire contrôlable, les parties signataires ont convenu que, par les termes "consacrer l'exclusivité de son temps", il fallait entendre l'obligation, pour l'intéressé, de consacrer toute son activité professionnelle à l'exercice de la mission qui lui est confiée par l'entreprise ou le groupe d'entreprises d'assurances qui l'emploie'.
Cette dernière stipulation n'est toutefois pas de nature à exclure le salarié échelon intermédiaire de toute réglementation relative à la durée du travail dès lors qu'elle vise seulement et expressément à interpréter la clause de la convention prévoyant que le salarié doit consacrer l'exclusivité de son temps à l'employeur.
Il n'est en outre aucunement fait référence à une exclusion de principe du droit à réclamer le paiement d'éventuelles heures supplémentaires ou d'une quelconque assimilation au statut de VRP.
Par ailleurs, s'il ne résulte pas du contrat de travail lui-même une définition du temps de travail du salarié, il stipule néanmoins dans la clause 'durée du travail' que l'accord du 30 juin 2000 sur l'organisation, l'aménagement et la réduction du temps de travail s'applique (pièce n° 1).
Or il résulte de l'article 5-2 de cet accord que la durée annuelle de travail applicable aux échelons intermédiaires est de 217 jours par an soit 365 jours, moins 104 jours de repos hebdomadaire , 25 jours de congés , 9 jours fériés et 10 jours de RTT.
En conséquence, étant observé qu'aucune partie ne revendique qu'une convention de forfait s'appliquait à la relation de travail, cette durée de travail définie à l'année doit s'entendre comme de 1 600 heures par an, soit une durée hebdomadaire de référence de 36h86.
Il s'en déduit qu'un salarié relevant du statut d'échelon intermédiaire, et par ailleurs soumis aux stipulations de la convention collective applicable et des textes afférents, est bien fondé à prétendre au paiement d'heures supplémentaires sur la base du volume horaire ci-dessus exposé.
b) - Sur le bien fondé de la demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires:
Outre le caractère inopérant de l'argument de l'employeur tiré du fait qu'au cours de l'exécution de son contrat de travail, M. [I] n'a jamais indiqué à son employeur qu'il accomplissait des heures supplémentaires ni n'en a sollicité le paiement, la cour relève que la société GAN ne produit aucun élément de nature à établir un quelconque décompte des heures de travail réellement effectuées par le salarié, ni même qu'un mécanisme de contrôle a été mis en place, lequel ne saurait se déduire du seul fait que le salarié rendait compte de son activité a posteriori au moyen de rapports d'activités, se bornant à contester la pertinence du décompte et des attestations produits par celui-ci.
En revanche, la cour constate avec l'employeur :
- d'une part qu'en application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail prévoyant que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la saisine du conseil des prud'hommes le 5 décembre 2019 implique que son action s'agissant des sommes antérieures au 5 décembre 2016 est prescrite.
Toutefois, la demande pouvant porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail, laquelle est intervenue le 23 mai 2019, il y a lieu de considérer que M. [I] est fondé à revendiquer le paiement des heures supplémentaires prétendument effectuées sur la période postérieure au 23 mai 2016,
- d'autre part que le décompte du salarié n'est corroboré par aucun élément (agenda, courriers électroniques ou autres) et se limite, sur la période non prescrite, à un échantillon de quelques semaines qu'il généralise ensuite pour revendiquer le paiement d'heures supplémentaires sur une base forfaitaire de 50 heures hebdomadaires, sans autre justification,
- enfin qu'il résulte des pièces produites par l'employeur que ce décompte comporte de multiples erreurs, qu'il manque de précision puisqu'il se limite à fixer des heures de début de rendez-vous et non leur fin, et fait apparaître un taux d'activité supérieur à la moyenne des autres semaines d'activité, ce qui implique que cet échantillonnage n'est pas représentatif de son activité réelle.
Par ailleurs, si les attestations qu'il produit font état d'une présence matinale ou tardive, elles ne sont aucunement de nature à déterminer la réalité de ses horaires de travail, ce d'autant que la nature même des fonctions de M. [I] implique une autonomie dans son organisation.
En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen tiré de l'absence d'accord au moins implicite de l'employeur à la réalisation de ces heures supplémentaires, la cour considère que l'analyse des pièces produites par les parties ne permet pas de retenir l'existence d' heures supplémentaires. La demande sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
II - Sur le travail dissimulé :
Au terme de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L. 8221-5 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, M. [I] soutient que l'absence de paiement de l'ensemble des heures de travail réalisées, le défaut de mention de ces dernières sur ses bulletins de salaire et l'intention dissimulatrice de la société GAN résultant de sa parfaite connaissance des heures supplémentaires accomplies par le salarié et de l'exclusion de toute référence à une durée de travail le concernant, caractérise un travail dissimulé. Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a alloué la somme de 35 504,31 euros à titre d'indemnité forfaitaire.
La société GAN oppose en substance que la motivation du conseil de prud'hommes pour accueillir la demande du salarié est infondée et rappelle que la condamnation de l'employeur au versement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé requiert la preuve d'un élément intentionnel, or le premier juge, comme le salarié, s'est abstenu de toute démonstration à cet égard. Elle ajoute que, dès lors qu'elle s'est contentée d'appliquer les dispositions de la convention collective des échelons intermédiaires, cela ne caractérise pas l'élément intentionnel de l'infraction, et que la demande de M. [I] est d'autant plus mal fondée qu'il n'a jamais fait état de l'accomplissement de la moindre heure supplémentaire durant l'exécution de son contrat de travail, pas plus qu'il n'en a sollicité le paiement.
Néanmoins, peu important qu'au cours de l'exécution de son contrat de travail M. [I] n'ait jamais indiqué à son employeur qu'il accomplissait des heures supplémentaires ni n'en a sollicité le paiement, il résulte des développements qui précèdent que les prétentions du salarié au titre du non paiement d'heures supplémentaires ne sont pas fondées.
Par ailleurs, l'absence de mention de la durée du travail dans le contrat n'est aucunement de nature à caractériser une quelconque intention dissimulatrice.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
III - Sur le harcèlement moral et la violation de l'obligation de sécurité :
L'article L.4121-1 du code du travail dispose que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, incluant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, sur le fondement de principes généraux de prévention cités par l'article L.4121-2 du même code.
Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 précise à sa suite qu'en cas de litige relatif à l'application notamment de l'article L.1152-1 précité, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.
Ainsi lorsque le salarié présente des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [I] soutient avoir été victime de la part de son employeur d'agissements répétés caractérisant un harcèlement moral ou à tout le moins un manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels.
Il évoque à cet égard :
- une charge de travail excessive et une pression résultant du fait que les durées maximales de travail ont été systématiquement dépassées, travaillant en moyenne 50 heures par semaine sans contrôle ni suivi, permettant à l'employeur de remédier aux conséquences de cette charge de travail sur son état de santé physique, psychique ou sur sa vie privée et familiale, et sans que l'employeur ne s'enquiert des répercussions de cette charge de travail et de ses exigences en termes de chiffres sur son état de santé, aucun entretien, même annuel, n'ayant été organisé aux fins de l'interroger sur ces aspects et aucune mesure n'a été envisagée, et a fortiori prise, pour en limiter les conséquences,
- le fait qu'à compter de fin 2017 il a été, avec d'autres salariés affectés au même poste, 'poussé vers la sortie', la direction affichant clairement son intention de supprimer les postes de chargé de missions à la suite de la signature d'un accord de rémunération des chargés de missions,
- une déloyauté mettant directement en péril son avenir professionnel en le poussant à la rupture de la relation contractuelle sans assurer les garanties légales à mettre en 'uvre dans le cadre d'une réorganisation menée pour des raisons économiques.
Sur ces deux derniers points, il indique longuement que :
* la société a communiqué sur la disparition à terme des chargés de missions en privilégiant le réseau et l'érosion progressive de ceux-ci en même temps qu'une montée en compétence des agents généraux (pièces n° 9 et 10), arrêté les recrutements de chargés de missions depuis 2012, incité les chargés de mission à la mobilité et intégré dans ses comptes, dès la signature de l'accord de rémunération de 2017, une provision de 8,1 millions d'euros 'en prévision de départs négociés » (pièce n° 34).
* M. [U] a également expressément admis, au cours de l'entretien préalable, que la réduction de l'effectif des chargés de missions de 270 à 76 était causé par l'accord de rémunération (pièce n° 59, page 6),
* il a subi des pressions individuelles pour signer l'avenant conclu sur la base de l'accord de rémunération négocié en 2017 (pièce n° 8), lequel avait pour effet de remettre en cause le mode et le montant de la rémunération dont il bénéficiait depuis 2009, tout en le soumettant à une tension et à une charge de travail encore plus accrue (pièce n°33). Ces pressions de sa hiérarchie et les promesses d'accompagnement de la direction, l'ont conduit à accepter de perdre une part conséquente de sa rémunération par crainte de perdre son emploi, cette pression étant d'autant plus forte que l'effectif des chargés de missions avait, avant même l'entrée en vigueur de l'accord de 2017 et la signature des avenants individuels, d'ores et déjà largement chuté,
* lors de son entretien préalable, il a fait valoir cette contrainte sans être contredit (pièce n°59 page 6) et M. [M] confirme la réalité de ces pressions (pièce n° 41).
* dans ce contexte d'un mode de rémunération et de conditions de travail considérablement affectés, il a été encouragé par sa direction à se porter candidat au poste d'agent général mais les engagements de la direction d'un accompagnement spécifique n'ont pas été tenus, la société ayant tout simplement cherché à se débarrasser de lui sans lui assurer la moindre garantie. Ainsi, alors qu'un premier projet de reprise d'agences par association avait largement vu le jour en mai 2018 (pièces n° 14 à 16), l'ingérence de la société GAN dans les discussions entre les futurs agents a conduit à son implosion (pièces n° 17, 18, 31 et 43) et il n'a ensuite été destinataire d'aucune nouvelle, d'aucune proposition ou perspective concrète de la part de la direction concernant son avenir professionnel,
* Mmes [P] et [H] et M. [G] décrivent les effets de cette situation sur les conditions de travail et l'attitude du salarié (pièces n°40, 42, 43),
* ses conditions de travail après la signature de l'avenant ont été très difficiles. L'accord de 2017 n'a pas été mis en 'uvre loyalement et plusieurs manquements ont été constatés (communication hors délais des règles concernant la variable qualitative, rupture de conventions de collaboration agent général/chargé de mission sans compensation, reprises d'acomptes sur rémunération variable sur des éléments de rémunération autre que le variable). Les chargés de missions ont été délaissés, la fréquence et la durée des actions de formation organisées ayant radicalement diminué à compter de 2017, et exclus de toute la communication en assurance de personnes, celle-ci étant dorénavant exclusivement à l'attention des agents. Ces carences ont été à l'origine d'une brusque dégradation des conditions de travail et de l'état de santé des chargés de missions, dont lui-même, laquelle a été mise en évidence dans un compte rendu d'enquête sur les risques psychosociaux de 2019 et dénoncé par le syndicat CFE-CGC, pourtant signataire de l'accord de rémunération de 2017 (pièces n°33 et 35),
* les prétendues mesures prises par la société GAN ne sauraient convaincre car ,après l'alerte déclenchée en décembre 2018 (pièce n°12), les démarches de gestion des risques psychosociaux qui ont pu être menées en 2019 ne l'ont pas été à l'initiative de la direction mais des élus du CHSCT, alors même que l'accord groupe sur la qualité de vie au travail et son avenant du 10 octobre 2014 imposent à l'employeur diverses obligations à cet égard. En outre, l'audit sur les risques psychosociaux n'a pas été réalisé début 2019, son compte-rendu prétendument daté du « tout début d'année 2019 » n'étant pas versé aux débats, et n'a pas plus été évoqué lors de la réunion du comité d'établissement du 19 avril 2019, le compte rendu de cette réunion révélant que les élus n'ont aucunement été associés au travail prétendument mené sur la problématique des risques psychosociaux. Enfin, la société GAN est d'autant moins fondée à invoquer ces démarches, à peine initiées en avril 2019 et dont la preuve de l'aboutissement n'est pas apportée, que c'est entre le milieu et la fin 2018 que le salarié a fait part des conséquences graves de ses conditions de travail sur son état de santé,
* les baromètres invoqués par l'employeur sont insuffisants et médiocres et leurs conclusions sont contredites par les résultats de l'enquête menée par le cabinet SECAFI. Il n'est en outre pas possible de déterminer si les chargés de missions ont été sollicités pour répondre à ces questionnaires,
* au cours d'un entretien du 26 septembre 2018, il a subi des pressions considérables pour abandonner son poste de chargé de missions et les effectifs de la société, afin de devenir agent général au sein d'une agence alors inexistante, à effet au 1er novembre suivant. Il a refusé la proposition insistante présentée sans la moindre précision ou garantie et aucune alternative à sa démission ne lui a été proposée, alors qu'il lui a été clairement signifié qu'il ne pouvait se maintenir sur son poste de chargé de missions. Il a dénoncé cette situation par courrier électronique du 27 septembre 2018 (pièce n°19) sans réponse de sa hiérarchie,
* déterminé à organiser la rupture du contrat de travail, l'employeur a demandé à la médecine du travail l'organisation d'une visite médicale qui s'est tenue le 1er octobre 2018 et à l'issue de laquelle le médecin du travail lui a demandé de prendre contact avec son médecin traitant et l'a encouragé à se placer en arrêt de travail (pièce n°20). Par courrier du 19 octobre 2018, il a de nouveau dénoncé à son employeur les conditions de son entretien du 26 septembre précédent et les pressions subies (pièce n°22). M. [M] atteste que 'en septembre il a été convoqué à un entretien qui s'est révélé être un chantage à la démission, il a été malmené, poussé à bout. Il m'a confié le soir même l'alternative qui lui était proposée, se mettre en arrêt de travail ou démissionner avec des promesses vagues d'un pseudo poste d'agent général inexistant' (pièce n° 41).
C'est dans ce contexte de remise en cause affichée de son avenir professionnel, d'absence de réponse à ses alertes, qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 5 octobre 2018 et sous traitement antidépressif et anxiolytique (pièce n° 21) puis déclaré inapte à son poste de travail le 12 avril 2019 (pièce n° 25).
* le lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail est établi (pièces n° 20, 21, 23 à 27, 52), certifié par le médecin du travail lui-même et évoqué lors de l'entretien préalable (pièce n°59).
Considérant que le harcèlement moral est caractérisé, et à tout le moins que l'employeur a gravement manqué à l'obligation de sécurité et de loyauté, il sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
La cour considère que ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, de sorte qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A cet égard, la société GAN oppose que :
- loin de supprimer le métier de chargé de missions, elle a toujours cherché à le soutenir jusqu'à développer en 2010 une académie des chargés de missions dans l'objectif de redynamiser le réseau et en adaptant le parcours de formation des salariés, y compris les chargés de missions,avec des modules de formation continue proposés en fonction des besoins, ce dont M. [I] a lui-même profité jusqu'en 2018 (pièces n° 5 et 6). Si l'intention de l'employeur avait été de 'pousser vers la sortie par diverses man'uvres et méthodes' son réseau de chargés de missions, un tel programme de formation n'aurait pas été mis sur pied,
- de 2014 à 2017, la société a mobilisé son réseau de chargé de missions pour investir le marché ouvert par l'entrée en vigueur de l'accord national interprofessionnel sur la généralisation de la complémentaire santé du 11 janvier 2013, largement repris par la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013. A cette fin, il a été mis en place un doublement du forfait de commission de production pour tout nouveau contrat conclu en la matière (pièce n°7) ayant permis une augmentation de la rémunération moyenne des chargés de missions, y compris M. [I] (2012 : 49 687 euros, 2013 : 84 376 euros, 2014 : 63 711 euros, 2015 : 79 845 euros, 2016 : 83 669 euros et 2017 : 80 637 euros - pièce n°8),
- la renégociation en 2016 et 2017 de l'accord de rémunération des chargés de missions avait pour but non pas de supprimer ce métier mais au contraire de le redynamiser dans le contexte d'un accroissement important des difficultés financières de la société et d'une concurrence de plus en plus forte. En outre, la suppression collective d'un avantage de rémunération de manière unilatérale ne constitue pas un harcèlement moral, encore moins lorsque cette modification procède d'un accord collectif. L'accord du 13 juillet 2017 a été signé par la CFE-CGC et la CFDT qui représentent 100% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections pour le collège des échelons intermédiaires et son entrée en vigueur était conditionnée par le fait qu'au minimum 50 % des chargés de mission dédiés inscrits à l'effectif au 31 octobre 2017 acceptent l'avenant à leur contrat de travail. Sur les 65 salariés concernés, 55 ont adhéré au nouveau statut et accepté de signer l'avenant qui leur était proposé,
- lorsque M. [I] laisse entendre que l'ensemble des éléments de sa rémunération antérieure auraient été supprimés ou dégradés ou substitués par des éléments moins favorables, il en fait une présentation fallacieuse : sa rémunération fixe a été pratiquement doublée par l'accord (de 898,86 euros bruts mensuels jusqu'en 2017 à 1 665,46 euros bruts mensuels à partir de 2018), les commissions de portefeuille ont effectivement été supprimées mais les commissions de production ont été maintenues et le système de rémunération variable, antérieurement linéaire, a été amélioré. En outre, dans un objectif d'accompagnement des chargés de missions, l'accord prévoyait des mesures transitoires de sécurisation de la rémunération annuelle (système de rémunération globale annuelle garantie pour les années 2018 et 2019, et versements d'acomptes sur la rémunération annuelle variable 2018 afin d'estomper les effets du décalage d'exercice - pièce n°10),
- les chargés de missions dédiés et autonomes se sont vu proposer un avenant à leur contrat de travail eu égard aux modifications contractuelles engendrées par la mise en 'uvre de l'accord. En cas de refus, l'accord prévoyait le maintien de la structure de rémunération telle que résultant de l'accord de 2007 et, à la demande expresse des organisations syndicales, l'accord a prévu que les chargés de missions remplissant les conditions requises se verraient proposer un dispositif spécifique d'accompagnement leur permettant d'évoluer vers le métier d'agent général ou vers celui de courtier, ou encore de partir à la retraite en bénéficiant du doublement de l'indemnité de départ,
- loin d'avoir laissé les chargés de missions livrés à eux-mêmes, la société GAN a maintenu, voire renforcé, l'accompagnement et le management dont ils bénéficiaient. Ainsi, après une convention nationale organisée les 15 et 16 janvier 2018, ils ont continué d'être réunis dans le cadre de réunions de secteurs régulières organisées par leurs managers, ayant pour objet de leur faire des points réguliers d'activité, ainsi que de les former aux nouvelles normes. M. [I] a, pour sa part, été convié à des conférences téléphoniques quasi-hebdomadaires, à des réunions de développement physique mensuelles, ainsi qu'à des entretiens individuels a minima trimestriels (pièce n°12). Il a en outre conservé un rattachement aux mêmes agences, lui permettant largement d'atteindre les objectifs de production fixés par l'accord du 13 juillet 2017 (pièce n°13) et il a continué à bénéficier, tout comme ses collègues, de formations chaque année (pièce n°6),
- la réalisation de ses objectifs ne l'a pas contraint à assumer une charge de travail supérieure puisque pour parvenir pratiquement au double de ses objectifs à mi-année 2018, il travaillé un nombre de jours inférieur à celui des années précédentes, de même qu'il a réalisé un nombre d'entretiens commerciaux moindre à date comparable (pièces n°14 et 15),
- pratiquement 50 % des chargés de missions en activité ont vu leur production progresser par rapport à l'année précédente, ce qui démontre que le potentiel d'augmentation de la production était réel (pièce n°13),
- même s'il est vrai que la production des chargés de missions s'est, dans l'ensemble, plutôt dégradée, tel n'est pas le cas de M. [I], et cette baisse s'explique par une baisse d'activité et de motivation de leur part, ce qui a justifié la tenue d'entretiens individuels avec chacun d'entre eux à l'automne 2018, dont il est ressorti que la plupart ne souhaitait plus exercer un métier de commercial producteur tel que résultant de l'accord de 2017. Face à ce constat, la société a initié un audit sur les risques psychosociaux dès le début de l'année 2019 et pris toutes les mesures de prévention adaptées. Elle a par ailleurs toujours 'uvré en matière de prévention de la santé et la sécurité de ses collaborateurs en se dotant de dispositifs en ce sens (établissement et révision annuelle du DUERP et du programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail, mise en oeuvre de l'accord 28 février 2011 relatif à la qualité de vie au travail au sein du groupe Groupama et ses avenants (commission qualité de vie au travail, mesures de prévention collectives et individuelles, notamment un numéro vert de soutien psychologique - pièce n°22 à 24), procédure de gestion des alertes relatives au signalement d'un possible harcèlement moral ou sexuel ou à la survenance d'une événement grave et soudain déclaré, mise à jour en novembre 2016 (pièces n°26 et 27), formations en e-learning à destination de tous les salariés concernant la qualité de vie au travail et la prévention des risques psycho-sociaux (pièce n° 28),
- il est faux d'affirmer que la démarche d'audit a été initiée à la suite de droits d'alerte dans tous les CHSCT. Les droits d'alerte déjà exercés l'ayant été dans un passé plus ancien (2013) et dans un contexte tout-à-fait différent. En outre, si le syndicat CFE-CGC indiquait à ses sympathisants envisager de déclencher des droits d'alerte dans toutes les régions, il ne s'agissait que d'une possibilité et non d'une réalité,
- à la suite de l'audit réalisé par Plein Sens, différents axes de travail ont été identifiés et annoncés lors de la réunion du CSE du mois d'avril 2019, dont un portant sur la réalisation régulière de diagnostics et d'enquêtes qualité de vie au travail, pour prendre le pouls de l'organisation (pièce n° 29-2) et, au cours de l'année 2019, la société a procédé à de nouvelles communications auprès des collaborateurs sur le dispositif CELA, mis en place un process de remontées et de suivis individualisés des risques psycho-sociaux en région par les consultants RH, lancé le recrutement d'une psychologue du travail, mis en 'uvre des actions de coaching personnalisé auprès de salariés en fonction de leurs besoins spécifiques, renforcé la coordination avec le médecin du travail, les infirmières et assistantes sociales dans le cadre des prises en charges individuelles, réalisé une opération d'information et de sensibilisation des principaux managers aux problématiques RPS en avril 2019, et implémenté une méthode de prise en compte systématique des risques psycho-sociaux dans les projets structurants, ce dont le CSE a été tenu informé en janvier, avril, mai, septembre et décembre 2019 (pièce n°33),
- la société réalise depuis l'été 2019 un baromètre social qui révèle un climat général tout-à-fait normal et des salariés plutôt épanouis (pièces n°31 et 32),
- s'agissant plus particulièrement des chargés de missions, il est ressorti de l'audit réalisé par Plein Sens que nombre d'entre eux, qui n'avaient pas réussi ou pas souhaité prendre le tournant de l'accord du 13 juillet 2017, n'aspiraient plus qu'à quitter l'entreprise de manière financièrement avantageuse. C'est dans ce contexte d'impasse sociale et d'échec de l'accord du 13 juillet 2017 que la société a commencé, au printemps 2019, à réfléchir à l'idée de proposer un plan de départ volontaire à ceux qui le souhaiteraient, ce que M. [A] a confirmé par voie de presse en indiquant que le « développement [de l'assurance de personnes] passerait par le réseau', cette expression n'impliquant nullement l'aveu d'une volonté de faire disparaître le métier de chargés de missions. Quant au rapport établi par le cabinet SECAFI ALPHA dans le cadre de l'expertise sur le projet de plan de départ volontaire que produit M. [I], il est loin d'être objectif et accumule de nombreuses contre-vérités, ce que la société a fait remarquer (pièce n°30 à confirmer), ce plan de départ volontaire présenté à l'été 2019 n'ayant pour seul objet que de répondre à une demande de départ exprimée par un nombre important de chargés de missions et ne saurait constituer un agissement susceptible de caractériser un harcèlement moral, ce d'autant que M. [I] avait alors déjà quitté les effectifs de la société. Il en est de même du courrier électronique envoyé par la CFE-CGC à ses adhérents le 11 novembre 2021, lequel n'a aucun lien avec la situation de M. [I],
- la réduction des effectifs de chargés de missions n'a eu aucun impact sur l'activité ni sur les conditions de travail des chargés de missions qui ont pu poursuivre l'exécution de leur contrat de travail exactement de la même façon avant qu'après et M. [I] ne démontre pas l'inverse. En outre la grande majorité de ces départs correspondent soit à des départs naturels ou pour une cause objective (retraite, démission hors passerelle agent, décès, licenciement pour inaptitude), soit à des démissions dans le cadre de la passerelle vers le métier d'agent général conformément à l'accord du 13 juillet 2017. Et à supposer que certaines des ruptures intervenues s'analysent en ruptures pour motif économique, qui auraient dû conduire la société à mettre en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi, il est constant que les seuls à avoir éventuellement subi un préjudice du fait de cette absence sont les salariés qui ont été licenciés, ce qui n'est pas le cas de M. [I], resté en poste. Enfin, l'exercice de son métier par un chargé de missions est autonome et totalement indépendant du nombre de chargés de missions dans l'entreprise, de sorte que les périmètres d'intervention sont toujours restés dans le même ordre de grandeur et la réduction des effectifs n'a nullement conduit à élargir celui des chargés de missions restant en poste. Leur charge de travail ne s'en est aucunement trouvé alourdie ni même réduite,
- suite à la signature de l'accord du 13 juillet 2017, des réunions de présentation ont été organisées dans les régions et chaque chargé de missions a été reçu en entretien individuel afin de se voir expliquer le fonctionnement de l'accord, les différentes options s'offrant à lui, et une simulation de ce que serait sa rémunération à production constante sous le statut de Chargé de missions EPS. M. [I] a souhaité s'inscrire dans la passerelle vers le métier d'agent dans le cadre d'un projet d'association avec M. [S], afin de prendre la suite de M. [B] après son départ à la retraite à l'horizon 2019. Afin de pouvoir bénéficier de cette passerelle prévue par l'accord du 13 juillet 2017, il a signé l'avenant à son contrat de travail et à aucun moment, il n'a été encouragé à abandonner son poste de chargé de missions en quittant les effectifs de la société pour candidater à un poste d'agent général, l'accord ne prévoyant pas ce préalable. C'est donc en parfaite connaissance de cause qu'il est entré dans le nouveau dispositif sans subir aucune pression hiérarchique pour signer. M. [W] atteste d'ailleurs que c'est M. [I] qui lui a proposé le lieu de rendez-vous (pièce n°38). Quant à M. [M], il ne fait que reproduire les propos de M. [I] lui-même,
- M. [I] a été soutenu dans son projet de devenir agent général par M. [W] (pièce n°18) et il a reçu un avis favorable de la direction en charge du recrutement des agents généraux (pièce n°19) même s'il a été relevé à cette occasion qu'il avait des doutes sur son associé, qui occupait d'autres fonctions risquant de lui prendre beaucoup de temps. C'est sans aucune ingérence de la société GAN que la communication avec ses deux agents, qui était déjà le point faible du projet en fin d'année 2017, est devenue de plus en plus difficile et leurs relations de plus en plus tendues, et le projet d'association n'a échoué qu'en raison du comportement de ces derniers. Pour autant, la société a continué de le soutenir, un entretien a été organisé le 26 septembre 2018 et c'est M. [I] qui a refusé de se positionner sur une autre agence et manifesté le souhait de ne plus poursuivre le projet de devenir agent général. C'est également parce qu'elle se souciait du sort de M. [I] qu'elle a sollicité l'organisation d'une visite médicale auprès de la médecine du travail à l'issue de cet entretien, le salarié ayant dès le début de l'entretien paru fatigué et perdu à ses supérieurs hiérarchiques,
- pour prétendre établir qu'il aurait été victime d'un harcèlement moral, M. [I] affirme que le lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail serait établi par le médecin du travail et cite deux certificats médicaux du Docteur [V]. Or, ce dernier se borne à rapporter les propos de M. [I] et la demande de reconnaissance du caractère professionnel de son affection, formée par M. [I] devant la CPAM, a été rejetée par décision du 14 mars 2019 (pièce n°3). Que le salarié vive mal l'échec de son projet d'association avec ses agents ou qu'il désapprouve le contenu de l'accord du 13 juillet 2017 sur la rémunération des chargés de missions ne signifie aucunement que la société a commis un quelconque manquement à son égard.
S'agissant de la charge de travail jugée excessive et de la pression que le salarié aurait subi de ce fait, la cour relève en premier lieu que M. [I] ne justifie d'aucun élément de nature à corroborer utilement son affirmation. En effet, il résulte des développements qui précèdent que ses prétentions au titre des heures supplémentaires prétendument effectuées sur la base de 50 heures hebdomadaires ne sont pas fondées.
Par ailleurs, la société GAN explique précisément que du fait de l'autonomie de son activité, le chargé de mission n'est aucunement affecté par les variations d'effectifs au sein de l'entreprise.
Enfin, si le médecin du travail évoque dans son certificat du 12 avril 2019 que 'l'employeur justifie l'augmentation de la charge de travail du fait du changement de rémunération qui incite les chargés de mission à travailler plus', il s'agit de propos rapportés. De surcroît, le fait que la charge de travail ait pu augmenter ne détermine pas qu'elle est devenue excessive, ce qui ne ressort que des dires non étayés du salarié, la société GAN démontrant au contraire que pour la réalisation de ses objectifs en 2018, M. [I] n'a pas eu à assumer une charge de travail supérieure aux années précédentes (pièces n°14 et 15).
S'agissant de la dégradation de ses conditions de travail à compter de fin 2017 pour avoir été 'poussé vers la sortie' du fait de la volonté de la direction de supprimer les postes de chargé de missions consécutivement à la signature de l'accord de rémunération, il résulte des pièces produites par l'employeur et des explications de celui-ci que cet accord, négocié et signé par les partenaires sociaux, est en premier lieu une réponse aux difficultés financières de l'entreprise à cette période dans un contexte de concurrence renforcée, ce qui relève de son pouvoir de direction et d'organisation répondant aux exigences du service et à un souci de bonne gestion.
De plus, outre les garanties prévues par l'accord lui-même, la société justifie d'un accompagnement des salariés concernés et aussi de la poursuite des actions de formation proposées aux salariés en général et à M. [I] en particulier, ce qui contredit sa prétendue volonté d'aboutir à la suppression de cette catégorie de personnels.
Une telle volonté ne saurait non plus se déduire :
- de la mise en oeuvre mi-2019, soit après la rupture de la relation de travail, d'un plan de départ volontaire concernant les autres chargés de missions de l'entreprise,
- d'articles de presse relatif à la situation de la société et à son redressement, ce d'autant que la phrase « ce plan prévoyait une érosion progressive des chargés de missions en même temps qu'une montée en compétence des agents généraux' imputée à M. [A] par M. [I] est en réalité attribuée, selon le journaliste auteur de l'article, à un 'dirigeant de la compagnie', ce qui n'a aucune valeur probante.
Par ailleurs, il ne saurait être ignoré que M. [I] a signé l'avenant à son contrat de travail, qui lui a été proposé pour tenir compte de l'accord de 2017 et celui-ci n'établit pas la contrainte à laquelle il prétend avoir été soumis pour ce faire, la preuve de cette contrainte ne résultant, en tout état de cause, ni de son affirmation - même sans être contredit - lors de l'entretien préalable, ni des conditions de cette signature dès lors qu'il ressort de l'attestation de M. [W] que c'est lui-même qui a proposé le lieu de rendez-vous pour convenance personnelle.
La cour constate en outre que cette signature, prétendument imposée, n'a non seulement pas eu de conséquence négative sur la rémunération du salarié, laquelle s'est a minima maintenue, mais lui a aussi permis de s'inscrire dans un processus de candidature au poste d'agent général, ce qui, selon les courriers électroniques produits, répondait à une volonté propre du salarié, au moins jusqu'à ce qu'il y renonce du fait de l'échec de son projet d'association avec d'autres agents, échec dont il n'est pas démontré qu'il serait le résultat d'une quelconque ingérence de la société GAN. Au contraire, il ressort du courrier électronique que le salarié a adressé à M. [W] le 27 septembre 2018 que l'anéantissement du projet n'est pas imputé à la société GAN mais visiblement à 'la posture des agents ex-associés, abjecte dans les mots et leur volonté' (pièce n°19).
Il ne saurait donc sérieusement soutenir dans un courrier électronique du lendemain, puis dans une lettre du 19 octobre 2018, qu'à travers ce processus, et notamment au cours d'un entretien du 26 septembre 2018 dont lui-seul évoque le contenu et l'interprétation qu'il en fait, M. [M] ne faisant à cet égard que rapporter ce que le salarié lui a dit puisqu'il n'était pas présent (pièce n° 41), qu'il a été encouragé par sa direction à postuler au poste d'agent général, ni que les engagements de la direction d'accompagnement spécifique n'ont pas été tenus et que la société a simplement cherché à se débarrasser de lui sans lui assurer la moindre garantie.
De plus, l'argument d'une dégradation de ses conditions de travail après la signature de l'avenant du fait qu'il n'a pas été mis en 'uvre loyalement par l'employeur, et que plusieurs manquements ont été constatés, ne saurait non plus résulter de la seule production d'un tract syndical ni d'un courrier électronique émanant de cette même organisation syndicale évoquant le déclenchement d'une enquête RPS et faisant l'annonce de sa volonté d'exercer un droit d'alerte.
Enfin, l'affirmation que l'initiative de l'employeur de solliciter une visite médicale auprès du médecin du travail participerait de sa détermination à organiser la rupture du contrat de travail relève d'une conjecture.
Au surplus, la cour constate qu'il ne ressort pas des pièces médicales produites la démonstration d'un lien entre la dégradation de son santé, tel que décrit par les certificats des docteurs [V], médecin du travail, [Y], psychiatre, et [N], médecin traitant, lesquels se bornent à rapporter les propos tenus par le salarié lui-même, à l'exclusion de toute constatation effectuée par eux-même à cet égard. L'avis d'inaptitude ne porte pas plus la mention d'un tel lien.
En conséquence des développements qui précèdent, et peu important que par décision du 14 avril 2019 la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie du salarié, cette décision étant sans conséquence sur la solution du litige du fait du principe d'autonomie des droits du travail et de la sécurité sociale, la cour considère que le harcèlement moral allégué n'est pas caractérisé.
S'agissant du manquement à l'obligation de sécurité, que M. [I] impute pèle-mêle à sa charge de travail, à la pression constante et au harcèlement moral qu'il dit avoir subi, il ressort des développements qui précèdent que ces griefs ne sont pas fondés.
Par ailleurs, au delà des longs développements que la société GAN consacre aux divers moyens et actions mis en oeuvre en matière de prévention des risques professionnels à l'attention de l'ensemble de ses salariés, la cour relève qu'en réponse au courrier électronique du 27 septembre 2018 par lequel M. [I] a fait explicitement état de son mal être, ce qu'il confirmera par lettre du 19 octobre suivant, l'employeur a très rapidement pris l'initiative de solliciter une consultation auprès de la médecine du travail, initiative qui a abouti à une visite médicale qui s'est tenue dès le 1er octobre 2018. Dans ces conditions, contrairement à ce que M. [I] soutient dans ses conclusions, il ne saurait donc être reproché à la société GAN une quelconque inaction à cet égard au titre d'un manquement à son obligation de sécurité ou d'une exécution déloyale du contrat de travail.
De même, nonobstant le fait qu'il ne ressort pas des pièces produites par l'employeur d'élément de nature à contredire l'affirmation selon laquelle le salarié n'a pas bénéficié d'un entretien permettant un contrôle ou un suivi de sa charge de travail sur son état de santé physique et psychique ou sur sa vie privée et familiale, cette carence n'est pas de nature à caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité dès lors qu'il ne ressort pas des pièces produites, pas même de son courrier électronique du 27 septembre 2018 et de sa lettre du 19 octobre suivant, la moindre évocation d'une charge de travail excessive, les griefs de M. [I] étant exclusivement relatifs à son évolution professionnelle.
Enfin, le fait pour l'employeur d'avoir négocié et mis en oeuvre l'accord de rémunération de 2017 par le biais d'un avenant à son contrat de travail que M. [I] a volontairement et délibérément signé, à l'exclusion de toute velléité de le 'pousser vers la sortie' tel que démontré précédemment, ne saurait caractériser une quelconque déloyauté dans l'exécution du contrat de travail.
En conséquence des développements qui précèdent, la cour considère que le grief d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et d'exécution loyale du contrat de travail n'est pas fondé.
Il s'en déduit que la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité doit être rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
IV - Sur la rupture du contrat de travail :
a) - Sur le licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à ses obligations ayant causé l'inaptitude :
Considérant que dès lors que son inaptitude est la conséquence du harcèlement moral dont l'employeur s'est rendu coupable, M. [I] soutient que son licenciement est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse puisque l'inaptitude du salarié est la conséquence des manquements fautifs de l'employeur, notamment la violation par ce dernier de son obligation de sécurité et l'extrême déloyauté dont il a fait preuve dans l'exécution de ses obligations.
Il ajoute à cet égard que l'absence de prise en charge de lésions causées par l'entretien du 26 septembre 2018 par la CPAM n'est pas de nature à exclure le lien établi entre son inaptitude et ses conditions de travail, rappelant que l'avis d'inaptitude a été émis après un période d'arrêt de travail consécutive notamment à un entretien particulièrement éprouvant destiné à le pousser à la démission, et qu'au cours de l'entretien préalable au licenciement, le responsable des ressources humaines lui a expressément indiqué que la société avait une responsabilité envers lui (pièce n° 31), admettant ainsi expressément l'existence d'un lien entre les conditions de travail et son inaptitude, ce que le médecin du travail certifie au surplus (pièce n°27).
Néanmoins, peu important que par décision du 14 avril 2019, la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie du salarié, il résulte des développements qui précèdent :
- d'une part que les griefs allégués par M. [I] au titre d'un harcèlement moral, d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou d'exécution loyale du contrat de travail ne sont pas fondés,
- d'autre part que le lien de causalité entre l'inaptitude constatée le 12 avril 2019 et la dégradation de ses conditions de travail n'est pas établi, les certificats médicaux, y compris celui du médecin du travail, ne faisant que rapporter les propos du salarié sur la sur-charge de travail dont il s'est dit victime.
Il s'en déduit que ses prétentions au titre d'un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à ses obligations ayant causé l'inaptitude ne sont pas fondées.
b) - Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour avoir été annoncé lors de l'entretien préalable au licenciement du 17 mai 2019 :
M. [I] soutient que lors de l'entretien préalable à son licenciement du 17 mai 2019, M. [U], directeur RH, a prononcé les termes suivants :
'donc vous allez être licencié, évidemment on a 48 h pour vous formaliser euh cette notification',
'D'accord, ok. Donc là, dans ce cas-là on va vous licencier, vous allez toucher votre indemnité conventionnelle euh de licenciement qui correspond à l'indemnité légale de licenciement parce que la convention collective des chargés de mission est beaucoup plus restreinte et date de 1967, donc elle a été rattrapée par le Code du Travail donc on va demander au CSP Paye de vous la calculer et on va vous transmettre ce montant le plus rapidement possible, vous donnerez vos coordonnées pour qu'on puisse vous la communiquer euh de vive voix. Derrière, étant licencié, en termes de prévoyance, vous avez droit à l'ANI, donc c'est votre métier donc [...]'
'Alors vous allez être licencié, le CSP PAYE donc là dans votre cas précis, il va falloir aller au Pôle emploi, hein d'accord ' Dès que vous allez recevoir votre [...]'
« Je reprends, donc là vous êtes licencié, il n'y a pas de préavis parce que vous êtes en inaptitude totale' (pièce n°59).
Considérant que le licenciement ne peut intervenir verbalement préalablement à l'envoi du courrier comportant la motivation de la mesure, le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
La société GAN ne formule aucune observation sur ce moyen ni ne critique la production par M. [I] de sa pièce n°59 portant retranscription des propos tenus et enregistrés lors de l'entretien préalable, de sorte que les longs développements que le salarié consacre à la recevabilité de cette preuve sont sans objet.
Sur le fond, le licenciement verbal suppose une décision irrévocable de l'employeur de rompre le contrat de travail. Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d'établir la réalité du prononcé d'un licenciement, l'appréciation des éléments produits relevant du pouvoir souverain des juges du fond.
En l'espèce, étant observé que l'entretien préalable du 17 mai 2019 s'inscrit dans le cadre d'une inaptitude du salarié décidée par le médecin du travail et assortie d'une dispense de l'obligation de reclassement, de sorte que l'employeur est tenu de procéder au licenciement du salarié inapte, la cour relève que, nonobstant certaines formulations maladroites pouvant s'expliquer par le caractère oral et décousu de la discussion, les propos imputés à M. [U] ont été tenus pendant l'entretien et non avant celui-ci, et ils ne caractérisent en réalité pas le prononcé d'un licenciement mais l'annonce que celui-ci va nécessairement intervenir selon certaines modalités à venir qui sont expliquées au salarié au cours de cet échange.
La cour relève d'ailleurs que la phrase 'donc vous allez être licencié, évidemment on a 48 h pour vous formaliser euh cette notification' invoquée comme la notification du licenciement est incomplète, étant précédée des termes suivants : 'j'entends... Alors là aujourd'hui on est en entretien de licenciement préalable qui nous est imposé à vous et à moi en fin de compte parce que vous ne pouvez plus travailler à GAN ASSURANCES'.
De même, la phrase « Je reprends, donc là vous êtes licencié, il n'y a pas de préavis parce que vous êtes en inaptitude totale' est en réalité suivie des termes suivants : 'il n'y a pas de préavis parce que vous êtes en inaptitude totale. Dès que vous recevez vos papiers, étant donné que vous n'avez plus d'arrêt, ce qui va prendre le relais c'est Pôle Emploi, donc il faut absolument vous inscrire rapidement, vous risquez d'avoir... parce que non, c'est l'indemnité légale donc pas de carence, pas de carence. On va vous faire un solde de tout compte, on vous doit les congés [...] ... RTT, enfin tout ça, ça doit vous être payé'.
En outre, le caractère effectif, dès ce moment de la rupture, n'est pas corroboré par la démonstration d'un quelconque acte positif de l'employeur afférent à un licenciement verbal immédiat, notamment l'ordre de quitter l'entreprise, la remise immédiate d'un certificat de travail et du solde de tout compte, l'injonction de remise des instruments de travail ou encore l'annonce aux partenaires de l'employeur de l'éviction du salarié.
Dans ces conditions, le moyen n'est pas fondé.
En conséquence des développements qui précèdent, les demandes de M. [I] afférentes à un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse seront rejetées, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
V - Sur les demandes accessoires :
- Sur les intérêts au taux légal :
la société GAN sollicite, au titre de sa demande de 'confirmer le jugement de première instance pour le surplus', de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a précisé faire application des dispositions des article 1231-6 et 1231-7 du code civil.
M. [I] ne demande ni la confirmation ni l'infirmation du jugement déféré sur ce point.
Néanmoins, les demandes salariales et indemnitaires de M. [I] étant rejetées, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions précitées. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
- Sur la remise documentaire :
Les demandes salariales et indemnitaires de M. [I] étant rejetées, la demande est sans objet. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
Les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
M. [I] succombant, il supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
DIT que les dernières conclusions de la société GAN du 13 février 2024 sont irrecevables,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 26 août 2022 sauf en ce qu'il a :
- condamné la société GAN ASSURANCES à payer à M. [J] [I] les sommes suivantes :
* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
* 26 874,99 euros à titre de rappel de salaire, outre 2 687,50 euros au titre des congés payés afférents,
* 35 504,31 euros au titre du travail dissimulé,
* 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- précisé faire application des dispositions des article 1231-6 et 1231-7 du code civil sur les intérêts au taux légal,
- ordonné à la société GAN ASSURANCES de remettre à M. [J] [I] ses bulletins de paye et une attestation Pôle Emploi,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
REJETTE les demandes de M. [J] [I] à titre de :
- dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
- rappel de salaire pour heure supplémentaire,
- pour travail dissimulé,
- remise documentaire,
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions des article 1231-6 et 1231-7 du code civil,
REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
CONDAMNE M. [J] [I] aux dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION
C/
[J] [I]
C.C.C le 18/04/24 à
- Me BRAYE
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 18/04/24 à:
- Me BORDIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 18 AVRIL 2024
MINUTE N°
N° RG 22/00611 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GAYU
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du 26 Août 2022, enregistrée sous le n° F19/00767
APPELANTE :
S.A. GAN ASSURANCES
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMÉ :
[J] [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE - BRAYE, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2024 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, président de chambre,
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [J] [I] a été embauché par la société GAN ASSURANCES (ci-après société GAN) le 20 janvier 2009 par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de chargé de missions dédié et affecté au centre d'inspection de [Localité 5].
Titularisé le 1er novembre 2010, il a été promu inspecteur chargé de missions dédié 1er échelon le 1er janvier 2016.
A l'occasion d'une visite de reprise du 12 avril 2019, il a été déclaré inapte à son poste de travail, le médecin du travail excluant tout maintien dans un emploi dans l'entreprise.
Le 26 avril 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 mai 2019 puis reporté au 17 suivant.
Le 23 mai 2019, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête du 5 décembre 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de juger son licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, et condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre un rappel de salaire, des dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité, outre une indemnité pour travail dissimulé.
Par jugement du 26 août 2022, le conseil de prud'hommes de Dijon a partiellement accueilli les demandes du salarié.
Par déclaration formée le 9 septembre 2022, la société GAN a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 6 juin 2023, l'appelante demande de:
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
* l'a condamnée à payer à M. [I] :
- 10 000 euros au titre du harcèlement moral, manquement à son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
- 26 874,99 euros à titre de rappel de salaire, outre 2 687,50 euros au titre des congés payés afférents,
- 35 504,31 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* a ordonné la remise des bulletins de salaire et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés,
- le confirmer pour le surplus,
à titre principal,
- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes,
subsidiairement, en cas de condamnation de la société GAN,
- limiter le quantum de la condamnation à verser à M. [I] des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 17 753,49 euros bruts,
- limiter le quantum de la condamnation à verser à M. [I] des dommages-intérêts pour licenciement nul à 35 506,98 euros bruts,
en tout état de cause,
- le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions du 4 février 2024, M. [I] demande de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il :
* a condamné la société GAN à lui payer les sommes suivantes :
- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
- 26 874,99 euros à titre de rappel de salaire, outre 2 687,50 euros au titre des congés payés afférents,
- 35 504,31 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* a débouté la société GAN de ses demandes,
* l'a condamné aux dépens,
- l'infirmer en ce qu'il :
* a jugé que son inaptitude n'est pas d'origine professionnelle,
* l'a débouté du surplus de ses demandes,
- juger nul, à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse, son licenciement,
- condamner la société GAN à lui payer les sommes suivantes :
* 24 880,53 euros nets à titre d'indemnité spéciale de licenciement, subsidiairement 21 286,75 euros et à tout le moins 15 637,23 euros ou très subsidiairement 4 621,65 euros nets à titre d'indemnité de licenciement, à tout le moins 2 824,76 euros,
* 15 517,44 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice visée à l'article L.1226-14 du code du travail, outre 1 551,74 euros au titre des congés payés afférents, à tout le moins 14 141,10 euros outre 1 414,11 euros au titre des congés payés afférents, ou très subsidiairement 15 517,44 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 551,74 euros au titre des congés payés afférents, à tout le moins 11 835,18 euros, outre 1 183,52 euros au titre des congés payés afférents,
* 184 399,92 euros nets à titre de dommages intérêts,
- ordonner à la société GAN de lui remettre un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés, établis conformément aux dispositions légales et à celles de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société GAN à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter la société GAN de ses demandes, fins et prétentions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2024.
Par voie de conclusions 13 février 2014, la société GAN a réitéré ses demandes initiales.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour relève que si, par message RPVA du 8 février 2024, jour de la clôture, la société GAN a sollicité le rabat de celle-ci afin de lui permettre de répondre aux dernières conclusions et pièces du salarié transmises le 4 février précédent, ce message ne saisit la cour d'aucune demande en ce sens.
Par ailleurs, dès lors que ses conclusions transmises le 13 février 2024 se bornent à réitérer ses demandes initiales figurant dans ses conclusions du 6 juin 2023, sans formuler de demande de rabat de clôture ni même de demande visant à ce que les dernières conclusions et pièces du salarié soient écartées, celles-ci sont nécessairement irrecevables en application des dispositions de l'article 802 du code de procédure civile.
I - Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures supplémentaires, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui des sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Ce même mode de raisonnement se poursuit pour les demandes de rappel d'heures supplémentaires datées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016.
M. [I] soutient que son temps de travail, a minima de 50 heures hebdomadaires, a très largement dépassé la durée légale, l'employeur n'ayant jamais contrôlé son temps de travail.
A l'appui de son affirmation, il produit :
- plusieurs décomptes portant sur certaines semaines en 2016, 2017 et 2018 (pièce n° 5),
- une attestation de Mme [P], conseillère, indiquant qu'il 'venait de très bonne heure tous les jours, avant 8 heures, pendant ses vacances et était disponible au téléphone' (pièce n°40),
- une attestation de Mme [H], gérante de la boulangerie près de son agence, indiquant que depuis 2014 elle a 'vu au magasin [J] [I] pendant des années quasi quotidiennement' et que 'il passait à la boulangerie faire ses achats aussi bien tôt le matin qu'à des heures avancées pour venir chercher son déjeuner, souvent sur le pouce, qu'à des heures tardives' (pièce n° 42).
Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a alloué la somme de 26 874,99 euros à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires sur la période de mai 2016 au 5 octobre 2018, outre 2 687,50 euros bruts au titre des congés payés afférents sur la base de 50 heures hebdomadaires
La cour considère que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Pour sa part, la société GAN oppose que :
- M. [I] n'était pas soumis à un dispositif d'organisation du temps de travail en heures puisqu'en tant que chargé de missions relevant de la convention collective des échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurance du 13 novembre 1967, son temps de travail en clientèle ne peut être prédéterminé et il dispose d'une totale autonomie dans l'organisation de son emploi du temps, de sorte que la convention collective l'assimile à un VRP. Or, il est de jurisprudence constante que la réglementation de la durée du travail, notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires, n'est pas applicable aux VRP, sauf dans les cas exceptionnels où ils seraient soumis à un horaire contrôlable, ce qui n'est pas le cas lorsqu'ils exercent normalement leur activité hors du contrôle de leur employeur, s'ils organisent librement leurs tournées, sans contrôle a priori de celui-ci. Elle conclut que M. [I] n'est pas éligible à un quelconque versement d'heures supplémentaires,
- les heures supplémentaires prétendument effectuées ne sont nullement justifiées et en l'absence d'accord, au moins implicite, de l'employeur, le salarié ne peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires que s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées,
- s'agissant de la charge de la preuve, il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties et si le salarié n'a pas à rapporter la preuve des heures supplémentaires, il lui appartient d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments,
- la nullité de la convention de forfait ne dispense pas le salarié d'apporter des éléments pour étayer sa demande d'heures supplémentaires, lesquelles ne se présument pas. Il en irait de même pour un échelon intermédiaire qui remettrait en cause son statut conventionnel. Il appartient donc au salarié de rapporter la preuve de la réalité de chacune des heures de travail effectif dont il réclame le paiement. Or, en l'espèce M. [I] ne produit que trois feuilles de notes manuscrites indiquant sa prétendue durée de travail au cours de 5 semaines en 2016, dont 3 seulement sur la période non prescrite, 6 semaines en 2017 et 7 semaines en 2018. Outre le fait qu'il ne peut évidemment pas solliciter un rappel d'heures supplémentaires sur 103 semaines en fournissant des éléments justificatifs sur 16 d'entre elles seulement, force est de constater que ces éléments sont très insuffisants et insuffisamment précis pour étayer la réalité des heures prétendument effectuées, y compris sur les semaines concernées,
- ces trois pages manuscrites (une page par année) sont toutes écrites et présentées de la même façon, avec le même stylo. Alors que les quelques semaines prises pour exemples ne sont absolument pas consécutives, ces pages ont manifestement été constituées a posteriori pour les besoins de la cause, ce qui leur retire tout crédit,
- pour seules indications factuelles, M. [I] mentionne (sauf en 2018) le nom des clients ou prospects visités et l'heure du rendez-vous, ainsi que, le cas échéant, ses périodes de travail administratif ou de réunions internes pour en déduire une amplitude journalière correspondant selon lui à sa durée de travail effectif. A le lire et à suivre ses calculs, il n'a ainsi jamais pris aucune pause ni déjeuné une seule fois en trois ans, ce qui n'est évidemment pas sérieux. Il ne peut non plus se contenter d'indiquer un rendez-vous à 8h, un autre à 11h et un dernier à 15h pour justifier de manière suffisamment précise qu'il aurait travaillé 10 heures sur la journée. Il se contente d'autres fois d'indiquer '8h ' 20h' sans la moindre indication du contenu de ses journées. Et pour 2018, il ne se donne pas non plus la peine d'indiquer les numéros des semaines au cours desquelles il aurait prétendument travaillé 52 et 50 heures,
- la comparaison de son décompte avec les rapports d'activités réalisés par le salarié chaque semaine sur l'outil informatique idoine démontre que M. [I] rajoute opportunément sur le décompte de ses heures de travail des rendez-vous non déclarés et il apparaît très clairement que les quelques semaines retenues en échantillon font état d'un nombre de rendez-vous très supérieur à la moyenne annuelle de ses rendez-vous commerciaux par jour travaillé (pièce n°14),
- jamais au cours de l'exécution de son contrat de travail M. [I] n'a indiqué à son employeur qu'il aurait accompli des heures supplémentaires ni n'en a sollicité le paiement,
- les deux attestations produites ne permettent pas d'établir la réalité de ses horaires de travail,
- dans l'hypothèse où ces éléments seraient jugés suffisants, dès lors que M. [I] ne produit des éléments que pour 16 semaines sur un total de 3 ans, le rappel d'heures supplémentaires ne peut en tout état de cause porter que sur ces 16 semaines, soit pour 2016: trois semaines à 45 heures, étant précisé que les semaines 3 et 12 sont prescrites; pour 2017: cinq semaines à 45 heures, étant précisé que la semaine 23 comptant le lundi de pentecôte n'a pas donné lieu au dépassement de la durée légale du travail; et pour 2018: sept semaines à 45 heures, soit un total brut qui ne saurait excéder 2 429,47 euros, outre 242,95 euros au titre des congés payés afférents.
a) - Sur le temps de travail du salarié échelon intermédiaire :
Au soutien de l'affirmation que M. [I] ne serait pas fondé à réclamer le paiement d'heures supplémentaires du fait de son statut d'échelon intermédiaire, l'employeur invoque l'annexe I de la convention collective des personnels appartenant aux échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurances du 13 novembre 1967, laquelle définit la qualité d'échelon intermédiaire au sens de la convention comme étant 'la personne, de l'un ou l'autre sexe qui, liée par un contrat de louage de services à l'employeur à qui elle est tenue de consacrer l'exclusivité de son temps et placée sous l'autorité d'un inspecteur du cadre dont la fonction s'exerce principalement à l'égard d'agents généraux, est essentiellement chargée d'assister directement ledit inspecteur du cadre dans la mission de réalisation de production de celui-ci. Elle peut être chargée, dans le cadre de cette fonction, de tâches subsidiaires', ajoutant que 'la notion de durée légale du travail ne pouvant être retenue pour l'échelon intermédiaire puisque son activité s'exerce en dehors de tout horaire contrôlable, les parties signataires ont convenu que, par les termes "consacrer l'exclusivité de son temps", il fallait entendre l'obligation, pour l'intéressé, de consacrer toute son activité professionnelle à l'exercice de la mission qui lui est confiée par l'entreprise ou le groupe d'entreprises d'assurances qui l'emploie'.
Cette dernière stipulation n'est toutefois pas de nature à exclure le salarié échelon intermédiaire de toute réglementation relative à la durée du travail dès lors qu'elle vise seulement et expressément à interpréter la clause de la convention prévoyant que le salarié doit consacrer l'exclusivité de son temps à l'employeur.
Il n'est en outre aucunement fait référence à une exclusion de principe du droit à réclamer le paiement d'éventuelles heures supplémentaires ou d'une quelconque assimilation au statut de VRP.
Par ailleurs, s'il ne résulte pas du contrat de travail lui-même une définition du temps de travail du salarié, il stipule néanmoins dans la clause 'durée du travail' que l'accord du 30 juin 2000 sur l'organisation, l'aménagement et la réduction du temps de travail s'applique (pièce n° 1).
Or il résulte de l'article 5-2 de cet accord que la durée annuelle de travail applicable aux échelons intermédiaires est de 217 jours par an soit 365 jours, moins 104 jours de repos hebdomadaire , 25 jours de congés , 9 jours fériés et 10 jours de RTT.
En conséquence, étant observé qu'aucune partie ne revendique qu'une convention de forfait s'appliquait à la relation de travail, cette durée de travail définie à l'année doit s'entendre comme de 1 600 heures par an, soit une durée hebdomadaire de référence de 36h86.
Il s'en déduit qu'un salarié relevant du statut d'échelon intermédiaire, et par ailleurs soumis aux stipulations de la convention collective applicable et des textes afférents, est bien fondé à prétendre au paiement d'heures supplémentaires sur la base du volume horaire ci-dessus exposé.
b) - Sur le bien fondé de la demande de rappel de salaire pour des heures supplémentaires:
Outre le caractère inopérant de l'argument de l'employeur tiré du fait qu'au cours de l'exécution de son contrat de travail, M. [I] n'a jamais indiqué à son employeur qu'il accomplissait des heures supplémentaires ni n'en a sollicité le paiement, la cour relève que la société GAN ne produit aucun élément de nature à établir un quelconque décompte des heures de travail réellement effectuées par le salarié, ni même qu'un mécanisme de contrôle a été mis en place, lequel ne saurait se déduire du seul fait que le salarié rendait compte de son activité a posteriori au moyen de rapports d'activités, se bornant à contester la pertinence du décompte et des attestations produits par celui-ci.
En revanche, la cour constate avec l'employeur :
- d'une part qu'en application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail prévoyant que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la saisine du conseil des prud'hommes le 5 décembre 2019 implique que son action s'agissant des sommes antérieures au 5 décembre 2016 est prescrite.
Toutefois, la demande pouvant porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail, laquelle est intervenue le 23 mai 2019, il y a lieu de considérer que M. [I] est fondé à revendiquer le paiement des heures supplémentaires prétendument effectuées sur la période postérieure au 23 mai 2016,
- d'autre part que le décompte du salarié n'est corroboré par aucun élément (agenda, courriers électroniques ou autres) et se limite, sur la période non prescrite, à un échantillon de quelques semaines qu'il généralise ensuite pour revendiquer le paiement d'heures supplémentaires sur une base forfaitaire de 50 heures hebdomadaires, sans autre justification,
- enfin qu'il résulte des pièces produites par l'employeur que ce décompte comporte de multiples erreurs, qu'il manque de précision puisqu'il se limite à fixer des heures de début de rendez-vous et non leur fin, et fait apparaître un taux d'activité supérieur à la moyenne des autres semaines d'activité, ce qui implique que cet échantillonnage n'est pas représentatif de son activité réelle.
Par ailleurs, si les attestations qu'il produit font état d'une présence matinale ou tardive, elles ne sont aucunement de nature à déterminer la réalité de ses horaires de travail, ce d'autant que la nature même des fonctions de M. [I] implique une autonomie dans son organisation.
En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen tiré de l'absence d'accord au moins implicite de l'employeur à la réalisation de ces heures supplémentaires, la cour considère que l'analyse des pièces produites par les parties ne permet pas de retenir l'existence d' heures supplémentaires. La demande sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
II - Sur le travail dissimulé :
Au terme de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L. 8221-5 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, M. [I] soutient que l'absence de paiement de l'ensemble des heures de travail réalisées, le défaut de mention de ces dernières sur ses bulletins de salaire et l'intention dissimulatrice de la société GAN résultant de sa parfaite connaissance des heures supplémentaires accomplies par le salarié et de l'exclusion de toute référence à une durée de travail le concernant, caractérise un travail dissimulé. Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a alloué la somme de 35 504,31 euros à titre d'indemnité forfaitaire.
La société GAN oppose en substance que la motivation du conseil de prud'hommes pour accueillir la demande du salarié est infondée et rappelle que la condamnation de l'employeur au versement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé requiert la preuve d'un élément intentionnel, or le premier juge, comme le salarié, s'est abstenu de toute démonstration à cet égard. Elle ajoute que, dès lors qu'elle s'est contentée d'appliquer les dispositions de la convention collective des échelons intermédiaires, cela ne caractérise pas l'élément intentionnel de l'infraction, et que la demande de M. [I] est d'autant plus mal fondée qu'il n'a jamais fait état de l'accomplissement de la moindre heure supplémentaire durant l'exécution de son contrat de travail, pas plus qu'il n'en a sollicité le paiement.
Néanmoins, peu important qu'au cours de l'exécution de son contrat de travail M. [I] n'ait jamais indiqué à son employeur qu'il accomplissait des heures supplémentaires ni n'en a sollicité le paiement, il résulte des développements qui précèdent que les prétentions du salarié au titre du non paiement d'heures supplémentaires ne sont pas fondées.
Par ailleurs, l'absence de mention de la durée du travail dans le contrat n'est aucunement de nature à caractériser une quelconque intention dissimulatrice.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
III - Sur le harcèlement moral et la violation de l'obligation de sécurité :
L'article L.4121-1 du code du travail dispose que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, incluant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, sur le fondement de principes généraux de prévention cités par l'article L.4121-2 du même code.
Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 précise à sa suite qu'en cas de litige relatif à l'application notamment de l'article L.1152-1 précité, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.
Ainsi lorsque le salarié présente des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [I] soutient avoir été victime de la part de son employeur d'agissements répétés caractérisant un harcèlement moral ou à tout le moins un manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels.
Il évoque à cet égard :
- une charge de travail excessive et une pression résultant du fait que les durées maximales de travail ont été systématiquement dépassées, travaillant en moyenne 50 heures par semaine sans contrôle ni suivi, permettant à l'employeur de remédier aux conséquences de cette charge de travail sur son état de santé physique, psychique ou sur sa vie privée et familiale, et sans que l'employeur ne s'enquiert des répercussions de cette charge de travail et de ses exigences en termes de chiffres sur son état de santé, aucun entretien, même annuel, n'ayant été organisé aux fins de l'interroger sur ces aspects et aucune mesure n'a été envisagée, et a fortiori prise, pour en limiter les conséquences,
- le fait qu'à compter de fin 2017 il a été, avec d'autres salariés affectés au même poste, 'poussé vers la sortie', la direction affichant clairement son intention de supprimer les postes de chargé de missions à la suite de la signature d'un accord de rémunération des chargés de missions,
- une déloyauté mettant directement en péril son avenir professionnel en le poussant à la rupture de la relation contractuelle sans assurer les garanties légales à mettre en 'uvre dans le cadre d'une réorganisation menée pour des raisons économiques.
Sur ces deux derniers points, il indique longuement que :
* la société a communiqué sur la disparition à terme des chargés de missions en privilégiant le réseau et l'érosion progressive de ceux-ci en même temps qu'une montée en compétence des agents généraux (pièces n° 9 et 10), arrêté les recrutements de chargés de missions depuis 2012, incité les chargés de mission à la mobilité et intégré dans ses comptes, dès la signature de l'accord de rémunération de 2017, une provision de 8,1 millions d'euros 'en prévision de départs négociés » (pièce n° 34).
* M. [U] a également expressément admis, au cours de l'entretien préalable, que la réduction de l'effectif des chargés de missions de 270 à 76 était causé par l'accord de rémunération (pièce n° 59, page 6),
* il a subi des pressions individuelles pour signer l'avenant conclu sur la base de l'accord de rémunération négocié en 2017 (pièce n° 8), lequel avait pour effet de remettre en cause le mode et le montant de la rémunération dont il bénéficiait depuis 2009, tout en le soumettant à une tension et à une charge de travail encore plus accrue (pièce n°33). Ces pressions de sa hiérarchie et les promesses d'accompagnement de la direction, l'ont conduit à accepter de perdre une part conséquente de sa rémunération par crainte de perdre son emploi, cette pression étant d'autant plus forte que l'effectif des chargés de missions avait, avant même l'entrée en vigueur de l'accord de 2017 et la signature des avenants individuels, d'ores et déjà largement chuté,
* lors de son entretien préalable, il a fait valoir cette contrainte sans être contredit (pièce n°59 page 6) et M. [M] confirme la réalité de ces pressions (pièce n° 41).
* dans ce contexte d'un mode de rémunération et de conditions de travail considérablement affectés, il a été encouragé par sa direction à se porter candidat au poste d'agent général mais les engagements de la direction d'un accompagnement spécifique n'ont pas été tenus, la société ayant tout simplement cherché à se débarrasser de lui sans lui assurer la moindre garantie. Ainsi, alors qu'un premier projet de reprise d'agences par association avait largement vu le jour en mai 2018 (pièces n° 14 à 16), l'ingérence de la société GAN dans les discussions entre les futurs agents a conduit à son implosion (pièces n° 17, 18, 31 et 43) et il n'a ensuite été destinataire d'aucune nouvelle, d'aucune proposition ou perspective concrète de la part de la direction concernant son avenir professionnel,
* Mmes [P] et [H] et M. [G] décrivent les effets de cette situation sur les conditions de travail et l'attitude du salarié (pièces n°40, 42, 43),
* ses conditions de travail après la signature de l'avenant ont été très difficiles. L'accord de 2017 n'a pas été mis en 'uvre loyalement et plusieurs manquements ont été constatés (communication hors délais des règles concernant la variable qualitative, rupture de conventions de collaboration agent général/chargé de mission sans compensation, reprises d'acomptes sur rémunération variable sur des éléments de rémunération autre que le variable). Les chargés de missions ont été délaissés, la fréquence et la durée des actions de formation organisées ayant radicalement diminué à compter de 2017, et exclus de toute la communication en assurance de personnes, celle-ci étant dorénavant exclusivement à l'attention des agents. Ces carences ont été à l'origine d'une brusque dégradation des conditions de travail et de l'état de santé des chargés de missions, dont lui-même, laquelle a été mise en évidence dans un compte rendu d'enquête sur les risques psychosociaux de 2019 et dénoncé par le syndicat CFE-CGC, pourtant signataire de l'accord de rémunération de 2017 (pièces n°33 et 35),
* les prétendues mesures prises par la société GAN ne sauraient convaincre car ,après l'alerte déclenchée en décembre 2018 (pièce n°12), les démarches de gestion des risques psychosociaux qui ont pu être menées en 2019 ne l'ont pas été à l'initiative de la direction mais des élus du CHSCT, alors même que l'accord groupe sur la qualité de vie au travail et son avenant du 10 octobre 2014 imposent à l'employeur diverses obligations à cet égard. En outre, l'audit sur les risques psychosociaux n'a pas été réalisé début 2019, son compte-rendu prétendument daté du « tout début d'année 2019 » n'étant pas versé aux débats, et n'a pas plus été évoqué lors de la réunion du comité d'établissement du 19 avril 2019, le compte rendu de cette réunion révélant que les élus n'ont aucunement été associés au travail prétendument mené sur la problématique des risques psychosociaux. Enfin, la société GAN est d'autant moins fondée à invoquer ces démarches, à peine initiées en avril 2019 et dont la preuve de l'aboutissement n'est pas apportée, que c'est entre le milieu et la fin 2018 que le salarié a fait part des conséquences graves de ses conditions de travail sur son état de santé,
* les baromètres invoqués par l'employeur sont insuffisants et médiocres et leurs conclusions sont contredites par les résultats de l'enquête menée par le cabinet SECAFI. Il n'est en outre pas possible de déterminer si les chargés de missions ont été sollicités pour répondre à ces questionnaires,
* au cours d'un entretien du 26 septembre 2018, il a subi des pressions considérables pour abandonner son poste de chargé de missions et les effectifs de la société, afin de devenir agent général au sein d'une agence alors inexistante, à effet au 1er novembre suivant. Il a refusé la proposition insistante présentée sans la moindre précision ou garantie et aucune alternative à sa démission ne lui a été proposée, alors qu'il lui a été clairement signifié qu'il ne pouvait se maintenir sur son poste de chargé de missions. Il a dénoncé cette situation par courrier électronique du 27 septembre 2018 (pièce n°19) sans réponse de sa hiérarchie,
* déterminé à organiser la rupture du contrat de travail, l'employeur a demandé à la médecine du travail l'organisation d'une visite médicale qui s'est tenue le 1er octobre 2018 et à l'issue de laquelle le médecin du travail lui a demandé de prendre contact avec son médecin traitant et l'a encouragé à se placer en arrêt de travail (pièce n°20). Par courrier du 19 octobre 2018, il a de nouveau dénoncé à son employeur les conditions de son entretien du 26 septembre précédent et les pressions subies (pièce n°22). M. [M] atteste que 'en septembre il a été convoqué à un entretien qui s'est révélé être un chantage à la démission, il a été malmené, poussé à bout. Il m'a confié le soir même l'alternative qui lui était proposée, se mettre en arrêt de travail ou démissionner avec des promesses vagues d'un pseudo poste d'agent général inexistant' (pièce n° 41).
C'est dans ce contexte de remise en cause affichée de son avenir professionnel, d'absence de réponse à ses alertes, qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 5 octobre 2018 et sous traitement antidépressif et anxiolytique (pièce n° 21) puis déclaré inapte à son poste de travail le 12 avril 2019 (pièce n° 25).
* le lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail est établi (pièces n° 20, 21, 23 à 27, 52), certifié par le médecin du travail lui-même et évoqué lors de l'entretien préalable (pièce n°59).
Considérant que le harcèlement moral est caractérisé, et à tout le moins que l'employeur a gravement manqué à l'obligation de sécurité et de loyauté, il sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
La cour considère que ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, de sorte qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A cet égard, la société GAN oppose que :
- loin de supprimer le métier de chargé de missions, elle a toujours cherché à le soutenir jusqu'à développer en 2010 une académie des chargés de missions dans l'objectif de redynamiser le réseau et en adaptant le parcours de formation des salariés, y compris les chargés de missions,avec des modules de formation continue proposés en fonction des besoins, ce dont M. [I] a lui-même profité jusqu'en 2018 (pièces n° 5 et 6). Si l'intention de l'employeur avait été de 'pousser vers la sortie par diverses man'uvres et méthodes' son réseau de chargés de missions, un tel programme de formation n'aurait pas été mis sur pied,
- de 2014 à 2017, la société a mobilisé son réseau de chargé de missions pour investir le marché ouvert par l'entrée en vigueur de l'accord national interprofessionnel sur la généralisation de la complémentaire santé du 11 janvier 2013, largement repris par la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013. A cette fin, il a été mis en place un doublement du forfait de commission de production pour tout nouveau contrat conclu en la matière (pièce n°7) ayant permis une augmentation de la rémunération moyenne des chargés de missions, y compris M. [I] (2012 : 49 687 euros, 2013 : 84 376 euros, 2014 : 63 711 euros, 2015 : 79 845 euros, 2016 : 83 669 euros et 2017 : 80 637 euros - pièce n°8),
- la renégociation en 2016 et 2017 de l'accord de rémunération des chargés de missions avait pour but non pas de supprimer ce métier mais au contraire de le redynamiser dans le contexte d'un accroissement important des difficultés financières de la société et d'une concurrence de plus en plus forte. En outre, la suppression collective d'un avantage de rémunération de manière unilatérale ne constitue pas un harcèlement moral, encore moins lorsque cette modification procède d'un accord collectif. L'accord du 13 juillet 2017 a été signé par la CFE-CGC et la CFDT qui représentent 100% des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections pour le collège des échelons intermédiaires et son entrée en vigueur était conditionnée par le fait qu'au minimum 50 % des chargés de mission dédiés inscrits à l'effectif au 31 octobre 2017 acceptent l'avenant à leur contrat de travail. Sur les 65 salariés concernés, 55 ont adhéré au nouveau statut et accepté de signer l'avenant qui leur était proposé,
- lorsque M. [I] laisse entendre que l'ensemble des éléments de sa rémunération antérieure auraient été supprimés ou dégradés ou substitués par des éléments moins favorables, il en fait une présentation fallacieuse : sa rémunération fixe a été pratiquement doublée par l'accord (de 898,86 euros bruts mensuels jusqu'en 2017 à 1 665,46 euros bruts mensuels à partir de 2018), les commissions de portefeuille ont effectivement été supprimées mais les commissions de production ont été maintenues et le système de rémunération variable, antérieurement linéaire, a été amélioré. En outre, dans un objectif d'accompagnement des chargés de missions, l'accord prévoyait des mesures transitoires de sécurisation de la rémunération annuelle (système de rémunération globale annuelle garantie pour les années 2018 et 2019, et versements d'acomptes sur la rémunération annuelle variable 2018 afin d'estomper les effets du décalage d'exercice - pièce n°10),
- les chargés de missions dédiés et autonomes se sont vu proposer un avenant à leur contrat de travail eu égard aux modifications contractuelles engendrées par la mise en 'uvre de l'accord. En cas de refus, l'accord prévoyait le maintien de la structure de rémunération telle que résultant de l'accord de 2007 et, à la demande expresse des organisations syndicales, l'accord a prévu que les chargés de missions remplissant les conditions requises se verraient proposer un dispositif spécifique d'accompagnement leur permettant d'évoluer vers le métier d'agent général ou vers celui de courtier, ou encore de partir à la retraite en bénéficiant du doublement de l'indemnité de départ,
- loin d'avoir laissé les chargés de missions livrés à eux-mêmes, la société GAN a maintenu, voire renforcé, l'accompagnement et le management dont ils bénéficiaient. Ainsi, après une convention nationale organisée les 15 et 16 janvier 2018, ils ont continué d'être réunis dans le cadre de réunions de secteurs régulières organisées par leurs managers, ayant pour objet de leur faire des points réguliers d'activité, ainsi que de les former aux nouvelles normes. M. [I] a, pour sa part, été convié à des conférences téléphoniques quasi-hebdomadaires, à des réunions de développement physique mensuelles, ainsi qu'à des entretiens individuels a minima trimestriels (pièce n°12). Il a en outre conservé un rattachement aux mêmes agences, lui permettant largement d'atteindre les objectifs de production fixés par l'accord du 13 juillet 2017 (pièce n°13) et il a continué à bénéficier, tout comme ses collègues, de formations chaque année (pièce n°6),
- la réalisation de ses objectifs ne l'a pas contraint à assumer une charge de travail supérieure puisque pour parvenir pratiquement au double de ses objectifs à mi-année 2018, il travaillé un nombre de jours inférieur à celui des années précédentes, de même qu'il a réalisé un nombre d'entretiens commerciaux moindre à date comparable (pièces n°14 et 15),
- pratiquement 50 % des chargés de missions en activité ont vu leur production progresser par rapport à l'année précédente, ce qui démontre que le potentiel d'augmentation de la production était réel (pièce n°13),
- même s'il est vrai que la production des chargés de missions s'est, dans l'ensemble, plutôt dégradée, tel n'est pas le cas de M. [I], et cette baisse s'explique par une baisse d'activité et de motivation de leur part, ce qui a justifié la tenue d'entretiens individuels avec chacun d'entre eux à l'automne 2018, dont il est ressorti que la plupart ne souhaitait plus exercer un métier de commercial producteur tel que résultant de l'accord de 2017. Face à ce constat, la société a initié un audit sur les risques psychosociaux dès le début de l'année 2019 et pris toutes les mesures de prévention adaptées. Elle a par ailleurs toujours 'uvré en matière de prévention de la santé et la sécurité de ses collaborateurs en se dotant de dispositifs en ce sens (établissement et révision annuelle du DUERP et du programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail, mise en oeuvre de l'accord 28 février 2011 relatif à la qualité de vie au travail au sein du groupe Groupama et ses avenants (commission qualité de vie au travail, mesures de prévention collectives et individuelles, notamment un numéro vert de soutien psychologique - pièce n°22 à 24), procédure de gestion des alertes relatives au signalement d'un possible harcèlement moral ou sexuel ou à la survenance d'une événement grave et soudain déclaré, mise à jour en novembre 2016 (pièces n°26 et 27), formations en e-learning à destination de tous les salariés concernant la qualité de vie au travail et la prévention des risques psycho-sociaux (pièce n° 28),
- il est faux d'affirmer que la démarche d'audit a été initiée à la suite de droits d'alerte dans tous les CHSCT. Les droits d'alerte déjà exercés l'ayant été dans un passé plus ancien (2013) et dans un contexte tout-à-fait différent. En outre, si le syndicat CFE-CGC indiquait à ses sympathisants envisager de déclencher des droits d'alerte dans toutes les régions, il ne s'agissait que d'une possibilité et non d'une réalité,
- à la suite de l'audit réalisé par Plein Sens, différents axes de travail ont été identifiés et annoncés lors de la réunion du CSE du mois d'avril 2019, dont un portant sur la réalisation régulière de diagnostics et d'enquêtes qualité de vie au travail, pour prendre le pouls de l'organisation (pièce n° 29-2) et, au cours de l'année 2019, la société a procédé à de nouvelles communications auprès des collaborateurs sur le dispositif CELA, mis en place un process de remontées et de suivis individualisés des risques psycho-sociaux en région par les consultants RH, lancé le recrutement d'une psychologue du travail, mis en 'uvre des actions de coaching personnalisé auprès de salariés en fonction de leurs besoins spécifiques, renforcé la coordination avec le médecin du travail, les infirmières et assistantes sociales dans le cadre des prises en charges individuelles, réalisé une opération d'information et de sensibilisation des principaux managers aux problématiques RPS en avril 2019, et implémenté une méthode de prise en compte systématique des risques psycho-sociaux dans les projets structurants, ce dont le CSE a été tenu informé en janvier, avril, mai, septembre et décembre 2019 (pièce n°33),
- la société réalise depuis l'été 2019 un baromètre social qui révèle un climat général tout-à-fait normal et des salariés plutôt épanouis (pièces n°31 et 32),
- s'agissant plus particulièrement des chargés de missions, il est ressorti de l'audit réalisé par Plein Sens que nombre d'entre eux, qui n'avaient pas réussi ou pas souhaité prendre le tournant de l'accord du 13 juillet 2017, n'aspiraient plus qu'à quitter l'entreprise de manière financièrement avantageuse. C'est dans ce contexte d'impasse sociale et d'échec de l'accord du 13 juillet 2017 que la société a commencé, au printemps 2019, à réfléchir à l'idée de proposer un plan de départ volontaire à ceux qui le souhaiteraient, ce que M. [A] a confirmé par voie de presse en indiquant que le « développement [de l'assurance de personnes] passerait par le réseau', cette expression n'impliquant nullement l'aveu d'une volonté de faire disparaître le métier de chargés de missions. Quant au rapport établi par le cabinet SECAFI ALPHA dans le cadre de l'expertise sur le projet de plan de départ volontaire que produit M. [I], il est loin d'être objectif et accumule de nombreuses contre-vérités, ce que la société a fait remarquer (pièce n°30 à confirmer), ce plan de départ volontaire présenté à l'été 2019 n'ayant pour seul objet que de répondre à une demande de départ exprimée par un nombre important de chargés de missions et ne saurait constituer un agissement susceptible de caractériser un harcèlement moral, ce d'autant que M. [I] avait alors déjà quitté les effectifs de la société. Il en est de même du courrier électronique envoyé par la CFE-CGC à ses adhérents le 11 novembre 2021, lequel n'a aucun lien avec la situation de M. [I],
- la réduction des effectifs de chargés de missions n'a eu aucun impact sur l'activité ni sur les conditions de travail des chargés de missions qui ont pu poursuivre l'exécution de leur contrat de travail exactement de la même façon avant qu'après et M. [I] ne démontre pas l'inverse. En outre la grande majorité de ces départs correspondent soit à des départs naturels ou pour une cause objective (retraite, démission hors passerelle agent, décès, licenciement pour inaptitude), soit à des démissions dans le cadre de la passerelle vers le métier d'agent général conformément à l'accord du 13 juillet 2017. Et à supposer que certaines des ruptures intervenues s'analysent en ruptures pour motif économique, qui auraient dû conduire la société à mettre en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi, il est constant que les seuls à avoir éventuellement subi un préjudice du fait de cette absence sont les salariés qui ont été licenciés, ce qui n'est pas le cas de M. [I], resté en poste. Enfin, l'exercice de son métier par un chargé de missions est autonome et totalement indépendant du nombre de chargés de missions dans l'entreprise, de sorte que les périmètres d'intervention sont toujours restés dans le même ordre de grandeur et la réduction des effectifs n'a nullement conduit à élargir celui des chargés de missions restant en poste. Leur charge de travail ne s'en est aucunement trouvé alourdie ni même réduite,
- suite à la signature de l'accord du 13 juillet 2017, des réunions de présentation ont été organisées dans les régions et chaque chargé de missions a été reçu en entretien individuel afin de se voir expliquer le fonctionnement de l'accord, les différentes options s'offrant à lui, et une simulation de ce que serait sa rémunération à production constante sous le statut de Chargé de missions EPS. M. [I] a souhaité s'inscrire dans la passerelle vers le métier d'agent dans le cadre d'un projet d'association avec M. [S], afin de prendre la suite de M. [B] après son départ à la retraite à l'horizon 2019. Afin de pouvoir bénéficier de cette passerelle prévue par l'accord du 13 juillet 2017, il a signé l'avenant à son contrat de travail et à aucun moment, il n'a été encouragé à abandonner son poste de chargé de missions en quittant les effectifs de la société pour candidater à un poste d'agent général, l'accord ne prévoyant pas ce préalable. C'est donc en parfaite connaissance de cause qu'il est entré dans le nouveau dispositif sans subir aucune pression hiérarchique pour signer. M. [W] atteste d'ailleurs que c'est M. [I] qui lui a proposé le lieu de rendez-vous (pièce n°38). Quant à M. [M], il ne fait que reproduire les propos de M. [I] lui-même,
- M. [I] a été soutenu dans son projet de devenir agent général par M. [W] (pièce n°18) et il a reçu un avis favorable de la direction en charge du recrutement des agents généraux (pièce n°19) même s'il a été relevé à cette occasion qu'il avait des doutes sur son associé, qui occupait d'autres fonctions risquant de lui prendre beaucoup de temps. C'est sans aucune ingérence de la société GAN que la communication avec ses deux agents, qui était déjà le point faible du projet en fin d'année 2017, est devenue de plus en plus difficile et leurs relations de plus en plus tendues, et le projet d'association n'a échoué qu'en raison du comportement de ces derniers. Pour autant, la société a continué de le soutenir, un entretien a été organisé le 26 septembre 2018 et c'est M. [I] qui a refusé de se positionner sur une autre agence et manifesté le souhait de ne plus poursuivre le projet de devenir agent général. C'est également parce qu'elle se souciait du sort de M. [I] qu'elle a sollicité l'organisation d'une visite médicale auprès de la médecine du travail à l'issue de cet entretien, le salarié ayant dès le début de l'entretien paru fatigué et perdu à ses supérieurs hiérarchiques,
- pour prétendre établir qu'il aurait été victime d'un harcèlement moral, M. [I] affirme que le lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail serait établi par le médecin du travail et cite deux certificats médicaux du Docteur [V]. Or, ce dernier se borne à rapporter les propos de M. [I] et la demande de reconnaissance du caractère professionnel de son affection, formée par M. [I] devant la CPAM, a été rejetée par décision du 14 mars 2019 (pièce n°3). Que le salarié vive mal l'échec de son projet d'association avec ses agents ou qu'il désapprouve le contenu de l'accord du 13 juillet 2017 sur la rémunération des chargés de missions ne signifie aucunement que la société a commis un quelconque manquement à son égard.
S'agissant de la charge de travail jugée excessive et de la pression que le salarié aurait subi de ce fait, la cour relève en premier lieu que M. [I] ne justifie d'aucun élément de nature à corroborer utilement son affirmation. En effet, il résulte des développements qui précèdent que ses prétentions au titre des heures supplémentaires prétendument effectuées sur la base de 50 heures hebdomadaires ne sont pas fondées.
Par ailleurs, la société GAN explique précisément que du fait de l'autonomie de son activité, le chargé de mission n'est aucunement affecté par les variations d'effectifs au sein de l'entreprise.
Enfin, si le médecin du travail évoque dans son certificat du 12 avril 2019 que 'l'employeur justifie l'augmentation de la charge de travail du fait du changement de rémunération qui incite les chargés de mission à travailler plus', il s'agit de propos rapportés. De surcroît, le fait que la charge de travail ait pu augmenter ne détermine pas qu'elle est devenue excessive, ce qui ne ressort que des dires non étayés du salarié, la société GAN démontrant au contraire que pour la réalisation de ses objectifs en 2018, M. [I] n'a pas eu à assumer une charge de travail supérieure aux années précédentes (pièces n°14 et 15).
S'agissant de la dégradation de ses conditions de travail à compter de fin 2017 pour avoir été 'poussé vers la sortie' du fait de la volonté de la direction de supprimer les postes de chargé de missions consécutivement à la signature de l'accord de rémunération, il résulte des pièces produites par l'employeur et des explications de celui-ci que cet accord, négocié et signé par les partenaires sociaux, est en premier lieu une réponse aux difficultés financières de l'entreprise à cette période dans un contexte de concurrence renforcée, ce qui relève de son pouvoir de direction et d'organisation répondant aux exigences du service et à un souci de bonne gestion.
De plus, outre les garanties prévues par l'accord lui-même, la société justifie d'un accompagnement des salariés concernés et aussi de la poursuite des actions de formation proposées aux salariés en général et à M. [I] en particulier, ce qui contredit sa prétendue volonté d'aboutir à la suppression de cette catégorie de personnels.
Une telle volonté ne saurait non plus se déduire :
- de la mise en oeuvre mi-2019, soit après la rupture de la relation de travail, d'un plan de départ volontaire concernant les autres chargés de missions de l'entreprise,
- d'articles de presse relatif à la situation de la société et à son redressement, ce d'autant que la phrase « ce plan prévoyait une érosion progressive des chargés de missions en même temps qu'une montée en compétence des agents généraux' imputée à M. [A] par M. [I] est en réalité attribuée, selon le journaliste auteur de l'article, à un 'dirigeant de la compagnie', ce qui n'a aucune valeur probante.
Par ailleurs, il ne saurait être ignoré que M. [I] a signé l'avenant à son contrat de travail, qui lui a été proposé pour tenir compte de l'accord de 2017 et celui-ci n'établit pas la contrainte à laquelle il prétend avoir été soumis pour ce faire, la preuve de cette contrainte ne résultant, en tout état de cause, ni de son affirmation - même sans être contredit - lors de l'entretien préalable, ni des conditions de cette signature dès lors qu'il ressort de l'attestation de M. [W] que c'est lui-même qui a proposé le lieu de rendez-vous pour convenance personnelle.
La cour constate en outre que cette signature, prétendument imposée, n'a non seulement pas eu de conséquence négative sur la rémunération du salarié, laquelle s'est a minima maintenue, mais lui a aussi permis de s'inscrire dans un processus de candidature au poste d'agent général, ce qui, selon les courriers électroniques produits, répondait à une volonté propre du salarié, au moins jusqu'à ce qu'il y renonce du fait de l'échec de son projet d'association avec d'autres agents, échec dont il n'est pas démontré qu'il serait le résultat d'une quelconque ingérence de la société GAN. Au contraire, il ressort du courrier électronique que le salarié a adressé à M. [W] le 27 septembre 2018 que l'anéantissement du projet n'est pas imputé à la société GAN mais visiblement à 'la posture des agents ex-associés, abjecte dans les mots et leur volonté' (pièce n°19).
Il ne saurait donc sérieusement soutenir dans un courrier électronique du lendemain, puis dans une lettre du 19 octobre 2018, qu'à travers ce processus, et notamment au cours d'un entretien du 26 septembre 2018 dont lui-seul évoque le contenu et l'interprétation qu'il en fait, M. [M] ne faisant à cet égard que rapporter ce que le salarié lui a dit puisqu'il n'était pas présent (pièce n° 41), qu'il a été encouragé par sa direction à postuler au poste d'agent général, ni que les engagements de la direction d'accompagnement spécifique n'ont pas été tenus et que la société a simplement cherché à se débarrasser de lui sans lui assurer la moindre garantie.
De plus, l'argument d'une dégradation de ses conditions de travail après la signature de l'avenant du fait qu'il n'a pas été mis en 'uvre loyalement par l'employeur, et que plusieurs manquements ont été constatés, ne saurait non plus résulter de la seule production d'un tract syndical ni d'un courrier électronique émanant de cette même organisation syndicale évoquant le déclenchement d'une enquête RPS et faisant l'annonce de sa volonté d'exercer un droit d'alerte.
Enfin, l'affirmation que l'initiative de l'employeur de solliciter une visite médicale auprès du médecin du travail participerait de sa détermination à organiser la rupture du contrat de travail relève d'une conjecture.
Au surplus, la cour constate qu'il ne ressort pas des pièces médicales produites la démonstration d'un lien entre la dégradation de son santé, tel que décrit par les certificats des docteurs [V], médecin du travail, [Y], psychiatre, et [N], médecin traitant, lesquels se bornent à rapporter les propos tenus par le salarié lui-même, à l'exclusion de toute constatation effectuée par eux-même à cet égard. L'avis d'inaptitude ne porte pas plus la mention d'un tel lien.
En conséquence des développements qui précèdent, et peu important que par décision du 14 avril 2019 la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie du salarié, cette décision étant sans conséquence sur la solution du litige du fait du principe d'autonomie des droits du travail et de la sécurité sociale, la cour considère que le harcèlement moral allégué n'est pas caractérisé.
S'agissant du manquement à l'obligation de sécurité, que M. [I] impute pèle-mêle à sa charge de travail, à la pression constante et au harcèlement moral qu'il dit avoir subi, il ressort des développements qui précèdent que ces griefs ne sont pas fondés.
Par ailleurs, au delà des longs développements que la société GAN consacre aux divers moyens et actions mis en oeuvre en matière de prévention des risques professionnels à l'attention de l'ensemble de ses salariés, la cour relève qu'en réponse au courrier électronique du 27 septembre 2018 par lequel M. [I] a fait explicitement état de son mal être, ce qu'il confirmera par lettre du 19 octobre suivant, l'employeur a très rapidement pris l'initiative de solliciter une consultation auprès de la médecine du travail, initiative qui a abouti à une visite médicale qui s'est tenue dès le 1er octobre 2018. Dans ces conditions, contrairement à ce que M. [I] soutient dans ses conclusions, il ne saurait donc être reproché à la société GAN une quelconque inaction à cet égard au titre d'un manquement à son obligation de sécurité ou d'une exécution déloyale du contrat de travail.
De même, nonobstant le fait qu'il ne ressort pas des pièces produites par l'employeur d'élément de nature à contredire l'affirmation selon laquelle le salarié n'a pas bénéficié d'un entretien permettant un contrôle ou un suivi de sa charge de travail sur son état de santé physique et psychique ou sur sa vie privée et familiale, cette carence n'est pas de nature à caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité dès lors qu'il ne ressort pas des pièces produites, pas même de son courrier électronique du 27 septembre 2018 et de sa lettre du 19 octobre suivant, la moindre évocation d'une charge de travail excessive, les griefs de M. [I] étant exclusivement relatifs à son évolution professionnelle.
Enfin, le fait pour l'employeur d'avoir négocié et mis en oeuvre l'accord de rémunération de 2017 par le biais d'un avenant à son contrat de travail que M. [I] a volontairement et délibérément signé, à l'exclusion de toute velléité de le 'pousser vers la sortie' tel que démontré précédemment, ne saurait caractériser une quelconque déloyauté dans l'exécution du contrat de travail.
En conséquence des développements qui précèdent, la cour considère que le grief d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et d'exécution loyale du contrat de travail n'est pas fondé.
Il s'en déduit que la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité doit être rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
IV - Sur la rupture du contrat de travail :
a) - Sur le licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à ses obligations ayant causé l'inaptitude :
Considérant que dès lors que son inaptitude est la conséquence du harcèlement moral dont l'employeur s'est rendu coupable, M. [I] soutient que son licenciement est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse puisque l'inaptitude du salarié est la conséquence des manquements fautifs de l'employeur, notamment la violation par ce dernier de son obligation de sécurité et l'extrême déloyauté dont il a fait preuve dans l'exécution de ses obligations.
Il ajoute à cet égard que l'absence de prise en charge de lésions causées par l'entretien du 26 septembre 2018 par la CPAM n'est pas de nature à exclure le lien établi entre son inaptitude et ses conditions de travail, rappelant que l'avis d'inaptitude a été émis après un période d'arrêt de travail consécutive notamment à un entretien particulièrement éprouvant destiné à le pousser à la démission, et qu'au cours de l'entretien préalable au licenciement, le responsable des ressources humaines lui a expressément indiqué que la société avait une responsabilité envers lui (pièce n° 31), admettant ainsi expressément l'existence d'un lien entre les conditions de travail et son inaptitude, ce que le médecin du travail certifie au surplus (pièce n°27).
Néanmoins, peu important que par décision du 14 avril 2019, la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie du salarié, il résulte des développements qui précèdent :
- d'une part que les griefs allégués par M. [I] au titre d'un harcèlement moral, d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou d'exécution loyale du contrat de travail ne sont pas fondés,
- d'autre part que le lien de causalité entre l'inaptitude constatée le 12 avril 2019 et la dégradation de ses conditions de travail n'est pas établi, les certificats médicaux, y compris celui du médecin du travail, ne faisant que rapporter les propos du salarié sur la sur-charge de travail dont il s'est dit victime.
Il s'en déduit que ses prétentions au titre d'un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à ses obligations ayant causé l'inaptitude ne sont pas fondées.
b) - Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour avoir été annoncé lors de l'entretien préalable au licenciement du 17 mai 2019 :
M. [I] soutient que lors de l'entretien préalable à son licenciement du 17 mai 2019, M. [U], directeur RH, a prononcé les termes suivants :
'donc vous allez être licencié, évidemment on a 48 h pour vous formaliser euh cette notification',
'D'accord, ok. Donc là, dans ce cas-là on va vous licencier, vous allez toucher votre indemnité conventionnelle euh de licenciement qui correspond à l'indemnité légale de licenciement parce que la convention collective des chargés de mission est beaucoup plus restreinte et date de 1967, donc elle a été rattrapée par le Code du Travail donc on va demander au CSP Paye de vous la calculer et on va vous transmettre ce montant le plus rapidement possible, vous donnerez vos coordonnées pour qu'on puisse vous la communiquer euh de vive voix. Derrière, étant licencié, en termes de prévoyance, vous avez droit à l'ANI, donc c'est votre métier donc [...]'
'Alors vous allez être licencié, le CSP PAYE donc là dans votre cas précis, il va falloir aller au Pôle emploi, hein d'accord ' Dès que vous allez recevoir votre [...]'
« Je reprends, donc là vous êtes licencié, il n'y a pas de préavis parce que vous êtes en inaptitude totale' (pièce n°59).
Considérant que le licenciement ne peut intervenir verbalement préalablement à l'envoi du courrier comportant la motivation de la mesure, le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
La société GAN ne formule aucune observation sur ce moyen ni ne critique la production par M. [I] de sa pièce n°59 portant retranscription des propos tenus et enregistrés lors de l'entretien préalable, de sorte que les longs développements que le salarié consacre à la recevabilité de cette preuve sont sans objet.
Sur le fond, le licenciement verbal suppose une décision irrévocable de l'employeur de rompre le contrat de travail. Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d'établir la réalité du prononcé d'un licenciement, l'appréciation des éléments produits relevant du pouvoir souverain des juges du fond.
En l'espèce, étant observé que l'entretien préalable du 17 mai 2019 s'inscrit dans le cadre d'une inaptitude du salarié décidée par le médecin du travail et assortie d'une dispense de l'obligation de reclassement, de sorte que l'employeur est tenu de procéder au licenciement du salarié inapte, la cour relève que, nonobstant certaines formulations maladroites pouvant s'expliquer par le caractère oral et décousu de la discussion, les propos imputés à M. [U] ont été tenus pendant l'entretien et non avant celui-ci, et ils ne caractérisent en réalité pas le prononcé d'un licenciement mais l'annonce que celui-ci va nécessairement intervenir selon certaines modalités à venir qui sont expliquées au salarié au cours de cet échange.
La cour relève d'ailleurs que la phrase 'donc vous allez être licencié, évidemment on a 48 h pour vous formaliser euh cette notification' invoquée comme la notification du licenciement est incomplète, étant précédée des termes suivants : 'j'entends... Alors là aujourd'hui on est en entretien de licenciement préalable qui nous est imposé à vous et à moi en fin de compte parce que vous ne pouvez plus travailler à GAN ASSURANCES'.
De même, la phrase « Je reprends, donc là vous êtes licencié, il n'y a pas de préavis parce que vous êtes en inaptitude totale' est en réalité suivie des termes suivants : 'il n'y a pas de préavis parce que vous êtes en inaptitude totale. Dès que vous recevez vos papiers, étant donné que vous n'avez plus d'arrêt, ce qui va prendre le relais c'est Pôle Emploi, donc il faut absolument vous inscrire rapidement, vous risquez d'avoir... parce que non, c'est l'indemnité légale donc pas de carence, pas de carence. On va vous faire un solde de tout compte, on vous doit les congés [...] ... RTT, enfin tout ça, ça doit vous être payé'.
En outre, le caractère effectif, dès ce moment de la rupture, n'est pas corroboré par la démonstration d'un quelconque acte positif de l'employeur afférent à un licenciement verbal immédiat, notamment l'ordre de quitter l'entreprise, la remise immédiate d'un certificat de travail et du solde de tout compte, l'injonction de remise des instruments de travail ou encore l'annonce aux partenaires de l'employeur de l'éviction du salarié.
Dans ces conditions, le moyen n'est pas fondé.
En conséquence des développements qui précèdent, les demandes de M. [I] afférentes à un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse seront rejetées, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
V - Sur les demandes accessoires :
- Sur les intérêts au taux légal :
la société GAN sollicite, au titre de sa demande de 'confirmer le jugement de première instance pour le surplus', de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a précisé faire application des dispositions des article 1231-6 et 1231-7 du code civil.
M. [I] ne demande ni la confirmation ni l'infirmation du jugement déféré sur ce point.
Néanmoins, les demandes salariales et indemnitaires de M. [I] étant rejetées, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions précitées. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
- Sur la remise documentaire :
Les demandes salariales et indemnitaires de M. [I] étant rejetées, la demande est sans objet. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
Les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
M. [I] succombant, il supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
DIT que les dernières conclusions de la société GAN du 13 février 2024 sont irrecevables,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Dijon du 26 août 2022 sauf en ce qu'il a :
- condamné la société GAN ASSURANCES à payer à M. [J] [I] les sommes suivantes :
* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
* 26 874,99 euros à titre de rappel de salaire, outre 2 687,50 euros au titre des congés payés afférents,
* 35 504,31 euros au titre du travail dissimulé,
* 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- précisé faire application des dispositions des article 1231-6 et 1231-7 du code civil sur les intérêts au taux légal,
- ordonné à la société GAN ASSURANCES de remettre à M. [J] [I] ses bulletins de paye et une attestation Pôle Emploi,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
REJETTE les demandes de M. [J] [I] à titre de :
- dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,
- rappel de salaire pour heure supplémentaire,
- pour travail dissimulé,
- remise documentaire,
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions des article 1231-6 et 1231-7 du code civil,
REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
CONDAMNE M. [J] [I] aux dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION