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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 23 avril 2024, n° 21/02631

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/02631

23 avril 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 23 AVRIL 2024

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02631 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCYE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2021 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/07506

APPELANTE

LE SYNDICAT PROFESSIONNEL 'SYNDICAT DES CIDRIERS INDEPENDANTS DE FRANCE' (CIF)

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Me Geoffroy CANIVET de l'AARPI 186 Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : D0010, substitué par Me Astrid ROGER-VASSELIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE AGRIAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocats plaidants Me Marie-Cécile RAMEAU et Me Guillaume VATIN, avocats au barreau de PARIS, toque : E1776

SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE LES CELLIERS ASSOCIES

[Adresse 4]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Pierre ECHARD-JEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1562

Ayant pour avocat plaidant Me Laurent PETIT, avocat au barreau de Rennes

UNION NATIONALE INTERPROFESSIONELLE CIDRICOLE (UNICID)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Valérie LEDOUX de la SELARL RACINE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301, substitué par Me Olivier-Henri DELATTRE, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre chargée du rapport, et devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

L'union nationale interprofessionnelle cidricole (l'Unicid), constituée sous forme d'association régie par la loi de 1901, a été reconnue en qualité d'organisation interprofessionnelle agricole, au sens des articles L.632-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, par arrêté interministériel du 24 août 1998, ayant pour but d'assurer la cohésion de la filière cidricole et de promouvoir la qualité des produits ainsi que le marché cidricole.

Elle est composée de deux collèges représentant des organisations professionnelles de niveau national :

- le collège dit ' Production', qui représente les métiers et entreprises de la production des fruits à cidre et la transformation fermière de fruits à cidre par l'intermédiaire de la Fédération Nationale des Producteurs de Fruits à Cidre (FNPFC) regroupant des organisations syndicales agricoles, seul adhérente,

- le collège dit 'Transformation', qui représente les métiers et entreprises de la transformation artisanale et industrielle des fruits à cidre, par l'intermédiaire du Syndicat National des Transformateurs Cidricoles (SNTC), seul adhérent.

Les accords interprofessionnels successifs conclus au sein de l'Unicid par les organisations professionnelles qui la composent et étendus par des arrêtés ministériels, ont prévu le paiement par les professionnels de la filière de deux cotisations :

- l'une, destinée au fonctionnement de l'Unicid, au financement de ses actions et au fonctionnement de l'Institut Technique des Productions Cidricoles (centre technique et de recherche), assise sur les tonnages de fruits à cidres produits ou achetés ou sur les volumes de produits cidricoles vendus,

- l'autre, destinée à la promotion des cidres de consommation, assise sur le volume de cidres vendus en France (cotisation dite CVO).

Au cours de l'année 2016, plusieurs producteurs cidriers, en raison de leur désaccord sur le montant des cotisations interprofessionnelles votées par l'assemblée générale de l'Unicid le 19 février 2014 et sur leur emploi au financement de campagnes de promotion de produits principalement commercialisés par les coopératives Agrial et Les Celliers associés, ont décidé de ne plus siéger au SNTC et de quitter les instances dirigeantes de l'Unicid pour fonder le syndicat professionnel des Cidriers Indépendants de France (le CIF), refusant depuis lors de payer les cotisations interprofessionnelles réclamées par l'Unicid.

L'Unicid a assigné certains producteurs cidriers, membres du CIF, dont l'EARL Cidre [G] gérée par M. [T] [G], vice-président du CIF, en recouvrement de ces cotisations volontaires obligatoires (CVO) qu'ils ont refusé de payer.

Le 23 mai 2017, le CIF a assigné à son tour l'Unicid devant le tribunal judiciaire de Paris lui demandant de :

- juger que les modalités de prise de décision au sein de l'Unicid n'étaient plus conformes à l'esprit de l'interprofession et de l'article L.632-4 du code rural,

- reconnaître un abus de majorité commis au sein des instances collectives de l'Unicid par les coopératives Agrial et Les Celliers associés,

- constater le non-respect du principe de parité au sein de l'Unicid, tel que reconnu par les pouvoirs publics,

- annuler les décisions prises par l'Unicid en assemblée générale de majorer les cotisations volontaires obligatoires pour les campagnes 2015 à 2017.

Par actes des 17 et 28 mai 2018, le CIF a assigné les sociétés coopératives agricoles Agrial et Les Celliers associés en intervention forcée, aux fins de 'faire droit à ses demandes au dispositif' de l'assignation délivrée le 23 mai 2017 à l'Unicid.

Les juridictions saisies de demandes en paiement des cotisations interprofessionnelles ont sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Paris.

Le CIF a, par lettre du 27 janvier 2020, sollicité son adhésion à l'Unicid en qualité de membre sans obtenir de réponse et l'a relancée le 26 février 2021, en vain.

Par jugement du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré l'Unicid irrecevable en son exception d'incompétence au profit du Conseil d'Etat,

- dit que le CIF ne justifiait pas de l'autorisation de son bureau aux fins d'assignation des coopératives Agrial et les Celliers associés et déclaré en conséquence ses actions en intervention forcée irrecevables,

- débouté le CIF de l'intégralité de ses demandes,

- condamné le CIF à verser aux coopératives Agrial et Les Celliers associés une somme de 1 500 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné le CIF à verser aux coopératives Agrial et Les Celliers associés et à l'Unicid la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné le CIF aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 8 février 2021, le CIF a interjeté appel de cette décision en le limitant aux chefs du jugement précités à l'exception du premier.

Par ordonnance rendue le 2 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'appel soulevée par la coopérative Les Celliers associés,

- dit qu'il n'a pas le pouvoir de statuer sur l'exception d'incompétence tranchée par le tribunal dont l'Unicid a fait appel incident,

- dit que l'examen de la recevabilité et du bien fondé de cette exception d'incompétence du juge judiciaire au profit du Conseil d'Etat est renvoyée devant la cour,

- sursis à statuer dans l'attente de cette décision sur les fins de non-recevoir qui lui sont soumises.

Par arrêt du 16 février 2022, la cour a déclaré l'Unicid irrecevable à invoquer en cause d'appel l'exception d'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif.

Par arrêt du même jour, la cour a confirmé la décision du conseiller de la mise en état du 2 novembre 2021 à hauteur de la disposition déférée.

Par ordonnance rendue le 17 mai 2022, le conseiller de la mise en état a :

- dit qu'il est compétent et a le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir qui lui sont soumises,

- déclaré irrecevables les demandes formées par le CIF à l'encontre des coopératives Agrial et Les Cellier associés,

- déclaré le CIF recevable à agir en nullité des assemblées ordinaires de l'Unicid,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de la procédure de fond,

- dit n'y avoir pas lieu à statuer, à ce stade de la procédure, sur les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 8 novembre 2021, le syndicat professionnel Syndicat des cidriers indépendants de France (CIF) demande à la cour de :

- infirmer le jugement dans ses dispositions dont appel,

- annuler les assemblées générales ordinaires de l'Unicid des 19 février 2014 et 27 février 2018,

- annuler les assemblées générales ordinaires de l'Unicid des 16 juin 2014, 12 février 2015, 22 juin 2015, 30 septembre 2015, 15 février 2016, 4 avril 2016, 8 juin 2016, 30 mai 2017, 27 février 2018, 14 juin 2018 et 20 février 2019,

- le déclarer recevable à agir à l'encontre des sociétés coopératives agricoles Agrial et Les Celliers associés,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'Unicid irrecevable en son exception d'incompétence au profit du Conseil d'Etat,

- rejeter l'ensemble des demandes de l'Unicid et des sociétés coopératives agricoles Agrial et Les Celliers associés,

- condamner in solidum les sociétés coopératives agricoles Agrial et Les Cellier associés à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum l'Unicid et les sociétés coopératives agricoles Agrial et Les Celliers associés à lui payer la somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner in solidum les sociétés coopératives agricoles Agrial et Les Celliers associés aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 21 décembre 2023, l'Union nationale interprofessionnelle cidricole (Unicid) demande à la cour de :

à titre principal :

- constater que les demandes formulées par le CIF à son encontre relèvent de la compétence du Conseil d'Etat en tant qu'elles visent à remettre en cause les accords interprofessionnels étendus par arrêtés ministériels,

- renvoyer en conséquence le CIF à mieux se pourvoir sur ce point.

à titre subsidiaire :

- confirmer le jugement,

- débouter le CIF de l'intégralité de ses demandes à son égard,

- en toute hypothèse :

- condamner le CIF à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 3 août 2021, la Coopérative Les Celliers associés demande à la cour de :

- réformer partiellement le jugement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé irrecevable l'action engagée par le CIF à son encontre,

- déclarer irrecevable l'appel interjeté par le CIF comme étant entaché d'irrégularité,

- subsidiairement, déclarer le CIF irrecevable comme étant dépourvu de pouvoir à agir,

- encore plus subsidiairement, déclarer irrecevables les demandes financières présentées par le CIF à son encontre, au visa de l'article 564 du code de procédure civile,

- encore plus subsidiairement, juger qu'elle n'a pas qualité pour défendre à la présente instance au regard de l'article 122 du code de procédure civile,

- encore plus subsidiairement, débouter le CIF de ses demandes de dommages et intérêts en raison de leur caractère infondé,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné le CIF au paiement d'une somme de 1 500 euros à titre de procédure abusive,

statuant à nouveau,

- condamner le CIF à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 6 août 2021, la société coopérative agricole Agrial demande à la cour, sous réserve de l'incident soulevé devant le conseiller de la mise en état, de :

- déclarer irrecevables les demandes présentées par le CIF au stade de l'appel à savoir sa condamnation in solidum au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- à défaut rejeter les demandes présentées par le CIF contre elle,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- déclarer abusive l'action intentée par le CIF à son encontre à hauteur d'appel,

- condamner le CIF à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive, outre 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2024.

SUR CE,

Il convient de relever au préalable que l'exception d'irrecevabilité de l'appel soulevée par la coopérative Les Celliers associés a déjà été rejetée et qu'il a également déjà été jugé que l'Unicid était irrecevable à invoquer en cause d'appel l'exception d'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif, que le CIF était recevable à agir en nullité des assemblées ordinaires de l'Unicid et que les demandes formées par le CIF à l'encontre des coopératives Agrial et Les Cellier associés étaient irrecevables, celles-ci étant dépourvues de qualité à défendre.

Sur les demandes d'annulation des assemblées générales ordinaires de l'Unicid

Pour juger que les décisions prises par les assemblées générales ordinaires de l'Unicid de 2014 à 2019, et en particulier des 19 février 2014 et 28 février 2017, étaient conformes aux dispositions légales et statutaires, le tribunal judiciaire de Paris a retenu que :

- par arrêté interministériel en date du 24 août 1998, l'Unicid a été reconnue en qualité d'organisation interprofessionnelle au sens de l'article L. 632-1 du code rural,

- les accords interprofessionnels conclus au sein de l'Unicid les 19 février 2014, pour les campagnes 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017, et 28 février 2017 (amendé le 30 mai 2017), pour les campagnes 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020, ont été étendus par arrêtés interministériels des 26 septembre 2014, à l'exception des alinéas 2 et 3 et son article 5 pour le premier, et 18 octobre 2017,

- la régularité de la procédure d'adoption de l'accord interprofessionnel du 19 février 2014 a été examinée par l'autorité administrative en application des articles L. 632-3 et L. 632-4 du code rural et seul le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des recours exercés à l'encontre des arrêtés pris par celle-ci,

- il ne lui appartient pas de se prononcer sur 'la décision prise par l'assemblée générale de l'Unicid du 19 février 2014 relative aux CVO pour les campagnes 2015 à 2017' pas plus que sur 'la décision prise par l'assemblée générale de l'Unicid du 28 février 2017 relative aux CVO pour les campagnes 2017 à 2021' puisque cela reviendrait à remettre en cause les arrêtés interministériels du 26 septembre 2014 ayant étendu l'accord interprofessionnel du 19 février 2014 et du 18 octobre 2017 ayant étendu l'accord interprofessionnel du 28 février 2017, ni de vérifier les conditions posées par l'article L.632-4 du code rural et de la pêche maritime,

- les procès-verbaux des assemblées générales des 19 février 2014 et 28 février 2017 montrent que le quorum de 7 délégués par collège prescrit par l'article 9 des statuts était atteint, que l'adoption de l'accord interprofessionnel figurait à l'ordre du jour des assemblées générales, que les accords interprofessionnels ont été adoptés à l'unanimité des deux collèges, chaque collège ayant émis au préalable un vote favorable, que les assemblées générales ont entendu le rapport du commissaire au compte, l'absence éventuelle de présentation du rapport du conseil d'administration à ses membres prévue par l'article 9 des statuts n'étant pas de nature à entacher les délibérations de l'assemblée générale d'irrégularités,

- les griefs formulés à l'encontre du procès-verbal de l'assemblée générale du SNTC sont sans incidence sur la validité des décisions de l'assemblée générale de l'Unicid du 19 février 2014,

- les griefs formulés à l'encontre des décisions prises lors des autres assemblées générales ne sont pas plus fondés.

Le CIF, qui invoque en premier lieu un défaut de transparence et d'accès des rapports financiers et moraux par les assujettis aux CVO votées et collectées par l'Unicid et l'inadéquation des campagnes de promotion menées par l'Unicid avec l'objet statutaire de l'association, fait valoir que :

- le juge judiciaire est seul compétent pour statuer sur la validité des décisions de l'assemblée générale d'une association de droit privé, ce indépendamment d'une quelconque procédure ultérieure d'extension de CVO prise par arrêté ministériel,

- il ne s'agit pas de contester le titre en vertu duquel l'Unicid prend des décisions mais les décisions elles-mêmes prises par les assemblées générales ordinaires tenues les 19 février 2014,

et 28 février 2017, décisions appelant des CVO manifestement 'disproportionnées' et contraires aux intérêts communs des professions visées par les missions de l'Unicid, ainsi que celles prises par les assemblées générales tenues entre 2014 et 2019,

- sur le fondement de l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, l'association doit respecter les devoirs d'information et de loyauté entre ses contractants qui ne sont autres que les membres d'une même association et l'Unicid doit être en mesure de porter à la connaissance de ses membres les comptes annuels de l'association qui rendent compte de son activité financière,

- ce droit d'information étant le pendant du devoir d'acquitter une cotisation, il s'étend également aux personnes soumises à des cotisations appelées par l'association dont elles ne seraient pas membres, le cas échéant après s'être heurtées au silence des administrateurs de l'association à leur demande d'adhésion,

- en droit, la publication au Journal officiel des documents financiers de l'association est une règle tendant à permettre à tout assujetti de connaître la destination des cotisations qu'il acquitte et à l'Etat d'exercer son contrôle,

- cette règle est toutefois totalement vidée de sa substance en pratique, l'Etat laissant un blanc-seing aux interprofessions sur le maniement des CVO contrairement à l'obligation prévue à l'article L.632-8-1 du code rural et de la pêche maritime,

- si rien n'a été fait, laissant les assujettis contraints d'acquitter des cotisations exorbitantes sans avoir la moindre information sur leur allocation, il ne s'agit toutefois pas de remettre en cause l'omission fautive de l'Etat dans le contrôle des CVO mais de tirer les conséquences de cette 'configuration absurde' sur les procès-verbaux de l'interprofession considérée,

- l'Unicid n'a jamais justifié de la moindre communication de documents susceptibles de retracer l'ensemble des dépenses de l'association,

- les procès-verbaux des assemblées générales des 19 février 2014 et 28 février 2017 ne comportent aucun rapport financier ni rapport moral tels qu'évoqués dans les statuts et rien ne permet de connaître concrètement les communications envisagées par l'association au bénéfice de la filière malgré l'augmentation des CVO,

- les procès-verbaux ultérieurs des 16 juin 2014, 12 février 2015, 22 juin 2015, 30 septembre 2015, 15 février 2016, 4 avril 2016, 30 mai 2017, 27 février 2018, 14 juin 2018 et 20 février 2019 ne justifient pas plus des actions de l'Unicid quant à la réalisation des campagnes de communication réalisées au profit de la filière,

- aucun rapport d'activité n'a été communiqué aux membres de la profession cidricole, aucun devis ou facture n'a été annexé aux différents procès-verbaux d'assemblée, et au surplus, les derniers rapports du commissaire aux comptes de l'Unicid publiés au Journal officiel portent sur l'exercice 2007,

- ce défaut de transparence et d'accès des rapports financiers et moraux par les assujettis aux CVO votées et collectées par l'Unicid rend toutes décisions prises par les assemblées générales de l'Unicid nulles et s'agissant spécialement des CVO toute tentative de recouvrement illégale,

- les campagnes de promotion des cidres menées par l'Unicid grâce à l'appel des CVO pour les campagnes de 2015 à 2020 ciblent des types de produits commercialisés par une partie seulement de ses membres, les coopératives Les Celliers associés et Agrial, et non par l'ensemble des membres de la profession en violation de ses statuts,

- le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de l'Unicid du 28 février 2017 indique que les campagnes de communication 'Epiphanie-Chandeleur' coûtent environ 500 000 euros par an, somme dont l'Unicid doit être en mesure de démontrer la nécessité et de justifier le bénéfice tiré pour l'ensemble des membres de la filière.

S'agissant du défaut de proportionnalité des CVO appelées pour les campagnes 2015 à 2020 soutenu en second lieu par le CIF, celui-ci prétend que :

- le juge doit apprécier in concreto l'existence d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les cotisations à la charge de la société agricole et les objectifs poursuivis par l'association qui les perçoit,

- les CVO récoltées par l'Unicid sur le fondement des décisions des assemblées générales des 19 février 2014 et 28 février 2017 ne présentent pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations et le but poursuivi par l'association,

- le défaut d'information sur les campagnes promotionnelles menées par l'Unicid ne permet pas de vérifier ce rapport de proportionnalité entre les actions menées sur la base des CVO appelées et les buts poursuivis sur le fondement de l'article L.632-1 du code rural et de la pêche maritime et des statuts de l'association,

- les éléments connus montrent que les campagnes bénéficient à un nombre réduit de cidriers industriels au détriment des autres,

- l'augmentation exponentielle des CVO n'a jamais été justifiée par le moindre budget prévisionnel permettant de comprendre la nouvelle répartition des cotisations appelées auprès des cidriers transformateurs et a été décidée par deux collèges alors même que les producteurs ne sont pas assujettis à une telle cotisation,

- les montants des cotisations ne sont pas proportionnés aux objectifs de promotion visés par ces cotisations,

- un tel défaut de proportionnalité rend nulles les décisions prises au cours des assemblées générales ordinaires des 19 février 2014 et 28 février 2017.

L'Unicid réplique que :

- le fait que les organisations professionnelles ne fassent pas partie de l'administration publique ne signifie pas que le juge judiciaire est compétent pour connaître de tous les sujets relatifs à celles constituées sous forme d'association,

- l'obligation de financer, au moyen du produit des cotisations interprofessionnelles, des campagnes de promotion au bénéfice de l'ensemble des opérateurs de la filière n'est pas une obligation contractuelle qui résulterait des statuts ou du droit des associations mais une obligation légale qui résulte du droit des interprofessions et en particulier de l'article L.632-3 du code rural et de la pêche maritime,

- la qualité d'organisation professionnelle est un statut reconnu par ce code et par le droit de l'Union européenne qui confère des prérogatives spécifiques qui n'ont rien de commun avec celles d'une simple association,

- il ne peut suffire de saisir le juge judiciaire d'une demande d'annulation, non pas de l'arrêté d'extension lui-même, mais de l'assemblée générale et de l'accord interprofessionnel qu'elle a adopté, ensuite étendu par arrêté, pour contourner la compétence du juge administratif tout en obtenant l'annulation des effets de l'arrêté d'extension,

- la saisine du tribunal judiciaire de Paris a constitué le point de départ d'une stratégie dilatoire généralisée visant à dispenser les membres du CIF du paiement des cotisations interprofessionnelles prévues par la loi, étant relevé que la décision du Conseil d'Etat confirmant la légalité du dernier accord interprofessionnel du 9 mars 2020 et de son arrêté interministériel d'extension ne les conduit pas plus à régler leurs cotisations interprofessionnelles pour ces campagnes,

- les juridictions judiciaires et le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 21 juin 2022, ont systématiquement confirmé l'absence de fondement des allégations du CIF,

- ses instances ne sont pas contrôlées par deux grandes coopératives qui détourneraient à leur profit le produit des cotisations interprofessionnelles,

- il n'existe aucune obligation légale d'informer les assujettis aux cotisations interprofessionnelles qui résulterait de la loi du 1er juillet 1901, les obligations d'information et de communication de documents auxquelles elle se trouve soumise ne s'exerçant que vis à vis de ses membres, la FNPFC et le SNTC à l'exclusion du CIF, et de l'Etat et ne peuvent être confondues ou assimilées à une obligation d'informer les assujettis aux cotisations interprofessionnelles étendues qui sont des tiers,

- aucune absence de contrôle de l'Etat n'est établie, le rapport de la Cour des comptes invoqué qui constate des insuffisances dans le contrôle exercé par l'Etat étant daté de 2007 et concernant d'autres organisations interprofessionnelles alors que le contrôle économique et financier de l'Etat a été réformé trois fois depuis ce rapport et la Cour des comptes s'est félicitée dès 2010 de ce que le guide d'instruction de contrôle adopté était satisfaisant,

- au contraire lors de l'adoption de l'accord interprofessionnel instituant la cotisation critiquée étaient présents le contrôleur économique et financier de l'Etat, un représentant du ministère de l'agriculture et un autre de la DGCCRF,

- le CIF conscient de la faiblesse de cet argument a préféré ne pas invoquer l'ineffectivité prétendue du contrôle de l'Etat sur l'Unicid dans le cadre du recours en annulation vainement formé contre l'arrêté interministériel d'extension de l'accord interprofessionnel du 9 mars 2020,

- le CIF ne précise pas quel texte prévoirait une obligation de communiquer un rapport d'activité aux membres de la profession cidricole,

- la FNPFC et le SNTC ne se plaignent pas de ses prétendues carences dans ses obligations à leur égard, car elle respecte toutes ses obligations statutaires à l'égard de ses membres,

- la plupart des procès-verbaux mentionnent des comptes rendus et des votes relatifs aux comptes de l'interprofession et aux rapports financiers, aux budgets de l'interprofession et/ou aux activités de communication financées, des dossiers complets relatifs à son activité et à sa gestion étant à chaque fois remis aux membres de l'Unicid et au contrôleur de l'Etat comprenant les comptes, les rapports financiers et de gestion, les rapports des commissaires aux comptes, les synthèses sur les campagnes de communication financées et les études relatives aux campagnes à mener,

- le CIF est incapable d'avancer de réels arguments à l'encontre de la communication menée par l'interprofession.

S'agissant du moyen tiré du défaut de proportionnalité des CVO, elle fait valoir que :

- le CIF ne dispose pas du droit d'invoquer un défaut de proportionnalité des cotisations en ce qu'en tant que syndicat professionnel il n'est pas assujetti aux cotisations interprofessionnelles, n'est pas soumis à l'obligation de les payer et ne voit donc pas son droit de propriété menacé ou altéré,

- ce moyen, qui pourrait aboutir à un révision judiciaire du montant de la cotisation contestée ou à remettre en cause l'obligation de la payer, ne peut justifier l'annulation d'assemblées générales,

- c'est seulement lorsque peut être constatée une disproportion déraisonnable du montant des cotisations avec les buts poursuivis par l'interprofession, et non pas un simple défaut de proportionnalité, que l'obligation de payer les cotisations peut être remise en cause, or le montant des cotisations recouvrées ne fait pas apparaître de disproportion déraisonnable,

- les calculs avancés par le CIF ne sont pas conformes à la réalité, la cotisation étant due par hectolitre et non par litre,

- l'augmentation, que les actuels membres du CIF en amont du vote de l'assemblée générale du 19 février 2014 avaient accepté lors de deux réunions du conseil d'administration du SNTC en date des 3 décembre 2013 et 30 janvier 2014, a été votée à l'unanimité des deux collèges, elle n'est pas exponentielle et intervient après des années sans le moindre changement, les producteurs transformateurs sont soumis à la cotisation et les volumes importants (au delà de 5 000 hl) ont également été soumis à l'augmentation du montant des cotisations, laquelle est justifiée par la nécessité de renforcer le budget des actions promotionnelles, une cotisation symbolique de 1 euro/hl, étant très insuffisante au regard des opérations de communication menées par les produits concurrents du cidre,

- les montants de 2,67 euros HT/hl et de 5,34 euros HT/hl ne peuvent être considérés comme déraisonnablement disproportionnés au regard de l'objectif poursuivi et financé de mise en place de campagnes de promotion au bénéfice de la filière dans un secteur concurrentiel particulièrement agressif.

A hauteur d'appel, le CIF n'invoque plus de violation des règles relatives au quorum ou à l'adoption des accord interprofessionnels.

En application des articles L.632-1 et L.632-6 du code rural et de la pêche maritime, dans leurs versions alors applicables, les organisations interprofessionnelles agricoles reconnues par l'autorité administrative compétente sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L.632-3 et L.632-4 du même code.

L'article 3 des statuts de l'Unicid, organisation interprofessionnelle agricole constituée sous forme d'association, stipule que 'Afin de contribuer au développement de la filière cidricole, l'UNICID a pour objet :

- de favoriser la connaissance de l'offre et de la demande en fruits à cidre et en produits cidricoles,

- [...] de contribuer à mettre en place des campagnes de promotion sur les marchés intérieurs et extérieurs [...]'.

Aux termes des articles 7, 8, 9 et 11, l'assemblée générale est constituée de 26 délégués répartis paritairement entre les deux collèges, l'assemblée générale ordinaire se réunit au moins une fois par an, elle ne peut valablement délibérer que si au moins 7 délégués sont présents ou représentés, ses décisions sont prises à la majorité des deux tiers des délégués présents ou représentés, elle délibère sur tous les sujets concernant la politique générale de l'Unicid et de la filière cidricole, elle adopte les accords interprofessionnels, elle entend le rapport du conseil d'administration sur sa gestion et sur la situation morale et financière de l'Unicid, elle se prononce sur les rapports d'activité et le budget, elle approuve les comptes de l'exercice annuel clos après avoir entendu le rapport du commissaire aux comptes, les délibérations des assemblées générales ordinaires et extraordinaires sont constatées par un procès-verbal approuvé lors de la séance suivante.

L'accord interprofessionnel conclu au sein de l'Unicid le 19 février 2014, applicable aux campagnes 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017, a été étendu par arrêté conjoint des ministres de l'agriculture, des finances et de l'économie du 26 septembre 2014 à l'exception des alinéas 2 et 3 de son article 5. Il prévoit le paiement par les professionnels de la filière de deux cotisations dont une CVO de :

du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2014 :

- 1 euro HT par hl pour les volumes de cidre commercialisés entre 225 hl et 5 000 hl,

- 3,33 euros HT par hl pour les volumes de cidre commercialisés supérieurs à 5 000 hl.

du 1er janvier 2015 au 31 août 2017 :

* 2,67 euros HT par hl pour les volumes de cidre commercialisés entre 225 hl et 5000 hl,

* 5,34 euros HT par hl pour les volumes de cidre commercialisés supérieurs à 5000 hl.

L'accord interprofessionnel du 28 février 2017, amendé le 30 mai 2017, pour les campagnes 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020 étendu par arrêté conjoint des ministres de l'agriculture, des finances et de l'économie du 18 octobre 2017 prévoit une CVO inchangée de :

- 2,67 euros HT par hl pour les volumes de cidres commercialisés compris entre 375 hl et 5 000 hl,

- 5,34 euros HT par hl pour les volumes de cidres commercialisés supérieurs à 5 000 hl.

Le juge judiciaire n'a pas compétence pour statuer sur la régularité des accords étendus ou pour sanctionner les éventuelles insuffisances de l'Etat dans son contrôle des interprofessions, ce que l'appelante reconnaît dans ses conclusions, précisant qu'il 'ne s'agit pas ici de remettre en cause l'omission fautive de l'Etat dans le contrôle des CVO.' (p24), mais a compétence pour statuer sur la validité des décisions prises lors de l'assemblée générale d'une association.

Il est constant que le CIF n'est pas membre de l'Unicid qui n'en comporte que deux, la FNPFC et le SNTC, les seuls envers lesquels l'association est tenue d'une obligation d'information et de transmission de documents relatifs aux cotisations d'adhésion payées par ceux-ci pour le fonctionnement de l'association, le rapport du conseil d'administration sur la gestion et la situation morale et financière de l'association prévu à l'article 9 des statuts n'étant destiné qu'à ses membres, dont les délégués sont présents ou représentés aux assemblées générales.

Le CIF ne démontre pas que l'Unicid aurait omis de porter à la connaissance de ses membres ses comptes annuels alors que les procès-verbaux des assemblées générales des 19 février 2014, 12 février 2015, 15 février 2016, 28 février 2017, 27 février 2018 et 20 février 2019 mentionnent la présentation et l'adoption des comptes de l'exercice clos et la lecture du rapport du commissaire aux comptes.

Les opérateurs de la filière cidricole qui sont assujettis au paiement de cotisations le sont par l'effet de l'article L.632-6 du code rural et de la pêche maritime et des accords étendus et non par application des statuts de l'association.

Or le CIF ne justifie pas plus de l'existence d'un article de la loi de 1901 relative aux associations qui obligerait l'Unicid à informer les assujettis aux cotisations interprofessionnelles étendues par l'Etat, notamment par la transmission à ceux-ci d'un rapport d'activité, de sorte qu'aucun manquement susceptible d'entraîner l'annulation des décisions prises pour non respect d'une obligation d'information dont l'existence n'est pas établie, n'est caractérisé.

En outre, par application de l'article L.632-8-1 du code rural et de la pêche maritime, les organisations interprofessionnelles doivent rendre compte aux autorités administratives compétentes de leur activité et leur fournir des comptes financiers, un rapport d'activité, le compte rendu des assemblées générales et un bilan d'application de chaque accord étendu.

Le rapport de la Cour des comptes daté de 2007 et relatif à d'autres organisations interprofessionnelles que l'Unicid, produit par le CIF, ne peut rapporter la preuve d'un manquement de l'association à ce titre pour les années 2014 à 2019.

Si l'Unicid ne justifie pas de la manière dont elle a rendu compte de son activité aux autorités administratives concernées, il y a lieu de relever que plusieurs des procès-verbaux des assemblées générales litigieuses mentionnent la présence de représentants du ministère de l'agriculture et de la pêche, de la DGCCRF et d'un contrôleur économique et financier ou à tout le moins leur invitation à y participer, ce qui démontre leur information.

Par conséquent les demandes d'annulation des assemblées générales en raison d'un défaut de transparence et d'accès des rapports financiers et moraux par les assujettis aux CVO votées et collectées par l'Unicid sont rejetées.

Il résulte de l'article 3 des statuts que l'objet de l'Unicid est notamment de mettre en place des campagnes de promotion sur les marchés afin de contribuer au développement de la filière cidricole, ce dont il peut être déduit l'obligation de financer au moyen des cotisations interprofessionnelles des campagnes de promotion au bénéfice de l'ensemble des opérateurs de la filière, laquelle rejoint l'obligation de financement d'actions conformes à l'intérêt général de la filière prévue à l'article L.632-3 du code rural et de la pêche maritime.

Il n'est pas contesté que l'appel des CVO est justifié par le financement de la promotion des cidres.

Contrairement à ce qu'affirme le CIF l'appel des CVO pour les campagnes 2015 à 2020 a permis de promouvoir les intérêts collectifs de la filière et pas uniquement ceux des produits industriels des coopératives Agrial et Les Celliers associés à l'exclusion des cidres artisanaux. En effet, l'Unicid démontre par la production de ses pièces 27 et 28 que les campagnes radiophoniques et internet 2015/2016 relatives aux produits dits 'apéro/rosé' et aux petites bouteilles ont également concerné des cidres artisanaux (ex [G], Fournier, Le Kerné...) et que les campagnes 'Eté' et 'Epiphanie-Chandeleur' entre 2008 et 2017 sont faites chaque année pour les cidres de France sans distinction.

Il n'est pas démontré par la production d'une affiche par le CIF que la campagne 'La Morue/Hard cider' relève de celles financées par l'Unicid alors que cette dernière produit des conventions relatives à la promotion des 'Cidres de France' par les entreprises et les producteurs qui montrent que plusieurs sociétés ont conduit des actions d'animation destinées au développement des ventes de cidre.

Si le jeu concours organisé sur Instagram lors d'une campagne de promotion en 2019 montre que les marques des coopératives Agrial et Les Celliers associés, ou de leurs filiales, sont apparues en nombre plus important que celles d'autres opérateurs (11 sur 39), l'Unicid justifie toutefois que sur l'ensemble du compte Cidres de France, seulement 15 photos sur les 53 identifiables représentent des marques des coopératives.

S'agissant de la recherche et du développement, le procès-verbal de l'assemblée générale du 15 février 2016 qui indique que ' Suite à une première discussion lors du CA du 4 février 2016, le bureau vient de valider le principe d'une étude à mener sur le sujet. Une réunion se tiendra le 7 mars 2016 pour prendre connaissance des résultats de premières études menées par Eclor et Les Celliers associés sur la dégradation des volumes et jeter les bases du cahier des charges de la future étude. Celle-ci devra donner des pistes sur les leviers pouvant être actionnés pour y remédier...' ne prouve pas que ces recherches ont été financées par les CVO plutôt que par les cotisations sur les fruits à cidre. Au demeurant, le fait que des études sur la dégradation des volumes 2015/2016 soient confiées à des groupes de travail menés par ces coopératives ne les prive pas d'intérêt pour l'ensemble de la filière et notamment pour les cidriers artisanaux.

Par suite, le moyen tiré de l'inadéquation des campagnes de promotion menées par l'Unicid avec l'objet statutaire de l'association doit également être écarté.

Selon l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international, de tels principes ne portant pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Selon la jurisprudence de la CEDH, pour être compatible avec ce texte, une atteinte au droit d'une personne au respect de ses biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, même lorsque se trouve en cause le droit qu'ont les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions. Il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CEDH 16 novembre 2010, Perdigao c. France n° 24768/06).

C'est aux organisations professionnelles, en cas de contestation des cotisations par un assujetti, d'établir l'existence d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations dues par le débiteur et le but poursuivi par l'association, en l'espèce la promotion de la profession.

Cependant, le CIF n'étant pas lui-même assujetti au paiement de la cotisation critiquée, seuls ses membres l'étant, il ne peut alléguer d'une atteinte à son droit de propriété et invoquer l'article susvisé aux fins d'annulation des assemblées générales ordinaires de l'Unicid, étant de surcroît relevé que le montant des cotisations, différenciées selon la taille des opérateurs et qui prennent en considération les capacités financières des 600 opérateurs de la filière cidricole, est entièrement répercuté sur la distribution.

En tout état de cause, la régularité de la tenue des assemblées générales et des votes n'étant pas discutée, l'existence d'une disproportion déraisonnable, à la considérer établie, n'est pas de nature à affecter la validité des assemblées générales et de ses délibérations.

Le moyen est écarté.

Il convient par conséquent, par ces motifs ajoutés à ceux des premiers juges, de débouter le CIF de ses demandes d'annulation des assemblées générales ordinaires de l'Unicid, en confirmation du jugement.

Sur les demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts

Retenant une légèreté blâmable tenant aux manoeuvres de procédure utilisées à des fins dilatoires par le CIF, le tribunal l'a condamné au paiement de dommages et intérêts envers les coopératives Agrial et Les Celliers associés.

Le CIF soutient qu'il n'a fait qu'user de son droit de remettre en cause des décisions qui impactent directement l'ensemble de ses membres sans aucune visée dilatoire mais simplement dans la perspective d'une meilleure administration de la justice.

Les sociétés Agrial et Les Celliers associés sollicitent la confirmation du jugement sur ce point, soulignant que l'appel interjeté confirme le caractère dilatoire de l'action et la volonté du CIF d'instrumentaliser la justice afin de retarder les autres procédures pendantes engagées par l'Unicid aux fins de paiement des CVO, que le CIF n'a présenté qu'à hauteur d'appel l'autorisation de son bureau pour les assigner alors que la demande avait été formulée depuis septembre 2018, qu'il présente de nouvelles demandes afin d'engager leur responsabilité et continue à produire une campagne publicitaire d'Eclor, tiers à la procédure, en la présentant fallacieusement comme une campagne de l'Unicid.

Si le CIF a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits en formant appel, le maintien de demandes à l'encontre des sociétés Agrial et Les Celliers associés aux termes de ses dernières écritures alors que par ordonnance rendue le 17 mai 2022 le conseiller de la mise en état les avait déclarées irrecevables caractérise une volonté de nuire aux coopératives qui justifie l'allocation à chacune d'elles de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en sus de celle allouée par le tribunal en réparation du préjudice occasionné par les manoeuvres dilatoires du CIF en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de la saisine,

Vu les arrêts du 16 février 2022,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne le syndicat professionnel Syndicat des cidriers indépendants de France à payer à chacune des sociétés coopératives agricole Agrial et Les Celliers associés la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts outre 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat professionnel Syndicat des cidriers indépendants de France aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit des avocats pouvant y prétendre, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat professionnel Syndicat des cidriers indépendants de France à payer à l'Union nationale interprofessionnelle cidricole la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,