Décisions
Cass. crim., 24 avril 2024, n° 23-82.314
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
N° X 23-82.314 F-D
N° 00475
MAS2
24 AVRIL 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 AVRIL 2024
Mme [Y] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 17 janvier 2023, qui, après condamnation des chefs d'escroquerie, travail dissimulé et blanchiment aggravé, a prononcé sur les peines de confiscation et sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y] [N], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [Y] [N] a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroqueries et blanchiment en bande organisée, travail dissimulé, relativement à une activité de commerce de véhicules proposés à la vente sans taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquis en franchise indue de cette taxe.
3. Par jugement du 8 janvier 2021, le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable des infractions susvisées, l'a condamnée à un an d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende, des confiscations et a prononcé sur l'action civile.
4. Le 15 janvier 2021, Mme [N] a relevé appel des dispositions pénales et civiles du jugement, précisant que son appel, sur l'action pénale, était limité à l'amende et aux confiscations. Le ministère public a interjeté appel incident.
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la confiscation de la somme de 14 595,74 euros saisie sur le compte bancaire de la société [2] ouvert au [1], la confiscation de la somme de 17 426,29 euros saisie sur le compte bancaire de Mme [N] ouvert au [1] et la confiscation de la somme de 385 euros saisie au domicile de Mme [N], alors :
« 2°/ qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien, ainsi que le fondement de la mesure ; la Cour de cassation doit en effet être mise en mesure de contrôler la motivation de cette peine, dont les exigences varient selon le fondement retenu ; en ordonnant en l'espèce la confiscation en valeur de la somme de 17.426,29 euros saisie sur le compte bancaire de Mme [Y] [N] et la confiscation de la somme de 385 euros saisie à son domicile, au motif inopérant que le « volume financier infractionnel résultant des ventes frauduleuses et des bénéfices tirés de ces ventes port[e] sur plusieurs dizaines de milliers d'euros » (arrêt, p. 9, §1), mais sans avoir préalablement précisé le fondement de ces peines, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 131-21 du code pénal et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que de surcroît, il appartient au juge répressif de préciser la valeur exacte du produit de l'infraction afin de s'assurer que la valeur de l'ensemble des biens confisqués n'est pas supérieure à celui-ci ; en l'espèce, pour justifier la confiscation des sommes saisies sur les comptes bancaires de la SARL [2] et de Mme [N], et au domicile de cette dernière, pour un montant total cumulé de 32.407,03 euros, la cour d'appel évalue la valeur du produit de l'infraction dont a bénéficié Mme [N] à « plusieurs dizaines de milliers d'euros » (arrêt, p. 8, §2) ; en se fondant sur cette estimation large et imprécise n'excluant pas que le montant du produit de l'infraction soit inférieur à 32.407,03 euros, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la valeur de l'ensemble des biens saisis n'excédait pas le montant du produit des infractions reprochées, a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 131-21 du code pénal et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, le juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, doit préciser la nature du bien saisi ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.
8. S'il décide de confisquer le bien en valeur, il doit également préciser le fondement du caractère confiscable du bien auquel le bien confisqué se substitue et s'assurer que la valeur de ce bien n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction.
9. Il résulte du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour confirmer la confiscation des fonds saisis, l'arrêt énonce qu'elle est justifiée en raison du volume infractionnel résultant des ventes frauduleuses et des bénéfices de plusieurs dizaines de milliers d'euros qu'elles ont généré et que la peine est proportionnée au regard de la situation financière et patrimoniale de la prévenue et des importants bénéfices dégagés par la commission des infractions.
11. En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas à quel titre les fonds ont été saisis et si leur valeur n'excède pas celle du produit des infractions, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 17 janvier 2023, mais en ses seules dispositions ayant prononcé les confiscations, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.
N° 00475
MAS2
24 AVRIL 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 AVRIL 2024
Mme [Y] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 17 janvier 2023, qui, après condamnation des chefs d'escroquerie, travail dissimulé et blanchiment aggravé, a prononcé sur les peines de confiscation et sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y] [N], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Mme [Y] [N] a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroqueries et blanchiment en bande organisée, travail dissimulé, relativement à une activité de commerce de véhicules proposés à la vente sans taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquis en franchise indue de cette taxe.
3. Par jugement du 8 janvier 2021, le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable des infractions susvisées, l'a condamnée à un an d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende, des confiscations et a prononcé sur l'action civile.
4. Le 15 janvier 2021, Mme [N] a relevé appel des dispositions pénales et civiles du jugement, précisant que son appel, sur l'action pénale, était limité à l'amende et aux confiscations. Le ministère public a interjeté appel incident.
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la confiscation de la somme de 14 595,74 euros saisie sur le compte bancaire de la société [2] ouvert au [1], la confiscation de la somme de 17 426,29 euros saisie sur le compte bancaire de Mme [N] ouvert au [1] et la confiscation de la somme de 385 euros saisie au domicile de Mme [N], alors :
« 2°/ qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien, ainsi que le fondement de la mesure ; la Cour de cassation doit en effet être mise en mesure de contrôler la motivation de cette peine, dont les exigences varient selon le fondement retenu ; en ordonnant en l'espèce la confiscation en valeur de la somme de 17.426,29 euros saisie sur le compte bancaire de Mme [Y] [N] et la confiscation de la somme de 385 euros saisie à son domicile, au motif inopérant que le « volume financier infractionnel résultant des ventes frauduleuses et des bénéfices tirés de ces ventes port[e] sur plusieurs dizaines de milliers d'euros » (arrêt, p. 9, §1), mais sans avoir préalablement précisé le fondement de ces peines, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 131-21 du code pénal et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que de surcroît, il appartient au juge répressif de préciser la valeur exacte du produit de l'infraction afin de s'assurer que la valeur de l'ensemble des biens confisqués n'est pas supérieure à celui-ci ; en l'espèce, pour justifier la confiscation des sommes saisies sur les comptes bancaires de la SARL [2] et de Mme [N], et au domicile de cette dernière, pour un montant total cumulé de 32.407,03 euros, la cour d'appel évalue la valeur du produit de l'infraction dont a bénéficié Mme [N] à « plusieurs dizaines de milliers d'euros » (arrêt, p. 8, §2) ; en se fondant sur cette estimation large et imprécise n'excluant pas que le montant du produit de l'infraction soit inférieur à 32.407,03 euros, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la valeur de l'ensemble des biens saisis n'excédait pas le montant du produit des infractions reprochées, a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 131-21 du code pénal et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
7. Selon le premier de ces textes, le juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, doit préciser la nature du bien saisi ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.
8. S'il décide de confisquer le bien en valeur, il doit également préciser le fondement du caractère confiscable du bien auquel le bien confisqué se substitue et s'assurer que la valeur de ce bien n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction.
9. Il résulte du second que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour confirmer la confiscation des fonds saisis, l'arrêt énonce qu'elle est justifiée en raison du volume infractionnel résultant des ventes frauduleuses et des bénéfices de plusieurs dizaines de milliers d'euros qu'elles ont généré et que la peine est proportionnée au regard de la situation financière et patrimoniale de la prévenue et des importants bénéfices dégagés par la commission des infractions.
11. En prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas à quel titre les fonds ont été saisis et si leur valeur n'excède pas celle du produit des infractions, la cour d'appel, qui ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, n'a pas justifié sa décision.
12. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 17 janvier 2023, mais en ses seules dispositions ayant prononcé les confiscations, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.