Décisions
Cass. crim., 24 avril 2024, n° 23-85.134
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
N° N 23-85.134 F-D
N° 00471
MAS2
24 AVRIL 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 AVRIL 2024
M. [U] [D] et Mme [J] [S], épouse [D], ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 juillet 2023, qui, dans la procédure suivie des chefs de banqueroute, travail dissimulé, blanchiment, infractions à la législation sur les armes, faux et usage, dégradation de bien, recels, a confirmé la décision de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation prise par le procureur de la République.
Par ordonnance du 27 novembre 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [U] [D] et de Mme [J] [S], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A l'issue d'une enquête préliminaire, M. [U] [D] a été cité devant le tribunal correctionnel des chefs, notamment, de banqueroute au préjudice de deux sociétés, travail dissimulé, faux et usage, blanchiment. Son épouse, Mme [J] [S], a été citée des chefs de recel de travail dissimulé et recel de banqueroute.
3. Par une décision du 14 mars 2022, le procureur de la République a ordonné la remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) aux fins d'aliénation d'un véhicule Maserati Granturismo appartenant à Mme [S] et d'un véhicule Fisker Karma appartenant à M. [D].
4. M. [D] et Mme [S] ont relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi
5. M. [D] ne faisant valoir aucun droit sur le véhicule Maserati Granturismo et Mme [S] ne faisant valoir aucun droit sur le véhicule Fisker Karma, il s'ensuit que M. [D] n'a pas qualité à se pourvoir en cassation contre les dispositions de l'arrêt qui ordonnent la remise à l'AGRASC du véhicule Maserati Granturismo et que Mme [S] n'a pas qualité à se pourvoir en cassation contre les dispositions de l'arrêt relatives au véhicule Fisker Karma.
6. Ils seront par conséquent déclarés irrecevables en leur pourvoi en ce qu'il est formé, par chacun, contre lesdites dispositions.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision du procureur de la République du 14 mars 2022 ordonnant la remise à l'AGRASC du véhicule Maserati Granturismo immatriculé [Immatriculation 1] avec le certificat d'immatriculation et les clés appartenant à Mme [S], alors « que le juge qui décide de la remise à l'AGRASC d'un bien meuble saisi, au motif qu'il constitue le produit de l'infraction, doit justifier que ce bien provient bien de l'activité illicite poursuivie ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la chambre de l'instruction que le véhicule Maserati appartenant à Mme [S] lui a été offert par son mari qui l'a lui-même acquis le 17 juin 2019 avec des fonds provenant de la plus-value obtenue à la suite de la vente d'un immeuble ; que pour confirmer la décision du procureur de la République de remettre à l'AGRASC ce véhicule, la chambre de l'instruction a énoncé qu'il constituait le produit de l'infraction pour laquelle Mme [S] est poursuivie, pour avoir, du 14 décembre 2018 au 31 décembre 2019, « sciemment recelé, en l'espèce par encaissement sur ses comptes personnels ou par réception en espèces, un produit total de 29 284,43 €, qu'elle savait provenir d'un délit, en l'espèce le délit de travail dissimulé commis par [U] [D] » au motif que ce véhicule lui avait été offert pendant ladite période de prévention ; qu'en statuant de la sorte, quand d'une part, elle ne remettait pas en cause le fait que le véhicule Maserati avait été acquis avec des fonds provenant de la plus-value obtenue à la suite de la vente d'un immeuble et que d'autre part, les faits reprochés à Mme [S] étaient postérieurs à cette acquisition, qui ne pouvait en conséquence pas en être le produit direct ou indirect, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 41-5 du code de procédure pénale et 131-21 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
9. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour confirmer la décision du procureur de la République de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation du véhicule Maserati Granturismo de Mme [S], l'arrêt attaqué énonce, notamment, que celle-ci est poursuivie pour avoir, du 14 décembre 2018 au 31 décembre 2019, recelé par encaissement sur ses comptes personnels ou par réception en espèces un produit total de 29 284,43 euros qu'elle savait provenir d'un délit, en l'espèce le délit de travail dissimulé commis par M. [D].
11. Les juges retiennent ensuite que le véhicule, reçu par Mme [S] le 25 septembre 2019 de la part de son mari, constitue le produit de l'infraction pour laquelle elle est poursuivie, dès lors qu'elle l'a reçu durant la période de prévention des faits qui lui sont reprochés.
12. En se déterminant ainsi, sans mieux établir que le véhicule litigieux constituait le produit indirect de l'infraction de recel de travail dissimulé reprochée à Mme [S] en ce qu'il avait été acquis au moyen de fonds provenant de cette infraction, alors que cette circonstance était contestée par la demanderesse, la chambre de l'instruction a insuffisamment justifié sa décision.
13. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au véhicule Maserati Granturismo. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par M. [D] contre les dispositions de l'arrêt relatives au véhicule Maserati Granturismo :
Le DÉCLARE irrecevable ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par Mme [S] contre les dispositions de l'arrêt relatives au véhicule Fisker Karma :
Le DÉCLARE irrecevable ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par M. [D] contre les autres dispositions de l'arrêt :
Le REJETTE ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par Mme [S] contre les autres dispositions de l'arrêt :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 juillet 2023, mais en ses seules dispositions relatives au véhicule Maserati Granturismo, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.
N° 00471
MAS2
24 AVRIL 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 AVRIL 2024
M. [U] [D] et Mme [J] [S], épouse [D], ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 juillet 2023, qui, dans la procédure suivie des chefs de banqueroute, travail dissimulé, blanchiment, infractions à la législation sur les armes, faux et usage, dégradation de bien, recels, a confirmé la décision de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation prise par le procureur de la République.
Par ordonnance du 27 novembre 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [U] [D] et de Mme [J] [S], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A l'issue d'une enquête préliminaire, M. [U] [D] a été cité devant le tribunal correctionnel des chefs, notamment, de banqueroute au préjudice de deux sociétés, travail dissimulé, faux et usage, blanchiment. Son épouse, Mme [J] [S], a été citée des chefs de recel de travail dissimulé et recel de banqueroute.
3. Par une décision du 14 mars 2022, le procureur de la République a ordonné la remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) aux fins d'aliénation d'un véhicule Maserati Granturismo appartenant à Mme [S] et d'un véhicule Fisker Karma appartenant à M. [D].
4. M. [D] et Mme [S] ont relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi
5. M. [D] ne faisant valoir aucun droit sur le véhicule Maserati Granturismo et Mme [S] ne faisant valoir aucun droit sur le véhicule Fisker Karma, il s'ensuit que M. [D] n'a pas qualité à se pourvoir en cassation contre les dispositions de l'arrêt qui ordonnent la remise à l'AGRASC du véhicule Maserati Granturismo et que Mme [S] n'a pas qualité à se pourvoir en cassation contre les dispositions de l'arrêt relatives au véhicule Fisker Karma.
6. Ils seront par conséquent déclarés irrecevables en leur pourvoi en ce qu'il est formé, par chacun, contre lesdites dispositions.
Examen des moyens
Sur le second moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision du procureur de la République du 14 mars 2022 ordonnant la remise à l'AGRASC du véhicule Maserati Granturismo immatriculé [Immatriculation 1] avec le certificat d'immatriculation et les clés appartenant à Mme [S], alors « que le juge qui décide de la remise à l'AGRASC d'un bien meuble saisi, au motif qu'il constitue le produit de l'infraction, doit justifier que ce bien provient bien de l'activité illicite poursuivie ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la chambre de l'instruction que le véhicule Maserati appartenant à Mme [S] lui a été offert par son mari qui l'a lui-même acquis le 17 juin 2019 avec des fonds provenant de la plus-value obtenue à la suite de la vente d'un immeuble ; que pour confirmer la décision du procureur de la République de remettre à l'AGRASC ce véhicule, la chambre de l'instruction a énoncé qu'il constituait le produit de l'infraction pour laquelle Mme [S] est poursuivie, pour avoir, du 14 décembre 2018 au 31 décembre 2019, « sciemment recelé, en l'espèce par encaissement sur ses comptes personnels ou par réception en espèces, un produit total de 29 284,43 €, qu'elle savait provenir d'un délit, en l'espèce le délit de travail dissimulé commis par [U] [D] » au motif que ce véhicule lui avait été offert pendant ladite période de prévention ; qu'en statuant de la sorte, quand d'une part, elle ne remettait pas en cause le fait que le véhicule Maserati avait été acquis avec des fonds provenant de la plus-value obtenue à la suite de la vente d'un immeuble et que d'autre part, les faits reprochés à Mme [S] étaient postérieurs à cette acquisition, qui ne pouvait en conséquence pas en être le produit direct ou indirect, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 41-5 du code de procédure pénale et 131-21 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
9. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour confirmer la décision du procureur de la République de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation du véhicule Maserati Granturismo de Mme [S], l'arrêt attaqué énonce, notamment, que celle-ci est poursuivie pour avoir, du 14 décembre 2018 au 31 décembre 2019, recelé par encaissement sur ses comptes personnels ou par réception en espèces un produit total de 29 284,43 euros qu'elle savait provenir d'un délit, en l'espèce le délit de travail dissimulé commis par M. [D].
11. Les juges retiennent ensuite que le véhicule, reçu par Mme [S] le 25 septembre 2019 de la part de son mari, constitue le produit de l'infraction pour laquelle elle est poursuivie, dès lors qu'elle l'a reçu durant la période de prévention des faits qui lui sont reprochés.
12. En se déterminant ainsi, sans mieux établir que le véhicule litigieux constituait le produit indirect de l'infraction de recel de travail dissimulé reprochée à Mme [S] en ce qu'il avait été acquis au moyen de fonds provenant de cette infraction, alors que cette circonstance était contestée par la demanderesse, la chambre de l'instruction a insuffisamment justifié sa décision.
13. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au véhicule Maserati Granturismo. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par M. [D] contre les dispositions de l'arrêt relatives au véhicule Maserati Granturismo :
Le DÉCLARE irrecevable ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par Mme [S] contre les dispositions de l'arrêt relatives au véhicule Fisker Karma :
Le DÉCLARE irrecevable ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par M. [D] contre les autres dispositions de l'arrêt :
Le REJETTE ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par Mme [S] contre les autres dispositions de l'arrêt :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 juillet 2023, mais en ses seules dispositions relatives au véhicule Maserati Granturismo, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.