Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 23 avril 2024, n° 23/10840
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 23 AVRIL 2024
(n° 157 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10840 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2BI
Décision déférée à la cour : ordonnance du 13 février 2023 - président du TJ de BOBIGNY - RG n° 22/01782
APPELANTE
S.A.S.U. FABIS, ayant pour nom commercial CANAL STREET, RCS de Bobigny n°841375140, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Christine BEGUIN, avocat postulant et plaidant, de la SELAS CABINET BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254
INTIMEE
S.A.S. BEG INVESTISSEMENTS, RCS de Paris n°340205194, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 février 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Anne-Gaël BLANC, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Suivant acte sous seing privé du 17 septembre 2018, la société Beg investissements a consenti à la société Fabis SASU un bail dérogatoire d'une durée de 24 mois portant sur un local dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4].
Par avenant du 20 septembre 2019, les parties ont porté la durée du bail à 36 mois, le terme étant fixé au 3 mars 2022.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mars 2022, la société Beg investissements a indiqué au preneur qu'un état des lieux devait être effectué et que les locaux loués devaient être restitués le 18 suivant.
Par acte extrajudiciaire du 30 septembre 2022, la société Beg investissements a fait assigner la société Fabis SASU devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de :
voir constater que la société Fabis SASU occupe sans droit ni titre le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] ;
ordonner l'expulsion de la société Fabis SASU et tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
dire que les objets mobiliers laissés dans les lieux pourront être séquestrés aux frais de la société Fabis SASU et que le sort des dits objets mobiliers sera réglé conformément aux dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
condamner la société Fabis SASU à lui régler par provision la somme de 83 377,35 euros TTC arrêtée au 1er juin 2022 au titre des arriérés, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2022.
Par ordonnance contradictoire du 13 février 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;
par provision, tous moyens des parties étant réservés ;
constaté que la société Fabis SASU occupe sans droit ni titre depuis le 3 mars 2022 les lieux situés dans le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] et appartenant à la société Beg investissements ;
en conséquence,
ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Fabis SASU ou de tous occupants de son chef du local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] ;
dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
condamné la société Fabis SASU à payer à la société Beg investissements la somme provisionnelle de 43 084 euros correspondant aux indemnités d'occupation impayées entre le 3 mars 2022 et le 11 janvier 2023, TVA incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2022 ;
autorisé la société Fabis SASU à s'acquitter de cette somme en 23 mensualités de 1 800 euros chacune, outre une dernière mensualité qui sera majorée du solde, en principal et en intérêts, le premier règlement devant intervenir dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance ;
dit qu'à défaut de respect de paiement d'une seule mensualité, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible ;
condamné à titre provisionnel la société Fabis SASU au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant de la redevance, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié à compter du 12 janvier 2023 et jusqu'à complète libération des lieux ;
débouté pour le surplus ;
condamné la société Fabis SASU à régler à la société Beg investissements la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Fabis SASU aux dépens.
Par déclaration du 19 juin 2023, la société Fabis SASU a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
constaté que la société Fabis SASU occupe sans droit ni titre depuis le 3 mars 2022 les lieux situés dans le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] et appartenant à la société Beg investissements
ordonné l'expulsion de la société Fabis SASU ;
dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
condamné la société Fabis SASU à régler à la société Beg investissements la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Fabis SASU aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 octobre 2023, la société Fabis SASU demande à la cour de :
à titre principal,
infirmer l'ordonnance rendue le 13 février 2023 en ce qu'elle a constaté qu'elle occupe sans droit ni titre depuis le 3 mars 2022 les lieux situés dans le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] et appartenant à la société BEG investissements, ordonné si besoin avec le concours de la force publique, son expulsion ou de tous occupants de son chef le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4], l'a condamnée à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
et statuant à nouveau,
juger que le preneur a été laissé dans les lieux à l'expiration du bail dérogatoire ;
juger qu'un nouveau bail de neuf ans, soumis aux dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, a pris effet à l'expiration du bail dérogatoire aux mêmes clauses et conditions que le bail expiré ;
en conséquence, juger irrecevable la demande d'expulsion, s'agissant d'une demande de résiliation de bail commercial ;
débouter la société Beg investissements de ses demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire,
infirmer l'ordonnance rendue le 13 février 2023 en ce qu'elle a constaté qu'elle occupe sans droit ni titre depuis le 3 mars 2022 les lieux situés dans le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] et appartenant à la société BEG investissements, ordonné si besoin avec le concours de la force publique, son expulsion ou de tous occupants de son chef le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4], l'a condamnée à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a écarté la majoration de l'indemnité d'occupation ;
et, statuant à nouveau,
juger que l'appelante a soulevé des contestations sérieuses empêchant la juridiction de référé de se prononcer et la contraignant à renvoyer les parties à mieux se pourvoir en raison des contestations sérieuses soulevées ;
à titre très subsidiaire, lui octroyer les délais de paiement les plus larges pour s'acquitter de la dette locative, laquelle sera échelonnée sur deux années ;
et en tout état de cause,
condamner la société Beg investissements à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de constat et du timbre fiscal.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 1er août 2023, la société Beg investissements demande à la cour de :
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté l'occupation sans droit ni titre, ordonné son expulsion ;
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Fabis SASU à lui régler une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens ;
infirmer l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas fait droit à la demande de condamnation provisionnelle au titre des redevances, et statuant de nouveau :
condamner la société Fabis SASU à lui régler, par provision la somme de 55 297,94 euros au titre des redevances dues jusqu'au terme contractuel du bail dérogatoire, ladite somme devant porter intérêt au taux légal à compter du 15 mars 2022, date de la première sommation d'avoir à payer ;
infirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a écarté la majoration de l'indemnité d'occupation, et, statuant de nouveau :
condamner la société Fabis SASU à lui payer, à ce titre et par provision, une somme de 138 607,23 euros correspondant à l'indemnité d'occupation majorée, sauf à parfaire, arrêtée au 1er juillet 2023 ;
condamner la société Fabis SASU au paiement, par provision, d'une indemnité d'occupation majorée jusqu'à restitution des locaux ;
à titre infiniment subsidiaire, et pour le cas où la cour viendrait à ne pas faire droit à la demande de condamnation provisionnelle au paiement de l'indemnité d'occupation majorée :
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Fabis SASU au paiement d'une indemnité d'occupation, sauf à en réactualiser le montant, et partant, y ajoutant :
condamner par provision la société Fabis SASU à lui régler une somme, sauf au parfaire, de 71 702,72 euros au titre de l'indemnité d'occupation calculée sur le montant de la redevance sans majoration ;
condamner par provision la société Fabis SASU au paiement d'une indemnité d'occupation calculée sur la base du montant de redevance TTC jusqu'à restitution des locaux ;
réformer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a accordé des délais de paiement à la société Fabis SASU et, statuant de nouveau :
débouter la société Fabis SASU de ses demandes de délais de paiement ;
en tout état de cause :
débouter la société Fabis SASU de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner la société Fabis SASU à lui régler la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Fabis SASU aux dépens d'instance dont le recouvrement sera poursuivi selon les dispositions de l'article 699 du même code.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
Sur l'expulsion
Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes de l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ou, à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.
Par ailleurs, l'article L.145-5 du code de commerce dispose que :
'Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Lorsque le bail est conclu conformément au premier alinéa, un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location.
Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.'
Il résulte de ces dispositions que le bailleur doit manifester, avant l'expiration du délai d'un mois suivant la date contractuelle de fin du bail, sa volonté de ne pas poursuivre la relation contractuelle avec le locataire et qu'à défaut, en cas de maintien dans les lieux du preneur, un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux commence à courir, une manifestation de volonté postérieure étant sans effet. A cet égard, force est de constater que les décisions invoquées par l'appelante aux termes desquelles le bailleur doit manifester sa volonté avant même la date contractuelle de fin du bail ont été rendues, certes au visa de ce même article, mais dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui prévoyait alors que si, à l'expiration de la durée totale du bail ou des baux successifs, sans laisser au bailleur de délai supplémentaire d'un mois, le preneur restait et était laissé en possession, il s'opérait un nouveau bail soumis au droit commun.
Au cas présent, alors que la fin du bail dérogatoire était contractuellement fixée au 3 mars 2022, le bailleur a adressé le 10 mars suivant, soit dans le délai d'un mois courant à compter de cette date, un courrier rappelant ce terme et fixant au 18 suivant la date de l'état des lieux de sortie et de restitution des locaux. Les termes de ce courrier ont été réitérés par deux courriels des 16 et 17 mars 2022 puis par une mise en demeure le 1er avril suivant.
Ce faisant, la bailleresse a manifesté, dans le délai légal et de manière non équivoque, sa volonté de ne pas poursuivre le bail dérogatoire, peu important qu'elle ait continué de réclamer le paiement des 'loyers' en contrepartie de l'occupation des lieux ou qu'elle ait proposé de renégocier le bail à d'autres conditions, cette négociation n'ayant pas abouti.
Dès lors, le preneur s'étant maintenu dans les lieux après le terme du bail commercial dont il bénéficiait, il convient de constater son occupation sans droit ni titre à compter du 4 mars 2022 et d'autoriser son expulsion, l'ordonnance devant être confirmée de ce chef.
Comme l'a jugé le premier juge, il n'y a pas lieu à référé sur la majoration contractuelle de l'indemnité d'occupation, constitutive d'une clause pénale et dès lors susceptible de modération par le juge du fond. L'ordonnance doit également être confirmée de ce chef.
L'actualisation de la provision à la somme de 71 702,72 euros au titre des indemnités d'occupation est sans objet puisqu'elle est d'ores et déjà couverte par la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à titre provisionnel par l'ordonnance. Au demeurant, la société Beg investissements n'a pas demandé l'infirmation de la décision de première instance sur ce point, préalable nécessaire pour élever le montant de ses demandes à ce titre.
Sur le montant de la provision au titre de la dette de loyer et de charges
En application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile que le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de la compétence du tribunal, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Au cas présent, le preneur fait valoir que le décompte produit par son bailleur est incomplet et insuffisamment clair notamment en ce qu'il ne comporte aucune écriture comptable entre le 31 décembre 2018 et le 31 décembre 2020 ce qui ne permet pas de vérifier que les franchises de loyers qui ont été convenues pour la période de crise sanitaire ont été appliquées. Il se prévaut également d'une diminution de la commercialité du centre et d'une différence entre le montant contractuel du loyer et celui figurant sur le décompte.
Cependant, alors qu'il résulte de l'article 1719 du code civil que le bailleur n'est pas tenu, en l'absence de clause particulière, d'assurer la commercialité des lieux loués, au cas présent, les conditions générales du bail permettent de constater, sans qu'il y ait lieu à interprétation, que les parties n'ont pas entendu faire peser une telle obligation sur le bailleur de sorte que la demande de provision ne se heurte à aucune contestation sérieuse de ce fait.
Par ailleurs, le montant du loyer trimestriel est mentionné 'hors taxe' dans le contrat alors que celui qui figure dans le décompte est un montant 'toutes taxes comprises' et qu'il est indexé sur la base de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE conformément aux stipulations contractuelles. Aucune contestation sérieuse n'est donc caractérisée à cet égard.
Enfin, si le décompte produit ne porte pas sur la totalité de la période de location mais débute uniquement au 4ème trimestre 2020, il ressort clairement de l'article 2 de l'avenant au bail du 22 février 2021 que le solde de la dette était alors nul puisque les parties étaient convenues que la société Fabis SASU procédait au règlement de la totalité de sa dette jusqu'au 4ème trimestre 2020 non inclus, soit 11 403, 09 euros après déduction de la franchise de loyers accordée pour la période de crise sanitaire.
Il se déduit de ce qui précède que le montant provisionnel réclamé ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Le preneur sera donc condamné au paiement d'une provision de 55 297,94 euros au titre des redevances dues jusqu'au 3 mars 2022, ladite somme devant porter intérêt au taux légal à compter du 15 mars 2022, date de la première sommation de payer.
La décision entreprise, qui limite la provision à 43 804 euros et dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus, sera infirmée de ce chef.
Sur les délais de paiement
L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Au cas présent, l'appelante conclut à la confirmation du jugement qui lui a alloué des délais au regard de sa situation financière et matérielle.
Cependant, comme le souligne l'intimée, cette dernière qui produit uniquement un relevé de compte bancaire sans verser aux débats d'autres pièces comptables n'établit pas que sa situation justifie l'octroi de délais de paiement.
La décision de première instance sera infirmée de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu du sens de la présente décision, les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.
La société Fabis SASU sera également condamnée aux dépens de l'appel avec distraction au profit du conseil de la société Beg investissements ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise dans les limites de l'appel sauf en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande provisionnelle au titre de la dette locative et en ce qu'elle octroie des délais de paiement et l'infirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Fabis SASU à verser à la société Beg investissements une provision de 55 297,94 euros au titre des redevances dues jusqu'au 3 mars 2022, ladite somme devant porter intérêt au taux légal à compter du 15 mars 2022 ;
Rejette la demande de délais de paiement ;
Condamne la société Fabis SASU à payer à la société Beg investissements la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Fabis SASU aux dépens de l'appel dont le recouvrement sera poursuivi selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 23 AVRIL 2024
(n° 157 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/10840 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2BI
Décision déférée à la cour : ordonnance du 13 février 2023 - président du TJ de BOBIGNY - RG n° 22/01782
APPELANTE
S.A.S.U. FABIS, ayant pour nom commercial CANAL STREET, RCS de Bobigny n°841375140, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Christine BEGUIN, avocat postulant et plaidant, de la SELAS CABINET BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254
INTIMEE
S.A.S. BEG INVESTISSEMENTS, RCS de Paris n°340205194, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 février 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Anne-Gaël BLANC, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Suivant acte sous seing privé du 17 septembre 2018, la société Beg investissements a consenti à la société Fabis SASU un bail dérogatoire d'une durée de 24 mois portant sur un local dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4].
Par avenant du 20 septembre 2019, les parties ont porté la durée du bail à 36 mois, le terme étant fixé au 3 mars 2022.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mars 2022, la société Beg investissements a indiqué au preneur qu'un état des lieux devait être effectué et que les locaux loués devaient être restitués le 18 suivant.
Par acte extrajudiciaire du 30 septembre 2022, la société Beg investissements a fait assigner la société Fabis SASU devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de :
voir constater que la société Fabis SASU occupe sans droit ni titre le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] ;
ordonner l'expulsion de la société Fabis SASU et tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
dire que les objets mobiliers laissés dans les lieux pourront être séquestrés aux frais de la société Fabis SASU et que le sort des dits objets mobiliers sera réglé conformément aux dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
condamner la société Fabis SASU à lui régler par provision la somme de 83 377,35 euros TTC arrêtée au 1er juin 2022 au titre des arriérés, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2022.
Par ordonnance contradictoire du 13 février 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;
par provision, tous moyens des parties étant réservés ;
constaté que la société Fabis SASU occupe sans droit ni titre depuis le 3 mars 2022 les lieux situés dans le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] et appartenant à la société Beg investissements ;
en conséquence,
ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Fabis SASU ou de tous occupants de son chef du local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] ;
dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
condamné la société Fabis SASU à payer à la société Beg investissements la somme provisionnelle de 43 084 euros correspondant aux indemnités d'occupation impayées entre le 3 mars 2022 et le 11 janvier 2023, TVA incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2022 ;
autorisé la société Fabis SASU à s'acquitter de cette somme en 23 mensualités de 1 800 euros chacune, outre une dernière mensualité qui sera majorée du solde, en principal et en intérêts, le premier règlement devant intervenir dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance ;
dit qu'à défaut de respect de paiement d'une seule mensualité, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible ;
condamné à titre provisionnel la société Fabis SASU au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant de la redevance, augmentée des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié à compter du 12 janvier 2023 et jusqu'à complète libération des lieux ;
débouté pour le surplus ;
condamné la société Fabis SASU à régler à la société Beg investissements la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Fabis SASU aux dépens.
Par déclaration du 19 juin 2023, la société Fabis SASU a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
constaté que la société Fabis SASU occupe sans droit ni titre depuis le 3 mars 2022 les lieux situés dans le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] et appartenant à la société Beg investissements
ordonné l'expulsion de la société Fabis SASU ;
dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
condamné la société Fabis SASU à régler à la société Beg investissements la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Fabis SASU aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 octobre 2023, la société Fabis SASU demande à la cour de :
à titre principal,
infirmer l'ordonnance rendue le 13 février 2023 en ce qu'elle a constaté qu'elle occupe sans droit ni titre depuis le 3 mars 2022 les lieux situés dans le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] et appartenant à la société BEG investissements, ordonné si besoin avec le concours de la force publique, son expulsion ou de tous occupants de son chef le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4], l'a condamnée à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
et statuant à nouveau,
juger que le preneur a été laissé dans les lieux à l'expiration du bail dérogatoire ;
juger qu'un nouveau bail de neuf ans, soumis aux dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, a pris effet à l'expiration du bail dérogatoire aux mêmes clauses et conditions que le bail expiré ;
en conséquence, juger irrecevable la demande d'expulsion, s'agissant d'une demande de résiliation de bail commercial ;
débouter la société Beg investissements de ses demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire,
infirmer l'ordonnance rendue le 13 février 2023 en ce qu'elle a constaté qu'elle occupe sans droit ni titre depuis le 3 mars 2022 les lieux situés dans le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4] et appartenant à la société BEG investissements, ordonné si besoin avec le concours de la force publique, son expulsion ou de tous occupants de son chef le local n°348-349 dépendant du centre commercial Bel Est situé [Adresse 1] à [Localité 4], l'a condamnée à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a écarté la majoration de l'indemnité d'occupation ;
et, statuant à nouveau,
juger que l'appelante a soulevé des contestations sérieuses empêchant la juridiction de référé de se prononcer et la contraignant à renvoyer les parties à mieux se pourvoir en raison des contestations sérieuses soulevées ;
à titre très subsidiaire, lui octroyer les délais de paiement les plus larges pour s'acquitter de la dette locative, laquelle sera échelonnée sur deux années ;
et en tout état de cause,
condamner la société Beg investissements à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de constat et du timbre fiscal.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 1er août 2023, la société Beg investissements demande à la cour de :
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté l'occupation sans droit ni titre, ordonné son expulsion ;
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Fabis SASU à lui régler une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens ;
infirmer l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas fait droit à la demande de condamnation provisionnelle au titre des redevances, et statuant de nouveau :
condamner la société Fabis SASU à lui régler, par provision la somme de 55 297,94 euros au titre des redevances dues jusqu'au terme contractuel du bail dérogatoire, ladite somme devant porter intérêt au taux légal à compter du 15 mars 2022, date de la première sommation d'avoir à payer ;
infirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a écarté la majoration de l'indemnité d'occupation, et, statuant de nouveau :
condamner la société Fabis SASU à lui payer, à ce titre et par provision, une somme de 138 607,23 euros correspondant à l'indemnité d'occupation majorée, sauf à parfaire, arrêtée au 1er juillet 2023 ;
condamner la société Fabis SASU au paiement, par provision, d'une indemnité d'occupation majorée jusqu'à restitution des locaux ;
à titre infiniment subsidiaire, et pour le cas où la cour viendrait à ne pas faire droit à la demande de condamnation provisionnelle au paiement de l'indemnité d'occupation majorée :
confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Fabis SASU au paiement d'une indemnité d'occupation, sauf à en réactualiser le montant, et partant, y ajoutant :
condamner par provision la société Fabis SASU à lui régler une somme, sauf au parfaire, de 71 702,72 euros au titre de l'indemnité d'occupation calculée sur le montant de la redevance sans majoration ;
condamner par provision la société Fabis SASU au paiement d'une indemnité d'occupation calculée sur la base du montant de redevance TTC jusqu'à restitution des locaux ;
réformer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a accordé des délais de paiement à la société Fabis SASU et, statuant de nouveau :
débouter la société Fabis SASU de ses demandes de délais de paiement ;
en tout état de cause :
débouter la société Fabis SASU de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner la société Fabis SASU à lui régler la somme de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Fabis SASU aux dépens d'instance dont le recouvrement sera poursuivi selon les dispositions de l'article 699 du même code.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
Sur l'expulsion
Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes de l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ou, à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.
Par ailleurs, l'article L.145-5 du code de commerce dispose que :
'Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Lorsque le bail est conclu conformément au premier alinéa, un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location.
Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.'
Il résulte de ces dispositions que le bailleur doit manifester, avant l'expiration du délai d'un mois suivant la date contractuelle de fin du bail, sa volonté de ne pas poursuivre la relation contractuelle avec le locataire et qu'à défaut, en cas de maintien dans les lieux du preneur, un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux commence à courir, une manifestation de volonté postérieure étant sans effet. A cet égard, force est de constater que les décisions invoquées par l'appelante aux termes desquelles le bailleur doit manifester sa volonté avant même la date contractuelle de fin du bail ont été rendues, certes au visa de ce même article, mais dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui prévoyait alors que si, à l'expiration de la durée totale du bail ou des baux successifs, sans laisser au bailleur de délai supplémentaire d'un mois, le preneur restait et était laissé en possession, il s'opérait un nouveau bail soumis au droit commun.
Au cas présent, alors que la fin du bail dérogatoire était contractuellement fixée au 3 mars 2022, le bailleur a adressé le 10 mars suivant, soit dans le délai d'un mois courant à compter de cette date, un courrier rappelant ce terme et fixant au 18 suivant la date de l'état des lieux de sortie et de restitution des locaux. Les termes de ce courrier ont été réitérés par deux courriels des 16 et 17 mars 2022 puis par une mise en demeure le 1er avril suivant.
Ce faisant, la bailleresse a manifesté, dans le délai légal et de manière non équivoque, sa volonté de ne pas poursuivre le bail dérogatoire, peu important qu'elle ait continué de réclamer le paiement des 'loyers' en contrepartie de l'occupation des lieux ou qu'elle ait proposé de renégocier le bail à d'autres conditions, cette négociation n'ayant pas abouti.
Dès lors, le preneur s'étant maintenu dans les lieux après le terme du bail commercial dont il bénéficiait, il convient de constater son occupation sans droit ni titre à compter du 4 mars 2022 et d'autoriser son expulsion, l'ordonnance devant être confirmée de ce chef.
Comme l'a jugé le premier juge, il n'y a pas lieu à référé sur la majoration contractuelle de l'indemnité d'occupation, constitutive d'une clause pénale et dès lors susceptible de modération par le juge du fond. L'ordonnance doit également être confirmée de ce chef.
L'actualisation de la provision à la somme de 71 702,72 euros au titre des indemnités d'occupation est sans objet puisqu'elle est d'ores et déjà couverte par la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à titre provisionnel par l'ordonnance. Au demeurant, la société Beg investissements n'a pas demandé l'infirmation de la décision de première instance sur ce point, préalable nécessaire pour élever le montant de ses demandes à ce titre.
Sur le montant de la provision au titre de la dette de loyer et de charges
En application de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile que le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de la compétence du tribunal, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Au cas présent, le preneur fait valoir que le décompte produit par son bailleur est incomplet et insuffisamment clair notamment en ce qu'il ne comporte aucune écriture comptable entre le 31 décembre 2018 et le 31 décembre 2020 ce qui ne permet pas de vérifier que les franchises de loyers qui ont été convenues pour la période de crise sanitaire ont été appliquées. Il se prévaut également d'une diminution de la commercialité du centre et d'une différence entre le montant contractuel du loyer et celui figurant sur le décompte.
Cependant, alors qu'il résulte de l'article 1719 du code civil que le bailleur n'est pas tenu, en l'absence de clause particulière, d'assurer la commercialité des lieux loués, au cas présent, les conditions générales du bail permettent de constater, sans qu'il y ait lieu à interprétation, que les parties n'ont pas entendu faire peser une telle obligation sur le bailleur de sorte que la demande de provision ne se heurte à aucune contestation sérieuse de ce fait.
Par ailleurs, le montant du loyer trimestriel est mentionné 'hors taxe' dans le contrat alors que celui qui figure dans le décompte est un montant 'toutes taxes comprises' et qu'il est indexé sur la base de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE conformément aux stipulations contractuelles. Aucune contestation sérieuse n'est donc caractérisée à cet égard.
Enfin, si le décompte produit ne porte pas sur la totalité de la période de location mais débute uniquement au 4ème trimestre 2020, il ressort clairement de l'article 2 de l'avenant au bail du 22 février 2021 que le solde de la dette était alors nul puisque les parties étaient convenues que la société Fabis SASU procédait au règlement de la totalité de sa dette jusqu'au 4ème trimestre 2020 non inclus, soit 11 403, 09 euros après déduction de la franchise de loyers accordée pour la période de crise sanitaire.
Il se déduit de ce qui précède que le montant provisionnel réclamé ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Le preneur sera donc condamné au paiement d'une provision de 55 297,94 euros au titre des redevances dues jusqu'au 3 mars 2022, ladite somme devant porter intérêt au taux légal à compter du 15 mars 2022, date de la première sommation de payer.
La décision entreprise, qui limite la provision à 43 804 euros et dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus, sera infirmée de ce chef.
Sur les délais de paiement
L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Au cas présent, l'appelante conclut à la confirmation du jugement qui lui a alloué des délais au regard de sa situation financière et matérielle.
Cependant, comme le souligne l'intimée, cette dernière qui produit uniquement un relevé de compte bancaire sans verser aux débats d'autres pièces comptables n'établit pas que sa situation justifie l'octroi de délais de paiement.
La décision de première instance sera infirmée de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu du sens de la présente décision, les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.
La société Fabis SASU sera également condamnée aux dépens de l'appel avec distraction au profit du conseil de la société Beg investissements ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise dans les limites de l'appel sauf en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande provisionnelle au titre de la dette locative et en ce qu'elle octroie des délais de paiement et l'infirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Fabis SASU à verser à la société Beg investissements une provision de 55 297,94 euros au titre des redevances dues jusqu'au 3 mars 2022, ladite somme devant porter intérêt au taux légal à compter du 15 mars 2022 ;
Rejette la demande de délais de paiement ;
Condamne la société Fabis SASU à payer à la société Beg investissements la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Fabis SASU aux dépens de l'appel dont le recouvrement sera poursuivi selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT