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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 23 avril 2024, n° 23/12313

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Époux, Nat-Fr Intérim (SAS)

Défendeur :

Alphyr (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chazalette

Conseillers :

Mme Blanc, Mme Georget

Avocats :

Me Moisan, Me Benoit, Me Boccon Gibod, Me Richard

Paris, pôle 1 ch. 3, du 15 juin 2023, n°…

15 juin 2023

La société Alphyr est franchiseur d'un réseau d'entreprises de travail temporaire sous les enseignes Lynx RH, Aquila RH et Vitalis Médical.

L'enseigne Lynx RH s'applique aux profils de postes 'haute compétence', Aquila RH est un réseau d'agences généralistes couvrant pour l'essentiel les métiers de l'industrie, du BTP, du tertiaire et de la logistique et Vitalis Médical est spécialisée dans le domaine médical, paramédical et social.

Le 11 septembre 2015, la société Alphyr a conclu un contrat de franchise avec la société Nat-Fr Interim dont M. [T] et Mme [R] épouse [T] sont les associés, pour l'implantation d'une agence Aquila RH à [Localité 5] (88), pour une durée de sept ans et s'appliquant à un territoire portant sur une partie du département de la Haute-Marne et le département des Vosges. Ce contrat prévoit une clause de non-concurrence post-contractuelle.

Le 18 septembre 2019 ces mêmes parties ont conclu un autre contrat de franchise pour l'exploitation d'une agence sous l'enseigne Aquila RH à [Localité 7] (55), également pour une durée de sept années et portant sur l'autre partie du département de la Haute-Marne, la Meuse et une partie de la Meurthe-et-Moselle.

Les relations entre les parties se sont dégradées courant 2022, la société Nat-Fr Interim, M. [T] et Mme [R] épouse [T] reprochant à la société Alphyr d'avoir implanté l'une de ses agences sous l'enseigne Mistertemp'dans l'usine de l'un de leurs clients.

Après une prorogation de deux mois, la société Nat-Fr Interim a décidé de ne pas renouveler le contrat du 11 septembre 2015 relatif à l'exploitation de l'agence de [Localité 5].

En novembre 2022, M. [T] et Mme [R] ont créé la société Auroch Interim qui exerce une activité de travail temporaire.

Par acte extrajudiciaire du 10 mars 2023, la société Alphyr a fait assigner la société Nat-Fr Interim, M. [T] et Mme [R] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins notamment d'ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants de l'obligation de non-concurrence contractuelle stipulée à l'article 10.1 du contrat de franchise du 8 juillet 2019 et de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise du 3 juillet 2015, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir.

Par courrier recommandé du 14 avril 2023, la société Nat-Fr Interim a notifié à la société Alphyr sa décision de mettre un terme anticipé au contrat de franchise [Localité 7] du 18 septembre 2019 avec effet au 31 mai 2023.

Par ordonnance contradictoire du 15 juin 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

ordonné la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants (M. [T] et Mme [R]) de l'obligation de non-concurrence contractuelle stipulée à l'article 10.1 du contrat de franchise du 8 juillet 2019 et de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise du 3 juillet 2015, sous astreinte de cent euros par jour à compter du 30e jour de la signification de la présente ordonnance et ce pour une durée de 30 jours ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;

condamné solidairement la société Nat Fr Interim, M. [T] et Mme [R] à verser à la société Alphyr la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné solidairement la société Nat-Fr Interim, M. [T] et Mme [R] aux entiers dépens.

Par déclaration du 10 juillet 2023, la société Nat-Fr Interim, M. [T] et Mme [R] ont relevé appel de cette décision de l'ensemble des chefs de dispositif sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes.

Par déclaration du 13 juillet 2023, la société Alphyr a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

ordonné la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par la société Nat-FR Interim et ses dirigeants (M. [T] et Mme [R]) de l'obligation de non-concurrence contractuelle stipulée à l'article 10.1 du contrat de franchise du 8 juillet 2019 et de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise du 3 juillet 2015, sous astreinte de cent euros par jour à compter du 30e jour de la signification de la présente ordonnance et ce pour une durée de 30 jours ;

mais uniquement en ce qui concerne le point de départ de l'astreinte, sa durée et son montant,

dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes ;

mais uniquement lorsqu'elle rejette totalement ou partiellement les demandes de la société Alphyr, demandes tendant à voir :

ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la résiliation irrégulière du contrat de franchise signé le 18 septembre 2019 entre Alphyr et Nat-Fr Interim ;

en conséquence, suspendre les effets de la lettre de résiliation du 12 avril 2023 et ordonner l'exécution du contrat de franchise signé entre la société Alphyr et la société Nat-Fr le 18 septembre 2019, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance ;

ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants (M. [T] et Mme [R]), de l'obligation de non-concurrence contractuelle stipulée à l'article 10.1 du contrat de franchise du 8 juillet 2019 et de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise du 3 juillet 2015, sous astreinte de mille (1.000) euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

rejeter l'ensemble des prétentions et demandes de la société Nat-Fr Interim.

La jonction de ces deux instances a été prononcée par ordonnance du 31 octobre 2023.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 26 janvier 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société Nat-Fr Interim, M. et Mme [T] demandent à la cour de :

Infirmer l'ordonnance rendue le 15 juin 2023 par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a:

ordonné la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants (M. [T] et Mme [R]), de l'obligation de non-concurrence contractuelle stipulée à l'article 10.1 du contrat de franchise du 8 juillet 2019 et de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise du 3 juillet 2015, sous astreinte de cent (100) euros par jour à compter du 30 ème jour de la signification de la présente ordonnance et ce pour une période de 30 jours,

condamné solidairement la société Nat-Fr Interim, M. [T] et Mme [R] à verser à la SAS Alphyr la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

débouter la société Alphyr de son appel incident ;

et, statuant à nouveau :

dire qu'il n'y a lieu à référé ;

débouter la société Alphyr de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la société Alphyr à leur payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 30 janvier 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société Alphyr demande à la cour de :

rejeter l'ensemble des demandes de la société Nat-Fr Interim, M. [T] et Mme [R] ;

infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté totalement ou partiellement les demandes de la société Alphyr tendant à voir :

ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la résiliation irrégulière par Nat-Fr Interim et ses dirigeants du contrat de franchise signé le 18 septembre 2019 entre la société Alphyr et la société Nat-Fr Interim pour l'agence de [Localité 7],

suspendre les effets de la lettre de résiliation du contrat de franchise [Localité 7] adressée à Alphyr par Nat-Fr et ses dirigeants et ordonner l'exécution du contrat de franchise signé entre la société Alphyr et la société Nat-Fr Interim le 18 septembre 2019 pour l'agence de [Localité 7], sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance ;

infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a limité l'astreinte à cent (100) euros par jour, fixé le point de départ de l'astreinte au 30 e jour de la signification de l'ordonnance du 15 juin 2023, et limité la durée de l'astreinte à 30 jours ;

confirmer l'ordonnance dont appel pour le surplus ;

statuant à nouveau,

ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la résiliation irrégulière du contrat de franchise signé le 18 septembre 2019 entre la société Alphyr et la société Nat-Fr Interim pour l'agence de [Localité 7] ;

en conséquence, suspendre les effets de la lettre de résiliation du 14 avril 2023 et ordonner l'exécution par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants (M. [T] et Mme [R]) du contrat de franchise signé entre la société Alphyr et la société Nat-Fr Interim le 18 septembre 2019 pour l'agence de [Localité 7], sous astreinte de 1 000 euros par jour, à compter de la signification de l'ordonnance ;

ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants (M. [T] et Mme [R]), de l'obligation de non-concurrence contractuelle stipulée à l'article 10.1 du contrat de franchise signé le 18 septembre 2019 et de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise signé le 11 septembre 2015, sous astreinte de mille (1 000) euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance ;

rejeter l'ensemble des prétentions et demandes plus amples ou contraires de la société Nat-Fr Interim ;

condamner in solidum la société Nat-Fr Interim, M. [T] et Mme [R] à verser à la société Alphyr la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Sur la demande de suspension des effets de la lettre de résiliation du 14 avril 2023

Aux termes de l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'article 1224 du code civil dispose que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Selon l'article 1226 du même code, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

Au cas présent, par courrier recommandé du 14 avril 2023 adressé à la société Alphyr, la société Nat-Fr Interim a mis fin au contrat du 18 septembre 2019 à effet au 31 mai 2023 en lui indiquant que 'la création de l'implant de [Localité 8] constitue un manquement grave à vos obligations et nous l'avons perçu comme un manque de respect à notre égard. Nous prenons très mal la procédure en référé que vous avez engagée non seulement contre notre société mais également contre nous à titre personnel alors que vous êtes seuls à l'origine de la situation. (...) En réalité, il n'est même plus envisageable pour nous de continuer à travailler ensemble.' La société Nat-Fr Interim et ses dirigeants reprochaient à la société Alphyr d'avoir installé une agence exerçant sous l'enseigne Mistertemp'dans l'usine de l'un de leurs clients, la société Saint-Gobain à [Localité 8].

Pour poursuivre l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle rejette sa demande tendant à la suspension des effets de ce courrier, la société Alphyr soutient que cette résiliation est illicite tant au regard des conditions de forme que de fond qui s'imposaient.

A titre liminaire, la société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T] opposent que la société Alphyr est forclose à demander la suspension des effets de la lettre de résiliation dès lors que cette demande a été présentée après la prise d'effet de la rupture contractuelle, soit le 31 mai 2023.

Cependant, le juge des référés a le pouvoir de prescrire des mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dès lors, les effets d'une résolution contractuelle peuvent être suspendus par application de l'article 873, alinéa 1er, du code de commerce précité. Ce moyen sera donc écarté.

La société Alphyr expose que la société Nat-Fr Interim n'a respecté ni les conditions fixées par l'article 13.3 du contrat de franchise [Localité 7] en cas de manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles liées à la fourniture de la formation initiale ou à la mise à disposition de la marque ni les conditions prévues par l'article 13.1 du même contrat qui concernent la résiliation à l'initiative des parties sans mise en demeure préalable en cas de survenance d'un cas de force majeure.

Toutefois, la société Nat-fr Interim et M. et Mme [T] répliquent que la rupture du contrat relatif à l'agence de [Localité 7] n'est pas fondée sur l'application des clauses contractuelles précitées.

Ensuite, la société Alphyr affirme que la résiliation du contrat du 18 septembre 2019 est intervenue en violation de l'article 1226 du code civil précité faute de mise en demeure préalable.

La société Nat-Fr Interim et ses dirigeants répliquent que la société Alphyr a installé une agence sous l'une de ses enseignes, savoir Mistertemp', dans l'usine de la société Saint-Gobain de [Localité 8], qui est l'un de leurs clients importants. Ils affirment que, ce faisant, la société Alphyr a rompu les relations de confiance qui les unissaient de sorte qu'aucune mise en demeure préalable n'avait à être délivrée puisqu'elle s'avérait nécessairement vaine.

Cependant, au regard des circonstances de l'espèce et notamment des faits reprochés à la société Alphyr, il n'est pas établi avec l'évidence requise en référé qu'une mise en demeure était nécessairement vaine.

De même, il n'est pas démontré qu'au cas présent, ainsi que soutenu par la société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T], la perte de confiance caractérise manifestement l'urgence à résilier le contrat au sens de l'article 1226 du code civil. Il sera observé - ainsi que relevé par la société Alphyr - que la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants, informés de l'ouverture de l'implant litigieux dans l'usine de la société Saint-Gobain à [Localité 8] en mars 2022, ont attendu près d'une année pour résilier, sans mise en demeure préalable, leur contrat du 18 septembre 2019.

Enfin, contrairement à ce que prétendent la société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T] le temps consenti à la société Alphyr pour trouver une solution amiable n'équivaut pas, à l'évidence, à une mise en demeure.

Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'apprécier le bien-fondé des causes de la résolution du contrat développées par la société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T], il convient de considérer que la rupture anticipée et unilatérale du contrat de franchise constitue à l'évidence une violation de l'article 1226 du code civil, en l'absence d'urgence et de mise en demeure préalable. Cette violation s'analyse en un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 précité.

Il sera donc fait droit à la demande de la société Alphyr tendant à voir ordonner la suspension des effets du courrier de résiliation du 14 avril 2023 et enjoint à la société Nat-Fr Interim et à M. et Mme [T] de poursuivre l'exécution de ce contrat.

L'ordonnance en ce qu'elle rejette la demande de la société Alphyr tendant à la suspension des effets de la lettre de résiliation du 14 avril 2023 et à l'exécution du contrat de franchise signé entre la société Alphyr et la société Nat-Fr Interim le 18 septembre 2019 sera donc infirmée.

En revanche, faute pour la société Alphyr de préciser les actes matériels permettant de vérifier la continuité de l'exécution du contrat, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Cette demande sera rejetée.

Sur la demande relative à la violation de l'obligation de non-concurrence stipulée au contrat de franchise du 18 septembre 2019 (agence de [Localité 7])

Aux termes de l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La société Alphyr se prévaut de l'article 10.1 du contrat du 18 septembre 2019, relatif à l'agence de [Localité 7], intitulé 'non-concurrence pendant la durée du contrat : l'obligation de non-concurrence' et ainsi rédigé 'comme condition déterminante des présentes, et afin de préserver le savoir-faire, la réputation, l'identité commune et l'image de la marque pendant la durée du contrat, le franchisé s'interdit (lui-même, son dirigeant de droit ou de fait, l'associé, l'associé non opérationnel et/ou leur conjoint éventuel et/ou leurs ascendants ou descendants) de créer, participer ou s'intéresser, directement ou indirectement, par lui-même ou par personne interposée, à l'exploitation de toute activité d'intérim et/ou de recrutement autres que celles du réseau, ou qui seraient développées par le franchiseur ou toute autre société qu'il se substituerait ou dont il exercerait le contrôle direct ou indirect ou dont elle serait une société soeur.'

La société Alphyr expose que M. et Mme [T] ont, dans le courant du mois de novembre 2022, constitué la société Auroch Interim et que, depuis le 1er juin 2023, l'agence de travail temporaire de [Localité 7] est exploitée par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants sous l'enseigne Auroch Interim. Elle produit, au soutien de cette affirmation, deux procès-verbaux établis par un commissaire de justice les 13 et 14 septembre 2023 (ses pièces n°21 et 22).

La société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T], qui font valoir que la société Alphyr ne subit aucun trouble manifestement illicite du fait de la résiliation du contrat du 18 septembre 2019 qui est régulière tant sur la forme que sur le fond, soutiennent que le premier juge a, à tort, ordonné la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation de l'obligation de non-concurrence contractuelle prévue par l'article 10.1 du contrat du 18 septembre 2019 qui n'est plus applicable depuis le 31 mai 2023.

Or, la cour fait droit à la demande de la société Alphyr tendant à voir ordonner la suspension des effets du courrier de résiliation du 14 avril 2023, de sorte que la clause de non-concurrence en cours d'exécution du contrat trouve à s'appliquer.

Par ailleurs, la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants ne discutent ni la validité de cette clause ni l'exploitation d'une agence de travail intérimaire sous l'enseigne Auroch Interim à [Localité 7] depuis le 1er juin 2023.

En conséquence, la société Alphyr démontre le caractère manifestement illicite de la violation de l'obligation de non-concurrence en cours d'exécution du contrat.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle ordonne à la société Nat-Fr Interim et à ses dirigeants la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation de l'obligation de non-concurrence stipulée à l'article 10.1 du contrat de franchise du 8 juillet 2019 (en réalité du 18 septembre 2019).

Seuls le point de départ, la durée et le montant de l'astreinte qui assortit cette obligation sont critiqués en appel par la société Alphyr. Celle-ci considère que cette mesure n'est pas suffisamment dissuasive puisque la violation de la clause persiste.

Cependant la cour estime que le premier juge, en assortissant l'obligation susvisée d'une astreinte de 100 euros par jour à compter du 30ème jour de la signification de l'ordonnance pour une période de 30 jours, a fait une exacte appréciation des faits de l'espèce.

L'ordonnance sera donc confirmée de ce chef.

Sur la demande relative à la violation de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée au contrat de franchise du 11 septembre 2015 (agence de [Localité 5])

Aux termes de l'article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Au cas présent, la société Alphyr expose que la violation par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants de leur obligation de non-concurrence, par l'exploitation d' une agence sous l'enseigne Auroch Interim dans le territoire relevant du contrat de franchise du 11 septembre 2015 après la fin de ce contrat, lui cause un trouble manifestement illicite.

Elle se fonde sur l'article 10.2 du contrat intitulé 'obligation de non-concurrence après la fin du contrat' et ainsi libellé ' comme condition déterminante du contrat, et afin de préserver le savoir-faire, la réputation, l'identité commune et l'image de la marque, en cas de cessation du contrat pour quelque cause que ce soit, les parties ont convenu que la stipulation d'une clause de non-concurrence était nécessaire à la protection du savoir-faire et de l'image de la marque et n'était pas disproportionnée par rapport à cette nécessité pour le franchiseur et dans l'intérêt du réseau et de chacun de ses membres. Ainsi, le franchisé s'interdit (lui-même, son dirigeant de droit ou de fait, les associés et/ou leur conjoint éventuel et/ou leurs ascendants ou descendants), pendant une durée d'un (1) an à compter de l'expiration du présent contrat, et ce pour quelque cause que ce soit, sur le territoire, de créer, participer ou s'intéresser directement ou indirectement, par lui-même ou par personne interposée, à l'exploitation de toute activité concurrente de celle du réseau, c'est à dire l'activité d'intérim et/ou de recrutement sauf dérogation préalable et écrite donnée par le franchiseur.'

Nonobstant la question de la licéité de la clause de non-concurrence en cause discutée par la société Nat-fr Interim comme il sera vu ci-après, cette clause a cessé de produire ses effets depuis le 11 novembre 2023, soit un an après la fin du contrat. Contrairement à ce que soutiennent la société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T], cet élément ne prive toutefois pas d'objet la demande de la société Alphyr. En effet, il appartient à la cour de déterminer si le trouble manifestement illicite invoqué par le franchiseur existait au jour où le premier juge, qui a faitdroit à la demande de la société Alphyr, s'est prononcé.

Pour solliciter l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle leur ordonne de cesser la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle susvisée, la société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T] en contestent la validité et font valoir que le trouble invoqué n'est pas manifestement illicite.

En premier lieu, ils affirment que la clause de non-concurrence ne respecte pas les conditions relatives à la limitation géographique de l'obligation (être limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat) et à la protection du savoir faire du franchiseur fixées par le règlement UE n°330/2010 du 20 avril 2010 pris en application de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Cependant, la société Alphyr, qui conteste l'application de ce règlement au cas d'espèce, oppose à juste titre que la société Alphyr et M. et Mme [T] ne démontrent pas que tous les contrats de franchise Aquila RH sont soumis à la même clause de non-concurrence post contractuelle.

Il n'est donc pas démontré, en l'état des pièces soumises à la cour, que le règlement UE n°330/2010 du 20 avril 2010 s'applique en l'espèce.

Dans l'hypothèse où le règlement précité ne serait pas applicable, la société Alphyr et M. et Mme [T] affirment que la clause de non-concurrence n'est en tout état de cause pas valable au regard des critères dégagés par la jurisprudence nationale.

La clause de non-concurrence doit être limitée quant à l'activité concernée, dans le temps, dans l'espace et être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger.

Au cas présent, la société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T] exposent que la clause insérée au contrat de franchise Aquila RH n'est pas indispensable à la protection du savoir-faire de la société Alphyr. Ils expliquent que, pour l'essentiel, le savoir-faire d'Alphyr repose seulement sur l'utilisation d'une suite de logiciels de comptabilité, de paie, de reporting, de CV-thèques et affirment que, dès que ses deux contrats de franchise ont pris fin, la société Nat-Fr Interim n'a plus eu accès à cette importante partie du savoir-faire de la société Alphyr. Ils ajoutent que l'ultime formation de Mme [T] date de 2019. La société Alphyr réplique que le savoir-faire est l'élément central d'un contrat de franchise, que, selon les termes du contrat du 11 septembre 2015, ce savoir-faire s'applique en particulier à l'évaluation des besoins des clients, la définition des services, la formation du personnel, l'identité visuelle de la marque et à la communication, l'exploitation de l'agence, la gestion des plannings et des candidats et la connaissance des qualifications exclusives et qu'il est impératif de protéger ce savoir-faire.

Surtout, la société Nat-Fr Interim et M. et Mme [T] ajoutent que l'étendue géographique de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle est manifestement disproportionnée puisqu'elle recouvre une grande partie des départements des Vosges et de la Haute-Marne, que ce territoire s'étend sur plus de deux cents kilomètres et plus de soixante-dix kilomètres de longueur, que la zone concernée comporte des communes dans lesquelles le tissu des agences de travail temporaire est dense, qu'il convient en outre d'ajouter le territoire du contrat du 18 septembre 2019 concernant l'agence de [Localité 7]. La société Alphyr objecte, d'une part, que la clause est limitée dans l'espace aux terrains à partir desquels la société Nat-Fr Interim a exercé son activité, d'autre part, que cette clause est proportionnée à ses intérêts puisqu'elle concerne la protection de son savoir-faire sur des départements dont la densité de population est faible. Elle considère que les territoires des contrats des agences de [Localité 7] et de [Localité 5] sont autonomes.

Il résulte de ce qui précède qu'il existe un doute sur le point de savoir si la clause de non-concurrence litigieuse est proportionnée au but qu'elle poursuit. Il s'ensuit que la preuve du caractère illicite du trouble invoqué par la société Alphyr n'est pas rapportée. Il n'y a donc pas lieu à référé sur sa demande tendant à voir ordonner, sous astreinte, la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants M. [T] et Mme [R], de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise signé le 11 septembre 2015.

L'ordonnance sera infirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle rejette la demande de suspension des effets de la lettre de résiliation du contrat de franchise [Localité 7] adressée à Alphyr par Nat-Fr Interim et ses dirigeants et ordonne la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par la société Nat-Fr Interim et ses dirigeants (M. [T] et Mme [R]) de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise du 3 juillet 2015, sous astreinte de cent euros par jour à compter du 30ème jour de la signification de la présente ordonnance et ce pour une durée de 30 jours ;

L'infirme de ces chefs,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Suspend les effets de la lettre de résiliation du 14 avril 2023 adressée à la société Alphyr par la société Nat-Fr Interim et M. [T] et Mme [R] épouse [T] concernant le contrat de franchise de l'agence de [Localité 7] en date du 18 septembre 2019 et enjoint à la société Nat-Fr Interim et à M. [T] et Mme [R] épouse [T] de poursuivre l'exécution de ce contrat de franchise signé entre la société Alphyr et la société Nat-Fr Interim le 18 septembre 2019 pour l'agence de [Localité 7] ;

Rejette la demande tendant à voir assortir cette obligation d'une astreinte ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Alphyr tendant à voir ordonner à la société Nat-Fr Interim et M. [T] et Mme [R] épouse [T] de cesser la violation de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 10.2 du contrat de franchise du 11 septembre 2015 ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.