Décisions
CA Angers, ch. prud'homale, 18 avril 2024, n° 21/00314
ANGERS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00314 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E2YM.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 21 Mai 2021, enregistrée sous le n° 20/00177
ARRÊT DU 18 Avril 2024
APPELANTE :
Madame [L] [U]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Maître Camille ROBERT, avocat au barreau de LAVAL
INTIMEES :
UNEDIC DELEGATION AGS GEA DE RENNES
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.E.L.A.R.L. SBCMJ - prise en la personne de Maître [Z] [Y] agissant en qualité de liquidateur du GROUPE [U]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentées par Me Luc LALANNE de la SCP LALANNE - GODARD - HERON - BOUTARD - SIMON, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20200706
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 18 Avril 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
La Sarl Groupe [U] était une société holding de l'Eurl Strike Management, la Sasu Envir et la Sci Invest Immo. Les sociétés Strike Management et Envir exerçaient respectivement la commercialisation de travaux et de produits liés à la rénovation de l'habitat et la mise en oeuvre de ces prestations. Ces quatre sociétés étaient toutes dirigées par M. [G] [U], frère de Mme [L] [U].
Mme [L] [U] a été engagée par la société Union Ouest Production ultérieurement dénommée HD Energie puis Strike Management dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 2015, en qualité d'assistante de direction moyennant une rémunération 'nette' mensuelle de 1 500 euros.
À compter du 1er octobre 2019, son contrat de travail a été transféré à la société Groupe [U] avec reprise d'ancienneté, sa rémunération mensuelle étant portée à 2860,76 euros brut.
Par avenant du 1er décembre 2019, Mme [U] a été promue au poste de directrice générale, cadre, de la société Groupe [U] moyennant une rémunération brute mensuelle de 6 500 euros.
À compter du 18 février 2020, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie, prolongé de manière continue jusqu'au 20 novembre 2020.
Sur requête du procureur de la République, par ordonnance du 10 février 2020, le tribunal de commerce du Mans a dessaisi M. [U] de la gestion des sociétés qu'il dirigeait dont la société Groupe [U], et désigné la Selarl Ajassociés prise en la personne de Me [V] en qualité d'administrateur provisoire. Ce dessaisissement faisait suite à plusieurs enquêtes diligentées par la collectivité, la gendarmerie et la DDPP ayant notamment mis en exergue la pratique de faits d'escroquerie, d'abus de bien social, de tromperie commerciale, et de mise en oeuvre de pratiques commerciales agressives. M. [U] a parallèlement été placé sous contrôle judiciaire.
Par jugement du 10 mars 2020 du tribunal de commerce du Mans, la société Groupe [U] a été placée en redressement judiciaire. Me [V] a été nommé en qualité d'administrateur judiciaire, et la Selarl SBCMJ prise en la personne de Me [Y] [Z], en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier du 2 avril 2020, Me [Z] ès-qualités a contesté l'existence d'un contrat de travail légal liant Mme [U] à la société Groupe [U] et lui a indiqué qu'elle ne solliciterait pas la garantie du CGEA de Rennes.
Par requête du 30 juin 2020 enregistrée sous le numéro RG 20/177, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans afin de faire constater l'existence d'un contrat de travail, obtenir la fixation de sa créance au passif de la société Groupe [U] des salaires non réglés depuis janvier 2020 et des congés payés afférents ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 20 octobre 2020 du tribunal de commerce du Mans, la société Groupe [U] a été placée en liquidation judiciaire et la Selarl SBCMJ prise en la personne de Me [Y] [Z] nommée en qualité de liquidateur.
Par lettre du 21 octobre 2020, Me [Z] ès-qualités a convoqué Mme [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique 'sous toutes réserves et à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir du conseil de prud'hommes du Mans'.
Sous les mêmes réserves, Me [Z] ès-qualités a transmis à Mme [U] le contrat de sécurisation professionnelle par courrier du 30 octobre 2020, et lui a notifié son licenciement pour motif économique en raison de la suppression de son poste par courrier du 3 novembre 2020.
Parallèlement, par jugement du 31 août 2020, le tribunal correctionnel du Mans a notamment :
- reconnu M. [G] [U] coupable de faits d'escroquerie, de mise en oeuvre de pratique commerciale agressive, d'exploitation d'une entreprise ayant une activité artisanale sans le contrôle d'une personne qualifiée, et de faits d'abus des biens ou du crédit d'une société. Pour ces faits, il a été condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis probatoire outre des peines complémentaires et notamment une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une
durée de 10 ans ;
- condamné la Sarl Groupe [U] au paiement d'une amende délictuelle de 25 000 euros pour des faits d'abus de biens ou du crédit d'une société par un dirigeant à des fins personnelles commis du 13 octobre 2018 au 13 janvier 2020 ;
- condamné la société Strike Management au paiement d'une amende de 50 000 euros pour des faits d'escroquerie par personne morale, et mise en oeuvre par personne morale de pratique commerciale agressive commis du 1er janvier 2017 au 13 janvier 2020.
Par le même jugement, Mme [U] qui était également prévenue des chefs de complicité de blanchiment par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'une escroquerie commis du 1er janvier 2017 au 13 janvier 2020, de complicité d'abus des biens ou du crédit d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles commis du 4 décembre 2018 au 13 janvier 2020, et de complicité d'escroquerie du 1er janvier 2017 au 13 janvier 2020, a été relaxée des fins de la poursuite.
Par une seconde requête du 21 décembre 2020 enregistrée sous le numéro RG 20/479, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour obtenir la fixation au passif de la société Groupe [U] d'une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité compensatrice de congés payés, de dommages et intérêts au titre de la discrimination dont elle s'estimait victime ou subsidiairement de l'exécution déloyale du contrat de travail, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Selarl SBCMJ prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Groupe [U], et le CGEA de Rennes, unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, se sont opposés aux prétentions de Mme [U]. Le liquidateur a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Lors de l'audience du 12 mars 2021, le conseil de prud'hommes du Mans a ordonné la jonction des dossiers RG 20/479 et 20/177 sous ce dernier numéro.
Par jugement du 21 mai 2021, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- mis hors de cause Me [X] [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] ;
- dit que Mme [U] n'était pas salariée du Groupe [U] et que l'existence du contrat de travail pour le compte de ladite société n'est pas prouvée ;
- débouté en conséquence Mme [U] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné Mme [U] au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Me [Z] ès-qualités de mandataire liquidateur de la Sarl Groupe [U] ;
- déclaré le jugement opposable au CGEA Unedic / AGS de Rennes ;
- condamné Mme [U] aux entiers dépens.
Mme [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 2 juin 2021, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
La Selarl SBCMJ prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Groupe [U], et le CGEA de Rennes, unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, ont constitué avocat en qualité d'intimés le 7 juin 2021.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2023 et l'affaire initialement fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 7 novembre 2023 a fait l'objet d'un renvoi à celle du 6 février 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [U], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 29 novembre 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- a dit qu'elle n'était pas salariée du Groupe [U] et que l'existence du contrat de travail pour le compte de ladite société n'est pas prouvée ;
- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes ;
- l'a condamnée au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau :
- dire et juger qu'elle était bien liée par un contrat de travail existant et réel avec la société Groupe [U] ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 13 000 euros brut au titre des rappels de salaire et 1 300 euros brut au titre des congés payés y afférents ;
- condamner la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], à la rectification de l'attestation de salaire envoyée à la caisse primaire d'assurance maladie et à procéder aux déclarations nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance compétent ;
- à défaut de prise en charge par l'organisme de prévoyance, enjoindre la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer au passif de la société, le maintien de son salaire durant sa période d'arrêt maladie ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer au passif de la société les intérêts de retard sur les salaires des mois de janvier et février 2020 au taux légal applicable au jour de la décision rendue par 'le conseil de céans' ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer au passif de la société le montant de 10 000 euros brut au titre des dommages et intérêts distincts ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 8 541,66 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 12 980 euros au titre des congés payés ;
- condamner, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], à lui fournir les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions des articles D.1234-6, D.1234-7 et R.1234-9 du code du travail ;
- à titre principal, enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 30000 euros au titre de la discrimination ;
- à titre subsidiaire, enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 30 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
En tout état de cause :
- condamner la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], aux entiers dépens ;
- condamner la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable aux AGS/CGEA de Rennes, dans la limite de ses garanties.
Mme [U] soutient qu'elle était liée par un contrat de travail depuis le 1er août 2015, lequel a été transféré plusieurs fois et en dernier lieu, à compter du 1er octobre 2019 à la société Groupe [U]. Elle affirme avoir exercé ses fonctions sous la subordination de M. [G] [U], d'abord en qualité d'assistante de direction puis en qualité de directrice générale à compter du 1er décembre 2019 tel que formalisé par l'avenant de la même date. Elle fait valoir que la rémunération de 6 500 euros brut fixée dans le dernier avenant relève de la négociation salariale et n'est pas de nature à remettre en cause la relation de travail antérieure, s'agissant d'un même contrat de travail qui s'est poursuivi.
Elle prétend ensuite avoir fait l'objet d'une discrimination et à tout le moins d'une exécution déloyale du contrat de travail de la part du liquidateur en raison de son sexe et de son lien de parenté avec M. [U], en ce qu'elle est la seule à n'avoir reçu ni les documents de fin de contrat ni les indemnités afférentes au licenciement économique.
La Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Y] [Z], ès-qualités de liquidateur de la Sarl Groupe [U], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 10 octobre 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du Mans le '28" mai 2021;
En conséquence :
- dire et juger que Mme [U] n'était pas salariée de la société Groupe [U] ;
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Mme [U] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [U] au paiement des entiers dépens de l'instance ;
- déclarer le jugement à intervenir opposable au CGEA de Rennes.
Me [Z] ès-qualités fait valoir que Mme [U] ne communique aucun élément probant venant justifier de sa qualité de salariée de la société Groupe [U], et particulièrement qu'elle ne démontre ni qu'elle exerçait les missions d'une directrice générale, ni qu'elle recevait des ordres et des directives de la part de son prétendu employeur qui était en réalité son frère. Elle estime que la soudaine augmentation de rémunération portée à 6 500 euros à compter du 1er décembre 2019 ne correspond pas à sa qualification, et que ce contrat de travail fictif a été conclu en fraude aux droits de l'AGS.
Elle conteste ensuite toute discrimination, alléguant que la société Groupe [U] n'employait aucun salarié, et dans l'hypothèse où Mme [U] serait considérée comme tel, qu'elle en était la seule. Elle affirme enfin qu'au sein des sociétés appartenant au groupe [U], elle n'est pas la seule dont l'existence du contrat de travail a été contestée.
* Le CGEA de Rennes, unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 10 octobre 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de confirmer le jugement déféré à sa censure et par voie de conséquence, de :
- lui donner acte de son intervention ;
- à titre principal, dire et juger que Mme [U] n'était pas salariée de la société Groupe [U] ;
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- à titre subsidiaire, au cas où une créance serait fixée au profit de Mme [U] à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Groupe [U], dire et juger que cette créance ne sera garantie par l'AGS que dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code et que sont exclues de la garantie les sommes suivantes :
- les charges sociales patronales et les charges sociales qui ne seraient pas d'origine légale ou conventionnelle imposée par la loi ;
- les frais divers de gestion et d'équipement des entreprises avancés par les salariés (achat de petit matériel, de fournitures diverses, etc') ;
- les créances des dirigeants et mandataires sociaux ;
- les créances résultant de l'exécution des décisions de justice et non du contrat de travail (frais de justice, article 700 du code de procédure civile, astreinte, dommages et intérêts pour résistance abusive, etc') ;
- les créances résultant d'une action dirigée contre l'employeur et non de l'exécution du contrat de travail (cotisations retraite, mutuelle, diverses prestations sociales reversées par l'employeur) ;
- en l'absence de liquidation judiciaire, les salaires et accessoires de salaires nés après la date de jugement prononçant le redressement judiciaire (article L.3253-8 1er alinéa du code du travail) ;
- les indemnités de rupture des salariés licenciés hors des différentes périodes légales de garantie (article L.3253-8 2ème alinéa du code du travail) ;
- en cas de liquidation judiciaire, les salaires et accessoires de salaires de poursuite d'exploitation dépassant la limite de garantie fixée en durée et en montant à 1.5 mois des salaires habituels bruts, et à 3 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (article L.3253-8 5ème alinéa et D.3253-2 du code du travail) ;
- les créances dépassant, par salarié, toutes créances confondues le montant général des avances fixé aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail. La garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail. Le plafond de garantie applicable aux faits de l'espèce est le plafond 6 soit 82 272 euros, sachant que le contentieux relève de l'article L.625-1 ;
- il y a lieu de rappeler qu'il ne pourra en tous les cas être condamné à verser les bulletins de salaires, les relevés de congés payés, le certificat de travail ou l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi.
Le CGEA de Rennes s'associe aux moyens du liquidateur, estimant que l'embauche de Mme [U] relève d'un contrat de travail fictif en fraude aux AGS.
MOTIVATION
Sur l'existence d'un contrat de travail
Mme [U] soutient être liée à la société Groupe [U] par un contrat de travail. Elle fait valoir avoir conclu le 1er août 2015, un contrat de travail écrit prévoyant une rémunération en contrepartie d'une prestation de travail, qui a été transféré à la société Groupe [U] au sein de laquelle elle a bénéficié d'une promotion. Elle considère qu'il s'agit du même contrat de travail qui s'est poursuivi. Elle s'appuie en outre sur le jugement du tribunal correctionnel qui a observé qu'elle avait été 'transférée' à la société Groupe [U] par avenant du 1er octobre 2019, et sur les conventions de prestations de service et de trésorerie déléguant à la société Groupe [U], les tâches administratives des sociétés Strike Management, Envir et [U] Immo 1 qu'elle assurait au titre de ce contrat de travail.
Elle communique à cet égard plusieurs mails attestant de ses tâches, alléguant que si son adresse mail n'a certes, pas été modifiée tout de suite après le 1er octobre 2019, c'est par manque de temps des informaticiens. Elle affirme qu'elle travaillait sous la direction de M. [G] [U] qui lui donnait des ordres et auquel elle se référait pour la validation d'un certain nombre de tâches, le tribunal correctionnel ayant également mentionné ce point dans son jugement.
Elle souligne que si un appel du jugement correctionnel a été interjeté, le ministère public n'a pas cependant pas interjeté appel de sa relaxe qui est définitive.
Enfin, elle fait valoir que les bulletins de salaire démontrent qu'elle a été payée par la société Groupe [U] suite au transfert de son contrat de travail en octobre 2019, et estime que les considérations sur son salaire qui relèvent de la négociation salariale, sont sans incidence sur la réalité de celui-ci.
S'agissant de son évolution professionnelle, elle observe qu'elle n'a pu exercer les fonctions de directrice générale que pendant un mois, avant de ne plus être rémunérée en janvier 2020 puis placée en arrêt de travail en février 2020 et qu'elle n'a pas eu le temps d'exercer la pleine mesure de ses missions.
Me [Z] ès-qualités à laquelle s'associe le CGEA de Rennes soutient que Mme [U] n'a jamais été salariée de la société Groupe [U], qu'elle ne démontre ni l'évolution de ses missions ni qu'elle accomplissait la prestation de travail d'une directrice générale.
Elle note que les mails versés par Mme [U] sont signés, même après sa prétendue promotion, en qualité d'assistante de direction et que l'adresse mail qu'elle utilisait était celle de la société Strike Management. Elle souligne que Mme [U] s'est présentée devant le tribunal correctionnel comme secrétaire de la société Envir et que le lien de subordination à l'égard de la société Groupe [U] fait défaut, puisqu'il n'est démontré aucun ordre, directive ou contrôle de son travail.
Enfin, elle considère que la rémunération de 6 500 euros perçue à compter du 1er décembre 2019 constitue la preuve d'un déséquilibre entre les prestations des parties puisqu'elle ne correspond pas à la qualification réelle de Mme [U], et caractérise un montage frauduleux à l'égard des AGS.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée.
En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à la partie qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ou de démontrer qu'au-delà de la dénomination donnée à ce contrat, les conditions de fait dans lesquelles une prestation a pu être accomplie ne correspondaient pas à l'exécution d'un contrat de travail.
Les juges du fond apprécient souverainement les éléments de nature à caractériser le caractère fictif du contrat de travail et notamment l'existence d'un lien de subordination.
En l'espèce, Mme [U] communique :
- un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'assistante de direction signé le 1er août 2015 avec la société Union Ouest Production (pièce 1) ;
- un avenant du 11 avril 2016 mentionnant qu'en raison du changement de nom de cette société en HD Energie son employeur est désormais la société HD Energie (pièce 1) ;
- une convention tripartite du 1er octobre 2019 entre la société Strike Management dont il est précisé qu'elle était anciennement la société Union Ouest Production, la société Groupe [U] et Mme [U] organisant le transfert du contrat de travail de cette dernière au sein de la société Groupe [U] à compter 1er octobre 2019, toujours en qualité d'assistante de direction et prévoyant une rémunération mensuelle de 2 860,76 euros brut (pièce 1) ;
- un avenant au contrat de travail du 1er décembre 2019 entre la société Groupe [U] et Mme [U] lui octroyant le statut de directrice générale, modifiant ses missions et portant sa rémunération mensuelle à 6 500 euros brut (pièce 2) ;
- ses bulletins de salaire notamment ceux d'octobre, novembre et décembre 2019 dont il apparaît que l'employeur est la société Groupe [U] (pièce 3) ;
- une convention de gestion de trésorerie du 24 mai 2019 par laquelle les sociétés [U] Immo 1, Strike Management et Envir confient à la société Groupe [U] la gestion de leur trésorerie (pièce 18) ;
- un contrat de prestations de service du 2 octobre 2019 par lequel la société Envir délègue à la société Groupe [U] sa gestion comptable et financière (pièce 18) ;
- plusieurs échanges de mails entre le 2 octobre 2019 et le 13 janvier 2020 dont il ressort qu'elle était en charge de la comptabilité des sociétés Strike Management, Envir et Groupe [U], qu'elle était en contact avec le cabinet comptable et la DGFIP pour des questions relatives à l'URSSAF, aux déclarations de TVA, à la cession ou la restitution des véhicules en LOA, et avec la banque pour la gestion de la trésorerie des sociétés Envir et Strike Management (pièces 8, 9, 10, 11) ;
- plusieurs échanges de mails sur la même période avec M. [U] lui posant des questions, rendant compte de son activité, lui soumettant les candidatures aux postes à pourvoir, ou recevant des instructions de sa part (pièce 12) .
Ainsi, l'ensemble de ces éléments conduit à retenir l'existence d'un contrat de travail apparent, étant précisé qu'il n'est pas allégué que Mme [U] aurait figuré sur l'extrait Kbis de la société Groupe [U] en qualité de directrice générale.
Par suite, il appartient à Me [Z] ès-qualités et au CGEA de Rennes qui contestent l'existence de ce contrat de travail, d'en démontrer le caractère fictif.
Pour justifier de l'absence de prestation de travail et de lien de subordination à l'égard de la société Groupe [U], le mandataire liquidateur critique les échanges de mails précités et se fonde sur le jugement du tribunal correctionnel (pièce 14) ainsi que sur un extrait du dossier de demande d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Groupe [U] (pièce 15).
S'il est avéré que Mme [U] est mentionnée dans le corps du jugement correctionnel comme secrétaire de la société Envir, on note qu'elle est citée sur la page de garde du même jugement en qualité de 'directrice générale du groupe'. Il ressort ensuite d'un mail du 14 octobre 2019 issu des échanges précités que la secrétaire de la société Envir était Mme [S]. Enfin, il n'est ni allégué ni établi que Mme [U] ait été salariée de la société Envir. Cette mention issue de l'exposé des faits du jugement correctionnel dont l'objet principal ne portait pas sur le contrat de travail de Mme [U] est donc inopérante.
Il apparaît ensuite que l'adresse mail de Mme [U] a toujours été domiciliée chez Strike Management et qu'elle a toujours signé en qualité d'assistante de direction. Pour autant, le contenu de ces mails démontre qu'elle ne s'occupait pas uniquement des affaires de cette société, mais de plusieurs sociétés du groupe dont la société Groupe [U], et que ses missions couvraient un large spectre (comptabilité, trésorerie). Les moyens soulevés à cet égard par les intimés sont donc insuffisants à démontrer qu'elle n'exécutait aucune prestation pour la société Groupe [U], étant relevé, s'agissant de la qualification de directrice générale, d'une part, qu'elle n'a été nommée à ce poste que le 1er décembre 2019 et n'a exercé ces fonctions que pendant un laps de temps très court puisqu'elle a été placée en arrêt de travail le 18 février 2020, et d'autre part, que les intimés à qui il incombe de renverser la présomption de salariat, n'apportent de leur côté aucun élément démontrant que ses fonctions n'auraient pas évolué, le seul fait qu'elle n'ait pas été informée des méthodes de démarchage frauduleuses des commerciaux (page 80 du jugement) étant là encore insuffisant à cet égard. Ils n'apportent de la même manière, aucun élément de nature à contredire l'existence d'un lien de subordination.
Enfin, l'extrait du dossier de demande d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Groupe [U] mentionne qu' 'il a été constaté l'absence de convention de prestation de service conclue entre la société holding et ses filiales permettant d'effectuer des refacturations intra-groupe depuis l'embauche de Mme [U] en octobre 2019 dont les prestations administratives sont effectuées pour le compte des sociétés filles'. Or, il a été vu précédemment que deux conventions de cet ordre ont été conclues le 24 mai 2019 et le 2 octobre 2019.
En dernier lieu, Me [Z] ès-qualités et le GGEA de Rennes considèrent que les missions de Mme [U] ne justifiaient pas l'augmentation considérable de sa rémunération qui lui a été octroyée, ce très peu de temps avant l'ouverture de la procédure collective. Ils se réfèrent au solde bancaire de la société Groupe [U], lequel était négatif de 123,75 euros au 31 janvier 2020.
Pour autant, la rémunération relève de la seule prérogative de l'employeur, étant précisé que la cause originelle de la procédure collective de la société Groupe [U] ne réside pas dans des difficultés générées par un contexte économique défavorable, mais dans les enquêtes diligentées à l'initiative du ministère public suite à une centaine de plaintes de particuliers estimant avoir été escroqués par la société Envir, lesquelles ont conduit le 22 janvier 2020 à la saisie des comptes bancaires des sociétés du groupe, dont le compte bancaire de la société Groupe [U] auprès de la BPGO. Or, on relève qu'à cette date ce compte bancaire était créditeur de la somme de 179 330,40 euros (page 4 pièce 15 liquidateur).
Il ressort de ces éléments que Me [Z] ès-qualités et le CGEA de Rennes échouent à démontrer le caractère fictif du contrat de travail de Mme [U].
Il s'en déduit que Mme [U] était liée à la société Groupe [U] par un contrat de travail.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les demandes liées à l'existence d'un contrat de travail
1. Sur les salaires des mois de janvier et février 2020
Mme [U] soutient que ses salaires de janvier et février 2020 ne lui ont pas été versés.
Le mandataire liquidateur et le CGEA de Rennes s'opposent à cette demande du fait de l'absence de contrat de travail.
Il ressort de l'extrait du dossier de demande d'ouverture de liquidation judiciaire de la société Groupe [U] (pièce 15 liquidateur) que les salaires de janvier et février 2020 n'ont pas payés, ce qui n'est au demeurant pas contesté.
Mme [U] a été placée en arrêt de travail de manière continue du 18 février 2020 au 20 novembre 2020 et elle a perçu des indemnités journalières de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse) (pièce 14 salariée).
Par suite, elle est bien fondée à percevoir la somme de 9 800,99 euros brut au titre des salaires de janvier et jusqu'au 17 février 2020 ainsi que la somme de 980,10 euros brut au titre des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
2. Sur les congés payés
Mme [U] sollicite le paiement du solde de ses congés payés sur sa période de travail jusqu'au 31 décembre 2019 ainsi que sur sa période d'arrêt de travail. Elle soutient qu'il était d'usage au sein de la société Groupe [U] que les salariés en arrêt de travail puissent créer des droits à congés y compris en période de suspension de leur contrat de travail.
Le liquidateur souligne qu'étant en arrêt de travail sur la période visée, Mme [U] ne peut pas prétendre à l'incidence de congés payés.
'Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat.
S'agissant d'un salarié, dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, les dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail, qui subordonnent le droit à congé payé à l'exécution d'un travail effectif, ne permettent pas une interprétation conforme au droit de l'Union européenne.
Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale.
Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail'. (Soc 13 septembre 2023 n° 22-17340)
En l'espèce et en premier lieu, s'agissant de la période antérieure au 31 décembre 2019, il apparaît que le bulletin de salaire de décembre 2019 mentionne un solde de 5 jours de congés payés pour l'année N-1 et de 17,5 jours pour l'année N. Lors de l'année N-1, Mme [U] percevait un salaire mensuel de 2 860,76 euros et elle n'a perçu un salaire mensuel de 6 500 euros que lors de ce mois de décembre 2019. Au vu d'un taux horaire de 18,86 euros brut avant décembre 2019, et de 42,86 euros brut en décembre 2019, elle est fondée à percevoir la somme de 3 456,46 euros brut à titre de solde de congés payés générés jusqu'au 31 décembre 2019.
En second lieu, s'agissant de la période du 18 février 2020 au 21 novembre 2020, date à laquelle il n'est pas contesté que le contrat de travail a pris fin par l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, et lors de laquelle Mme [U] était en arrêt de travail, celle-ci est en droit, au vu des dispositions précitées, de percevoir la somme de 6 147 euros brut à titre de congés payés conformément à son calcul.
Par conséquent, il convient de fixer au passif de la liquidation de la société Groupe [U] la somme totale de 9 603,46 euros brut à titre de congés payés.
Le jugement est infirmé de ce chef.
3. Sur les dommages et intérêts distincts pour retard dans le paiement des salaires et des congés payés
Mme [U] prétend que l'absence de paiement de ses salaires et de ses congés payés l'a mise en difficulté financière et qu'elle a dû solliciter diverses aides pour faire face à ses dépenses, outre le fait qu'elle élève seule son jeune fils. Elle ajoute avoir dû prendre un traitement médicamenteux pour dormir et se tranquilliser.
Me [Z] ès-qualités excipe de l'absence de contrat de travail et ajoute qu'en tout état de cause le préjudice et a fortiori son étendue ne sont pas démontrés.
Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, 'les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.'
Mme [U] justifie de ce que son compte bancaire présente un solde négatif le 25 février 2021 (pièce 20), qu'elle a bénéficié d'une remise d'imposition ou de pénalité le 7 septembre 2020 (pièce 21), d'une aide de la mairie en novembre 2020 (pièce 22), d'une aide financière de la caisse le 29 septembre 2020 (pièce 24) et qu'elle est inscrite à l'épicerie solidaire et sociale depuis septembre 2020 (pièce 23). Ses difficultés financières sont donc avérées.
Pour autant, il n'est pas établi que Me [Z] ès-qualités ait été de mauvaise foi en s'opposant aux demandes de Mme [U], l'appréciation inexacte de la situation de l'intéressée ne suffisant pas à caractériser l'existence d'une faute, dans la mesure où la promotion importante de l'intéressée et l'augmentation corrélative de sa rémunération peu de temps avant la procédure collective étaient de nature à susciter des interrogations légitimes, et où les sommes susceptibles d'être dues à la salariée ne pouvaient être payées par l'entreprise mais par l'AGS et par conséquent, avec des fonds publics.
Par conséquent, Mme [U] doit être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts distincts pour retard dans le paiement des salaires.
Le jugement est confirmé de ce chef.
4. Sur l'indemnité de licenciement
Il n'est pas contesté que le contrat de travail a été rompu le 21 novembre 2020 par l'acceptation par Mme [U] du contrat de sécurisation professionnelle. La salariée a été engagée le 1er août 2015. Elle est donc bien fondée à solliciter une indemnité de licenciement.
Aux termes de l'article R.1234-2 du code du travail :
'l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
2° un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.'
Selon l'article R.1234-4 du même code :
'le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.'
L'article L.1234-11 alinéa 2 du code du travail prévoit que 'la période de suspension n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions.'
Lorsque le salarié a été en arrêt de travail pour maladie au cours des derniers mois, le salaire de référence à prendre en compte est celui des 12 ou des 3 derniers mois précédant l'arrêt. (Soc 23 mai 2017, n° 15-22223)
Le salaire le plus favorable à Mme [U] est le salaire moyen des trois derniers mois précédent l'arrêt de travail (novembre 2019, décembre 2019 et janvier 2020), soit 5 314,70 euros, étant précisé qu'elle a touché en décembre 2019 une prime de fin d'année de 1 000 euros laquelle est prise en compte à due proportion.
Au vu de son ancienneté et en considérant la période de suspension, Mme [U] est fondée à obtenir une indemnité de licenciement de 5 979,04 euros, laquelle sera inscrite au passif de la liquidation de la société Groupe [U].
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la discrimination
Mme [U] considère avoir subi une discrimination liée à son sexe d'une part, et à son lien de parenté avec M. [G] [U] d'autre part, en ce qu'elle a fait l'objet d'un traitement personnalisé et unique qui l'a contrainte à devoir saisir le conseil de prud'hommes pour faire valoir ses droits, alors que tous les autres salariés ont bénéficié d'un licenciement pour motif économique 'normal' et ont été payés des indemnités afférentes. Elle affirme qu'elle n'était pas la seule salariée des sociétés du groupe [U] et souligne qu'elle a été relaxée par le tribunal correctionnel.
Me [Z] ès-qualités fait observer que la société Groupe [U] n'avait aucun salarié et que Mme [U] ne bénéficiait pas d'un contrat de travail. Elle ajoute que dans l'hypothèse où la cour jugerait du contraire, elle était la seule salariée de la société Groupe [U], et qu'en tout état de cause, elle n'a pas été la seule salariée des sociétés du groupe à voir contester l'existence de son contrat de travail.
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap
L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il est acquis que Mme [U] est la soeur de M. [G] [U] et qu'elle est une femme. Pour autant, elle ne communique strictement aucun élément au soutien de ce moyen, notamment aucun élément de comparaison avec qui que ce soit dans la mesure où elle prétend avoir subi un sort différent des autres, étant relevé de surcroît que l'extrait du dossier de demande d'ouverture de liquidation judiciaire de la société Groupe [U] (pièce 15 liquidateur) mentionne que cette société n'employait qu'un seul salarié, ce dont il se déduit qu'il s'agissait d'elle-même et qu'aucune comparaison n'était donc possible.
Par conséquent, aucune discrimination n'étant caractérisée, Mme [U] doit être déboutée de sa demande subséquente de dommages et intérêts et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Mme [U] fait valoir que 'l'ensemble de (ses) arguments évoqués pour la discrimination sont applicables pour caractériser l'exécution déloyale du contrat de travail.'
Me [Z] ès-qualités conteste toute exécution déloyale du contrat de travail et ajoute que ni le principe, ni le quantum des dommages et intérêts ne sont justifiés.
L'article L.1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Les arguments de Mme [U] n'étant pas étayés au titre de la discrimination, ils ne le sont pas davantage au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande subséquente de dommages et intérêts et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le rectification de l'attestation de salaire, les déclarations auprès de l'organisme de prévoyance et les documents de fin de contrat
Au vu de ce qui précède, il convient d'enjoindre à Me [Z] ès-qualités de procéder aux déclarations nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance compétent, et de remettre à Mme [U] une attestation de salaire rectifiée prenant en compte son salaire à compter de décembre 2019, étant précisé que 'le maintien des salaires de Mme [U] durant sa période d'arrêt maladie' n'a pas lieu d'être fixé au passif de la liquidation dans la mesure où cette demande est subsidiaire à un hypothétique refus de prise en charge par l'organisme de prévoyance et où la salariée ne fonde sa demande sur aucun texte.
En outre, il convient d'enjoindre à Me [Z] ès-qualités de remettre à Mme [U] les documents de fin de contrat, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.
Le jugement est infirmé de ces chefs.
Sur les intérêts
En application des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société Groupe [U] a arrêté le cours des intérêts légaux.
Sur la garantie du CGEA-AGS de Rennes
Le présent arrêt doit être déclaré commun et opposable au CGEA de Rennes dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [U]. Me [Z] ès-qualités est condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros qui vaudra pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Me [Z] ès-qualités qui succombe à l'instance est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement rendu le 21 mai 2021 par le conseil de prud'hommes du Mans sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] [U] de ses demandes de dommages et intérêts distincts pour retard dans le paiement des salaires, de dommages et intérêts pour discrimination, et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
DIT que la relation liant Mme [L] [U] à la Sarl Groupe [U] s'analyse en un contrat de travail ;
FIXE la créance de Mme [L] [U] au passif de la Sarl Groupe [U] aux sommes suivantes :
- 9 800,99 euros brut au titre des salaires de janvier et février 2020 ;
- 980,10 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 9 603,46 euros brut à titre de congés payés ;
- 5 979,04 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
RAPPELLE qu'en application des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société Groupe [U] a arrêté le cours des intérêts légaux ;
ENJOINT à la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] de procéder aux déclarations nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance compétent, et de remettre à Mme [L] [U] une attestation de salaire rectifiée prenant en compte son salaire à compter de décembre 2019 ;
ENJOINT à la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] de remettre à Mme [L] [U] les documents de fin de contrat, ce sans astreinte ;
DECLARE le présent arrêt commun et opposable à l'association UNEDIC délégation AGS-CGEA de Rennes dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code ;
CONDAMNE la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] à payer à Mme [L] [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui vaudra pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
DEBOUTE la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées en première instance et en appel ;
CONDAMNE la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00314 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E2YM.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 21 Mai 2021, enregistrée sous le n° 20/00177
ARRÊT DU 18 Avril 2024
APPELANTE :
Madame [L] [U]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Maître Camille ROBERT, avocat au barreau de LAVAL
INTIMEES :
UNEDIC DELEGATION AGS GEA DE RENNES
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.E.L.A.R.L. SBCMJ - prise en la personne de Maître [Z] [Y] agissant en qualité de liquidateur du GROUPE [U]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentées par Me Luc LALANNE de la SCP LALANNE - GODARD - HERON - BOUTARD - SIMON, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20200706
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 18 Avril 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La Sarl Groupe [U] était une société holding de l'Eurl Strike Management, la Sasu Envir et la Sci Invest Immo. Les sociétés Strike Management et Envir exerçaient respectivement la commercialisation de travaux et de produits liés à la rénovation de l'habitat et la mise en oeuvre de ces prestations. Ces quatre sociétés étaient toutes dirigées par M. [G] [U], frère de Mme [L] [U].
Mme [L] [U] a été engagée par la société Union Ouest Production ultérieurement dénommée HD Energie puis Strike Management dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 2015, en qualité d'assistante de direction moyennant une rémunération 'nette' mensuelle de 1 500 euros.
À compter du 1er octobre 2019, son contrat de travail a été transféré à la société Groupe [U] avec reprise d'ancienneté, sa rémunération mensuelle étant portée à 2860,76 euros brut.
Par avenant du 1er décembre 2019, Mme [U] a été promue au poste de directrice générale, cadre, de la société Groupe [U] moyennant une rémunération brute mensuelle de 6 500 euros.
À compter du 18 février 2020, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie, prolongé de manière continue jusqu'au 20 novembre 2020.
Sur requête du procureur de la République, par ordonnance du 10 février 2020, le tribunal de commerce du Mans a dessaisi M. [U] de la gestion des sociétés qu'il dirigeait dont la société Groupe [U], et désigné la Selarl Ajassociés prise en la personne de Me [V] en qualité d'administrateur provisoire. Ce dessaisissement faisait suite à plusieurs enquêtes diligentées par la collectivité, la gendarmerie et la DDPP ayant notamment mis en exergue la pratique de faits d'escroquerie, d'abus de bien social, de tromperie commerciale, et de mise en oeuvre de pratiques commerciales agressives. M. [U] a parallèlement été placé sous contrôle judiciaire.
Par jugement du 10 mars 2020 du tribunal de commerce du Mans, la société Groupe [U] a été placée en redressement judiciaire. Me [V] a été nommé en qualité d'administrateur judiciaire, et la Selarl SBCMJ prise en la personne de Me [Y] [Z], en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier du 2 avril 2020, Me [Z] ès-qualités a contesté l'existence d'un contrat de travail légal liant Mme [U] à la société Groupe [U] et lui a indiqué qu'elle ne solliciterait pas la garantie du CGEA de Rennes.
Par requête du 30 juin 2020 enregistrée sous le numéro RG 20/177, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans afin de faire constater l'existence d'un contrat de travail, obtenir la fixation de sa créance au passif de la société Groupe [U] des salaires non réglés depuis janvier 2020 et des congés payés afférents ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 20 octobre 2020 du tribunal de commerce du Mans, la société Groupe [U] a été placée en liquidation judiciaire et la Selarl SBCMJ prise en la personne de Me [Y] [Z] nommée en qualité de liquidateur.
Par lettre du 21 octobre 2020, Me [Z] ès-qualités a convoqué Mme [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique 'sous toutes réserves et à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir du conseil de prud'hommes du Mans'.
Sous les mêmes réserves, Me [Z] ès-qualités a transmis à Mme [U] le contrat de sécurisation professionnelle par courrier du 30 octobre 2020, et lui a notifié son licenciement pour motif économique en raison de la suppression de son poste par courrier du 3 novembre 2020.
Parallèlement, par jugement du 31 août 2020, le tribunal correctionnel du Mans a notamment :
- reconnu M. [G] [U] coupable de faits d'escroquerie, de mise en oeuvre de pratique commerciale agressive, d'exploitation d'une entreprise ayant une activité artisanale sans le contrôle d'une personne qualifiée, et de faits d'abus des biens ou du crédit d'une société. Pour ces faits, il a été condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis probatoire outre des peines complémentaires et notamment une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une
durée de 10 ans ;
- condamné la Sarl Groupe [U] au paiement d'une amende délictuelle de 25 000 euros pour des faits d'abus de biens ou du crédit d'une société par un dirigeant à des fins personnelles commis du 13 octobre 2018 au 13 janvier 2020 ;
- condamné la société Strike Management au paiement d'une amende de 50 000 euros pour des faits d'escroquerie par personne morale, et mise en oeuvre par personne morale de pratique commerciale agressive commis du 1er janvier 2017 au 13 janvier 2020.
Par le même jugement, Mme [U] qui était également prévenue des chefs de complicité de blanchiment par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'une escroquerie commis du 1er janvier 2017 au 13 janvier 2020, de complicité d'abus des biens ou du crédit d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles commis du 4 décembre 2018 au 13 janvier 2020, et de complicité d'escroquerie du 1er janvier 2017 au 13 janvier 2020, a été relaxée des fins de la poursuite.
Par une seconde requête du 21 décembre 2020 enregistrée sous le numéro RG 20/479, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour obtenir la fixation au passif de la société Groupe [U] d'une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité compensatrice de congés payés, de dommages et intérêts au titre de la discrimination dont elle s'estimait victime ou subsidiairement de l'exécution déloyale du contrat de travail, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Selarl SBCMJ prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Groupe [U], et le CGEA de Rennes, unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, se sont opposés aux prétentions de Mme [U]. Le liquidateur a sollicité sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Lors de l'audience du 12 mars 2021, le conseil de prud'hommes du Mans a ordonné la jonction des dossiers RG 20/479 et 20/177 sous ce dernier numéro.
Par jugement du 21 mai 2021, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- mis hors de cause Me [X] [O], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] ;
- dit que Mme [U] n'était pas salariée du Groupe [U] et que l'existence du contrat de travail pour le compte de ladite société n'est pas prouvée ;
- débouté en conséquence Mme [U] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné Mme [U] au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Me [Z] ès-qualités de mandataire liquidateur de la Sarl Groupe [U] ;
- déclaré le jugement opposable au CGEA Unedic / AGS de Rennes ;
- condamné Mme [U] aux entiers dépens.
Mme [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 2 juin 2021, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
La Selarl SBCMJ prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Groupe [U], et le CGEA de Rennes, unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, ont constitué avocat en qualité d'intimés le 7 juin 2021.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2023 et l'affaire initialement fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 7 novembre 2023 a fait l'objet d'un renvoi à celle du 6 février 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [U], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 29 novembre 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- a dit qu'elle n'était pas salariée du Groupe [U] et que l'existence du contrat de travail pour le compte de ladite société n'est pas prouvée ;
- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes ;
- l'a condamnée au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau :
- dire et juger qu'elle était bien liée par un contrat de travail existant et réel avec la société Groupe [U] ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 13 000 euros brut au titre des rappels de salaire et 1 300 euros brut au titre des congés payés y afférents ;
- condamner la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], à la rectification de l'attestation de salaire envoyée à la caisse primaire d'assurance maladie et à procéder aux déclarations nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance compétent ;
- à défaut de prise en charge par l'organisme de prévoyance, enjoindre la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer au passif de la société, le maintien de son salaire durant sa période d'arrêt maladie ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer au passif de la société les intérêts de retard sur les salaires des mois de janvier et février 2020 au taux légal applicable au jour de la décision rendue par 'le conseil de céans' ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer au passif de la société le montant de 10 000 euros brut au titre des dommages et intérêts distincts ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 8 541,66 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 12 980 euros au titre des congés payés ;
- condamner, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], à lui fournir les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions des articles D.1234-6, D.1234-7 et R.1234-9 du code du travail ;
- à titre principal, enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 30000 euros au titre de la discrimination ;
- à titre subsidiaire, enjoindre à la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], de fixer la créance au passif de la société à la somme de 30 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
En tout état de cause :
- condamner la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], aux entiers dépens ;
- condamner la société SBCMJ, ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Groupe [U], au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable aux AGS/CGEA de Rennes, dans la limite de ses garanties.
Mme [U] soutient qu'elle était liée par un contrat de travail depuis le 1er août 2015, lequel a été transféré plusieurs fois et en dernier lieu, à compter du 1er octobre 2019 à la société Groupe [U]. Elle affirme avoir exercé ses fonctions sous la subordination de M. [G] [U], d'abord en qualité d'assistante de direction puis en qualité de directrice générale à compter du 1er décembre 2019 tel que formalisé par l'avenant de la même date. Elle fait valoir que la rémunération de 6 500 euros brut fixée dans le dernier avenant relève de la négociation salariale et n'est pas de nature à remettre en cause la relation de travail antérieure, s'agissant d'un même contrat de travail qui s'est poursuivi.
Elle prétend ensuite avoir fait l'objet d'une discrimination et à tout le moins d'une exécution déloyale du contrat de travail de la part du liquidateur en raison de son sexe et de son lien de parenté avec M. [U], en ce qu'elle est la seule à n'avoir reçu ni les documents de fin de contrat ni les indemnités afférentes au licenciement économique.
La Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Y] [Z], ès-qualités de liquidateur de la Sarl Groupe [U], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 10 octobre 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du Mans le '28" mai 2021;
En conséquence :
- dire et juger que Mme [U] n'était pas salariée de la société Groupe [U] ;
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Mme [U] au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [U] au paiement des entiers dépens de l'instance ;
- déclarer le jugement à intervenir opposable au CGEA de Rennes.
Me [Z] ès-qualités fait valoir que Mme [U] ne communique aucun élément probant venant justifier de sa qualité de salariée de la société Groupe [U], et particulièrement qu'elle ne démontre ni qu'elle exerçait les missions d'une directrice générale, ni qu'elle recevait des ordres et des directives de la part de son prétendu employeur qui était en réalité son frère. Elle estime que la soudaine augmentation de rémunération portée à 6 500 euros à compter du 1er décembre 2019 ne correspond pas à sa qualification, et que ce contrat de travail fictif a été conclu en fraude aux droits de l'AGS.
Elle conteste ensuite toute discrimination, alléguant que la société Groupe [U] n'employait aucun salarié, et dans l'hypothèse où Mme [U] serait considérée comme tel, qu'elle en était la seule. Elle affirme enfin qu'au sein des sociétés appartenant au groupe [U], elle n'est pas la seule dont l'existence du contrat de travail a été contestée.
* Le CGEA de Rennes, unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 10 octobre 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de confirmer le jugement déféré à sa censure et par voie de conséquence, de :
- lui donner acte de son intervention ;
- à titre principal, dire et juger que Mme [U] n'était pas salariée de la société Groupe [U] ;
- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- à titre subsidiaire, au cas où une créance serait fixée au profit de Mme [U] à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société Groupe [U], dire et juger que cette créance ne sera garantie par l'AGS que dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code et que sont exclues de la garantie les sommes suivantes :
- les charges sociales patronales et les charges sociales qui ne seraient pas d'origine légale ou conventionnelle imposée par la loi ;
- les frais divers de gestion et d'équipement des entreprises avancés par les salariés (achat de petit matériel, de fournitures diverses, etc') ;
- les créances des dirigeants et mandataires sociaux ;
- les créances résultant de l'exécution des décisions de justice et non du contrat de travail (frais de justice, article 700 du code de procédure civile, astreinte, dommages et intérêts pour résistance abusive, etc') ;
- les créances résultant d'une action dirigée contre l'employeur et non de l'exécution du contrat de travail (cotisations retraite, mutuelle, diverses prestations sociales reversées par l'employeur) ;
- en l'absence de liquidation judiciaire, les salaires et accessoires de salaires nés après la date de jugement prononçant le redressement judiciaire (article L.3253-8 1er alinéa du code du travail) ;
- les indemnités de rupture des salariés licenciés hors des différentes périodes légales de garantie (article L.3253-8 2ème alinéa du code du travail) ;
- en cas de liquidation judiciaire, les salaires et accessoires de salaires de poursuite d'exploitation dépassant la limite de garantie fixée en durée et en montant à 1.5 mois des salaires habituels bruts, et à 3 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (article L.3253-8 5ème alinéa et D.3253-2 du code du travail) ;
- les créances dépassant, par salarié, toutes créances confondues le montant général des avances fixé aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail. La garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail. Le plafond de garantie applicable aux faits de l'espèce est le plafond 6 soit 82 272 euros, sachant que le contentieux relève de l'article L.625-1 ;
- il y a lieu de rappeler qu'il ne pourra en tous les cas être condamné à verser les bulletins de salaires, les relevés de congés payés, le certificat de travail ou l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi.
Le CGEA de Rennes s'associe aux moyens du liquidateur, estimant que l'embauche de Mme [U] relève d'un contrat de travail fictif en fraude aux AGS.
MOTIVATION
Sur l'existence d'un contrat de travail
Mme [U] soutient être liée à la société Groupe [U] par un contrat de travail. Elle fait valoir avoir conclu le 1er août 2015, un contrat de travail écrit prévoyant une rémunération en contrepartie d'une prestation de travail, qui a été transféré à la société Groupe [U] au sein de laquelle elle a bénéficié d'une promotion. Elle considère qu'il s'agit du même contrat de travail qui s'est poursuivi. Elle s'appuie en outre sur le jugement du tribunal correctionnel qui a observé qu'elle avait été 'transférée' à la société Groupe [U] par avenant du 1er octobre 2019, et sur les conventions de prestations de service et de trésorerie déléguant à la société Groupe [U], les tâches administratives des sociétés Strike Management, Envir et [U] Immo 1 qu'elle assurait au titre de ce contrat de travail.
Elle communique à cet égard plusieurs mails attestant de ses tâches, alléguant que si son adresse mail n'a certes, pas été modifiée tout de suite après le 1er octobre 2019, c'est par manque de temps des informaticiens. Elle affirme qu'elle travaillait sous la direction de M. [G] [U] qui lui donnait des ordres et auquel elle se référait pour la validation d'un certain nombre de tâches, le tribunal correctionnel ayant également mentionné ce point dans son jugement.
Elle souligne que si un appel du jugement correctionnel a été interjeté, le ministère public n'a pas cependant pas interjeté appel de sa relaxe qui est définitive.
Enfin, elle fait valoir que les bulletins de salaire démontrent qu'elle a été payée par la société Groupe [U] suite au transfert de son contrat de travail en octobre 2019, et estime que les considérations sur son salaire qui relèvent de la négociation salariale, sont sans incidence sur la réalité de celui-ci.
S'agissant de son évolution professionnelle, elle observe qu'elle n'a pu exercer les fonctions de directrice générale que pendant un mois, avant de ne plus être rémunérée en janvier 2020 puis placée en arrêt de travail en février 2020 et qu'elle n'a pas eu le temps d'exercer la pleine mesure de ses missions.
Me [Z] ès-qualités à laquelle s'associe le CGEA de Rennes soutient que Mme [U] n'a jamais été salariée de la société Groupe [U], qu'elle ne démontre ni l'évolution de ses missions ni qu'elle accomplissait la prestation de travail d'une directrice générale.
Elle note que les mails versés par Mme [U] sont signés, même après sa prétendue promotion, en qualité d'assistante de direction et que l'adresse mail qu'elle utilisait était celle de la société Strike Management. Elle souligne que Mme [U] s'est présentée devant le tribunal correctionnel comme secrétaire de la société Envir et que le lien de subordination à l'égard de la société Groupe [U] fait défaut, puisqu'il n'est démontré aucun ordre, directive ou contrôle de son travail.
Enfin, elle considère que la rémunération de 6 500 euros perçue à compter du 1er décembre 2019 constitue la preuve d'un déséquilibre entre les prestations des parties puisqu'elle ne correspond pas à la qualification réelle de Mme [U], et caractérise un montage frauduleux à l'égard des AGS.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée.
En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à la partie qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ou de démontrer qu'au-delà de la dénomination donnée à ce contrat, les conditions de fait dans lesquelles une prestation a pu être accomplie ne correspondaient pas à l'exécution d'un contrat de travail.
Les juges du fond apprécient souverainement les éléments de nature à caractériser le caractère fictif du contrat de travail et notamment l'existence d'un lien de subordination.
En l'espèce, Mme [U] communique :
- un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'assistante de direction signé le 1er août 2015 avec la société Union Ouest Production (pièce 1) ;
- un avenant du 11 avril 2016 mentionnant qu'en raison du changement de nom de cette société en HD Energie son employeur est désormais la société HD Energie (pièce 1) ;
- une convention tripartite du 1er octobre 2019 entre la société Strike Management dont il est précisé qu'elle était anciennement la société Union Ouest Production, la société Groupe [U] et Mme [U] organisant le transfert du contrat de travail de cette dernière au sein de la société Groupe [U] à compter 1er octobre 2019, toujours en qualité d'assistante de direction et prévoyant une rémunération mensuelle de 2 860,76 euros brut (pièce 1) ;
- un avenant au contrat de travail du 1er décembre 2019 entre la société Groupe [U] et Mme [U] lui octroyant le statut de directrice générale, modifiant ses missions et portant sa rémunération mensuelle à 6 500 euros brut (pièce 2) ;
- ses bulletins de salaire notamment ceux d'octobre, novembre et décembre 2019 dont il apparaît que l'employeur est la société Groupe [U] (pièce 3) ;
- une convention de gestion de trésorerie du 24 mai 2019 par laquelle les sociétés [U] Immo 1, Strike Management et Envir confient à la société Groupe [U] la gestion de leur trésorerie (pièce 18) ;
- un contrat de prestations de service du 2 octobre 2019 par lequel la société Envir délègue à la société Groupe [U] sa gestion comptable et financière (pièce 18) ;
- plusieurs échanges de mails entre le 2 octobre 2019 et le 13 janvier 2020 dont il ressort qu'elle était en charge de la comptabilité des sociétés Strike Management, Envir et Groupe [U], qu'elle était en contact avec le cabinet comptable et la DGFIP pour des questions relatives à l'URSSAF, aux déclarations de TVA, à la cession ou la restitution des véhicules en LOA, et avec la banque pour la gestion de la trésorerie des sociétés Envir et Strike Management (pièces 8, 9, 10, 11) ;
- plusieurs échanges de mails sur la même période avec M. [U] lui posant des questions, rendant compte de son activité, lui soumettant les candidatures aux postes à pourvoir, ou recevant des instructions de sa part (pièce 12) .
Ainsi, l'ensemble de ces éléments conduit à retenir l'existence d'un contrat de travail apparent, étant précisé qu'il n'est pas allégué que Mme [U] aurait figuré sur l'extrait Kbis de la société Groupe [U] en qualité de directrice générale.
Par suite, il appartient à Me [Z] ès-qualités et au CGEA de Rennes qui contestent l'existence de ce contrat de travail, d'en démontrer le caractère fictif.
Pour justifier de l'absence de prestation de travail et de lien de subordination à l'égard de la société Groupe [U], le mandataire liquidateur critique les échanges de mails précités et se fonde sur le jugement du tribunal correctionnel (pièce 14) ainsi que sur un extrait du dossier de demande d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Groupe [U] (pièce 15).
S'il est avéré que Mme [U] est mentionnée dans le corps du jugement correctionnel comme secrétaire de la société Envir, on note qu'elle est citée sur la page de garde du même jugement en qualité de 'directrice générale du groupe'. Il ressort ensuite d'un mail du 14 octobre 2019 issu des échanges précités que la secrétaire de la société Envir était Mme [S]. Enfin, il n'est ni allégué ni établi que Mme [U] ait été salariée de la société Envir. Cette mention issue de l'exposé des faits du jugement correctionnel dont l'objet principal ne portait pas sur le contrat de travail de Mme [U] est donc inopérante.
Il apparaît ensuite que l'adresse mail de Mme [U] a toujours été domiciliée chez Strike Management et qu'elle a toujours signé en qualité d'assistante de direction. Pour autant, le contenu de ces mails démontre qu'elle ne s'occupait pas uniquement des affaires de cette société, mais de plusieurs sociétés du groupe dont la société Groupe [U], et que ses missions couvraient un large spectre (comptabilité, trésorerie). Les moyens soulevés à cet égard par les intimés sont donc insuffisants à démontrer qu'elle n'exécutait aucune prestation pour la société Groupe [U], étant relevé, s'agissant de la qualification de directrice générale, d'une part, qu'elle n'a été nommée à ce poste que le 1er décembre 2019 et n'a exercé ces fonctions que pendant un laps de temps très court puisqu'elle a été placée en arrêt de travail le 18 février 2020, et d'autre part, que les intimés à qui il incombe de renverser la présomption de salariat, n'apportent de leur côté aucun élément démontrant que ses fonctions n'auraient pas évolué, le seul fait qu'elle n'ait pas été informée des méthodes de démarchage frauduleuses des commerciaux (page 80 du jugement) étant là encore insuffisant à cet égard. Ils n'apportent de la même manière, aucun élément de nature à contredire l'existence d'un lien de subordination.
Enfin, l'extrait du dossier de demande d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Groupe [U] mentionne qu' 'il a été constaté l'absence de convention de prestation de service conclue entre la société holding et ses filiales permettant d'effectuer des refacturations intra-groupe depuis l'embauche de Mme [U] en octobre 2019 dont les prestations administratives sont effectuées pour le compte des sociétés filles'. Or, il a été vu précédemment que deux conventions de cet ordre ont été conclues le 24 mai 2019 et le 2 octobre 2019.
En dernier lieu, Me [Z] ès-qualités et le GGEA de Rennes considèrent que les missions de Mme [U] ne justifiaient pas l'augmentation considérable de sa rémunération qui lui a été octroyée, ce très peu de temps avant l'ouverture de la procédure collective. Ils se réfèrent au solde bancaire de la société Groupe [U], lequel était négatif de 123,75 euros au 31 janvier 2020.
Pour autant, la rémunération relève de la seule prérogative de l'employeur, étant précisé que la cause originelle de la procédure collective de la société Groupe [U] ne réside pas dans des difficultés générées par un contexte économique défavorable, mais dans les enquêtes diligentées à l'initiative du ministère public suite à une centaine de plaintes de particuliers estimant avoir été escroqués par la société Envir, lesquelles ont conduit le 22 janvier 2020 à la saisie des comptes bancaires des sociétés du groupe, dont le compte bancaire de la société Groupe [U] auprès de la BPGO. Or, on relève qu'à cette date ce compte bancaire était créditeur de la somme de 179 330,40 euros (page 4 pièce 15 liquidateur).
Il ressort de ces éléments que Me [Z] ès-qualités et le CGEA de Rennes échouent à démontrer le caractère fictif du contrat de travail de Mme [U].
Il s'en déduit que Mme [U] était liée à la société Groupe [U] par un contrat de travail.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les demandes liées à l'existence d'un contrat de travail
1. Sur les salaires des mois de janvier et février 2020
Mme [U] soutient que ses salaires de janvier et février 2020 ne lui ont pas été versés.
Le mandataire liquidateur et le CGEA de Rennes s'opposent à cette demande du fait de l'absence de contrat de travail.
Il ressort de l'extrait du dossier de demande d'ouverture de liquidation judiciaire de la société Groupe [U] (pièce 15 liquidateur) que les salaires de janvier et février 2020 n'ont pas payés, ce qui n'est au demeurant pas contesté.
Mme [U] a été placée en arrêt de travail de manière continue du 18 février 2020 au 20 novembre 2020 et elle a perçu des indemnités journalières de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse) (pièce 14 salariée).
Par suite, elle est bien fondée à percevoir la somme de 9 800,99 euros brut au titre des salaires de janvier et jusqu'au 17 février 2020 ainsi que la somme de 980,10 euros brut au titre des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
2. Sur les congés payés
Mme [U] sollicite le paiement du solde de ses congés payés sur sa période de travail jusqu'au 31 décembre 2019 ainsi que sur sa période d'arrêt de travail. Elle soutient qu'il était d'usage au sein de la société Groupe [U] que les salariés en arrêt de travail puissent créer des droits à congés y compris en période de suspension de leur contrat de travail.
Le liquidateur souligne qu'étant en arrêt de travail sur la période visée, Mme [U] ne peut pas prétendre à l'incidence de congés payés.
'Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat.
S'agissant d'un salarié, dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, les dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail, qui subordonnent le droit à congé payé à l'exécution d'un travail effectif, ne permettent pas une interprétation conforme au droit de l'Union européenne.
Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale.
Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du code du travail'. (Soc 13 septembre 2023 n° 22-17340)
En l'espèce et en premier lieu, s'agissant de la période antérieure au 31 décembre 2019, il apparaît que le bulletin de salaire de décembre 2019 mentionne un solde de 5 jours de congés payés pour l'année N-1 et de 17,5 jours pour l'année N. Lors de l'année N-1, Mme [U] percevait un salaire mensuel de 2 860,76 euros et elle n'a perçu un salaire mensuel de 6 500 euros que lors de ce mois de décembre 2019. Au vu d'un taux horaire de 18,86 euros brut avant décembre 2019, et de 42,86 euros brut en décembre 2019, elle est fondée à percevoir la somme de 3 456,46 euros brut à titre de solde de congés payés générés jusqu'au 31 décembre 2019.
En second lieu, s'agissant de la période du 18 février 2020 au 21 novembre 2020, date à laquelle il n'est pas contesté que le contrat de travail a pris fin par l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, et lors de laquelle Mme [U] était en arrêt de travail, celle-ci est en droit, au vu des dispositions précitées, de percevoir la somme de 6 147 euros brut à titre de congés payés conformément à son calcul.
Par conséquent, il convient de fixer au passif de la liquidation de la société Groupe [U] la somme totale de 9 603,46 euros brut à titre de congés payés.
Le jugement est infirmé de ce chef.
3. Sur les dommages et intérêts distincts pour retard dans le paiement des salaires et des congés payés
Mme [U] prétend que l'absence de paiement de ses salaires et de ses congés payés l'a mise en difficulté financière et qu'elle a dû solliciter diverses aides pour faire face à ses dépenses, outre le fait qu'elle élève seule son jeune fils. Elle ajoute avoir dû prendre un traitement médicamenteux pour dormir et se tranquilliser.
Me [Z] ès-qualités excipe de l'absence de contrat de travail et ajoute qu'en tout état de cause le préjudice et a fortiori son étendue ne sont pas démontrés.
Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, 'les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.'
Mme [U] justifie de ce que son compte bancaire présente un solde négatif le 25 février 2021 (pièce 20), qu'elle a bénéficié d'une remise d'imposition ou de pénalité le 7 septembre 2020 (pièce 21), d'une aide de la mairie en novembre 2020 (pièce 22), d'une aide financière de la caisse le 29 septembre 2020 (pièce 24) et qu'elle est inscrite à l'épicerie solidaire et sociale depuis septembre 2020 (pièce 23). Ses difficultés financières sont donc avérées.
Pour autant, il n'est pas établi que Me [Z] ès-qualités ait été de mauvaise foi en s'opposant aux demandes de Mme [U], l'appréciation inexacte de la situation de l'intéressée ne suffisant pas à caractériser l'existence d'une faute, dans la mesure où la promotion importante de l'intéressée et l'augmentation corrélative de sa rémunération peu de temps avant la procédure collective étaient de nature à susciter des interrogations légitimes, et où les sommes susceptibles d'être dues à la salariée ne pouvaient être payées par l'entreprise mais par l'AGS et par conséquent, avec des fonds publics.
Par conséquent, Mme [U] doit être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts distincts pour retard dans le paiement des salaires.
Le jugement est confirmé de ce chef.
4. Sur l'indemnité de licenciement
Il n'est pas contesté que le contrat de travail a été rompu le 21 novembre 2020 par l'acceptation par Mme [U] du contrat de sécurisation professionnelle. La salariée a été engagée le 1er août 2015. Elle est donc bien fondée à solliciter une indemnité de licenciement.
Aux termes de l'article R.1234-2 du code du travail :
'l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
2° un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.'
Selon l'article R.1234-4 du même code :
'le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.'
L'article L.1234-11 alinéa 2 du code du travail prévoit que 'la période de suspension n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions.'
Lorsque le salarié a été en arrêt de travail pour maladie au cours des derniers mois, le salaire de référence à prendre en compte est celui des 12 ou des 3 derniers mois précédant l'arrêt. (Soc 23 mai 2017, n° 15-22223)
Le salaire le plus favorable à Mme [U] est le salaire moyen des trois derniers mois précédent l'arrêt de travail (novembre 2019, décembre 2019 et janvier 2020), soit 5 314,70 euros, étant précisé qu'elle a touché en décembre 2019 une prime de fin d'année de 1 000 euros laquelle est prise en compte à due proportion.
Au vu de son ancienneté et en considérant la période de suspension, Mme [U] est fondée à obtenir une indemnité de licenciement de 5 979,04 euros, laquelle sera inscrite au passif de la liquidation de la société Groupe [U].
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la discrimination
Mme [U] considère avoir subi une discrimination liée à son sexe d'une part, et à son lien de parenté avec M. [G] [U] d'autre part, en ce qu'elle a fait l'objet d'un traitement personnalisé et unique qui l'a contrainte à devoir saisir le conseil de prud'hommes pour faire valoir ses droits, alors que tous les autres salariés ont bénéficié d'un licenciement pour motif économique 'normal' et ont été payés des indemnités afférentes. Elle affirme qu'elle n'était pas la seule salariée des sociétés du groupe [U] et souligne qu'elle a été relaxée par le tribunal correctionnel.
Me [Z] ès-qualités fait observer que la société Groupe [U] n'avait aucun salarié et que Mme [U] ne bénéficiait pas d'un contrat de travail. Elle ajoute que dans l'hypothèse où la cour jugerait du contraire, elle était la seule salariée de la société Groupe [U], et qu'en tout état de cause, elle n'a pas été la seule salariée des sociétés du groupe à voir contester l'existence de son contrat de travail.
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap
L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il est acquis que Mme [U] est la soeur de M. [G] [U] et qu'elle est une femme. Pour autant, elle ne communique strictement aucun élément au soutien de ce moyen, notamment aucun élément de comparaison avec qui que ce soit dans la mesure où elle prétend avoir subi un sort différent des autres, étant relevé de surcroît que l'extrait du dossier de demande d'ouverture de liquidation judiciaire de la société Groupe [U] (pièce 15 liquidateur) mentionne que cette société n'employait qu'un seul salarié, ce dont il se déduit qu'il s'agissait d'elle-même et qu'aucune comparaison n'était donc possible.
Par conséquent, aucune discrimination n'étant caractérisée, Mme [U] doit être déboutée de sa demande subséquente de dommages et intérêts et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Mme [U] fait valoir que 'l'ensemble de (ses) arguments évoqués pour la discrimination sont applicables pour caractériser l'exécution déloyale du contrat de travail.'
Me [Z] ès-qualités conteste toute exécution déloyale du contrat de travail et ajoute que ni le principe, ni le quantum des dommages et intérêts ne sont justifiés.
L'article L.1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Les arguments de Mme [U] n'étant pas étayés au titre de la discrimination, ils ne le sont pas davantage au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande subséquente de dommages et intérêts et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le rectification de l'attestation de salaire, les déclarations auprès de l'organisme de prévoyance et les documents de fin de contrat
Au vu de ce qui précède, il convient d'enjoindre à Me [Z] ès-qualités de procéder aux déclarations nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance compétent, et de remettre à Mme [U] une attestation de salaire rectifiée prenant en compte son salaire à compter de décembre 2019, étant précisé que 'le maintien des salaires de Mme [U] durant sa période d'arrêt maladie' n'a pas lieu d'être fixé au passif de la liquidation dans la mesure où cette demande est subsidiaire à un hypothétique refus de prise en charge par l'organisme de prévoyance et où la salariée ne fonde sa demande sur aucun texte.
En outre, il convient d'enjoindre à Me [Z] ès-qualités de remettre à Mme [U] les documents de fin de contrat, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.
Le jugement est infirmé de ces chefs.
Sur les intérêts
En application des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société Groupe [U] a arrêté le cours des intérêts légaux.
Sur la garantie du CGEA-AGS de Rennes
Le présent arrêt doit être déclaré commun et opposable au CGEA de Rennes dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [U]. Me [Z] ès-qualités est condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros qui vaudra pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Me [Z] ès-qualités qui succombe à l'instance est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement rendu le 21 mai 2021 par le conseil de prud'hommes du Mans sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] [U] de ses demandes de dommages et intérêts distincts pour retard dans le paiement des salaires, de dommages et intérêts pour discrimination, et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
DIT que la relation liant Mme [L] [U] à la Sarl Groupe [U] s'analyse en un contrat de travail ;
FIXE la créance de Mme [L] [U] au passif de la Sarl Groupe [U] aux sommes suivantes :
- 9 800,99 euros brut au titre des salaires de janvier et février 2020 ;
- 980,10 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 9 603,46 euros brut à titre de congés payés ;
- 5 979,04 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
RAPPELLE qu'en application des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société Groupe [U] a arrêté le cours des intérêts légaux ;
ENJOINT à la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] de procéder aux déclarations nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance compétent, et de remettre à Mme [L] [U] une attestation de salaire rectifiée prenant en compte son salaire à compter de décembre 2019 ;
ENJOINT à la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] de remettre à Mme [L] [U] les documents de fin de contrat, ce sans astreinte ;
DECLARE le présent arrêt commun et opposable à l'association UNEDIC délégation AGS-CGEA de Rennes dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code ;
CONDAMNE la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] à payer à Mme [L] [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui vaudra pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
DEBOUTE la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées en première instance et en appel ;
CONDAMNE la Selarl SBCMJ, prise en la personne de Me [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Groupe [U] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN